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intégrisme

  • Pépites

    50. (...) Les "intégrismes" de toutes natures élargissent le désert spirituel d'Occident. (...)

    52. (...) L'obéissance seule n'a jamais converti personne. On ne peut que proposer dans la liberté : sinon on révèle qu'on est victime soi-même du mal qu'on veut guérir. (...)

    53. (...) Le pardon peut devenir subtile vengeance. L'amour tyrannie. Comment entendrait-il la parole qui invite à sortir puisqu'il a déjà tout accompli. Ses clefs sont au fond du puits. (...)

    54. (...) Qu'on peut aimer chrétiennement pour échapper à la déchirure de l'amour. Qu'on peut servir les pauvres pour s'assurer de sa supériorité. (...)

    68. A l'origine de la foi il y a l'intuition du retournement de toutes choses (...)

    79. Dès la Bible l'athéisme se manifeste :

    " L'insensé a dit dans son coeur : il n'y a pas de Dieu. " [psaume n° ?]

    81-82. Votre attachement au Christ n'impressionne que vous-mêmes et ceux de votre cercle. Car s'attacher c'est être avec lui en ce lieu de détachement, crucifiant qui le rend présent à autrui, à l'ennemi qui vous refuse, à l'incroyant. Consentir à l'exode, laisser bouger sa vie, avoir confiance, c'est à dire foi.

    83-84. Au coeur du christianisme, contre toutes les idées du monde moderne, contre toutes les preuves que sont l'exploitation, l'écrasement, l'insignifiance des individus de la fourmilière, il y a la révélation de la valeur infinie, unique de chaque créature : donc une source de liberté et de grâce pour tout être humain, croyant ou non, de toutes cultures; l'invitation "révolutionnaire" pour chacun à ne ressembler qu'à lui-même et à nul autre.

    86. (...) le monde et l'Evangile sont inconciliables. Je ne prie pas pour le monde.

     

    98-99.Le "deviens ce que tu es" est devenu : Deviens l'homme que tu dois être pour être considéré. On te surveille. Réalise le modèle. C'est ta seule chance pour passer les tests, l'entretien qui va décider de l'embauche. Et capital ! oublie, mon enfant, le refoulement qu'il t'a fallu opérer, et que tu es malheureux malgré tous les plaisirs que te propose la société en échange de ta joie intime.

    99. Le tragique n'est pas qu'un homme meurt et que retombent à la nuit un regard unique, une parole nourrie de l'expérience d'une vie ; le tragique n'est surtout pas qu'il n'ait rien su de l'atome ou des quasars : le tragique est qu'un homme puisse mourir sans avoir eu la moindre idée ni la moindre expérience de la richesse inouie de l'infini du dedans. Les Eglises pourraient aider beaucoup d'hommes à se tenir debout.

    101. N'aggravez pas l'imposture des dictatures et des démocraties douces, en les justifiant pour ainsi dire, qui font régner un ordre prétentieux et puéril qui n'est supportable qu'à cause du confort, de l'argent, de mille gadgets, tout ce qui fait vivre hors de soi.

    102. La foi n'est ni publique ni collective. Elle ne peut que germer dans l'individuel. C'est après qu'elle se manifeste publiquement. Et si l'expression collective peut éveiller la foi : c'est un individu qui la reçoit.

    105. Tout ce qui prétend agir sur des masses pour déclencher des réflexes augmente les ténèbres du monde en assimilant la foi au fonctionnement des opinions.

    167. Jusqu'à ce que l'écriture-parole se soit mise à voir pour moi j'aurai vécu dans la cage des mots non sans un certain bonheur : celui du prisonnier qui sait que les portes vont s'ouvrir. Notamment Marc et Jean me parlaient à l'esprit et au coeur, comme m'atteignaient Nietzsche, Chestov, Rilke qui déblayaient, St Jean de la Croix, Eckhart. Quelle dilatation. Certes l'esthétique avait beaucoup part, mais j'adhérais à la substance des mystères chrétiens en Eglise.

    171. Les hommes du siècle souffrent de prière refoulée.

    185. Les hommes qui ont perdu contact avec leur murmure ou qui le confondent avec les mots du mental-social de fabrication sont des malheureux. Malheur à vous, scribes et pharisiens... "Gnomes aveugles, quelle sève allez-vous recueillir dans ces os secs ?" ainsi que s'exprimait Lin-Tsi devant ses disciples, il y a un millénaire.

    187. Un jour vous vous trouverez devant vos télés muettes et aveugles, disant  : qui nous rendra notre âme ? Vos téléphones à écran, reliés aux banques de données ne sonneront plus. Les ordinateurs de poche ne serviront plus à rien. Rien ne masquera plus l'ennui qui vous aspire.

    204. Tout langage est prière, pont sur l'abscence. Le Livre est toujours à lire, à écouter, à arracher à l'interprétation. Abrupt à chaque fois. Sinon il n'y a qu'arrêt.

    204. " L'homme qui n'est mu que par des affaires extérieures, dit Eckhart, montre qu'il est mort. On vit que dans la mesure où l'on agit par un mouvement intérieur." Mais il ne faut pas trop savoir ce qu'est Dieu.  

    214. Les hommes de ce temps, comme de tous les temps, espèrent une parole personnelle qui les invite "durement" à se situer par rapport à l'inhumanité du monde, aux prétendues fatalités, à l'argent, au bruit des opinions, aux prétentions des pouvoirs qui fabriquent leur information, leur culture, leur jeunesse, leurs retraités, leurs vieillards, leurs électeurs.

     

    Jean Sulivan - L'exode - Cerf, 1988 - ISBN 2-204-02895-9 (première édition Desclée de Brouwer 1980) 

    http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/BOOK/sulivan-j/exode,943271.aspx