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Jean Sulivan

  • L'exode n'en finit pas

    147. (...) Dieu choisit ce qui est humilié en exil. Il intervient pour aider les pauvres, ouvre le passage à travers la mer, accompagne, nourrit et abreuve, éclaire dans le désert jusqu'à la terre promise. L'Eglise est au service des pauvres. Le peuple chrétien est en marche. L'exode n'en finit pas. Sa tentation est toujours de se fabriquer un " veau de métal fondu ". Dieu est le feu du buisson ardent, qui dépouille.

    La [...] Bible nous dit le cheminement d'hommes vivants pécheurs et saints, perdus et sauvés, joyeux et désespérés, révoltés et fidèles. Elle épouse toutes les contradictions humaines dans la discontinuité de l'expérience.

    Les personnages bibliques ne sont pas fixés dans la foi sur une  route balisée. Ainsi David, dans les psaumes, ne cesse de chanter le bonheur de se tenir dans la loi divine. Et cependant il l'oublie et désespère de "redresser son chemin". Deux David s'entrecroisent : celui qui s'avance dans la lumière, allègre et comblé ; celui qui s'effondre, " égaré comme un troupeau perdu", humilié avant de retrouver la vie. " Il boit au torrent, alors il redresse la tête". Le David réel est fait de foi, de désespérance, de douleur et de joie. Le David fidèle n'a pas de modèle : il n'obéit pas à des ordres.

    Et de même Jésus, nous commençons à mieux savoir qu'il n'est pas fixé dans les images organisées pour les dévotions. A peine né il prend place parmi les enfants voués au génocide, exilé en Egypte, mène une vie privée à Nazareth, à peine rompue lors du furtif éclat parmi les Docteurs de la Loi, jusqu'à ce qu'il se 148. sépare et se lève, toujours en marche de la Galillée en Judée (...)

    Jean Sulivan - L'exode - Cerf, 1988 - ISBN 2-204-02895-9 (première édition Desclée de Brouwer 1980)

    http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/BOOK/sulivan-j/exode,943271.aspx

  • le pouvoir crucifié

    144. (...) Le pouvoir en Eglise ne peut qu'être crucifié, sans cesse déchiré, renoncé. Mais les hommes d'Eglise disposent d'une autre force : ils ont l'autorité que leur donne la parole, le sacrement et leur propre maîtrise. Cette autorité-là ne se peut exprimer que de façon paradoxale, à contre-courant du pouvoir mondain. Sa source est dans les Evangiles. Notamment en Marc chapitre 10 versets 41 à 45. Ce sont des paroles qui fulgurent en signifiant à jamais tout ce qu'il y a de spirituellement archaïque dans notre mentalité. Tout comme le lavement des pieds, quoique devenu rite, spectacle et folklore, est les geste symbolique du retournement spirituel.

     

    Jean Sulivan - L'exode - Cerf, 1988 - ISBN 2-204-02895-9 (première édition Desclée de Brouwer 1980)

    http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/BOOK/sulivan-j/exode,943271.aspx

  • Les délégués de nos démissions

    135. (...) L'anthropologie contemporaine a mis en évidence, quoique sur le mode idéologique, ce que Valéry et Malraux avaient depuis longtemps fortement exprimés : les sociétés et cultures, toutes les créations des hommes sont bâties contre la mort. Les individus passent, trépassent, tandis que les traditions, les lois, les villes demeurent, matrices pour chaque génération qui à son tour travaille à la muraille contre le 136. temps. Ainsi se crée une sorte d'éternité dans la dérive : un royaume à la fois nécessaire et d'illusion qui masque la faille irrémédiable. Il faut cacher la mort, ou la travestir en cérémonie, ce qui est la même chose. Car elle est dissolvante en relativisant tout projet comme toute éloquence ; car elle est scandaleuse parce qu'elle enlève toute prise aux pouvoirs. Pour cela sans doute que Engels, Feuerbach, Marx sont d'une extrême retenue à son sujet, tout comme les doctrinaires politiques de ce temps. C'est qu'elle perturbe toute dialectique. Il est toujours à craindre que l'humour ou la foi opèrent une distanciation. Il importe que les individus qui passent et trépassent soient sérieux, prennent  au sérieux le discours dominant pour oeuvrer à l'entreprise nécessaire et d'illusion. Qu'ils refoulent leur angoisse au moins jusqu'à la retraite. Ce ne sera plus qu'un jeu d'enfant d'utiliser la masse électorale  qu'ils représentent. Les hommes du pouvoir sont là, délégués de la Grande Muraille, nos serviteurs, c'est-à-dire les délégués de nos démissions, chargés de soumettre les citoyens au projet et à leur ambition qui se cache dedans.

    Beaucoup de candidats pour l'emploi. Fameux remède contre le temps, les morsures de la peur. Pour cela qu'on statufie les hommes de gouvernement : ils se sont laissés détruire pour nous. Quand un homme d'action, qui détient quelque autorité vous dit : " Moi, je ne pense jamais à la mort ", c'est que la mort l'habite et fait son oeuvre à travers lui, poussé qu'il est comme une balle dans le canon d'un pistolet. Ou s'il a quelque conscience de la béance irréparable, craignez qu'il ne devienne l'instrument docile de 137. l'orgueil, de la vanité, c'est-à-dire de la mort, en laminant les hommes vivants. 

     

    Jean Sulivan - L'exode - Cerf, 1988 - ISBN 2-204-02895-9 (première édition Desclée de Brouwer 1980)

    http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/BOOK/sulivan-j/exode,943271.aspx

  • le christianisme libérateur

    93. (...) un des symptômes majeurs de ce temps est que la libération des hommes passe par l'athéisme. C'est donc que la religion apparaît comme une servitude. La foule des petits et des pauvres qui attendent les miracles ; toute la ferveur des humbles ne peut cacher ce fait. C'est donc que le Dieu adoré et aimé par de nombreux croyants, créateur de liberté et d'amour est tout autre chose qu'un libérateur. Tout cela n'est pas seulement négatif, il est vrai. Les croyants sont ainsi contraints à s'interroger sur le Dieu qu'ils adorent, sur l'annexion qu'ils opèrent 94. pour des fins qui sont leurs. (...)

    95. Le christianisme deviendra libérateur et s'opposera spontanément à tous les faux impértaifs politiques et économiques qui détruisent les hommes dans la mesure où centré sur le coeur de la foi il se libèrera lui-même du dogmatisme et du moralisme bureaucratique et cessera de voir dans la singularité et la diversité des hommes une menace. Ainsi par sa seule densité spirituelle il pourra créer une communion aux frontières moins visibles mais plus réellement universelle, courant ainsi le risque du St Esprit qui unifie.  

     

    Jean Sulivan - L'exode - Cerf, 1988 - ISBN 2-204-02895-9 (première édition Desclée de Brouwer 1980)

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  • le malheur de la conscience fabriquée

    89. Quand Dieu devient insipide et ne dit plus rien c'est peut-être que l'espace virtuel va s'élargir. Votre chance fut de trouver Dieu mortellement ennuyeux dès votre jeunesse. Longtemps vous vous efforçâtes d'avoir l'air de l'aimer afin de complaire à ceux de votre clan. On a peur de blesser et l'on a un coeur faible.

    Votre chance en même temps fut d'avoir entendu certains versets des évangiles par la voix de votre mère : ils donnaient du bonheur, à l'instant même. Et d'avoir été touché par le Dieu de Pascal, de Jean de la Croix, de Bérulle, de Nietzsche dont les imprécations vous donnaient le désir d'adorer. Vous vous consoliez de répéter des formules claires et stériles du prosélytisme ordinanire en vous abreuvant en secret à ces sources. Tandis que la proximité des petits et des pauvres qui parlent spontanément la langue mystique à 90. travers n'importe quel langage, vous confortait dans votre préférence. Jusqu'à ce que vous vous mîtes quelque peu à l'écart des spécialistes de l'endoctrinement, pour tenter de réconcilier dans l'écriture ce qui était déchiré dans l'expérience sociale. D'une part un langage formel, abstrait, répétitif, psittaciste qui ne tenait que par la soumission ; d'autre part des morceaux de textes bibliques débranchés du souffle qui n'étaient là que pour justifier. Très tôt vous sûtes que le pire fidéisme n'était pas toujours où l'on pensait : il était dans l'attachement aveugle à des formules nécrosées qui, sous couvert de fidélité, affirmaient des croyances étrangères à la vie. (...)

      

    Jean Sulivan - L'exode - Cerf, 1988 - ISBN 2-204-02895-9 (première édition Desclée de Brouwer 1980)

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  • Deux courants

    74. (...) Deux voies s'offrent au christianisme. Faisons-nous didactique en simplifiant provisoirement. La voie de puissance. Elle fait appel à un savoir, à des lois, à des ferveurs de compensation. Convaincre, entraîner : tout est là. D'où l'importance du spectaculaire qui réchauffe des croyances généralement sèches et catéchistiques. C'est la voie gréco-latine et occidentale.  75. D'autre part la voie d'intériorité. Elle branche plus directement sur le mystère chrétien. C'est la voie palestinienne et sémitique. L' adhésion se dit non dans un langage abstrait mais symbolique d'expérience et de participation. Elle va avec un sens du secret, la méfiance envers ce qui paraît, proclame, entraîne selon les lois de physique psychologique.

    Ces deux courants sont une réalité de l'Occident. Le premier est constitué par la pensée dominante. Il n'exclut pas l'intériorité, il peut même la prôner à condition qu'elle soit au service de "l' establishment " [remarque du rédacteur de ce blog  : je me suis permis de prendre ce mot plutôt que celui " d'établissement" utilisé par Sulivan]. Il se protège ainsi contre toute surprise. Ses ferveurs sont strictement cadrées et somme toute utilitaires. Le second minoritaire croit que l'Eglise elle-même doit consentir à se laisser bousculer par l'événement à travers lequel se manifeste le Saint-Esprit. L'absurde est que ces deux tendances épuisent leurs forces à se neutraliser l'un l'autre, comme il arrive dans les majorités politiques, en apportant ainsi la preuve qu'ils sont plus conduits par des opinions que par la foi.  Si les hommes de liberté spirituelle doivent reconnaître qu'une Eglise sans corps et sans autorité ne peut que se détruire, l'Eglise officielle doit reconnaître que sans le levain anarchique qu'est l'Evangile elle se fige. La foi devient alors une sorte de patriotisme catholique qui tourne sur lui-même avec ses principes en forme de slogans, avant tout soucieux de son image de marque. (...)

    Jean Sulivan - L'exode - Cerf, 1988 - ISBN 2-204-02895-9 (première édition Desclée de Brouwer 1980)

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  • Parole d'éveil

    65. Christianisme. Le mot divise : comment le contraire serait-il possible ? Il centre tout sur Jésus-Christ et signifie deux choses non contradictoires mais en tension incessante. D'un côté une parole d'éveil, de liberté et de départ ; de l'autre une doctrine, des lois, des pressions sociologiques.

    A quel point Dieu a été arraché à la tyrannie des mécanismes élémentaires à travers Abraham, Jacob, Job, les prophètes pour se révéler le Dieu des Béatitudes et du Magnificat. Pédagogie, lente illumination, réponse à l'attente ou à la protestation des hommes, tout au long de l'histoire biblique jusqu'à Osée, Amos où se dit clairement la tendresse divine et sa préférence pour les petits et les opprimés.

    Croire possible de se servir de l'Ancien Testament pour en dégager des lois, un modèle de civilisation est 66. une aberration malgré la sincérité de son auteur que beaucoup de chrétiens n'ont pas vue dans Le Testament de Dieu de Bernard-Henri Lévy, parce qu'ils baignent eux-mêmes dans les idéologies. Le message biblique n'a de sens que dans une écoute et une expérience spirituelle. Non comme système social ou politique.

    Jésus prend la suite des prophètes, aggrave la déraison au nom d'une raison supérieure, inverse l'ordre naturel des choses. Comment le fait-il ? Non par des idées nouvelles, un projet de société. Les paradoxes évangéliques ne visent pas d'abord le monde, mais chaque conscience particulière.

    Jean Sulivan - L'exode - Cerf, 1988 - ISBN 2-204-02895-9 (première édition Desclée de Brouwer 1980)

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  • L'Evangile n'est pas fait pour dominer

    59. (...) Les débats d'opinion, au hasard des saisons de la pensée, détournent de cette vérité que la foi ne se défend pas, qu'elle a d'abord à pousser dans son être, en créant son espace... Comme si la terre entière devait être chrétienne ! Le paganisme est le fond naturel. Qui n'a senti sa virulence en lui-même ne saurait être réellement catholique. L'Evangile n'est pas fait pour dominer le monde : il met le monde en jugement avec l'épée de la parole. Le nouveau paganisme ne manque pas de santé. Il faut l'écouter. Il pourrait nous recentrer sur une rigueur. Il ne représente un péril extrême que pour un christianisme mou, fusionniste et confusionniste, tantôt bêlant d'égalitarisme ici, tantôt soucieux de son impérialisme là, opportuniste, globalement embarqué, malgré tant de prophètes baillonnés et tant de communautés marginalisées, dans les impostures démocratiques qu'il craint de dénoncer, et qui donne depuis quelques décennies, notamment par ses hommes politiques les plus en vue, au sourire usé par l'ambition et les compromis un spectacle dérisoire. 60. La contestation la plus fondamentale pourrait nous aider à retrouver une âme, un style. (...)

    Jean Sulivan - L'exode - Cerf, 1988 - ISBN 2-204-02895-9 (première édition Desclée de Brouwer 1980)

  • Pépites

    50. (...) Les "intégrismes" de toutes natures élargissent le désert spirituel d'Occident. (...)

    52. (...) L'obéissance seule n'a jamais converti personne. On ne peut que proposer dans la liberté : sinon on révèle qu'on est victime soi-même du mal qu'on veut guérir. (...)

    53. (...) Le pardon peut devenir subtile vengeance. L'amour tyrannie. Comment entendrait-il la parole qui invite à sortir puisqu'il a déjà tout accompli. Ses clefs sont au fond du puits. (...)

    54. (...) Qu'on peut aimer chrétiennement pour échapper à la déchirure de l'amour. Qu'on peut servir les pauvres pour s'assurer de sa supériorité. (...)

    68. A l'origine de la foi il y a l'intuition du retournement de toutes choses (...)

    79. Dès la Bible l'athéisme se manifeste :

    " L'insensé a dit dans son coeur : il n'y a pas de Dieu. " [psaume n° ?]

    81-82. Votre attachement au Christ n'impressionne que vous-mêmes et ceux de votre cercle. Car s'attacher c'est être avec lui en ce lieu de détachement, crucifiant qui le rend présent à autrui, à l'ennemi qui vous refuse, à l'incroyant. Consentir à l'exode, laisser bouger sa vie, avoir confiance, c'est à dire foi.

    83-84. Au coeur du christianisme, contre toutes les idées du monde moderne, contre toutes les preuves que sont l'exploitation, l'écrasement, l'insignifiance des individus de la fourmilière, il y a la révélation de la valeur infinie, unique de chaque créature : donc une source de liberté et de grâce pour tout être humain, croyant ou non, de toutes cultures; l'invitation "révolutionnaire" pour chacun à ne ressembler qu'à lui-même et à nul autre.

    86. (...) le monde et l'Evangile sont inconciliables. Je ne prie pas pour le monde.

     

    98-99.Le "deviens ce que tu es" est devenu : Deviens l'homme que tu dois être pour être considéré. On te surveille. Réalise le modèle. C'est ta seule chance pour passer les tests, l'entretien qui va décider de l'embauche. Et capital ! oublie, mon enfant, le refoulement qu'il t'a fallu opérer, et que tu es malheureux malgré tous les plaisirs que te propose la société en échange de ta joie intime.

    99. Le tragique n'est pas qu'un homme meurt et que retombent à la nuit un regard unique, une parole nourrie de l'expérience d'une vie ; le tragique n'est surtout pas qu'il n'ait rien su de l'atome ou des quasars : le tragique est qu'un homme puisse mourir sans avoir eu la moindre idée ni la moindre expérience de la richesse inouie de l'infini du dedans. Les Eglises pourraient aider beaucoup d'hommes à se tenir debout.

    101. N'aggravez pas l'imposture des dictatures et des démocraties douces, en les justifiant pour ainsi dire, qui font régner un ordre prétentieux et puéril qui n'est supportable qu'à cause du confort, de l'argent, de mille gadgets, tout ce qui fait vivre hors de soi.

    102. La foi n'est ni publique ni collective. Elle ne peut que germer dans l'individuel. C'est après qu'elle se manifeste publiquement. Et si l'expression collective peut éveiller la foi : c'est un individu qui la reçoit.

    105. Tout ce qui prétend agir sur des masses pour déclencher des réflexes augmente les ténèbres du monde en assimilant la foi au fonctionnement des opinions.

    167. Jusqu'à ce que l'écriture-parole se soit mise à voir pour moi j'aurai vécu dans la cage des mots non sans un certain bonheur : celui du prisonnier qui sait que les portes vont s'ouvrir. Notamment Marc et Jean me parlaient à l'esprit et au coeur, comme m'atteignaient Nietzsche, Chestov, Rilke qui déblayaient, St Jean de la Croix, Eckhart. Quelle dilatation. Certes l'esthétique avait beaucoup part, mais j'adhérais à la substance des mystères chrétiens en Eglise.

    171. Les hommes du siècle souffrent de prière refoulée.

    185. Les hommes qui ont perdu contact avec leur murmure ou qui le confondent avec les mots du mental-social de fabrication sont des malheureux. Malheur à vous, scribes et pharisiens... "Gnomes aveugles, quelle sève allez-vous recueillir dans ces os secs ?" ainsi que s'exprimait Lin-Tsi devant ses disciples, il y a un millénaire.

    187. Un jour vous vous trouverez devant vos télés muettes et aveugles, disant  : qui nous rendra notre âme ? Vos téléphones à écran, reliés aux banques de données ne sonneront plus. Les ordinateurs de poche ne serviront plus à rien. Rien ne masquera plus l'ennui qui vous aspire.

    204. Tout langage est prière, pont sur l'abscence. Le Livre est toujours à lire, à écouter, à arracher à l'interprétation. Abrupt à chaque fois. Sinon il n'y a qu'arrêt.

    204. " L'homme qui n'est mu que par des affaires extérieures, dit Eckhart, montre qu'il est mort. On vit que dans la mesure où l'on agit par un mouvement intérieur." Mais il ne faut pas trop savoir ce qu'est Dieu.  

    214. Les hommes de ce temps, comme de tous les temps, espèrent une parole personnelle qui les invite "durement" à se situer par rapport à l'inhumanité du monde, aux prétendues fatalités, à l'argent, au bruit des opinions, aux prétentions des pouvoirs qui fabriquent leur information, leur culture, leur jeunesse, leurs retraités, leurs vieillards, leurs électeurs.

     

    Jean Sulivan - L'exode - Cerf, 1988 - ISBN 2-204-02895-9 (première édition Desclée de Brouwer 1980) 

    http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/BOOK/sulivan-j/exode,943271.aspx

     

     

  • ce qui évangélise

    44. (...) L'Evangile, donc l'Eglise ne peuvent que se faire des ennemis. L'Esprit du monde est à l'inverse de l'esprit de Jésus. Ils ont haï Jésus-Christ. Mais quand l'esprit du monde se mélange à l'esprit de foi cela produit une doctrine molle, une parole tiède qui suscitent aussi bien le refus de ceux qui haïssent le Galiléen que la répulsion de ceux qui pourraient être sensibles à sa voix. Prétendre qu'il suffit de croire et d'aimer est un leurre. Ce ne sont ni les croyances ni les pensées quantitatives et disputantes ni l'amour déclaré qui évangélisent et révèlent : mais leur qualité d'être, 45. quand elles naissent du dedans, d'un accord de l'esprit et de la chair en même temps que d'une grâce.   Si au lieu de tant chercher à produire des sentiments, des mots, des actes en misant sur le fonctionnement des mécanismes psychosociologiques les Eglises avaient visé la rigueur dans l'assentiment intime, elles eussent moins favorisé la complaisance de la "religion fonctionnelle". Peut-être eussent-elles perdu un certain nombre des leurs qu'en apparence, mais elles ne peuvent que "se battre" sur deux fronts : contre la prétention des grands qui exigent et régentent et la trop facile soumission des petits qui suscitent de faux ennemis à la foi ; contre leurs vrais ennemis qui ont choisi l'esprit du monde. (...)

    Jean Sulivan - L'exode - Cerf, 1988 - ISBN 2-204-02895-9 (première édition Desclée de Brouwer 1980)

    http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/BOOK/sulivan-j/exode,943271.aspx