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M-D. Molinié

  • La peur de Pierre et la nôtre

    "Eloigne toi de moi Seigneur, parce que je suis un pécheur." Il dit ainsi parce qu'une sorte d'épouvante s'est emparée de lui [l'apôtre Pierre] au spectacle de la pêche miraculeuse. Dieu ne s'est pas présenté à lui dans un appareil bien terrifiant. Il y a mis toute la discrétion possible et toute la bonté possible. Pendant toute la nuit, Pierre a travaillé en vain et, comme sur un conseil d'ami, au petit jour il se décide à éloigner sa barque davantage encore, dans l'espoir, une dernière fois, de prendre quelque chose et, ce qui se passe est tellement saisissant que Pierre prend peur. Devant cette puissance de Dieu mise à son service, il comprend que Dieu est là. Et il a peur. Rapprochons cette parole de Pierre : " Eloigne toi de moi parce que je suis un pécheur" de cette parole du Christ  évoquée d'une manière magnifique : "Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs" et je suis prêt à négliger en apparence, à laisser dans le désert les 99 brebis qui n'ont pas besoin de se convertir pour aller chercher dans les broussailles, dans les épines du monde celle qui a péché et qui, par son péché, s'est mise dans l'impossibilité de revenir au bercail si je ne vais pas la chercher moi-même. Le Christ pourrait donc répondre à Pierre : mais c'est justement parce que tu es un pécheur que je suis là. Loin de justifier une fuite de ma part, ou la tienne, cette qualité de pécheur est justement le titre au nom duquel nous devons nous rencontrer, au nom duquel nous devons parler ensemble. Et justement à cause de cela que je te demande de supporter ma présence qui te fait peur. Et c'est normal. Je voudrais que beaucoup de personnes qui disent avoir confiance en la miséricorde de Dieu fassent un petit peu cette expérience de Pierre. Il y a des gens qui déclarent qu'ils ne craignent pas Dieu, qui font confiance en sa miséricorde, moyennant quoi ils ne sont pas pressés de faire quelque chose pour le trouver, pour le rencontrer, pour lui plaire. moyennant quoi ils se rassurent et, ils vont quelques fois déclarant qu'ils ne croient pas à l'enfer, que ce n'est pas possible, parce que Dieu est trop bon. Je ne discute pas ce point. Je dis seulement que cette conviction dans laquelle ils sont peut-être de pouvoir se rassurer, de ne pas s'inquiéter :  cette conviction ne repose pas dans une vraie confiance en la miséricorde. Car, je pense que ces personnes  si elles se trouvaient brusquement en présence du Christ, comprendraient brusquement, comme Pierre, qu'elles ont peur.

    Et justement, elles se servent de cette soi-disant confiance en la miséricorde pour fuir cette mise en présence du Christ avec ce qu'elle comporte en effet de redoutable pour quelqu'un qui saisit brusquement que le Christ et lui, que Dieu et lui ne sont pas du même monde, que ça ne peut pas marcher ensemble . Ce n'est pas un raisonnement qui peut faire comprendre cela. C'est une mise en présence. Et une mise en présence de la bonté de Dieu. Que Dieu fasse pour nous un miracle un peu plus saisissant, quoique discret, et qu'il nous fasse sentir qu'il n'est pas loin et nous avons peur. Et cette peur est fondée sur une découverte d'une grande vérité et sur une immense ignorance.

    La découverte d'une grande vérité en face de laquelle nous nous aveuglons volontiers et volontairement à savoir, qu'entre Dieu et nous, il n'y a rien de commun et que nous ne pouvons pas supporter le contact de Dieu.  Que nous voulions profiter de sa miséricore : oui mais pas pour être mis en contact avec Lui ! Profiter de sa miséricorde pour être tranquille, pour qu'Il ne nous juge pas, c'est un père trop bon pour nous faire du mal, voilà ce que nous pensons !

    Mais nous n'allons pas jusqu'à imaginer et nous restons inconscients à l'égard des paroles que l'Eglise et l'Evangile nous enseignent. Nous n'allons pas jusqu'à imaginer que Dieu puisse désirer faire commerce avec nous, entrer en intimité avec nous.  Et si nous imaginions cela alors nous aurions peur. (...) et quand nous comprenons cela alors, avec notre soi-diant confiance dans la miséricode, nous avons peur, parce que nous comprenons que ce ne peut pas se faire. "Eloigne-toi de moi, pécheur..." non, ce n'est pas possible, tu ne peux pas t'approcher de moi tel que je suis, parce que je suis un pécheur.

    Pierre découvre une grande vérité, à savoir qu'il n'est pas prêt à soutenir le regard de Dieu. Mais il commet une grande erreur que nous connaissons tous et qui consiste à s'imaginer qu'il faut d'abord s'éloigner de Dieu, de ne pas se rapprocher trop et d'essayer de se faire une toilette de façon à ce que, autant que possible le choc entre la lumière de Dieu et notre misère n'aie pas lieu. Si on pouvait "arranger les choses" et c'est ça que nous appelons "nous préparer" à la mort. Et là nous commettons une grande erreur avec Pierre : nous imaginons Dieu à notre image. Cette vérité là que Dieu n'est pas comme nous, c'est cette vérité là qui devrait faire la base de notre espérance ! Parce que justement nous nous sommes durs, mais Dieu n'est pas dur. Nous nous sommes mauvais mais Dieu est bon. Et c'est justement parce que Dieu est bon que Lui peut soutenir le choc de cette rencontre avec notre péché. Et si nous voulons nous préparer à mourir, si nous voulons modifier notre conduite et notre être profond : il ne faut pas attendre pour cela, il ne faut pas attendre de rencontrer Dieu plus tard, il faut tout de suite se précipiter vers la miséricorde de Dieu. Pour que la miséricorde de Dieu nous apprenne à supporter le contact avec Dieu. Ce qu'il nous demande c'est d'avoir le courage de  venir tout de suite, tels que nous sommes, sans faire aucune toilette, c'est-à-dire dans la vérité. Sans chercher à nous dissimuler et à dissimuler ce qu'il y a de plus laid en nous. Il y a bien des personnes qui se présentent au confessionnal mais qui ne trouvent pas de péché ! Ou si peu ! Et qui supportent si mal qu'on porte le regard sur tel ou tel domaine de leur vie qui n'est peut être pas tout à fait au point. Parce que des fois, ça les obligerait à prendre conscience qu'elles sont des pécheurs. De ces personnes qui se présentent comme des bons chrétiens, pas des chrétiens d'élite, nous sommes de pauvres gens, nous ne sommes pas très vertueux, nous ne sommes pas très fervents,  mais enfin il n'y a pas grand chose à nous reprocher. Eh bien ces personnes-là si elles étaient mises en présence de la bonté du Christ à travers un miracle comme celui de la pêche miraculeuse, brusquement un cri tressaillirait du fond de leur être : je suis pécheur !! Et c'est ce cri qu'elles n'ont pas envie de pousser sur la terre. C'est ce cri qu'elles veulent éviter d'avoir à sortir de leur coeur. alors elles passent à côté de la miséricorde de Dieu.

    C'est cette expérience-là qu'il faut accepter de faire. Nous discutons, nous analysons beaucoup notre conduite mais qu'est-ce qui se passerait si brusquement on Le voyait, si on Le sentait : ah nous ne discuterions plus. Et à ce moment-là le Christ pourrait nous apprendre à avoir confiance. La vraie confiance. Une fois que nous serions dans la vérité enfin, nous ne chercherions plus à nous rassurer par des arguments,  nous pourrions peut être trouver la miséricorde en comprenant du fond de notre être que c'est justement ce qui nous fait peur en Dieu et en nous qui doit nous rapprocher Dieu et nous ; notre extrême misère et son infinie tendresse, son infinie bonté, son infinie pureté. (...) Cette chose dont nous avons peur, ce qu'il y a de plus laid en nous (nous ne pourrons pas entrer au ciel avec notre colère, avec notre mépris, avec nos mesquineries) cela, la miséricorde de Dieu nous demande de le lui donner et de ne pas, sous prétexte que nous sommes des pécheurs, de refuser d'entrer en contact avec Lui. Le vrai contact avec la miséricorde qui pardonne tout, qui guérit tout, qui ne demande qu'une seule chose : la confiance et la vérité ; la loyauté par laquelle nous reconnaissons que ca va mal pour nous et la confiance qui jette tout dans le coeur de Dieu parce qu'elle sait  que Dieu a un coeur de père, a un coeur de mère et qu'il est tout-puissant, qu'il a donné son sang pour nous sauver et que nous n'avons pas le droit de craindre.

                                                           M.D. Molinié o.p (homélie)

     

     

  • Ne pas s'attarder sur soi-même

    [Une conférence du père Molinié. Retranscription d'un enseignement oral.]

     

     
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    Qu'est ce que veut dire, pour la vie spirituelle, "se regarder" au sens ou c'est regrettable ?

    Se regarder, non pas au sens où l'on a conscience de soi, avoir conscience de ce qui nous arrive, de ce qu'on éprouve, de ce qu'on est. Ce n'est pas cela. C'est quelque chose de beaucoup plus simple et plus  profond. C'est tout simplement prendre son centre de gravité sur nous, en un mot : s'attarder, s'attarder sur soi-même. Il y a lieu de s'occuper de soi comme il y a lieu de s'occuper du reste, tout ce que Dieu nous demande, et le temps nécessaire et  pas plus. Il y a les choses auxquelles on s'occupe et il y a des choses auxquelles on s'attarde. Il n'y a qu'une seule chose pour laquelle nous devons nous attarder : c'est la contemplation de Dieu. Mais comme cette contemplation de Dieu n'est pas la contemplation du Ciel, et que  ce n'est pas non plus une contemplation philosophique, et que ça ne doit pas être non plus une contemplation orgueilleuse. Ca doit être avant tout la contemplation de sa miséricorde et ce mouvement dont je vous ai parlé, de regrets suivis d'un oubli [je vous renvoie aux posts précédents], c'est justement ce mouvement grâce auquel constatant que nous nous sommes encore attardés sur nous-mêmes, car il n'y a finalement pas d'autres fautes, que nous nous sommes regardés plus que ce n'était nécessaire, que nous avons pensé à ce que nous avions fait ou à ce que nous devions faire ou à ce que nous pourrions faire ou à ce qui peut nous arriver, ou à ce qui nous est arrivé, plus que ce n'était nécessaire. Constatant cela nous le regrettons et en le regrettant nous l'oublions ! Et en l'oubliant nous cessons de nous attarder. Alors je tiens d'abord à souligner que ce mouvement ne serait absolument impossible s'il n'y avait pas la réalité du Souffle qui nous appelle et qui nous entraîne à ne plus nous regarder. S'il n'y avait pas cette pression du Saint Esprit qui toujours nous dit : en avant, en avant, ne t'arrête pas ! ne traîne pas sur toutes ces choses ! Regarde-moi ! Si tu as peur parce qu'il y a tes péchés ou parce que  tu es désolé de ta misère, regarde ma miséricorde, mais regarde-là avec foi et avec cette puissance qui te permette d'oublier tout ce au nom de quoi tu prétends ne pas me regarder. Il faut qu'il y ait le Saint Esprit !  Ce n'est pas une spiritualité que nous pouvons fabriquer. Ce n'est pas une méthode, ce n'est pas une technique de contemplation. C'est tout simplement la réponse de la créature à cette pression inimaginable du Saint Esprit la pourchassant et l'invitant à ne pas regarder en arrière et à ne pas se retourner sur elle-même.

    Et alors ici, il y a une chose que je tiens à souligner. Souvent on se demande : qu'est-ce qui va m'arriver ? Où est-ce que Dieu va m'entraîner ?  Eh bien, cela : se demander  où Dieu va nous entraîner, avoir peur parce que Dieu veut nous formuler telle ou telle demande c'est déjà s'attarder sur soi-même. Evidemment. C'est par conséquent déjà  se couper de la lumière et de la force qui nous permettra de trouver suave le joug du Seigneur et doux le fardeau qu'il doit nous faire porter. A partir du moment où on se pose cette question, tout ce que Dieu peut nous demander devient littéralement et irrésistiblement insupportable au sens propre et au sens fort du mot  !

    Et alors là, je tiens à insister là-dessus. Ce qui est difficile ce n'est pas de faire ceci ou cela que Dieu peut nous demander. Ce qui est difficile c'est de faire le mouvement dont je vous parle. Il est aussi difficile de regarder un arbre, de plaisanter, de travailler à une chose qui nous plaît ou qui nous ennuie peu importe ; il est aussi difficile de faire tout cela sans se retourner sur soi que de subir le martyr sans se retourner sur sa souffrance. C'est le même problème, exactement dans les deux cas. C'est la même difficulté, peu importe ce que Dieu nous demandera. A partir du moment où nous le regardons Lui avec confiance, nous n'aurons pas plus de difficulté à faire une chose que l'autre. Et à partir du moment où nous ne le regardons plus avec confiance, nous aurons autant d'impossibilités à faire les choses dites faciles qu'à faire les choses dites difficiles ;  j'entends à  les faire dans l'amour. Par conséquent ce problème de ce que Dieu peut nous demander et des régions vers lesquelles il va nous entraîner ne signifie rien. Il va nous entraîner en Dieu, de toute façon. Et c'est justement cela, même si le chemin devait être bordé de roses, sans aucune épine, sans aucune épreuve, c'est ce simple fait d'aller en Dieu qui nous répugne ou qui nous plaît. Mais de toute façon c'est bien là le seul problème de la vie spirituelle.

    Souvent, on met sur le compte de cette espèce de tristesse, de mauvaise humeur, d'engourdissement lourd, pénible à porter, pour elle-même et pour les autres, qui se dégage de la présence de toutes ces âmes. On met cela souvent sur le compte d'un tempérament, ce que Thérèse d'Avila appelait "tempérament mélancolique". Bien sûr qu'il y a des différences de tempérament. Bien sûr que Dieu seul sonde les reins et les coeurs ; et que souvent pour faire peu de choses, une âme a besoin de beaucoup plus d'amour que d'autres pour faire beaucoup de choses matériellement. Pour être équilibrée, patiente, calme telle âme a besoin de beaucoup plus d'amour et de Saint Esprit que telle autre. Donc il ne faut pas juger sur les résultats, ce n'est pas de ça qu'il s'agit. Ce que je veux dire c'est qu'il est aussi facile de devenir une âme attardée avec un tempérament heureux qu'avec un tempérament malheureux. Ce sera peut être moins désagréable pour les autres encore que...! Toutes les âmes attardées font souffrir les autres et elle-même. Et elles les font souffrir d'une manière différente qui revient toujours au même, à savoir que chez ces âmes il y a toujours une porte fermée que jamais on ne parvient à ouvrir. Alors les unes sont correctes, impeccables dans une certaine mesure quelques fois. Il n'y a rien à leur dire, pas de reproche à leur faire, mais elles pèsent lourd quand même, parce qu'elles s'attardent sur elles-mêmes au lieu de tout jeter en Dieu selon ce  mouvement progressif qui ne se fait pas du jour au lendemain. Ce mouvement de pauvre, mais de plus en plus fréquent par lequel on s'oublie ; ça veut dire on oublie ses problèmes, on oublie cette agitation pour se laisser prendre de plus en plus par le mouvement irréversible  de cette lumière qui nous attire.

    Alors que ces âmes aient un tempérament heureux ou malheureux, ça n'y change rien. Si elles ont un tempérament heureux   et qu'elles s'attardent, je vous le répète, elles sont lourdes. Si elles ont un tempérament malheureux et déagréable et qu'elles ne s'attardent pas (elles ne s'attardent pas à discuter, à se justifier leurs propres fautes et leurs propres erreurs. Elles ne s'attardent pas non plus à s'en pleindre et à se lamenter, elles ne s'attardent à rien !)   : eh bien finallement elles sont légères. Seules  les âmes attardées trouvent à redire à leurs misères et à leurs défaut.

    Et il y aurait lieu de parler de ce mouvement aussi quant à la solution des problèmes que nous avons à résoudre constamment dans notre vie. Problèmes pratiques autour desquels nous méditons, nous réfléchissons (qu'est-ce que je dois faire ?) Et nous délibérons longtemps quelques fois.  Et nous agitons toutes les solutions possibles avec notre imagination. Eh bien pensez à ce que faisait quelqu'un dont c'était le métier de méditer les choses, de les peser, de discutter les choses avec toute son intelligence et son imagination, je veux dire saint Thomas. Quand il ne trouvait pas, il ne s'échauffait pas à trouver toutes les solutions possibles, à se mettre à essayer toutes les portes possibles, toutes les issues possibles. Il sentait qu'il y avait quelque chose qui lui résistait, que la solution ne viendrait pas aisément avec un travail normal et simple de la raison. Alors il allait prier auprès du saint Sacrement en pleurant. Il n'avait pas peur de se détourner de son devoir d'état, il n'avait pas peur de cette solution (la prière) soit disant facile qui consistait, au lieu de s'échauffer les méninges, à ne pas s'attarder dans les broussailles des arguties de toute sorte et des sophismes. Il allait demander la lumière.

    Si dans nos rapports fraternels par exemple, au lieu de nous agiter pour voir quelle est la meilleure solution,  si on voit que ça ne va pas, arrêtons nous , si possible. Ne nous attardons pas à toutes ces broussailles et à  toutes ces épines, demandons ce qu'il faut faire. Regardons la sainte Vierge, regardons vers le Saint Esprit, demandons lui de nettoyer tout cela  et d'oublier tout ce qui nous empêche de voir ce qui est simple, car la solution en toutes choses est toujours simple !! Et c'est justement pour cela que nous ne la voyons pas. C'est parce que nous sommes empêtrés dans les broussailles. Eh bien, demandons la grâce d'oublier d'une manière irréversible toutes ces broussailles. Et ne cédez jamais à la tentation de croire que vous vous êtes engagés sur une voie d'engourdissement irréversible. A tout moment, n'importe qui, les plus grands pécheurs et les plus faibles pécheurs aussi, les âmes normalement et banalement et médiocrement attardées : en un seul moment si elles y croient, le jour de la Pentecôte qui vient , Dieu est toujours prêt à tout recréer et à faire une âme sainte de toute âme qui accepte enfin d'oublier le passé et elle-même pour ne regarder mais vraiment de tout son être que la miséricorde infinie de Dieu.

                                                   P. Marie-Dominique Molinié o.p

     

     

  • conversions, réconciliation et purification de la mémoire (3)

    Suite des deux posts précédents.

    Je retranscris ici un enseignement oral (enregistré) donné par le Père Marie-Dominique Molinié (dominicain).

    Il a écrit plusieurs ouvrages dont : " Le courage d'avoir peur" et " Je choisis tout".

    [mes commentaires figurent entre crochets et en italique

     

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     Voyez l'usage des sacrements. Pour commencer je peux vous proposer de demander cette grâce d'essayer de promettre l'attitude qui en résulte [voir poste précédent] pour chaque confession.

    Chaque fois que vous recevez "ce nouveau baptême" [c'est une comparaison car le baptême est un sacrement qu'on reçoit qu'une seule fois, mais la confession renouvelle en quelque sorte la grâce du baptême] Est-ce que vous recevez le sacrement de pénitence comme un baptême ? Dans la foi, le sacrement de pénitence devrait être comme un nouveau baptême. Il faut qu'il y ait une espèce de regret à la base. Et on sort de ce réalisme chrétien si on essaye de se dispenser de ce regret. Et de ce regret qui va loin, qui est très douloureux, faites attention ! Je ne vous dispense pas du regret, surtout le regret de freiner, de ralentir, de vous attarder, de vous apesantir sur vous-mêmes alors que le Souffle (l'Esprit Saint) est là qui pourrait vous emporter si loin et si vite ! Alors regrettons ! regrettons ! mais de plus en plus [M.D Molinié parle du regret que nous éprouvons face à notre résistance à la grâce, à tous nos refus d'une réelle conversion. Voir les posts précédents] !  car plus nous regrettons, plus immédiatement nous renaissons, en nous plongeant  dans le sang du Christ  et alors cela ce n'est pas seulement le sacrement de pénitence qui peut le faire c'est l'Eucharistie. Il faut que je vous rappelle cet enseignement traditionnel de l'Eglise : l'Eucharistie a tout ce qu'il faut pour accomplir les effets de tous les sacrements y compris le sacrement de pénitence, par conséquent y compris le pouvoir d'effacer les péchés mortels. De telle sorte que, si quelqu'un, de bonne foi, et  n'étant pas en état de grâce (mais ne le sachant pas, car il n' a pas moyen de le savoir) mais de bonne foi (ou n'ayant pas appris qu'il fallait se confesser parce qu'on n'a pas su le lui dire ) communie avec une intention droite, l'eucharistie, parce que c'est le sang du Christ qui pénètre en lui, efface ses péchés mortels et lui redonne la vie de la grâce, tout comme le sacrement de pénitence. Alors bien entendu, à éviter [ce qui est à éviter - semble dire M.D Molinié c'est la communion eucharistique sans le préalable du sacrement de pénitence-réconciliation] . Et l'eucharistie a la puissance d'effacer les péchés véniels.  Parmi les moyens d'effacer les péchés véniels autre que le sacrement de pénitence, l'Eucharistie est le premier, avant le Notre-Père, avant le Confiteor, avant l'acte de charité, toutes choses qui suffisent pour effacer les péchés véniels donc à nous per-mettre-de-les-ou-blier ! Non pas les oublier pour mieux recommencer ! Je suppose que vous comprenez ce que je veux dire. Les oublier pour mieux penser à Dieu !  Puis à la joie d'être sauvé car c'est toujours de là qu'il faut partir. [sauvé en espérance, car notre salut n'est pas une certitude de foi mais objet d'espérance] De la joie d'être sauvé, sinon vous ne ferez rien de bon en vie spirituelle. Le regret doit être immédiatement donné dans le sang du Christ, c'est la matière du sacrement. Alors, entre temps, il peut y avoir des rechutes. Je vous repète que ce sont les états d'âme dont il ne faut pas se souvenir. Surtout. Ce ne sont pas les souvenirs du passé qu'il faut oublier, comprenez-moi bien. Et alors ? Et alors pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? La communion a lieu une fois par jour parce qu'il faut bien qu'on vive, qu'on fasse autre chose ! [on ne peut pas passer toute la journée à communier veut dire le Père Molinié] Mais l'Eglise voudrait bien ne pas cesser de communier et elle ne cesse pas de communier. L'adoration eucharistique c'est la manifestation extérieure et publique de la part de l'Eglise, de son désir que la messe dure toujours et que, par conséquent que la conversion n'arrête pas ! Mais ce qui peut ne jamais cesser non plus c'est le regret fécond et positif suivi d'une conversion et d'un point de départ à zéro qui peut arriver à devenir aussi permanent que la faute : c'est ça ce qui s'appelle la sainteté : "mon Dieu ayez pitié de moi, mon Dieu j'ai confiance en vous, mon Dieu merci... mon Dieu ayez pitié de moi, mon Dieu j'ai confiance en vous, mon Dieu merci. Mon Dieu ayez......." Une âme religieuse plante sa tente dans cette attitude. Voilà le fond de l'affaire c'est que ce désordre (mon Dieu ayez pitié..) eh bien Dieu peut tirer le bien d'un mal ! [cette formule peut choquer, elle aurait besoin d'une explication, d'un développement] Il faut que ce désordre soit le moteur de notre conversion perpétuelle, par le regret. Ce qu'il y a de plus opposé à cette attitude c'est la tentation de construire sa vie spirituelle, pierre après pierre, étage après étage ! Non ! La sainteté ça ressemble à la ré-éducation de ceux qui doivent apprendre à respirer de nouveau parce qu'ils se sont noyés et à qui ont fait la respiration artificielle et lentement, lentement, lentement ça revient. Ceux-là ils ne construisent rien. Ils font un premier mouvement et, après ce premier mouvement ils refont le même mouvement. Il n'y a plus qu'à recommencer. Et ce sera toujours à refaire. Et précisément une des résistances les plus lourdes que nous opposons à l'amour de Dieu c'est cette obstination avec laquelle nous voudrions pouvoir nous dire : cette fois et depuis 5 ans je commence tout de même à faire quelque chose pour l'amour de Dieu [regard en arrière et auto satisfaction !!!]  : nous interrompons le mouvement ! Le saint est celui qui découvre qu'il n'a encore rien demandé ! Alors il se dit : je vais m'y mettre et il prend encore conscience qu'il n'a toujours rien demandé etc... un mouvement permanent où Dieu agit et va de plus en plus vite. Mais on ne s'installe pas dans la supplication perpétuelle. C'est un mouvement, un mouvement de conversion permanent, en suppliant de plus en plus souvent [jusqu'à 80 000 tours minute...: c'est à peu près le régime de la sainteté !] et à l'aide des sacrements [réconciliation-eucharistie] qui sont des temps forts qui rythment le mouvement, et les sacramentaux aussi.

                                           fin de cette conférence.

     

                                            père M.D Molinié, o.p

     

     

     

     

     

     

     

     

  • conversions, réconciliation et purification de la mémoire (2)

     

    (suite du post précédent).

    remarque pour éviter un grave contre-sens :

    le père M.D Molinié s'adresse ici à un auditoire de religieuses. Quand il parle du mal c'est le mal que nous pouvons faire chaque jour : manquement à la charité fraternelle, tiédeur.....Mais  qu'en est-il d'un chrétien qui aurait commis des actes graves comme le meurtre par exemple ? Dans pareil cas il aurait le devoir de se dénoncer, de se présenter à la justice et d'assumer les conséquences de ses actes en purgeant la  peine que la justice des hommes lui infligera, et en réparant ... : sans ces démarches préalables, sa démarche  de pardon à Dieu n'aurait aucun sens. Mais devant Dieu la médiocrité spirituelle d'une personne consacrée à Dieu peut être plus grave que la médiocrité d'un petit délinquant ou les actes répréhensibles d'un assassin. C'est le secret des coeurs, seul Dieu connaît les motivations profondes des actes humains. C'est pourquoi nous ne devons pas juger autrui car ce serait nous mettre à la place de Dieu. Ni autrui, ni nous-mêmes ! Tout homme, fût-il un assassin, peut (en usant de sa liberté et avec l'aide de Dieu)  se convertir et  tirer d'un mal un bien ; quitter son enfer pour marcher vers la lumière.  Finalement et  quelle que soit notre situation "spirituelle" du moment, nous tirerons toujours avantage à écouter l'enseignement du P. M.D Molinié et à l'adapter à  notre cheminement ici et maintenant.

    Dans cet exposé le style oral ne respecte pas forcément des structures de phrases plus classiques.

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    (...) oublions tranquillement, et le plus tranquillement possible ou plutôt le plus allègrement possible, le plus passionnément possible tout le passé, et toutes les conséquences futures du passé telles que nous pouvons les prévoir humainement. Car il y a des conséquences divines du passé que Dieu seul connaît à savoir le bien qu' Il peut tirer du mal à chaque instant dès que nous lui donnons le mal, car il faut lui donner le mal pour qu'Il en tire quelque chose d'extraordinaire que Lui seul peut en tirer. Il ne faut pas perdre son temps à regarder le mal. Il faut le Lui donner, et Il a besoin que nous le Lui donnions. Alors voyez quelle audace que ça représente ! Et si quelque chose devait être regrettée - ah oui regrettée -  pour que le sacrement de pénitence puisse s'exercer et après, qu'ensuite,  on oublie immédiatement ce qu'on regrette c'est-ce-que précisément, ce que  le chrétien et le contemplatif fassent cela : Lui donnent leurs péchés, Lui  donnent leurs misères, mais pas seulement leurs misères mais surtout le non-être, puisque Lui seul peut en tirer l'être... Et ce non-être qui est le mal et le mal des autres et le nôtre, et les conséquences, eh bien je vous le donne parce que je sais que vous pourrez en tirer du bien à chaque instant. A chaque instant !   Alors que d'inquiétudes nous nous épargnerions si nous agissions ainsi.

    Prenons un exemple très simple, et classique, combien classique : ne pas savoir exactement ce qu'il faut faire en face de telle circonstance, en face de quelqu'un. On ne sait jamais exactement ce qu'il faut faire. Il y a des cas ou c'est particulièrement difficile, désagréable, inquiétant. Et on sent que la partie entre les ténèbres et la lumière est tellement serrée, tellement violente qu'on est tenté (et le démon est bien là pour nous y inviter) à considérer la moindre fausse note, le moindre faux pas, la moindre maladresse, la moindre faute, comme entraînant une série de conséquences ténébreuses et irrémédiables. Tout simplement une seule chose à faire (mais ça nous ne le faisons pas parce que nous ne le croyons pas) : tout donner.  Et oublier (vif) ! Tout donner et oublier. Ah c'est du sport ! je ne vais pas vous le cacher. Et ce mouvement qui s'appelle en fin de compte une "conversion". A chaque fois que nous faisons quelque chose comme ça (tout donner et oublier) c'est une véritable  petite conversion qui s'opère en nous. Car c'est ça la conversion finalement : abandonner le passé et partir à zéro. Et j'entends votre objection :  mais à quoi bon cette conversion si c'est toujours à refaire ? Ah aïe aîe (rires dans l'auditoire)  ! Donc vous révez bien d'une conversion à partir de laquelle il n'y aurait plus à se convertir. Vous, vous révez bien de ce qui est aux antipodes de la sainteté ; puisque la sainteté est une accélération de la fréquence des conversions. A tout instant nous échappons à la lumière de Dieu, c'est évident, nous sommes pécheurs. Le problème ne consiste pas d'arriver à vouloir  trouver un truc pour un jour ne plus échapper à la lumière de Dieu. Ou plutôt il y en a un... (c'est regretter, tout donner à Dieu et oublier) La conversion c'est un mouvement fondé sur le regret et le regret comme oubliant. C'est-à-dire c'est un mouvement par lequel à chaque instant on donne (à Dieu) cette souillure (notre péché) qui nous échappe, qui vient de nous. Et à force de la donner  tout le temps il y a  un moment on ne s'arrête pas de donner le passé et de se convertir. Etre dans la lumière de Dieu c'est justement ça la tentation. Oui au ciel. Voilà bien la différence entre le régime de la terre et le régime du Ciel. Au Ciel on n'aura plus à donner successivement. On donnera éternellement dans un seul acte. Il n'y aura plus d'événements. Il n'y aura plus de conversions. Ah d'accord !  Mais en attendant, à tout instant  : l'infidélité, la rechute, l'apesantissement... la pesanteur nous menace ! Par conséquent on a qu'une solution pour être constamment fidèle : c'est en sorte de se reprendre toujours. Autrement dit que la conversion soit en effet toujours à refaire, mais alors de plus en plus toujours ! De telle sorte que plus on va, plus on se plonge dans cette mentalité de ne pas avoir encore commencé, comme ce bon chartreux qui dormait toujours. Il dormait toujours et pour se réveiller il avait construit un système d'horlogerie sensationnel (rires de l'assemblée) où une planche lui tombait sur les pieds (rires) mais il n'y arrivait pas. Au moment de mourir il a dit : je vais enfin me réveiller ! (rires). C'est magnifique ! c'est exactement ça ! 

     Alors j'en reviens à ce coup de vent qui nous projette à cent mètres et on se  dit :  ça y est, c'est pas mal. C'est pas mal et d'une part on n'a pas envie de monter plus haut, on trouve que c'est déjà pas mal comme ça. Et d'autre part, on veut essayer de trouver le truc pour ne plus redescendre. Et à la première dégringolade on se dit : c'est encore à refaire. En fait c'est à refaire pour aller plus haut. Ce qui nous perd c'est que nous considérons le coup de vent de la conversion comme un événement transitoire destiné à nous mettre dans un état qu'on appellerait la sainteté. Il n'y a pas d'état de sainteté ! Il y a simplement une précipitation de plus en plus fréquente des coups de vent, accélérés par le nombre peut-être aussi fréquent des chutes conscientes. Conscientes c'est-à-dire qu'au fur et à mesure qu'on devient plus délicat, pratiquement on s'aperçoit qu'on rechute tout le temps. Tout le temps. Du fait qu'on oublie Dieu, pas le passé. Je rêve d'extirper  de vos âmes le rêve, le désir de ce coup de vent définitif après lequel il n'y en aurait plus besoin : vous êtes aux antipodes de la sainteté. Il s'agit de se plonger de plus en plus dans la mentalité permanente des "ouvriers de la dernière heure" (c'est une parabole des Evangiles) qui brusquement découvrent qu'ils vont tout recevoir, que tout va commencer : enfin je vais me réveiller ! Alors  une autre comparaison encore si vous voulez : celle d'une locomotive qui se met en marche : tche...tche... tche...au début, c'est une petite mise en marche. C'est laborieux comme nous avec le poids du jour, le poids de la chair, le poids de la sottise et tout ça nous ralentit, puis dix ans plus tard un coup de vent, puis espérons un autre coup de vent ..cinq ans plus tard, et puis deux ans, et puis un an, et puis un mois et puis....etc et que ça finisse par se rapprocher  : c'est le mouvement de conversion... jusqu'à non pas tous les jours mais  qu'à tout moment le vent ne cesse (le Saint Esprit) de souffler. Et il ne tient qu'à nous car Lui il souffle d'une manière éternelle, sans arrêt. C'est nous qui nous freinons son action avec ce petit discours intérieur que nous faisons à Dieu : attendez un peu que je m'y reconnaisse , que j'exploite les lumières que vous m'avez données et puis que je fasse une vie de bon chrétien, de bonne religieuse..avec ce que j'ai on doit pouvoir faire mieux.  Et puis patatra ! la chute ! Alors on se décourage ! Et on appelle (Dieu), et immédiatement on reçoit comme toujours, ça ne traîne pas  mais à condition qu'on appelle pour de vrai,  sérieusement, du fond de l'être.... et immédiatement "nouvelle promotion" et à nouveau nous reprenons notre discours : ah , je vais pouvoir commencer à faire quelque chose !   Alors qu'il aurait fallu qu' après un premier coup de vent, et qu'au lieu de s'installer, qu'au lieu d'attendre paresseusement,   Il faut qu'à tout moment nous renaissions, dans un mouvement irréversible, de plus en plus souvent jusqu'à devenir "à tout moment"  et sous la pression d'un vent qui nous empêche de retourner en arrière : allez, allez, en avant ! On essaye de se retourner mais il n'y a pas moyen  .. c'est ça le souffle du Saint Esprit quand il devient un peu  harcelant. Il ne le fait pas tout de suite parce que nous ne le supporterions pas. C'est vraiment pas dans nos habitudes, ça nous donnerait comme de voyager sur la mer, avec un immense mal de mer, au fond c'est ça les purifications passives. c'est une espèce d'immence nausée du fait qu'on  ne sent plus sous nos pieds le terrain  solide. Dieu nous saisit. Il n'y a plus moyen de respirer tranquille comme avant : allez en avant, ne regarde pas ton passé, ce que tu as pu faire de bien, de mal... oublies ! ..Tu le donnes à la miséricorde !  Ah mais alors ! c'est quand même un  peu... harassant ! C'est ça.

    Alors voyez l'usage des sacrements...

     

                                                                         Père Marie-Dominique Molinié

     

                                                                      suite au prochain post...

      

     

     

     

  • conversions, réconciliation et purification de la mémoire (1)

     

    [Conférence du Père Molinier, dominicain. Je retranscris un enseignement oral enregistré. A part quelques morceaux, dans l'ensemble j'ai pu faire cette retranscription car l'enregistrement est d'une bonne qualité. Mais ce n'est pas aussi fluide que la retranscription d'un texte écrit. ]

     

    Je voudrais revenir par un autre biais à ce que je vous disais, à la suite de la conférence sur la douceur de Dieu, sur les visites de Dieu. Je voudrais relier cela et vous parler d'un tas de choses : les sacrements, les visites de Dieu, la conversion, la Pentecôte : tout ça va se trouver agréablement mêlé là-dedans, agréablement j'espère.

    Je partirai d'une confidence qui m'a été faite très récemment par... une "âme" comme on dit, une âme, une âme  religieuse, fort religieuse d'ailleurs, et cette confidence m'a profondément frappé en ce qui concerne les sacrements  et au fond.. la purification de   la  mémoire   dans notre sujet ce soir Cette personne m'a dit : "il y a deux ans... il y a un an peu importe j'ai reçu l'extrême onction et j'ai reçu les sacrements, pour la première fois de ma vie, avec le plus de foi possible et j'ai éprouvé comme un nouveau baptême, quelque chose d'absolument neuf qui commençait en moi et comme une facilité nouvelle pour aimer Dieu et tout ce que peut impliquer le..... " mais alors avec cette particularité qui concerne en effet  la purification de la mémoire et qui est vraiment  très très remarquable, qui va vraiment  bien nous servir de point de départ pour ce soir. Cette particularité que je ne pouvais plus revenir en arrière. Non seulement je ne pouvais plus revenir en arrière en ce sens que je ne pouvais plus retrouver la mentalité un peu traînante, poussiérieuse, ralentie, freinée  par le poids du jour que je pouvais avoir avant, mais que je ne pouvais même plus me  souvenir.

    Non pas une incapacité totale de repenser en cas de besoin à la date de ma naissance ou à tel ou tel événement s'il avait fallu en répondre du point de vue de l'état civil que sais-je, n'est-ce pas,  ou la date de ma profession : ce n'est pas ça qu'on appelle ne pas pouvoir revenir en arrière ; la purification de la mémoire c'est ne plus pouvoir me souvenir sur mes états d'âme antérieurs, sur ce que j'étais spirituellement avant, sur les objets qui m'avaient préoccupé, tout ça étant balayé, liquidé  comme si ça n'avait jamais existé.  J'ai profité de cette grâce avec joie, et petit à petit, je me suis aperçu, il y a deux ans de cela, je me suis aperçu, à la longue que, de nouveau, je sentais comme un freinage, comme une poussière, comme un entassement de choses qui me gênaient pour aller à Dieu vite, vite, vite. C'est des souvenirs, non pas de ce qui s'était passé avant ce sacrement,  l'extrême-onction, mais de ce qui s'est passé depuis...que de nouveau, le poids du jour, les événements, les retours sur moi éventuels, les retours sur les événements  : enfin que sais-je, tout ça, ça me ralentissait de nouveau, que ça freinait  ... je n'avais plus ce que j'avais senti : cette espèce de bain de jouvence - c'est exactement ça le baptême : cette naissance à partir de zéro, ce départ à zéro que j'avais éprouvé, comme si la vie commençait au moment même où je recevais ce sacrement,  comme si je n' avais pas vécu avant,  comme si je commençais à aimer Dieu, comme si je commencais à connaître Dieu, comme si je commençais... tout, comme si je n'avais pas de passé. Eh bien, je n'éprouvais plus cela. J'avais déjà un passé, qui commençait à me gêner un peu ce passé.   Parce que le passé gêne.  Le passé alourdit. Même quand on l'aborde avec ferveur. A la longue, les choses finissent par nous gêner.  

    Alors là, il me dit : je me suis étonné. Je me suis dit : mais  comment se fait il que le sacrement de pénitence, que je reçois toutes les semaines, ne me fasse pas le même effet, alors que le sacrement de pénitence se rapproche du sacrement de baptême, peut -être plus encore que l'extrême onction. Par  le sacrement de pénitence on est vraiment baigné dans le sang du Christ pour les mêmes effets que le baptême, sauf le caractère baptismal bien entendu ; et puis, sauf que ça implique une pénitence, que ça implique des mouvements de la part du pénitent alors que le baptême n'implique rien. On a dit que le le baptême était une pénitence non douloureuse et puis irréversible.  Alors il me dit pourquoi le sacrement de pénitence que je recevais tous les huit jours ne semble pas provoquer du tout la même chose.  Pourquoi je n'étais pas délivré de ce retour en arrière, de cette pesanteur,  à chaque fois que je recevais le sacrement de pénitence. Alors je me suis tourné vers Dieu, vers le Christ, et  j'ai cru comprendre qu'il me répondait : "je suis toujours le même. Je suis toujours l' Amour infini. Je ne bouge pas, je suis toujours prêt à tout donner. Ca ne dépend que d' toi".

    Alors j'ai demandé, et j'ai promis  de tout oublier au fur et à mesure que je recevrai le sacrement de pénitence. Et  j'ai demandé cette grâce. On ne joue pas avec Dieu, on ne s' amuse pas avec Dieu ,  j'ai compris que, depuis ce moment là, c'est irréversible et à chaque fois que je reçois le sacrement de pénitence, c'est fini, je ne peux plus me souvenir de ce qui était arrivé avant. Encore une fois vous comprenez bien ce que je veux dire  par "ne plus se souvenir" :  en sortant du confessionnal  il ne s'agit pas d'être frappé d'amnésie en se demandant : qui suis-je ? où suis-je ? (rires dans l'assemblée) Non, non, non...!  Nous nous attardons sur nos regrets, nos inquiétudes, nos discussions :  tout ça :  liquidé, balayé. Impossibilité d'y revenir, impossibilité d'en parler  si l' on m'interrogeait là-dessus.

    Vous voyez... précisément à cause de cette impossibilité de revenir en arrière vous comprenez qu'avec une âme de ce genre, vous devez soupçonner qu' il n'y a pas grand chose à dire que, au fond, son regret profond lancinant douloureux pour lequel elle demande miséricorde et que le sacrement de pénitence lui donne précisement, c'est que   ça ne va pas assez vite,   que par sa faute ça freine, ça ralentit.

    Dieu est toujours le même, toujours infiniment intense, toujours infiniment actif, infiniment prêt à nous consummer et à nous emporter dans  la joie, mais ne puisse pas le faire parce que, au fond, si ça freine, si ça ralentit c'est  par notre faute. Alors le confesseur demandera : est-ce que [cette faute]  c'est délibéré ? Vous comprenez bien qu'une pareille faute n'est pas délibérée, mais c'est quand même bien un désordre, et ça suffit largement comme matière au sacrement de la confession mais certains confesseurs scrupuleux peuvent... que sais-je...    A ce moment-là deux confesseurs ont donné leur avis sur la question et l'un a dit : mais il n'y a pas de problème, il n'y a pas besoin de se confesser dans ces conditions-là,  il suffit de s'établir dans la joie éternelle de la miséricorde qui donne tout,  comme on fera au ciel, en somme. Et l'autre qui était un - passez-moi l'expression - un bon vieux prêtre, n'est-ce pas,  disait :  qu'est ce que c'est que cette histoire ? Vous avez un regret, eh bien, cela suffit. Cela suffit pour qu'il y ait matière à confession et à absolution. Il suffit de regretter. D'avoir à regretter quelque chose. Quoi ? Eh bien ce ralentissement dont on sent que nous sommes plus ou moins le responsable. Et bien entendu, c'est bien  ce bon vieux prêtre qui avait raison. 

    Et alors, ceci m' entraîne à une série de considérations qui vont aller assez loin dans le temps peut-être, et il faut que je m'arrête à temps pour vous parler de l'eucharistie avant la fin. 

    Je ne me placerai  qu'au plan du sacrement de pénitence pendant un bon bout de temps. Du sacrement de pénitence et de tout ce qui est dans la même ligne  : extrême onction, baptême ; le  baptême ne se renouvelant pas et l'extrême-onction pouvant se renouveler. Mais alors  surtout le sacrement de pénitence.  

    Ce cas m'a aidé à comprendre admirablement  ce que c'est que la conversion : un commencement absolu. La conversion, loin d'être un phénomène unique ou rare, devait devenir très normalement, un phénomène de plus en plus fréquent jusqu'à devenir chez les saints un phénomène ininterrompu, c'est extrêment simple. Je ne dirai pas qu' un saint est quelqu'un qui se convertit tous les jours, mais quelqu'un qui s'est établi dans l'état de conversion perpétuel.

    Qu'est ce que ça veut dire ?

    Eh bien dans cet état de métamorphose perpétuel sous l'action irrésistible du corrosif divin qui ne laisse plus de trêve. Comparaison qui est tout à fait dans la ligne de la Pentecôte que nous attendons ; un coup de vent un peu violent qui nous transporte à trois cents mètres de haut. Imaginez l'effet d'un coup de vent de ce genre  où vous vous trouvez transporté, juché par exemple sur l'église saint Michel du Puy ! C'est une conversion. Un coup de vent qui nous arrache surtout à nos souvenirs avec ce caractère irréversible : c'est fait.  Et qui nous apprend à regarder en avant dans l'éternité et dans le présent à la fois : toutes ces choses ne faisant qu'un. A regarder ce qui vient, tout simplement.   Et regardez cette audace, cette légèreté extraordinaire de celui qui s'appuie sur la miséricorde.  C'est tout de même une chose assez extraordinaire que cette Miséricorde qui nous  demande d'oublier nos fautes ! Qui nous le demande vraiment ! Et qui nous reproche comme une deuxième faute, plus attristante encore que la première,   de s'en souvenir encore. Quelle exigence ! essoufflante mais merveilleuse. Cette Miséricorde qui nous demande d'oublier nos fautes. Pensez à toutes sortes de fautes. Toute faute a des conséquences, des répercussions infinies et perpétuelles, ininterrompues, comme tout acte humain.  Voici tel professeur qui s'est retrouvé toute une année en proie au doute qui a semé le doute chez tel ou tel de ses élèves ; ses élèves, à leur tour, commettront certaines fautes et entraîneront d'autres à douter et ainsi de suite...jusqu'à l'infini !   A chaque fois que nous faisons le mal, ou que nous ne faisons pas le bien c'est irréparable ! Ca ne peut plus s'arrêter, vous avez devant vous une "machine" qui ne peut plus s'arrêter et Satan se frotte les mains, et Satan conduit le bal comme on dit : tu vois, tu vois, tu vois ce que tu as fait....!   Eh bien,  Dieu demande, demande vraiment,  d'oublier tout ça ! Comment est-ce possible ? Bien entendu par un acte de foi absolu dans cette promesse constante que Dieu nous fait  : que parmi les éléments dont il se sert pour faire le bien au premier chef  se trouve le mal et il tire le bien du mal comme il tire l'être du non-être, c'est de la création pure. Par conséquent croire cela, et particulièrement cela,  c'est vraiment rendre gloire au Créateur qui seul peut faire cela. Mais ne pas croire cela c'est refuser de rendre à Dieu la gloire qui lui est propre.  Ne pas croire cela c'est comme si on lui disait : c'est bien gentil vous me pardonnez mais qu'est-ce que ça change ? Ca change peut-être pour moi, je suis réconcilié avec vous, mais qu'est-ce que ça change dans les faits, dans les faits ? Eh bien  Dieu lui répondra : tu ne reconnais pas qui Je suis ; tu n'as pas compris que cela même  qui a été utilisé contre l'Amour, je vais l'utiliser pour l'Amour ! Je suis seul à pouvoir le faire. Imaginez ce que le Fils de Dieu aurait pu faire dans une perspective temporelle et spirituelle qui n'était pas celle de la Croix mais qui est celle de saint Pierre, celle des Apôtres ; ce qu'Il aurait pu faire si on l'avait laissé en vie, tout le bien qu'il aurait pu faire, toute la lumière qu'il aurait pu répandre, toutes les guérisons qu'il aurait pu opérer, et les conversions. Eh bien, réponse de Dieu : il n'aurait pas pu en faire autant que l'Eglise en fera par la Pentecôte.

     

                                                                              A suivre....prochain post...

  • les fondamentaux (4)

    Note importante.

    Suite de l'enseignement du Père Molinié. La lecture de ce texte exige pour être compris de lire les 3 posts précédents qui font partie de la même conférence.

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    Et c'est justement là une des fautes de beaucoup de chrétiens de vouloir servir Jésus-Christ comme on sert les autres maîtres, avec beaucoup de générosité.  "Je donnerai ma vie pour toi", "oui, mais c'est pas ça que je te demande, je te demande de m'aimer" "mais qu'est-ce que ça veut dire enfin Jésus ? "C'est autre chose, nous allons nous expliquer là-dessus le jour où tu auras suffisamment séché dans l'attente (rires de l'auditoire).

    Alors, deuxième visite, en gros, deuxième conversion se caractérisant par la découverte de l'intimité avec Dieu. Je pense, j'espère  que pas mal d'entre vous, sinon toutes, sûrement toutes l'ont découverte, par conséquent sont capables d'apprécier la différence entre les deux, c'est quand même pas tout à fait la même chose. Donner toutes ses énergies à Dieu, c'est une chose, et c'est une chose surnaturelle  qui suppose déjà une lumière surnaturelle, mais découvrir que Dieu nous assiège d'un désir d'être dans une intimité perpétuelle avec nous, qui ne s'arrête à aucun moment, c'est encore autre chose, et c'est justement ce que Pierre a découvert à ce moment-là, au moment où il s'est effondré en larmes...... d'où une différence de ton dans la proclamation du programme lorsque, peu de temps après, le Christ lui demande : "Pierre m'aime tu ? " Car, à ce moment-là, il n'est plus question de claironner en majeur : "je donnerai ma vie pour toi" mais de murmurer en mineur : "tu sais bien que je t'aime". (...) Je n'élève plus la voix, je suis trop heureux de me taire à côté de toi. Tu m'as visité une deuxième fois.

    Et alors, quand on en est arrivé là,  on n'a encore rien compris... Voilà ce que nous dit la tradition de l'Eglise. Qu'est-ce qu'on n'a pas compris ? Ah voilà. Ce qu'on n' a pas compris c'est que cette intimité avec Dieu, que nous découvrons, que nous commençons à expérimenter, à laquelle nous voulons être fidèle, n'est en nous qu'une petite graine, la plus petite de toutes les graines et que, pour le moment, la situation des forces est nettement encore en faveur de quelque chose d'autre qui s'appelle la loi du péché, la loi de l'orgueil. Et qu'entre cet orgueil et cette douceur de l'intimité divine ce n'est pas la paix qui vient d'être déclarée, c'est la guerre, une longue guerre, une guerre d'usure. En un sens, après la première et même encore après la deuxième conversion, on a encore droit - vous comprendrez ce que je veux dire, on n'a jamais le droit de pécher - mais je veux dire on a encore le droit de commettre tous les péchés du monde tout en espérant être converti de la première et de la deuxième conversion.

    Seulement, alors réciproquement, ce n'est pas parce qu'on a connu la deuxième conversion, ou qu'on pense avoir connu l'intimité de Dieu, (je dis première, deuxième : attention à ne pas chercher de numéros dans vos têtes puisqu'il y en a en fait des multitudes de conversions) mais que ces trois paquets de conversions si vous préférez, trois séries de conversions, c'est une manière de mettre un petit peu d'ordre là-dedans, de reconnaître des phases plus décisives que les autres, eh bien même une fois qu'on a reconnu qu'il vous est arrivé quelque chose, ce n'est pas de la prétention  de la part de Pierre d'avoir pris conscience  qu'il s'est effondré en larmes au moment de la Passion et puis que depuis ce moment-là il est changé, oui, ça  il n'y a pas de doute il est changé, ce n'est pas de la prétention ni de l'orgueil que d'avoir constaté ça, que ce n'est plus le même qu'avant, probable qu'il devait le dire et le sentir. Eh bien si après ça Pierre s'était mis encore  à commettre des fautes graves, on aurait pu lui dire : qu'est ce que c'est cette histoire-là ? Tu prétends avoir le coeur changé ! Tu vois bien que tu continues comme avant ! Eh bien non ! c'est normal. Tout est possible, toutes les catastrophes sont encore possibles, tant qu'on n'a pas atteint la dernière conversion, celle que j'ai appelée "la mort du vieil homme", laquelle mort nous est administrée par l'amour de Dieu.

    Et alors, quoi faire ?

    Eh bien, comprenez-moi. Je vous dis : si vous êtes fidèle si peu que ce soit   au   petit programme de vie religieuse qui est le vôtre, soyez très modeste, très simple : Dieu va se déchaîner, voilà. Il va se déchaîner. Il va déchaîner sa douceur. Il ne va pas déchaîner sa violence. Mais il va avoir une action extraordinairement intense, une action de chirurgien extrêmement intense . Il va utiliser tout à votre service y compris et d'abord le démon et tout ce qui peut contrarier son action, c'est surtout ça qu'il utilise, c'est sa spécialité si je peux dire et c'est sa joie d'utiliser tout ce qui peut le gêner pour que ça aille encore plus vite. Ce n'est pas une raison pour vous mettre à pécher tranquillement, non. Vous me comprenez. Parce qu'il va utiliser aussi et d'abord et surtout l'attente fidèle, le désir sincère qui normalement doit se traduire par un certain effort pour ne plus pécher. Il va utiliser tout ça intensément. Alors je ne peux pas vous dire ce qu'il y a à faire sans avoir d'abord prévenu de ce qui va  se passer et à ce moment-là, une fois que je vous ai bien expliqué que Dieu va agir très intensément, je vous dis : l'essentiel c'est de vous adapter à cette action. Vous entrez à l'hôpital. Cette maison, comparons-là à un hôpital n'est-ce pas, hôpital spirituel. Vous entrez à l'hôpital parce que vous voulez servir Dieu, ou parce que, mieux encore, vous avez découvert que c'est dans cet hôpital que se développe l'intimité avec Dieu. Parfait. Alors vous arrivez là-dedans et vous demandez : qu'est-ce qu'il faut faire ? Faites attention ! Il y a des services qui fonctionnent dans cet hôpital. Ne vous imaginez pas que vous allez vous promener dans les jardins ou dans les salles comme ça. Vous allez subir un certain nombre d'interventions chirurgicales. C'est pour cela que vous êtes là quand même. Alors tâchez de ne pas trop faire attendre le chirurgien. "Oh là là, mais ces opérations, ça ne me rassure pas du tout !" (rires de l'auditoire). Eh bien vous avez la Sainte Vierge ; vous avez vos soeurs ; vous avez l'Eglise, vous avez les sacrements ; vous avez toutes sortes de gens et de choses qui sont là pour vous rassurer. Et puis vous avez les rayons. Ah c'est très important ça. Le service des rayons, c'est la prière : soigné aux rayons de l'amour de Dieu ! Et comme toutes les séances de rayon, c'est plutôt ennuyeux. On s'ennuie passablement. Alors on occupe le temps, on vous occupe le temps, au début, en vous remettant des prospectus sur la nature du traitement, c'est-à-dire qu'on vous explique ce que c'est que l'amour de Dieu, pourquoi Il a fait tout ça, ce que c'est que l'Evangile : vous avez de quoi vous occuper.

    C'est drôle bien sûr, mais c'est quand même tragique aussi de voir des gens qui passent leur temps à lire des prospectus, sans se douter qu'ils vont d'abord à la prière pour subir une REALITE et non une idée, et une réalité qui s'appelle : le rayonnement. Et qui normalement, si cette réalité existe, il doit y avoir un moment où l'on doit sentir que ça chauffe un peu et que ce n'est pas la peine de passer son temps à regarder les prospectus, mais qu'il vaut mieux se laisser pénétrer par cette chaleur de l'amour de Dieu, tout doucement, tout simplement. Tout ça sont des réalités, ce ne sont pas des idées.  Alors au début, quand le rayonnement est faible ou que la carcasse est encore trop épaisse pour sentir, pour être vulnérable à cette chose là, alors on prend des "albums illustrés" pour s'occuper comme dans la salle d'attente, c'est-à-dire on prend des livres de méditation, ça ne va pas plus loin. J'ai la plus grande estime pour la théologie, c'est ma spécialité, il faut bien que j'en fasse, mais qu'est-ce que dit saint Thomas ? A peu près la même chose que moi dans des termes pas plus nobles en fin de compte  : "de la paille ! Laissez- moi tranquille".

    Alors, voyez, c'est très décevant ma réponse, c'est très décevant,  mais c'est volontairement décevant. Si ça vous inquiète encore de ne pas savoir quoi faire pour atteindre cet amour de Dieu, c'est que vous n'avez pas encore compris à quel point Dieu vous aime. Alors j'essaye de vous le faire comprendre, de vous dire : renversons un peu les rôles, si vous voulez bien. Parlons de ce qu'Il fait Lui, même quand vous dormez. Alors, je vous en prie, réveillez-vous ! Précisément parce que la lumière approche, mais quelle  lumière ! Et alors ne vous demandez pas combien d'ampoules électriques  vont être nécessaires pour faire un effet de lumière  alors que l'Aurore arrive : tout vos efforts c'est ça : des petites loupiotes.  Qu'est-ce que c'est que cette histoire-là ? Les temps sont proches. Tout ça arrive à une terrible vitesse. En tout cas, dans votre coeur et dans votre âme, il est plus tard que vous ne croyez, comme le disait le Curé d'Ars, je crois. 

                                  A suivre.... je terminerai cet entretien très prochainement.

     

  • Les fondamentaux (3)

    Suite de la retranscription d'un enseignement du Père Molinié. Ce post est la suite des fondamentaux 1 et 2. Je vous invite à les lire avant celui-ci.

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    Vous n'avez rien d'autre à faire à ce moment-là que d'accueillir, que d'écouter,  que de regarder, que de se laisser modifier par cette Présence. A ce moment-là tout est facile. Ce qui est difficile c'est l'entre-deux et en particulier, souvent, le moment qui précède immédiatement la visite. Soit parce que nous la désirons trop, soit parce que nous ne la désirons pas assez. Quelque fois d'ailleurs les deux à la fois : désirant certains avantages de la visite mais ne désirant pas sa réalité dans ce qu'elle a de déconcertant et d'imprévu. Voilà pourquoi la vertu essentielle du chrétien ,  c'est de ne pas se prendre au sérieux et de prendre la vie humaine dans l'ensemble trop au sérieux. Elle est infiniment grave et infiniment sérieuse dans la mesure où se joue la question de savoir si nous serons le reflet et le partenaire du seul sérieux absolu qui s'appelle Dieu. Alors ça c'est grave. Mais ce que nous pouvons faire et définir de nous-mêmes indépendamment de cela, indépendamment de la pauvreté absolue d'être le reflet de Quelqu'un ce n'est pas très sérieux. Ce n'est pas négligeable d'ailleurs, il ne faut pas le mépriser. La vie quotidienne ce n'est pas méprisable. Et nos efforts de vertu, notre ascèse, il ne faut pas le négliger non plus, il ne faut pas le mépriser. Mais dans la mesure ou c'est autre chose que la réponse pure et simple à l'amour de Dieu, à l'appel de l'amour de Dieu, dans la mesure où c'est un effort pour tenir la maison en ordre et propre pour la visite du Maître, eh bien c'est pas très très important. mais je suppose que vous me comprenez : quelqu'un qui ne voudrait pas nettoyer la maison c'est quelqu'un qui n'a pas très envie d'attendre le Maître ! Alors ça c'est grave ! Mais quelqu'un qui veut nettoyer la maison mais qui, à force de la nettoyer s'intéresse beaucoup plus à la maison qu'à Celui qui va venir dedans...alors c'est grave aussi.

    L'Eglise a entériné tout cet enseignement, cette série de visites bouleversantes qu'on appelle les "conversions". Parce que le propre d'une visite véritable de Dieu c'est qu'elle nous convertit, c'est-à-dire qu'elle nous change et qu'elle nous change au-delà de tout ce que nous pourrions faire. On ne décide pas de se convertir. On attend, on désire...la conversion. Il y a là un retournement du coeur et du regard qui dépendent justement de la présence, de l'irruption de cet Etre imprévisible. Alors ce n'est pas la peine de remplacer sa présence par je ne sais Dieu sait quoi, par la nôtre.... Les auteurs spirituels consacrés par l'Eglise ont tellement accepté ce programme que la Sagesse traditionnelle de l'Eglise a reconnu en gros trois grandes étapes, trois grandes visites. Il y en a une multitude d'autres. En gros, la Sagesse de l'Eglise a reconnu l'existence de trois phases discontinues dans la vie spirituelle, dans la vie chrétienne que, justement, nous ne pouvons pas provoquer pas plus qu'une chrysalide ne peut devenir papillon par ses efforts pour être une bonne chrysalide. Tout ce qu'elle peut faire c'est d'améliorer sa situation de chrysalide et c'est tout. Et si elle s'imagine que ca va bien comme ça elle résiste tout en essayant d'être une bonne chrysalide elle résiste à la transformation, elle résiste à la venue de ce qui doit venir. Et c'est pour cela qu'il faut quand même  mettre les points sur les i pour que ces enseignements soient compris et pour que je puisse répondre d'une manière plus satisfaisante encore, j'espère, à cette question : qu'est-ce qu'il faut faire pour atteindre la douceur de Dieu ? Il y a une première conversion en gros qui peut se caractériser par la décision aisée, libératrice et non pas tendue, inquiète et crispée de la volonté, la décision de se donner tout entier, tout entière au service de Dieu. Ce qui se traduira très normalement et très facilement par une vocation religieuse mais qui peut tout aussi bien se traduire par la persévérance dans l'état où l'on a été mis dans le monde, parce que cette découverte on peut très bien la faire une fois qu'on est sérieusement,  solidement engagé dans le monde et en particulier dans la vie de famille. Peu importe, mais le bouleversement est analogue, voilà ce que je veux dire. Pour qui que ce soit, dans quelque situation, dans quelque condition qu'il soit, découvrir que Dieu réclame tout et qu'il faut vraiment lui donner tout ; se mettre à son service comme un soldat au service d'un capitaine mais alors absolu. C'est aussi bouleversant que la découverte de la vocation, c'est un peu la même chose. La découverte de la vocation religieuse peut se faire avec des pressentiments de ce qui viendra par la suite, ça c'est une autre affaire. Mais elle peut se faire aussi purement et simplement par cette évidence qu'il faut se donner tout entier à Dieu et alors après le plus simple, dans certains cas, ne serait-il pas de répondre à l'appel des conseils évangéliques, ce qui est une autre affaire.  Mais ce n'est pas du tout des conseils évangéliques que je vais vous parler ici. Mais je veux dire que dans une vocation religieuse il faut distinguer deux choses : le fait de se sentir appeler dans telle ou telle famille [jésuites, bénédictins, carmes, franciscains, salésiens....] et à suivre les conseils évangéliques : ça c'est un point qui est personnel et propre à l ' individu et puis il y a la radicalité et l'absolu du service de Dieu : ça tout chrétien devrait le comprendre un jour ou l'autre. Seulement je plaindrais les prédicateurs qui s'évertueraient à prendre leurs ouailles par la peau du cou  pour leur dire : comprenez qu'il faut servir Dieu par-dessus toutes choses ! Mais non, c'est le fuit d'une conversion. C'est le fruit d'un regard du Christ qui transperce Matthieu le publicain, qui ne lui fait pas de grands discours, qui lui dit : viens, suis-moi ! Celui qui a compris cela comme les apôtres n'a encore rien compris à l'amour du Christ ou à peu près. Il est entré dans la maison où bien des surprises l'attendent. Parce que le Maître au service duquel il s'est enrôlé n'est vraiment pas un Maître comme les autres....               

                                                                                           A suivre au post suivant.

  • Les fondamentaux (2)

    Note : ce texte est la suite du post précédent. Si vous ne l'avez pas lu, je vous invite à le faire avant d'entreprendre la lecture du texte qui suit. Ce texte est une retranscription d'un entretien oral donné par M.D Molinié au cours d'une retraite.

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    Prenez l'exemple de [l' apôtre] Pierre, au moment de sa trahison, au moment où le Christ l'a regardé et au moment où il [Pierre]  a pleuré.

    On dit en général ceci et ce n'est pas faux d'ailleurs : Pierre s'appuyait trop sur lui-même ; il avait confiance en lui-même au lieu d'avoir confiance en la grâce de Dieu, il sentait en lui non seulement de la force mais, faites attention, de l'amour. Si Pierre a dit au Christ : "Je donnerai ma vie pour toi" c'est qu'il l'aimait, et qu'il se sentait soulevé par cet amour, porté par cet amour.

    Alors sous la pression de cet amour, ayant conscience d'aimer, il se sentait prêt à aller jusqu'au bout, oui, mais dans la ligne de son programme, dans la ligne de ce qu'il avait compris. La faute de Pierre ça n'a pas été seulement, loin de là, ça n'a pas été seulement de ne pas comprendre que nous sommes fragiles : l'esprit est prompt et la chair est faible, en effet, on s'en est aperçu,  et qu'il fallait faire attention au besoin que nous avons de la grâce de Dieu, c'est pas seulement ça. Mais c'est que Pierre s'était obstiné dans un certain programme d'amour, mais d'amour à la Pierre, vous comprenez, [amour] qui se trouvait ne pas être aussi délicat, aussi raffiné, aussi doux en fin de compte que le "programme" de Dieu. Pour un premier temps ça pouvait aller, pour un premier démarrage, pour un premier "dégrossissage". Mais, pour aller plus loin, il ne suffisait pas que Pierre fasse des progrès, qu'il augmente sa générosité, il ne suffisait même pas qu'il s'appuie davantage sur la grâce de Dieu, il fallait qu'il refonde entièrement sa vue des choses et, en particulier, sa vue de l'amour de Dieu.

    Il fallait qu'il découvre que l'amour de Dieu c'est tout à fait autre chose encore que ce qu'il avait compris, que ce qu'il avait cru !  Et, pour cela, il fallait une deuxième visite du Christ. Une deuxième visite du Christ alors qu'il le fréquentait quotidiennement. Pierre fréquentait le Christ quotidiennement. Mais ça c'était la fréquentation du Christ tel qu'il l'avait compris. De temps en temps, le Christ tel qu'il ne l'avait pas compris frappait à la porte : [Pierre] écoute-moi, attention, tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes... Attention Pierre, tu ne comprends pas, tu n'y es pas, j'ai autre chose à te dire, t'es loin d'avoir compris mon pauvre ami..c'est pas tout à fait ça...., la Transfiguration : il est bon de rester ici, mais si je te parle d'autre chose, de la nécessité de souffrir et de mourir (ce n'est pas que Pierre avait peur de la souffrance) c'est que ce n'était pas dans son programme :  la souffrance de son Maître, la mort de son Maître, parce que c'est un programme divin et qu'il est tout à fait normal que Pierre ne comprenne pas tout de suite mais ce qui est moins normal c'est qu'il s'imaginait avoir compris, et ne plus rien à avoir à apprendre, le malheureux ; ne plus avoir d'étonnements à connaître, de stupéfactions, de ces effondrements...

    Les moments de bonheur dans la vie, les moments de bonheur qui comptent ce sont ces moments où l'on se disait : je n'avais rien compris, en particulier à l'amour de Dieu. Et précisément parce que j'avais un coeur dur, un coeur de pierre, un coeur grossier, un coeur absurde...on ne comprend rien à cette délicatesse excessive de l'amour de Dieu (...) à l'intérieur même de ce qu'il y a de meilleur en vous (je donnerai ma vie pour toi) il y a une dureté terribe, il y a une obstination à opposer sa pensée à celle de Dieu. La pensée de Dieu elle est douce, c'est la nôtre qui est opaque, c'est la nôtre qui ne se laisse pas pénétrer.  Alors cette pensée nous arrive, cette pensée de Dieu, cette douceur de Dieu nous arrive par vagues successives : voilà ce que j'appelle les visites du Christ. Et à chaque fois que nous Lui ouvrons [notre coeur], grâce à une longue préparation, de fidélité, mais une fidélité qui n'a de sens que si elle est une attente de quelque chose ! Si donc à la faveur de cette longue préparation, de cette très longue attente, si à la faveur de cela nous ouvrons vite [quand le Christ vient nous visiter] lorsqu' Il se présente alors Il s'engouffre comme l'eau qui s'engouffre par une brêche, Il pénètre dans la citadelle, Il irrigue certaines  régions passablement desséchées mais pas encore tout à fait. Ce n'est qu'un pas de plus. Ce n'est qu'un envahissement de plus. Et à partir de là la vie est changée, bien sûr. Certaines choses qui nous paraissaient impossibles deviennent faciles. Certaines choses qui nous paraissaient inintelligibles deviennent claires, certaines choses qui nous paraissaient claires deviennent très obscures d'ailleurs, mais ça nous gêne moins. Nous comprenons mieux qu'il est normal qu'il en soit ainsi. Et nous continuons jusqu'à la prochaine étape.

     

    Les serviteurs qui attendent le retour du Maître : qu'est-ce qu'ils font ? Eh bien ils entretiennent la maison. On voit des murs délabrés, il faut attendre le retour du Maître pour savoir comment il va les remettre. Nous, on enlève la poussière, on fait des choses extrêmement... peu importantes. Ce qui est très important c'est de le faire dans un certain esprit qui consiste précisément à attendre et à savoir que ce que nous faisons n'a une telle importance. C'est ça le sens de cette parole des serviteurs inutiles qui paraît révoltante parce que nous avons des prétentions révoltantes. Quand vous aurez bien fait tout ce que vous avez à faire dans la journée, ne vous attendez pas à ce qu' Il dise : Ah cette fois tu as bien avancé dans le Royaume des cieux ! Vous êtes  des serviteurs inutiles, vous n'avez rien fait... que d'attendre. Et d'ailleurs je ne vous demande rien d'autre : attendez-moi. Occupez le temps !  Alors vous [le père Molinié s'adresse à des moniales] vous occupez le temps à chanter, ce qui est pas mal, qui est peut être ce qu'il y a de plus profond pour manifester que nous sommes des serviteurs inutiles, puisque le chant est une chose essentiellement inutile... ça sert à quoi de chanter pouvez-vous me le dire ? (rires dans l'auditoire) Et ainsi vous êtes théoriquement mieux armées que d'autres pour comprendre que votre vie est une vie d'attente. Et si vous avez le malheur de la remplir avec un programme de vertus et de conquêtes...partir à la conquête des cîmes de l'amour de Dieu, attention !  

    Oui bien sûr, dans la mesure où  Dieu nous y invite, dans la mesure ou Dieu nous  invite à être magnanime, à sortir de notre stupidité... allons réveillez-vous dit saint Paul, voilà la lumière qui arrive : ouvrez-vos yeux,  ne les fermez pas à cette lumière déchirante de la douceur de Dieu. Bien sûr. Mais toujours votre action la plus intense concevez-la comme un reflet, comme une réplique de l' initiative de Dieu. Si je dois vous donner une comparaison, très familière, prenez le jeu du tennis. Ca se fait à deux en général sauf si on a un mur en face de soi et alors justement, le grand danger de la vie spirituelle pour nous c'est que nous mettons à la place de Dieu un mur  qui va nous renvoyer nos efforts automatiquement. Ce n'est pas ça. Ca se joue à deux. Il y a quelqu'un qui envoie les balles. Nous n'avons pas d'autre chose à faire que de les recevoir et de les renvoyer. Alors si on les reçoit à gauche on va à gauche, mais si on les reçoit à droite on va à droite. Et s' il ne nous envoie rien : eh bien on attend.... voilà. Et cette attente dans la foi, dans la confiance a plus de prix que l'or dit [l'apôtre] Pierre [dans l'une de ses lettres], justement le même Pierre qui ne savait pas beaucoup attendre. Je vous ai donné le principe fondamental.

    Quand le Christ visite, entre.. c'est Lui qui change le climat de la maison, ce n'est pas nous.....

                                                                                       A suivre... post suivant

  • Les fondamentaux d'une vie selon l'Evangile (1)

    Intro : je retranscrits ici une retraite du père Marie-Dominique Molinié, dominicain, véritable maître spirituel. Je conserve le style oral de ses interventions. L'intitulé : " les fondamentaux d'une vie selon l'Evangile" est un titre que j'ai choisi car MD Molinié peut nous aider à aller à l'essentiel pour vivre comme disciple du Christ. Il existe en effet beaucoup de "gourous", de "coach" même en christianisme. Mais les vrais maîtres sont rares. St Jean de la Croix le dit dans l'un de ses livres. 

     

     

    bonne route vers Pâques !

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    " Qu'est-ce que l'homme doit faire pour atteindre Dieu ? Il est normal qu'au début d'une vie spirituelle on mette l'homme en avant, on pense à soi plus qu'à Dieu. C'est tout à fait normal mais, une des conséquences de cette attitude c'est qu'on s'inquiète davantage de ce que nous allons faire, de ce qu'il faut faire, de ce que l'homme va faire.... et c'est un des fruits de la conversion, de ses conversions [le père Molinié explique ici que l'itinéraire chrétien est une suite de conversions] que de moins se poser la question : qu'est-ce que je dois faire et de se poser de plus en plus cette question : qu'est-ce que Dieu va faire ?

    Alors nous allons faire un effort pour mettre dans l'ombre nos efforts, nos activités et nous allons essayer de tirer des conséquences pratiques de cette vérité que vous m'accorderez tout de suite et dont nous voyons particulièrement les conséquences :

    si Dieu ne garde pas la maison ce n'est pas la peine de la garder et si Dieu ne la construit pas [cette maison] ce n'est pas la peine de la construire, nous.

     

    Par conséquent, nous allons nous occuper d'abord de ce que Dieu fait avant de nous occuper de ce que nous avons à faire de façon à définir nos efforts comme nos activités comme ils doivent l'être c'est-à-dire comme une réponse à l'activité de Dieu et non pas comme une initiative que nous prendrions nous pour obliger Dieu à faire quelque chose.

    Alors qu'est-ce que Dieu fait ? Eh bien c'est très clair, d'après l'Evangile il nous fait un certain nombre de visites. Voilà. Il nous rend visite de temps en temps dans l'existence.

    Alors généralement on pense à la dernière visite, la grande, celle de la mort. Et on ne pense pas que cette visite de la mort ne fait que porter son point final, ou porte à son paroxysme l' événement pas du tout quotidien mais pas non plus unique de la visite de Dieu. Et la première règle pratique qu'il faut essayer de comprendre : on ne provoque pas une visite de Dieu, on n'oblige pas Dieu à venir. On peut se disposer pour l'attendre, on peut prendre une attitude telle que pratiquement il est est certain qu'Il viendra ; qu'Il ne pourra pas résister à notre attente, à notre désir, à notre appel, à notre confiance et à notre disponibilité. Mais précisément pour avoir une attitude d'attente, de désir, d'appel, de confiance et de disponibilité, il ne faut pas s'imaginer qu'on va pouvoir le faire venir à heures fixes. On n'oblige pas Dieu à venir. Ou si vous préférez c' est dans la mesure même où l'on reconnaît qu'Il n'est pas obligé, à aucun titre, de se présenter, que nous attirons sa visite.

    Alors il faut que vous sachiez que nos conduites chrétiennes sont sous la dépendance de ces visites. Elles en dépendent en ce sens qu'elles en proviennent. Il a fallu qu'Il vienne une première fois pour nous apprendre à faire quelque chose, le tout début : au catéchisme, que ce soit dans votre enfance ou plus tard à l'âge adulte, soyez sûrs que cet apprentissage provient de ce que Dieu s'est présenté le premier. C'est une véritable visite de Dieu venu que ces messagers qu'Il nous a envoyés : nos parents, le curé que nous avons connu ou tel ou tel ami, que sais-je, qui nous a renseigné. Ce messager, Dieu l'a faconné, préparé de toute éternité pour nous, entre autre, mais pour nous aussi. Par conséquent c'est bien Lui qui s'est présenté, nous n'y sommes pour rien... C'est bien une visite de Dieu ça. Et si nous avons fait quelque chose c'est dans la mesure où nous avons accueilli cette visite, nous avons  ouvert la porte.

    Ce qu' il y a de plus paradoxal - c'est cela qui est peut être un peu nouveau pour vous - c'est qu'une fois qu'on a ouvert la porte et qu'on a accueilli cette première visite, on reçoit un enseignement, des indications pratiques : faites ceci, faites cela ; et quelle est la pointe suprême de cet enseignement ? Quelle est la règle pratique la plus importante : prière d'attendre la Visite suivante !

    Et alors si on oublie ce petit détail là comme beaucoup (prière d'attendre la Visite suivante) et si on prend tout le reste des consignes comme s'il ne devait plus jamais y   avoir d'autres visites, alors on se fourvoie gravement, on s'écarte de l'Evangile en fait pour tomber dans un certain nombre de désordres dont le pharisaïsme est un des moins graves ou l' un des plus graves, comme vous voulez, ça dépend du degré de pharisaïsme.

    Nous ne provoquons pas une visite de Dieu. Et tout ce qui nous est demandé de faire n'a pas d'autre sens, en fin de compte, que de nous préparer à entendre de nouveau frapper à la porte et à ouvrir aussi promptement que possible. Ca n'a pas d'intérêt (toutes les pratiques) en dehors de cette perspective là.

    Je prends l'exemple de quelqu'un qui connaît ce que j'appelerais la "première conversion", quelqu'un qui a reçu ce choc (car justement toute visite de Dieu est un choc), quelqu'un qui a reçu ce choc de découvrir qu'il ne s'appartenait pas. Comme le dit à peu près Tagore : j'ai découvert d'abord que la vie était "joie", puis j'ai découvert que la vie était "service" et j'ai découvert ENFIN que le service était la joie. Découvrir cette vérité du service. Quelqu'un qui reçoit ce choc de comprendre qu'il faut que tout passe au service de Dieu avec le même absolu, même beaucoup plus absolu  que la vie de quelqu'un qui s'engage dans la vie militaire ou quelque chose comme ça...Bon, je suppose quelqu'un qui comprenne ça. Un peu comme ce que les apôtres ont compris quand le Christ les a regardés en disant "viens et suis-moi"  Et bien si ce quelqu'un s'imagine que c'est fini, qu'il n'a plus qu' à faire des progrès, faire les choses de mieux en mieux, être de plus en plus fidèle à l'appel qu'il a entendu, être de plus en plus fidèles  à l'idéal qu'il a entrevu, si quelqu'un  s'imagine cela, qu'il n'a rien d'autre à faire qu'à progresser et qu'il n'y a plus à être bouleversé une deuxième fois, une troisième.... eh bien il se met en situation presque infaillible de résister à la Visite suivante, en tout cas, au moins, de ne pas s'y préparer puisqu'il ne soupçonne pas que des visites il risque d'y en avoir d'autres et probablement de leur résister, parce que le propre d'une visite c'est d'être imprévu et d'être, quand il s'agit d'une visite de Jésus-Christ,  bouleversante : on ne sait pas ce qui va se passer, tout est remis en question, tout est remis en cause et surtout et d'abord notre programme de vie.

    Vous vous demandez peut-être à première vue comment le fait de servir Dieu par-dessus toutes choses, de Le servir totalement, corps et âme, comment ce programme-là peut être remis en cause. Eh bien, malgré tout ce programme s'effondrera lui aussi...je vais jusque là. Je ne dis pas dans sa substance profonde ; il est bien clair que nous ne cesserons pas de comprendre qu'il faut servir Dieu, tout à fait d'accord.  Mais ce que nous appelons "servir Dieu", ce que nous croyons avoir compris de ce qui s'appelle "le service de Dieu" : si nous sommes fidèles, si nous sommes ses serviteurs  : heureux ces serviteurs qui ne laissent pas le Maître frapper [à la porte de leur coeur] pendant trois mois, trois ans ou trente ans, tout en s'occupant bien (je m'occupe de vous, je fais le service, je fais ce qu'il faut, je travaille bien pour vous :  j'évangélise, je mets toutes mes forces au service de l'Eglise, du Royaume des cieux....) Mais le Seigneur à ce serviteur dira : " je frappe à la porte de ton coeur et tout ça c'est bien intéressant mais j'ai autre chose à te dire". Et le serviteur de lui répondre : "mais enfin : qu'est-ce qu'il faut faire ? Dans le programme que vous m'avez tracé qu'est-ce qu'il peut y avoir de nouveau ? Parce que le programme que vous m'avez tracé, moi je m'y tiens ! Et le Seigneur de lui répondre : "Justement, non.  J'ai autre chose à te dire" . Eh bien si quelqu'un laisse le Seigneur entrer, il fait partie de ces serviteurs heureux..qui ouvrent la porte aussitôt  que leur Maître se présente. Vous connaîtrez, nous connaîtrons tout un bouleversement, toute une refonte de notre manière non seulement de nous appuyer plus ou moins sur la grâce, mais de notre conception même de la vie chrétienne.

    Prenez l'exemple de Pierre, au moment de sa trahison...   

      à suivre...prochain post