Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

sacrement de pénitence

  • Confession ou psychanalyse (4)

    Suite de la conférence de François Varillon (S.J) sur la confession. Je vous recommande de lire les textes 1 à 3 avant d'entreprendre la lecture de ce post, du moins pour se pénétrer de toute la richesse de cet enseignement. (Retranscription à partir d'un enregistrement audio).

    ---------------------------------------------------------------------------------

    Alors ce qu' il faut bien comprendre c'est que le chrétien qui se laisse sérieusement interroger, interroger en profondeur, à la racine même de lui-même par le phénomène de la misère dans le monde, la misère ou la faim dans le monde ; le chrétien qui se laisse sérieusement interroger par l'absence de justice, sociale ou internationale, celui qui se laisse sérieusement interroger par le fait de la lutte des classes, par la guerre, par sa propre responsabilité dans la guerre, même si la guerre se déroule très loin au Vietnam ou ailleurs, ou la révolution comme au Chili ; il est inévitable que, lorsque cet homme essaye de mettre au point son engagement chrétien la liste des péchés qu'on lui présente dans les manuels est d'un faible secours. Il a l'impression que ça n'a rien à voir. Et il réclame, plus ou moins consciemment, que le sacrement de pénitence soit revalorisé dans son sens comme dans sa forme. On ne peut pas dire purement et simplement qu'il a tort. C'est évident. Voilà assez sommairement expliquées les causes d'un malaise qui se traduit par un abandon progressif du sacrement de pénitence, et par cette sorte de cette mise en concurrence du sacrement de pénitence et de la psychanalyse.

    Pour essayer d'y voir clair je vous propose de bien distinguer trois choses : 1°) La vertu de pénitence ; 2°) le sacrement de pénitence ; 3°) le rite du sacrement de pénitence.

    Trois choses à distinguer très soigneusement.

    1°) D'abord la vertu de pénitence.

    J'hésite à prononcer ce mot de "vertu", vous savez à quel point le mot est dévalorisé. Parler de "vertu" à des jeunes, ils vous envoient immédiatement promener ! On les comprend, tellement le mot a été affadi. C'est dommage. Parce que, ce qu'il faudrait, c'est redonner à ce mot son sens premier, son sens latin. La vertu c'est l'énergie ; "virtus" c'est la force, c'est le courage. C'est ça le sens premier du mot "vertu". Au fond, ce que nous appelons "vertu" c'est la vérité de notre relation à Dieu. Il faut être existentiel, concret, réel. La vie, elle est faite de relations. Parmi nos relations, il y a une relation privilégiée, c'est la relation à Dieu. Il faut que cette relation soit vraie, authentique. Or la vérité de notre relation à Dieu c'est que nous sommes des enfants pardonnés dans les bras d'un Père qui pardonne.

    Ce qu'on appelle la vertu de pénitence c'est la prise de conscience de cette relation entre l'homme et Dieu. Si je me présente devant Dieu comme un innocent, ma relation à Lui n'est plus une relation vraie. Et si Dieu n'est pas pour moi avant tout Celui qui pardonne, ma relation à Lui n'est pas une relation vraie. La plus profonde de toutes les réalités c'est la réalité du pardon divin. Nous pourrions dire que la réalité du pardon de Dieu c'est le coeur du coeur de la révélation judéo-chrétienne.

    Vous savez que les païens avaient pressenti la grandeur du pardon. Les païens avaient un mot dont il est très dommage qu'on ne l'emploie plus guère dans la langue française : le mot "magnanimité". On a écrit il n'y a pas tellement longtemps une thèse de doctorat sur la "magnanimité". Etre magnanime c'est être à la fois courageux et être compatissant. Ce qu'on appelle la "grandeur d'âme" implique à la fois le courage et la compassion. Nous trouvons cela chez les païens. Lorsque Thésée a délivré des prisonniers du labyrinthe il élève un autel à la ....... (inaudible). Et dans l'Iliade, Achille est grand par son courage, bien sûr, mais aussi et surtout par sa compassion pour le vieux père de celui qui a tué son ami. Bossuet écrit : "Lorsque Dieu formait les entrailles de l'homme il y mit premièrement la bonté." Or Dieu a fait l'homme à son image, c'est donc Dieu d'abord qui a des "entrailles". C'est bien dommage que les fidèles ignorent que derrière les mots que nous utilisons si souvent : "miséricorde", "pitié" : Seigneur prends pitié ! O Christ prends pitié! derrière tous ces mots-là il y a une racine qui signifie "utérus", "matrice", "sein maternel". Quand nous disons : Seigneur prends pitié, cela veut dire : "souviens toi que tu as des entrailles de mère". C'est une invocation à la maternité presque "physique", "viscéral" de Dieu.

    Ce qui est au cœur de la révélation chrétienne c'est la révélation du pardon divin. Alors ce que j'appelle la vertu de pénitence c'est la prise de conscience de cette réalité qui est la plus profonde de toutes les réalités, à savoir que nous sommes des enfants pardonnés dans les bras d'un Père qui a des "entrailles" de mère  et qui nous pardonne. C'est toute la Bible !

    Alors je préfère vous donner quelques textes de l'Ancien Testament, parce que tout le monde connaît les textes de l'Evangile : la brebis perdue, la pièce de monnaie égarée, le fils prodigue qui revient, l'insolvable sans entrailles en saint Matthieu (ch.18). Je préfère vous indiquer quelques grands textes de l'Ancien Testament parce que, avant de parler du sacrement de pénitence,  il faut comprendre ce qu'est LA pénitence.

    Pénitence est un mot qui traduit assez mal le grec "metanoïa" qui signifie : "changement de mentalité", changement de vie, retournement intérieur. Métanoïa : c'est le mot qu'emploie Jean-Baptiste au début de l'Evangile. Nous traduisons : "faites pénitence". cela veut dire : "retournez-vous" ! "changez de manière d'être" ! "changez de perspective"  : c'est cela qui rend possible la pardon divin.

    Eh bien, parmi les textes de l'Ancien Testament, il y a d'abord le prophète Osée.

    Avez-vous lu le prophète Osée ?

    Vous en avez pour vingt minutes, pas plus. Il est proprement inouï que des catholiques n'aient pas lu le prophète Osée : je dis bien vingt minutes, pas plus. C'est prodigieux. C'est à partir du drame personnel d'Osée que Dieu nous révèle la profondeur de son pardon. Le livre d'Osée c'est une prophétie en actes. Ce ne sont pas des paroles. C'est la vie même d'Osée qui a une valeur prophétique. Il a une femme, une femme qui s'appelle Gomer. Et c'est une femme qui est portée à la prostitution. Osée a peur qu'elle transmette à ses enfants ses mauvais penchants. Alors il hésite à l'épouser. Alors Dieu intervient et lui dit : "épouse cette femme et ton mariage aura une valeur d'enseignement", ton mariage avec cette femme portée à la prostitution aura un sens prophétique. Osée épouse Gomer. Gomer lui donne des enfants. Mais Osée, toujours sur l'ordre de Dieu, donne des noms, toujours symboliques, qui laissent présager que le malheur va s’appesantir."  (32:11)

                                                                          A suivre prochain post.

                                                       François Varillon

     

     

     

  • conversions, réconciliation et purification de la mémoire (2)

     

    (suite du post précédent).

    remarque pour éviter un grave contre-sens :

    le père M.D Molinié s'adresse ici à un auditoire de religieuses. Quand il parle du mal c'est le mal que nous pouvons faire chaque jour : manquement à la charité fraternelle, tiédeur.....Mais  qu'en est-il d'un chrétien qui aurait commis des actes graves comme le meurtre par exemple ? Dans pareil cas il aurait le devoir de se dénoncer, de se présenter à la justice et d'assumer les conséquences de ses actes en purgeant la  peine que la justice des hommes lui infligera, et en réparant ... : sans ces démarches préalables, sa démarche  de pardon à Dieu n'aurait aucun sens. Mais devant Dieu la médiocrité spirituelle d'une personne consacrée à Dieu peut être plus grave que la médiocrité d'un petit délinquant ou les actes répréhensibles d'un assassin. C'est le secret des coeurs, seul Dieu connaît les motivations profondes des actes humains. C'est pourquoi nous ne devons pas juger autrui car ce serait nous mettre à la place de Dieu. Ni autrui, ni nous-mêmes ! Tout homme, fût-il un assassin, peut (en usant de sa liberté et avec l'aide de Dieu)  se convertir et  tirer d'un mal un bien ; quitter son enfer pour marcher vers la lumière.  Finalement et  quelle que soit notre situation "spirituelle" du moment, nous tirerons toujours avantage à écouter l'enseignement du P. M.D Molinié et à l'adapter à  notre cheminement ici et maintenant.

    Dans cet exposé le style oral ne respecte pas forcément des structures de phrases plus classiques.

    -------------------------------------------------------------

    (...) oublions tranquillement, et le plus tranquillement possible ou plutôt le plus allègrement possible, le plus passionnément possible tout le passé, et toutes les conséquences futures du passé telles que nous pouvons les prévoir humainement. Car il y a des conséquences divines du passé que Dieu seul connaît à savoir le bien qu' Il peut tirer du mal à chaque instant dès que nous lui donnons le mal, car il faut lui donner le mal pour qu'Il en tire quelque chose d'extraordinaire que Lui seul peut en tirer. Il ne faut pas perdre son temps à regarder le mal. Il faut le Lui donner, et Il a besoin que nous le Lui donnions. Alors voyez quelle audace que ça représente ! Et si quelque chose devait être regrettée - ah oui regrettée -  pour que le sacrement de pénitence puisse s'exercer et après, qu'ensuite,  on oublie immédiatement ce qu'on regrette c'est-ce-que précisément, ce que  le chrétien et le contemplatif fassent cela : Lui donnent leurs péchés, Lui  donnent leurs misères, mais pas seulement leurs misères mais surtout le non-être, puisque Lui seul peut en tirer l'être... Et ce non-être qui est le mal et le mal des autres et le nôtre, et les conséquences, eh bien je vous le donne parce que je sais que vous pourrez en tirer du bien à chaque instant. A chaque instant !   Alors que d'inquiétudes nous nous épargnerions si nous agissions ainsi.

    Prenons un exemple très simple, et classique, combien classique : ne pas savoir exactement ce qu'il faut faire en face de telle circonstance, en face de quelqu'un. On ne sait jamais exactement ce qu'il faut faire. Il y a des cas ou c'est particulièrement difficile, désagréable, inquiétant. Et on sent que la partie entre les ténèbres et la lumière est tellement serrée, tellement violente qu'on est tenté (et le démon est bien là pour nous y inviter) à considérer la moindre fausse note, le moindre faux pas, la moindre maladresse, la moindre faute, comme entraînant une série de conséquences ténébreuses et irrémédiables. Tout simplement une seule chose à faire (mais ça nous ne le faisons pas parce que nous ne le croyons pas) : tout donner.  Et oublier (vif) ! Tout donner et oublier. Ah c'est du sport ! je ne vais pas vous le cacher. Et ce mouvement qui s'appelle en fin de compte une "conversion". A chaque fois que nous faisons quelque chose comme ça (tout donner et oublier) c'est une véritable  petite conversion qui s'opère en nous. Car c'est ça la conversion finalement : abandonner le passé et partir à zéro. Et j'entends votre objection :  mais à quoi bon cette conversion si c'est toujours à refaire ? Ah aïe aîe (rires dans l'auditoire)  ! Donc vous révez bien d'une conversion à partir de laquelle il n'y aurait plus à se convertir. Vous, vous révez bien de ce qui est aux antipodes de la sainteté ; puisque la sainteté est une accélération de la fréquence des conversions. A tout instant nous échappons à la lumière de Dieu, c'est évident, nous sommes pécheurs. Le problème ne consiste pas d'arriver à vouloir  trouver un truc pour un jour ne plus échapper à la lumière de Dieu. Ou plutôt il y en a un... (c'est regretter, tout donner à Dieu et oublier) La conversion c'est un mouvement fondé sur le regret et le regret comme oubliant. C'est-à-dire c'est un mouvement par lequel à chaque instant on donne (à Dieu) cette souillure (notre péché) qui nous échappe, qui vient de nous. Et à force de la donner  tout le temps il y a  un moment on ne s'arrête pas de donner le passé et de se convertir. Etre dans la lumière de Dieu c'est justement ça la tentation. Oui au ciel. Voilà bien la différence entre le régime de la terre et le régime du Ciel. Au Ciel on n'aura plus à donner successivement. On donnera éternellement dans un seul acte. Il n'y aura plus d'événements. Il n'y aura plus de conversions. Ah d'accord !  Mais en attendant, à tout instant  : l'infidélité, la rechute, l'apesantissement... la pesanteur nous menace ! Par conséquent on a qu'une solution pour être constamment fidèle : c'est en sorte de se reprendre toujours. Autrement dit que la conversion soit en effet toujours à refaire, mais alors de plus en plus toujours ! De telle sorte que plus on va, plus on se plonge dans cette mentalité de ne pas avoir encore commencé, comme ce bon chartreux qui dormait toujours. Il dormait toujours et pour se réveiller il avait construit un système d'horlogerie sensationnel (rires de l'assemblée) où une planche lui tombait sur les pieds (rires) mais il n'y arrivait pas. Au moment de mourir il a dit : je vais enfin me réveiller ! (rires). C'est magnifique ! c'est exactement ça ! 

     Alors j'en reviens à ce coup de vent qui nous projette à cent mètres et on se  dit :  ça y est, c'est pas mal. C'est pas mal et d'une part on n'a pas envie de monter plus haut, on trouve que c'est déjà pas mal comme ça. Et d'autre part, on veut essayer de trouver le truc pour ne plus redescendre. Et à la première dégringolade on se dit : c'est encore à refaire. En fait c'est à refaire pour aller plus haut. Ce qui nous perd c'est que nous considérons le coup de vent de la conversion comme un événement transitoire destiné à nous mettre dans un état qu'on appellerait la sainteté. Il n'y a pas d'état de sainteté ! Il y a simplement une précipitation de plus en plus fréquente des coups de vent, accélérés par le nombre peut-être aussi fréquent des chutes conscientes. Conscientes c'est-à-dire qu'au fur et à mesure qu'on devient plus délicat, pratiquement on s'aperçoit qu'on rechute tout le temps. Tout le temps. Du fait qu'on oublie Dieu, pas le passé. Je rêve d'extirper  de vos âmes le rêve, le désir de ce coup de vent définitif après lequel il n'y en aurait plus besoin : vous êtes aux antipodes de la sainteté. Il s'agit de se plonger de plus en plus dans la mentalité permanente des "ouvriers de la dernière heure" (c'est une parabole des Evangiles) qui brusquement découvrent qu'ils vont tout recevoir, que tout va commencer : enfin je vais me réveiller ! Alors  une autre comparaison encore si vous voulez : celle d'une locomotive qui se met en marche : tche...tche... tche...au début, c'est une petite mise en marche. C'est laborieux comme nous avec le poids du jour, le poids de la chair, le poids de la sottise et tout ça nous ralentit, puis dix ans plus tard un coup de vent, puis espérons un autre coup de vent ..cinq ans plus tard, et puis deux ans, et puis un an, et puis un mois et puis....etc et que ça finisse par se rapprocher  : c'est le mouvement de conversion... jusqu'à non pas tous les jours mais  qu'à tout moment le vent ne cesse (le Saint Esprit) de souffler. Et il ne tient qu'à nous car Lui il souffle d'une manière éternelle, sans arrêt. C'est nous qui nous freinons son action avec ce petit discours intérieur que nous faisons à Dieu : attendez un peu que je m'y reconnaisse , que j'exploite les lumières que vous m'avez données et puis que je fasse une vie de bon chrétien, de bonne religieuse..avec ce que j'ai on doit pouvoir faire mieux.  Et puis patatra ! la chute ! Alors on se décourage ! Et on appelle (Dieu), et immédiatement on reçoit comme toujours, ça ne traîne pas  mais à condition qu'on appelle pour de vrai,  sérieusement, du fond de l'être.... et immédiatement "nouvelle promotion" et à nouveau nous reprenons notre discours : ah , je vais pouvoir commencer à faire quelque chose !   Alors qu'il aurait fallu qu' après un premier coup de vent, et qu'au lieu de s'installer, qu'au lieu d'attendre paresseusement,   Il faut qu'à tout moment nous renaissions, dans un mouvement irréversible, de plus en plus souvent jusqu'à devenir "à tout moment"  et sous la pression d'un vent qui nous empêche de retourner en arrière : allez, allez, en avant ! On essaye de se retourner mais il n'y a pas moyen  .. c'est ça le souffle du Saint Esprit quand il devient un peu  harcelant. Il ne le fait pas tout de suite parce que nous ne le supporterions pas. C'est vraiment pas dans nos habitudes, ça nous donnerait comme de voyager sur la mer, avec un immense mal de mer, au fond c'est ça les purifications passives. c'est une espèce d'immence nausée du fait qu'on  ne sent plus sous nos pieds le terrain  solide. Dieu nous saisit. Il n'y a plus moyen de respirer tranquille comme avant : allez en avant, ne regarde pas ton passé, ce que tu as pu faire de bien, de mal... oublies ! ..Tu le donnes à la miséricorde !  Ah mais alors ! c'est quand même un  peu... harassant ! C'est ça.

    Alors voyez l'usage des sacrements...

     

                                                                         Père Marie-Dominique Molinié

     

                                                                      suite au prochain post...