L'action de grâces.
Faire passer dans sa vie le dogme du péché originel ne conduit pas à désespérer, mais à rendre grâces. Plus l’expérience spirituelle pèse combien le péché détourne de Dieu, source unique de toute vie, plus elle saisit que l’existence, même physique, et à plus forte raison intellectuelle et morale, ne peut être que le fruit de la miséricorde et de la longanimité divines. Si rien de la création n’échappait à l’homme en Adam, puisque Dieu l’en avait fait seigneur et maître, rien n’aurait dû demeurer après qu’il eût rompu ses liens avec le Créateur. Lorsque Yahvé le menaçait de mort s’il touchait à l’arbre défendu, il ne lui proposait pas une punition ayant avec la faute une relation purement extérieure : la sanction s’identifiait à la transgression. Car refuser d’obéir à Dieu, c’est se couper de la vie, c’est aller vers la mort. Le Créateur n’a pas eu à punir Adam, c’est ce dernier qui s’est donné à lui-même la mort, qui l’a fait entrer dans le monde et qui aurait dû, normalement, consommer la destruction de l’univers créé pour lui. Mais puisque le retour au néant ne s’est pas effectué, c’est que Dieu n’a pas voulu que le péché atteigne à ses conséquences ultimes ; ou plutôt, à la logique inexorable du péché qui devra faire son œuvre, il en a ajouté une autre, celle de la promesse, et il nous a communiqué à nouveau sa vie. Si donc, prenant conscience de notre péché en Adam, de son ampleur, de l’effet universel qu’il aurait dû avoir, nous constatons pourtant que nous sommes encore vivants, nous ne pouvons pas ne pas être étonnés et ne pas reconnaître que nous existons par une grâce surabondante. Le corrupteur universel n’a pas réussi dans son entreprise ; c’est donc que le second Adam, Rédempteur universel, a déjà triomphé en toutes choses.
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