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christ

  • Chemin vers Pâques (4)

    [19]

    L'interprétation patristique de la révélation de la création à l'image rejoint d'ailleurs ainsi l'expression sans doute la plus centrale du Mystère du salut chez les Pères, à savoir que "Dieu s'est fait homme afin que l'homme puisse devenir Dieu", selon l'intuition de saint Irénée, reprise et exploitée par la plupart des Pères grecs, et qui apparaît comme l'axe de toute la théologie orientale. Selon cette expression du mystère chrétien également, le Dessein de Dieu a pour but la divinisation de l'homme. En créant l'homme a son image, Dieu préparait déjà l' Incarnation qui seule permettrait la déification de l'homme. La création à l'image était une pierre d'attente pour le mystère du Christ qui est le mystère de l'incarnation de Dieu dans son icône vivante, mais le mystère du Christ Lui-même n'a été voulu qu'en vue de l'achèvement de l'homme dans la divinisation. 

    Ainsi l'image prédestine l'homme à la divinisation. Et la divinisation est conçue par les Pères d'une façon extrêmement [20] réaliste. Ceci apparaît en particulier dans leur refus d' entrer ici dans les voies de la pensée hellénique.

    Selon cette pensée, l'homme deviendra dieu pour  autant qu'il vivra à la manière des dieux ; mais une telle destinée est seulement la conséquence de la parenté naturelle qui existe entre lui et eux : l'homme est de race divine, du moins par la partie spirituelle de son être ; il n'y a pas de distinction radicale entre le mode d'être divin et le mode d'être humain, ni donc de véritable transcendance de Dieu par rapport au monde auquel l'homme appartient : cette distinction et cette transcendance n'ont été mises en lumière que grâce à la révélation du mystère de la création, inconnu en dehors de la Tradition judéo-chrétienne ; "devenir dieu" selon la pensée grecque n'a donc rien de paradoxal : cela ne dépasse pas ce que l'on pourrait appeler un changement de condition d'existence, cela est accessible à l'homme et ne dépend guère que de sa volonté.

    Il en va tout autrement chez les Pères. Pour eux, en effet, la distance entre le Créateur, le seul vrai Dieu, et le monde créé, auquel l'homme tout entier, corps et âme, appartient est infinie. Dans ce contexte, l'homme, laissé à ses propres forces, apparaît foncièrement incapable d'accéder à la divinisation. En réalité, le terme même de "divinisation" revêt une signification nouvelle et vraiment inouïe ; maintenant, il s'agit proprement d'un mystère que l'homme ne pourrait même pas soupçonner sans le secours de la Révélation. Un mystère : car l'homme, pure créature, n'est par nature qu'un être éphémère et corruptible, et il ne peut être divinisé qu'en accédant au mode d'être de Celui qui seul est l'Etre nécessaire et incorruptible. "Devenir Dieu", alors, ce n'est plus se hisser jusqu'à la compagnie et à la vision des dieux, c'est - et l'on entrevoit la refonte radicale de l'être créé que cela suppose - participer à l'Etre incréé, c'est devenir, par participation et par [21] grâce mais tout à fait réellement, le Dieu unique et trois fois Saint Lui-même."

                                                                             A suivre...

     

     

    Claude Richard - Il est notre Pâque - Cerf , 1980  

    Claude Richard a été abbé de l'abbaye cistercienne Notre-Dame de Timadeuc, près de Rohan.

  • A propos du dernier livre de Frédéric Lenoir

    Le dernier numéro du magazine "Le Monde des religions" de novembre-décembre 2010, pages 78 et suivantes, retranscrit le débat entre  Frédéric Lenoir (auteur d'un livre paru en avril 2010 et intitulé "Comment Jésus est devenu Dieu") et le théologien Bernard Sesboüé qui explique pourquoi il a publié le " Christ, Seigneur et Fils de Dieu" :

    Bernard Sesboüé : " J'ai d'abord voulu écrire ce livre en réaction à la médiatisation du vôtre [celui de Frédéric Lenoir]. J'ai trouvé cette dernière à la fois un peu facile et agressive, car la caricature de deux de vos affirmations y était mise en relief. Un : "Jésus n'a jamais prétendu être Dieu. Deux : s'il n'y avait pas eu les empereurs au IV ème siècle, le christianisme serait un peu vieille lune. Cela m'a rappelé le Da Vinci Code (...) "

    Voilà tout est dit. Je vous invite à lire cet échange très intéressant dans ce magazine.

    Personnellement je retiendrai de cet article la remarque (p.81)  du P. Sesboüé : " Le propre de la foi chrétienne consiste non pas à annoncer que Dieu existe mais à annoncer qu'il s'intéresse à l'homme ; que Dieu se penche sur lui et d'une manière particulièrement émouvante sous la forme d'un homme, qui affronte la condition humaine jusqu'à la mort. Au coeur de la foi chrétienne, il y a donc cette conviction que le Christ est le visage de Dieu. Voyant le Christ, nous voyons ce que c'est qu'être Dieu. Et à travers lui, nous sommes en communion avec Dieu. Si vous avez raison, et que Jésus n'est pas Dieu, l'édifice de la foi, l'édifice de notre communion avec Dieu s'effondre. Si Jésus n'est pas vrai Dieu, alors moi qui suis en communion avec Jésus, je ne suis pas en communion avec Dieu."

    Effectivement, chaque mot pèse très lourd quand on aborde la christologie. Et les conséquences sont infinies pour la foi des chrétiens.

    Chacun est libre d'écrire sa vie de Jésus-Christ mais il doit préciser que sa réflexion est strictement personnelle et n'est en aucun cas la Parole de l'Eglise sur le Christ. Seulement la parole d'un homme, en recherche.    

     

    Références des livres :

    "Christ, Seigneur et fils de Dieu" - Bernard Sesboüé, éd. Lethielleux 2010.

    autres livres du P. Sesboüé :

    http://search.alapage.com/search?a=15641648-0-0&s=bernard+sesbo%C3%BC%C3%A9&adv=0&x=54&y=3

    "Comment Jésus est devenu Dieu" - Frédéric Lenoir - éd. Fayard 2010

  • Le ciel n'est pas derrière les nuages

    132. Parle-t-on encore du ciel ?

    Dans la prière liturgique, certes, car celle-ci puise aux sources bibliques, et, dans l'Ecriture, sous d'innombrables formes, la vie éternelle, le Royaume, la "patrie" est présente, objet sans cesse proposé à la foi et à l'espérance du chrétien.

    Mais c'est un fait que la prédication accorde au ciel une petite place. On dirait qu'il est trop difficile de mettre sous ce mot quelque chose de précis, de sûr, d'intelligible. On redoute d'avoir à rencontrer ces descriptions vieillottes et enfantines dont s'enchantait l'imagination des anciennes générations.

    Serait-il donc vrai qu'il n'est pas possible de dire pourquoi nous sommes faits, où nous allons, de quoi est faite notre espérance ? Serions-nous devenus comme ceux qui n'ont pas d'espérance, aurions-nous perdu ce dont saint Paul, avec tant d'insistance, nous voulait informés ? Manquerions-nous de cela même qui doit donner à notre prière  son ressort, à nos sacrifices leur compensation ? Le Royaume promis dans les Béatitudes serait-il devenu pour nous un mirage ? Qui pourrait le croire ?

    Que nous soyons plus exigeants pour distinguer le certain du douteux, le vrai de l'imaginaire, c'est bien, mais nous ne pouvons admettre que cette existence nous prive du nécessaire.

    Qu'est-ce donc que le ciel ?

    Les éléments d'une réponse tiennent en peu de mots. Ils n'épuisent pas l'idée. Ils parlent plus à notre intelligence et à notre coeur qu'à notre imagination sensible, mais qui pourrait dire qu'ils ne sont pas nourrissants et capables de créer en nous cette tension vitale qui s'appelle de son vrai nom l'espérance et donne la force, non pas de mépriser le présent - au contraire, - mais, comme disait saint Paul, de n'en rien perdre en le maîtrisant.

    133. Le premier élément de la réponse, quand on écoute la Bible, est indiscutable : le ciel, c'est le Christ. Mourir pour être "avec le Christ", c'est l'aspiration suprême de l'âme de saint Paul, le "meilleur", "de beaucoup le meilleur", que seul l'amour même du Christ lui permet de sacrifier encore pour un temps au bien de ses frères.

    Etre "là où est allé le Christ", c'est ce que le Seigneur met devant les yeux des siens à l'heure où il les quitte. Voir se réaliser enfin ce qui fait, déjà ici-bas, "battre notre coeur" malgré les obscurités présentes, voir ce Christ que "nous aimons sans l'avoir encore vu", c'est ainsi que l'apôtre Pierre regarde avec nous vers l'avenir et nous encourage dans sa première épître.

    Qui pourrait dire que c'est là un objet pour nous inconsistant ? Si nous croyons que le Christ est vivant, qu'il est ressuscité, si nous croyons que là où il est , nous aussi nous serons, alors nous savons ce que c'est que le ciel, et notre espérance a vraiment un contenu pour nous réel et saisissable. Cela n'a rien à voir avec une vision puérile et avec des représentations que nous pourrions juger indignes d'un adulte. Le saut par-dessus la réalité de la mort c'est la main dans la main du Christ que nous le faisons, et ce saut n'est pas un saut dans le vide, car notre coeur, dès ce monde, n'est pas vide du Christ. C'est bien lui qui vit en nous dès maintenant. Tout progrès dans sa connaissance et dans son amour étoffe vraiment en nous et construit notre ciel.

    Et rien n'empêche, tout nous presse au contraire de mieux saisir et pressentir ce que signifie cette communion au Christ, dont l'Esprit est le principe, dont le Père est le terme. Sous l'action de l'Esprit Saint, dans le Christ, nous balbutions ici-bas le nom que le Christ ne cesse de redire au fond de son âme et dont il nous a fait partager le secret, connu de lui seul : le nom de son Père devenu notre Père. 

    La charité que répand en nous l'Esprit  établit ainsi entre notre présent et l'éternité du ciel un lien véritable, une continuité susbstantielle : car la foi et l'espérance passeront, mais " la charité ne passera jamais". Voilà ce que l'Eglise croit quand elle achève son credo sur l'affirmation de la "vie éternelle".              

                               A suivre...

    Gabriel-Marie Garonne - Que faut-il croire ? - Desclée 1967

                        

  • Témoin du Christ

    Etre témoin du Christ dans notre vie, c'est laisser toujours le Christ "passer devant", c'est-à-dire faire passer la foi, l'espérance, la charité avant notre intelligence, nos désirs et nos sympathies ou antipathies. Il faut que la foi soit toujours première et que nous ne croyions pas dans la mesure où nous avons "compris" - ce ne serait plus la foi. La foi, c'est une adhésion au mystère de Dieu parce que Dieu nous a donné sa lumière. Et nous adhérons dans l'obscurité, parce que la lumière de Dieu nous dépasse et excède la capacité naturelle de l'intelligence qui, par le fait même, en est aveuglée. La foi est une adhésion inconditionnelle, parce que nous adhérons à la lumière de Dieu. Nous savons qu'elle n'est pas irrationnelle, mais "super-intelligible". Nous savons que croire, ce n'est pas imprudent, mais "super-prudent"; Il faut donc toujours que la foi passe avant l'intelligence. Autrement, nous retombons dans un humanisme, nous ne sommes pas chrétiens, et nous ne rendons pas témoignage au Christ.

     

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau (t1) - 1 ère édition, 1978. 3 ème tirage : Ed St Paul 2005 pp.153-154 (ISBN : 2-35117-001-6)

  • connaître vraiment Jésus Christ

    Changer sa vie, ce n'est pas changer de peau ni échapper par impossible aux conditionnements de notre personnalité. Être libéré de la culpabilité, ce n'est pas être déchargé de nos responsabilités ni de porter les conséquences de nos actes. Etre libéré de la peur de la mort, ce n'est pas être épargné par toutes les formes de souffrance et d' angoisse. Être confirmé dans la dignité d'une créature en laquelle s'accomplit tout l'univers matériel, ce n'est pas avoir licence d'un orgueil prométhéen ni dispense d'une soumission humble et besogneuse aux lois de la réalité.

    Connaître vraiment Jésus-Christ, c'est laisser le choc en retour de sa prise de distance réagir profondément sur nous. C'est accepter de croire qu'il nous a tant aimés qu'après être mort pour nous, il ait préféré échapper à nos prises sensibles. C'est accepter de croire qu'il est pour nous vie, réponse et lumière, et qu'il nous laisse pourtant patauger dans nos ornières, prier sans succès apparent, chercher sans consolation soudaine et facile. Nous disons vouloir qu'il règne sur le monde, mais la satisfaction que nous attendons de ce triomphe terrestre et la complaisance que l'Église en a parfois tirée lorsqu'elle a cru à certains moments que c'était arrivé sont trop suspects pour que Jésus ne prenne ses distances et ne laisse l'histoire dérouter notre rêve. Nous voulons convaincre les hommes qu'avec lui ils seront tout à fait heureux, qu'ils n'auront plus ni névroses, ni souffrances, ni tristesses, mais ça ressemble trop aux pensées humaines de S. Pierre devant la Passion pour que Jésus ne nous crie: taisez-vous, vous trahissez mon message. (...)

    La distance qu'il prend, c'est par rapport à notre cœur mesquin et grossier ; mais pour celui qui a purifié son cœur selon le conseil des Béatitudes, il s'agit de tout autre chose. La distance se transmue en proximité. « Celui qui m'aime sera aimé de mon Père, et Je l'aimerai et me manifesterai à lui » (Jn 14, 21). « Vous comprendrez alors que je suis en mon Père, et vous en moi et moi en vous » (Jn 14,11) « Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps » (Mt 28,20). Ne peuvent comprendre cela que ceux qui le vivent, par la grâce de l' Esprit. Ma mission est ici de m'exclamer  : ce devrait être nous tous, car tous nous avons reçu l'Esprit. Mais nous ne pouvons vivre ces choses qu'après avoir compris et accepté le jeu dramatique que Jésus est venu jouer chez les hommes et dans notre propre vie. Qu'après avoir accepté d'être touchés par lui en plein cœur de nos passions mal vécues, et de nous être battus avec sa Parole jusqu'à avoir enfin compris qu'il fallait nous faire pauvres pour accueillir son règne, courageux dans la souffrance pour le suivre dans sa Passion, humbles devant la vie et devant les autres pour être glorifiés avec lui.

     Albert-Marie Besnard - Il vient toujours - Cerf 1979 pp. 82-84

  • Est-il le Messie promis ?

    Le Dieu dont Jésus témoigne n'est plus menaçant. Jean annonçait un Dieu qui punit, Jésus, lui, manifeste un Dieu de compassion et de miséricorde. La différence est telle que dans sa prison le Baptiste s'interroge : Jésus est-il vraiment celui que Dieu a promis? est-il l'Attendu? On perçoit à cette interrogation combien Jésus bouleverse les idées reçues. Il se veut le témoin non d'un Dieu qui exige, mais d'un Dieu qui propose ; non d'un Dieu lointain, accessible par le truchement de médiations complexes, telles la Loi ou les coûteux sacrifices du temple de Jérusalem, mais d'un Dieu qui s'invite; non d'un Dieu qui condamne, mais d'un Dieu qui fait grâce, d'un Dieu qui aime et protège toute vie sortie de ses mains. Nous le voyons, dès le début des évangiles tout est dit du Dieu, révélé par Jésus, son Fils. Il apparaît discrètement  au milieu des pécheurs, puis se met en route pour les trouver et les sauver. C'est cette même discrétion que nous allons observer dans son action, où se manifeste la puissance divine, mais sans contrainte. Cette discrétion ne nous présente pas un Dieu faible; tout le paradoxe est là : Dieu se manifeste dans la faiblesse, mais il reste un Dieu fort. Sa force n'est pas celle prônée par les pharisiens, les sadducéens, les esséniens, les violents, ni même par Jean-Baptiste. Il s'agit bien d'un règne qui vient, mais autrement qu'on l'imagine. S'il est un Dieu qui pardonne, il se manifeste au milieu d'un groupe de pécheurs qui se convertissent. S'il est bien le Maître qui accomplit toute justice, c'est comme disciple qu'il entre en scène.

    Au reste, si Jésus n'avait pas manifesté un Dieu fort, il n'aurait pas fait peur aux puissants et l'on n'aurait pas cherché à l'éliminer. Il n'est donc pas nécessaire de faire un tri dans les évangiles pour parler de la discrétion de Dieu. D'un bout à l'autre c'est bien le même Dieu qui se révèle. Sa discrétion n'invite pas à la résignation ou a une douceur mièvre. Elle désoriente pour nous fait découvrir que la force de Dieu est autre que ce que nous pensons, et se manifeste ailleurs que là où nous l'attendons. 

    Bernard Rey - La discrétion de Dieu - Cerf 1997, pp. 52-53

  • Annoncer la Bonne Nouvelle (1)

    Il est aisé de remarquer l'énorme distance culturelle qui nous sépare des contemporains de Jésus - leur univers religieux, social, économique et politique est si éloigné du nôtre que nous avons de la peine à comprendre ce langage où l'on parle de Royaume de Dieu et d'accomplissement des temps, de repentance et de rémission des péchés, d'Alliance Nouvelle et éternelle ou de culte en esprit et en vérité, de salut ou de nouvelle naissance. Mais plus on se rend familier de ce langage, plus on s'aperçoit que, sous la variété des thèmes et des concepts, un unique message, infiniment simple, est véhiculé, proclamé, expliqué. Ce message est celui-ci : Jésus est le Messie ou le Christ, c'est-à-dire celui qui a établi l'humanité dans une structure nouvelle de destin ; celui en qui se joue notre destin à tous, aussi bien notre destin le plus personnel que le destin collectif de l'humanité.

    Dans notre foi chrétienne, il y a donc cette certitude, reçue de Dieu, que l'humanité n'est pas une simple succession linéaire de générations, disparaissant les unes derrières les autres, dont la cohésion et la réussite dépendraient uniquement des liens de la chair et du sang, où des personnalités individuelles ou collégiales émergeraient selon des lois complexes mais purement socio-biologiques, pour en "conscientiser" le mouvement, ou même en infléchir l'aventure dans un sens ou dans un autre, et de toute manière vers un néant final. L'humanité est centrée, c'est-à-dire qu'elle à un centre, un " chef " au sens où saint Paul emploie le mot, et qui est précisément le Christ (cf. Eph 1)

    Saint Paul veut dire tout d'abord que le Christ récapitule en lui le destin de tous et de chacun, jouant ainsi le rôle de "nouvel Adam" (Rm 5,18 s. ; 2 Co. 5,14).

    La chance de l'humanité s'est jouée et définitivement gagnée dans le Christ, par sa victoire sur la haine, le péché, la mort. Ce faisant, il n'a pas confisqué le destin humain : il en a révélé les dimensions, l'horizon, l'enjeu. (...)

    Il est le point de passage obligé de tout homme vers l'accomplissement de son destin. Ce qu'a vécu Jésus fait partie intégrante de l'histoire personnelle de chacun d'entre nous, ou, si l'on préfère, de notre préhistoire, mais qui a marqué chaque homme à jamais. Cette solidarité est établie une fois pour toutes depuis que Jésus (...) est mort et ressuscité. Un jour, nous le croyons, " chacun le verra, même ceux qui l'ont transpercé " (Ap. 1,7)  

    Albert -Marie Besnard - Un certain Jésus - Ed. du Cerf, 1968

  • Le christianisme c'est le Christ

    Durand son séjour à Berlin, Romano Guardini avait été en contact avec la Maison de Bouddha. C'est pourquoi il a travaillé sur l'essence du christianisme justement pour montrer sa différence avec le bouddhisme. Bouddha est l'éveillé qui a trouvé la voie qui conduit à l'illumination et à la délivrance de la souffrance de ce monde. Mais dès que ses disciples sont à leur tour éveillés, ils n'ont plus besoin de leur maître.

    Dans le cas du Christ, il en va autrement. L'essence du christianisme consiste dans la relation permanente à Jésus-Christ. Guardini  cite les nombreux passages bibliques où Jésus fait dépendre les hommes de sa relation à lui-même. C'est avant tout dans l'évangile de saint Jean que la relation de Jésus et la foi qui voit en lui le Père est la dimension déterminante du christianisme : « Je suis la Lumière du monde. Qui me suit, ne marchera plus dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie ». (Jn 8,12)

    Jésus se compare à la vigne et il nous compare aux sarments. C'est seulement si nous demeurons en lui que nous portons du fruit. Certes, il le dit davantage encore : « Qui demeure en moi et celui en qui je demeure, celui-là porte du fruit ; car sans moi vous ne pouvez rien faire »  (Jn 15,15)

    Jésus est le fondement intime qui nous fait vivre. Il nous conduit dans toutes les virtualités de notre âme. Et c'est seulement si nous vivons de sa source interne que l'amour féconde notre vie. Dans la première Lettre de Jean, cette relation à Jésus est vue comme la condition du salut : « Tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu dans la chair est de Dieu. Et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n'est pas de Dieu »(1 Jn  4,2 s.) Et peu après, Jean déclare de façon encore plus explicite : « Celui qui confesse que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui et lui en Dieu » (1 Jn 4,15)

    Après avoir cité tous ces passages bibliques, Guardini  tire la conclusion suivante : « Il n'y a pas de doctrine ni de système de valeurs morales, ni d'attitude religieuse ni de programme de vie qui pourrait être détaché de la personne du Christ et dont on pourrait dire : voilà le christianisme. Le christianisme c'est Lui-même ; ce qui par lui parvient à l'homme et la relation que par lui l'homme peut avoir avec Dieu[1]. »

     

    Anselm Grün- La foi des chrétiens - Desclée de Brouwer 2008

     


    [1] Romano Guardini, L'Essence du christianisme, Alsatia, 1950, trad. Pierre Lorson, p. 87

  • L'homme passe l'homme

    Dès que la foi est sollicitée,  les malentendus peuvent s'introduire à tous les échelons du savoir humain. Demandez à un chimiste de définir l'homme, il vous répondra oxygène, hydrogène, azote, calcium, fer et je ne sais quoi d'autre. Sans aucun doute il aura raison, l'homme est bien tout cela. N'empêche qu'il est quelque chose en plus, et ce quelque chose est hors des prises de la chimie.

    Que l'homme soit aussi une âme immortelle, et pourquoi pas ? Fils de Dieu, qu'importe au chimiste, ce n'est plus son affaire. Ce serait là une fausse querelle, dont nul n'aurait la solution, qui peut se  reprendre et se poursuivre au sujet de n'importe quelle semence vivante. Le chimiste peut parfaitement énumérer, analyser, peser tous les ingrédients chimiques qui composent un grain de blé : l'addition de tous ces éléments ne comportera jamais la chose la plus importante, la programmation biologique de ce grain, sa prédestination de moisson, son être futur déjà inscrit au plus secret de lui-même et qui le fera produire, "reproduire", trente, cinquante ou cent pour un.

    De même, toutes les sciences additionnées - la physique, la chimie, la psychologie, la sociologie, les sciences humaines, la psychanalyse, plus l'intuition du romancier - peuvent nous révéler ce qu'est l'homme ; le résultat de toutes ces connaissances peut être tout ce qu'il y a de plus exact, la révélation de Jésus est au-delà, elle porte sur l'origine première de l'homme et sur sa destination ultime et mystérieuse au-delà du monde. (...)

    S'il le veut, il peut aussi participer à une Vie autre, plus haute et plus profonde, que Jésus a appelée la Vie éternelle. Jésus est venu non seulement pour nous parler de cette Vie, pour nous assurer qu'elle existe...mais pour nous engendrer à cette Vie et nous y faire naître. (...) La seule condition qu'il mette....c'est la foi.

    R.L Bruckberger - La Révélation de Jésus-Christ - Grasset 1983. pp. 156-157