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confession ou psychanalyse

  • Confession ou psychanalyse (11 et fin)

    [suite des posts précédents]

     Si au contraire je m'aperçois qu'il me faut un certain laps de temps pour vérifier l'orientation de ma vie, eh bien je vais décider d'attendre un certain temps avant de m'approcher du sacrement de pénitence : que chacun prenne ses responsabilités. Si la fréquence est excessive c'est la routine. Si au contraire la fréquence est trop rare, alors on risque de perdre le sens du péché, et du même coup le sens de Dieu et également l'aspect communautaire et collectif du péché.

    A partir d'ici, la conférence est finie.  François Varillon répond alors à des questions de l'auditoire (Q= question  R= réponse de F.V) 

    R/ Vous avez compris qu'il y a deux choses qui sont absolument essentielles : 1°) c'est l'esprit de pénitence, la conscience de ce qu'est la grandeur du pardon divin. La profondeur même de Dieu c'est la gratuité absolue de l' Amour et puis le sentiment que dans nos actes, même les plus généreux, il n'y a pas le désintéressement absolu. Aucun d'entre nous n'est absolument désintéressé : or c'est ça le péché. 2°) La pénitence comme sacrement c'est aussi essentiel. L'Eglise ne laissera jamais tomber le sacrement. Mais alors quelle forme il revêtira dans l'avenir, alors là c'est une toute autre affaire.

    Q/ Que devient la contrition ?

    R/  C'est l'essentiel de tout. J'essaye de me mettre dans la peu da la personne qui a écrit ce billet. J'ai un peu peur que cette personne se souvienne un peu vaguement de son catéchisme, n'est-ce pas, avec les différentes parties du sacrement de pénitence : la confession, l'aveu, la contrition et le ferme propos. Autrement dit j'ai très peur que la personne qui a écrit ce billet se situe au plan des notions. Des notions abstraites et non pas au plan de la réalité profonde des choses. Que serait le pardon accordé à quelqu'un qui ne regretterait pas sa faute ? Que serait le pardon qui est l'acte le plus profond de l'amour si cet acte profond de l'amour ne rejoignait pas l'amour de la créature. Que peut être l'amour dans une créature pécheresse sinon le regret de manquer d'amour. Moi je suis assez content de ce genre de question. je garde soigneusement ce genre de question. Parce que c'est cela qui m'aide à comprendre que beaucoup de chrétiens sont encore dans des idées abstraites. Comme si la vie chrétienne était un ensemble de prescriptions  : il faut qu'il y ait la contrition, il faut qu'il y ait le ferme propos.... Heureusement qu'il faut qu'il y ait le ferme propos ! Qu'est-ce que serait cet amour qui dirait : j'ai péché, tu me pardonnes mais je continuerai comme avant ! Alors que devient la contrition ? Elle devient de plus en plus l'essentiel du sacrement. Précisément c'est dans la mesure où le monde moderne prend de plus en plus conscience de la réalité des choses que l'essentiel doit apparaître, beaucoup plus vigoureusement qu'avant. Alors, s'il y a eu tout au long de l' Histoire de l'Eglise des discussions interminables, même des polémiques entre différentes écoles de théologie sur la contrition parfaite, sur la contrition imparfaite (qu'on appelait aussi "attrition"), je pense qu'il importe que nous ayons là un langage nouveau, un langage que nos contemporains puissent comprendre. Alors qu'il soit bien entendu que la contrition ne revêtira pas nécessairement un aspect sensible. Le regret d'avoir été "moche", ce regret ne s'accompagne pas nécessairement d'une  souffrance physique, d'une douleur physique. Mais  il est bien évident qu'un mari pourra souffrir sensiblement, physiquement, d'avoir dit du mal à sa femme, d'avoir fait souffrir  sa femme parce que c'est sa femme et qu'il a pour sa femme un amour sensible et qu'il n'éprouvera pas la même souffrance sensible vis-à-vis de quelqu'un qui ne fait pas partie de sa famille. Ca c'est humain, c'est normal. Or, comme Dieu est invisible, comme Dieu ne tombe pas sous le sens, on n'aime pas Dieu comme on aime une femme, c'est très différent, c'est d'un tout autre ordre. Alors la contrition sera identique au ferme propos. C'est le même mot en latin qui signifie regretter et désirer. Ça veut dire que le regret c'est un désir qui porte sur le passé : je désire n'avoir pas commis tel acte. C'est-à-dire : je voudrais ne l'avoir pas commis. Je regrette que ça ait eu lieu. Alors cela implique que je désire que ça ne se renouvelle pas à l'avenir.

    Soyez réels. C'est ça l'essentiel.

     

                                                                   François Varillon s.j

     

     

  • Confession ou psychanalyse (10)

    [suite du post 9 et des précédents]

    Ce que touche la psychanalyse, ce que la psychanalyse veut guérir c'est le psychisme. Or le psychisme c'est tout autre chose que l'âme même si psychisme, psychanalyse, psychothérapie comportent le mot "psyché" qui veut dire "âme" en grec. Personnellement je pense que le spirituel commence là où le psychologique finit.  Le psychique, le psychologique, l'homme peut y jeter la sonde. Sur le divan d'un psychanalyste, l'homme peut sortir en quelque sorte tout un passé qui est le fruit de son psychisme, mais cela n'a rien à voir avec le spirituel. On n'est pas responsable de son psychisme. Il y a des gens qui ont la manie du vol, il y a des obsédés, il y a des pervers au plan sexuel, des exhibitionnistes par exemple ou des voyeurs. Je ne dis pas que dans tout cela il n'y a pas de péché, je n'en sais rien, mais je dis : Dieu seul le sait. Car le péché se situe au plan spirituel  là où Dieu seul pénètre. Tandis que ce qui relève du psychisme, le psychanalyste l'étudie et parviendra à savoir pour quelles raisons tel homme n'est jamais parvenu à se guérir de l'homosexualité. Je pense par exemple à un grand écrivain qui multiplie les ouvrages pour nous raconter ce qu'a été sa vie d'homosexuel en même temps que son désir d'être un véritable chrétien : Julien Green, de l'Académie française. Je ne commets aucune indiscrétion en parlant de lui, parce que lui-même ne cesse de nous dire ce qu'a été sa vie où, constamment, il y a eu un grand désir de Dieu, une méditation quotidienne de la Bible et, en même temps, quelque chose d'irrépressible en lui dans le sens de l'homosexualité, mais alors ça c'est le psychisme. Sa relation profonde avec Dieu elle était d'ordre spirituel. Le spirituel est au-delà du psychique. Le psychique est intermédiaire, si vous voulez, entre le corps et l'esprit. Il tient des deux.  C'est ce qui touche aux névroses, aux psychoses, à tous les déséquilibres caractériels. Il est possible à Freud et à tous les disciples de Freud d'y jeter la sonde. On a dit que Freud avait allumé une torche dans l'inconscient : c'est très vrai. Alors le confesseur ne va pas s'amuser à faire de la psychanalyse, il est incompétent, et puis ce n'est pas son métier. Le confesseur transmet le pardon de Dieu à l'homme pécheur. Si le pénitent qui est là a besoin  d'un traitement psychanalytique alors le confesseur pourra lui donner le conseil d'aller trouver un psychanalyste. (...)

    "Je vous absous de votre culpabilité profonde telle que Dieu la voit." Le psychanalyste dit : "je ne sais pas si vous êtes coupable devant Dieu, ce n'est pas mon affaire. Mais ce que je constate à vous écouter c'est qu'il y a dans votre psychisme un traumatisme, alors on va essayer d'y remédier." C'est une toute autre affaire.  C'est Jean Lacroix qui insiste beaucoup là-dessus et il va jusqu'à écrire : "le spirituel commence là où le psychologique finit". Ce qui ne veut pas dire d'ailleurs que le psychologique ne soit pas une voie d'accès vers le spirituel ; et très souvent, en effet,  il est bon que les hommes soient libérés au plan psychique - alors là la psychanalyse peut être utile - alors étant libérés, ils pourront marcher d'un pas plus allègre vers une véritable humanité.

    Je conclus.

    Quoi qu'il en soit de tout cela, il faut à tout prix revaloriser le sacrement de pénitence. La première chose à faire pour le valoriser, comme dit un de mes confrères qui a des mots percutants, le Père Manaranche : " il faut que le sacrement de pénitence cesse d'être le paillasson de l'Eucharistie" Il veut dire cette sorte de tapis-brosse pour essuyer quelques obsessions chaque fois qu'on s'approche du sacrement de l'Eucharistie.  Il ajoute : "le sacrement de pénitence devrait être une véritable célébration" La rencontre avec le Dieu qui pardonne : quelle célébration ! On ne va pas se confesser pour recevoir un coup d'éponge ! Il faut en sortir ! Tout cela c'est de l'infantilisme à haute dose ! Alors la fréquence de la confession devra être mesurée par l'intensité de la vie spirituelle. Un chrétien qui se confesse à son rythme ne devrait pas -sauf cas grave caractérisé - se sentir obliger d'y recourir chaque fois que sa conscience l'inquiète sur un cas  particulier. Et le Père Manaranche ajoute encore : "  le sacrement du pardon sortira du discrédit où il semble actuellement s'engloutir dans la mesure où les fidèles pourront y voir un acte positif accompli pour lui-même et englobant bien au-delà d'une culpabilité particulière la totalité de leur existence croyante  avec ses responsabilités". Pour revaloriser le sacrement de pénitence je dirais : on va se confesser pour trouver le Christ en son lieu. Or le Christ il est avec les pécheurs. Je vais me confesser cela veut dire : je vais m'asseoir à la table des pécheurs. C'est son lieu. Il est avec les pécheurs. C'est ce que dit l'Evangile. Et moi, je ne dois pas me situer dans la catégorie des justes. Or, je pose un geste visible, historique, aux yeux de mes frères et de mes sœurs pour rejoindre le Christ là où il est, et m'asseoir avec lui à la table des pécheurs.

    Ensuite et enfin, je propose pour revaloriser le sacrement de pénitence que l'on fasse se rejoindre les deux sens du mot "confession". Confession au sens d'aveux et confession au sens où l'on parle d'une confession de foi au sens où l'on célèbre dans la liturgie les confesseurs, les saints confesseurs. Il faut faire se rejoindre les deux sens du mot. Par l'aveu, par la confession au sens d'aveu je confesse que le fond de Dieu c'est d'être une puissance infinie de pardon. On revalorisera le sacrement de pénitence dans la mesure où l'on cessera d'y voir une lessive au moins quand il s'agit de ce que Bernanos appelle : "la fourmilière des péchés véniels". Il peut y avoir des cas graves, alors là c'est une autre affaire :  un adultère vraiment consenti, poursuivi, maintenu envers et contre tout, alors là bien sûr. De même les injustices flagrantes en matière grave alors là il n'y a pas de problème : c'est le sacrement de pénitence, il est fait pour cela. Mais pour le reste, pour "la fourmilière de nos péchés véniels" , pour cette "température continuelle de péché" dont parle Claudel....[coupure !] j'adore la profondeur de Dieu et la profondeur de Dieu c'est le pardon. Et je l'adore autrement qu'avec des mots, je l'adore, ça en vaut la peine,  avec un acte, un geste, une décision qui se traduit par l'aveu de mon péché. Je ne vous dirai rien sur la fréquence du sacrement de pénitence car l'Eglise n'a pas à donner dessus des consignes. C'est à nous à inventer notre vie spirituelle. Nous avons à créer jour après jour notre vie avec Dieu. Si je m'aperçois que je suis en train de perdre le sens du péché et, du même coup, le sens de Dieu, je décide de me confesser plus souvent.

                                                                                  A suivre...... prochain post

                                                        François Varillon s.j

  • Confession ou psychanalyse (9)

    [suite du post 8 ]

    Le rite du sacrement de pénitence.

    Oh alors là mesdames et messieurs, attendez vous à des changements. Il y en aura. Il y en aura parce que les choses ne peuvent pas continuer comme elles sont. Et que tout au long de l'histoire de l'Eglise il y a constamment eu des changements. Dites vous bien qu'il n'y a pas de chapitre plus difficile en théologie que l'histoire du sacrement de pénitence. Alors ne comptez pas sur moi pour vous raconter toutes les mutations, toutes les fluctuations, tous les changements qui se sont produits au cours de l'histoire. Comme dit le père Karl Rahner avec beaucoup d'humour : "Ce n'est quand même pas saint Joseph qui a fabriqué le premier confessionnal."  Le premier confessionnal date du XVIe siècle. Comme disait Jacques Maritain qui n'est pas un farfelu, qui est au contraire l'homme le plus sérieux qui soit, il dit : "ce meuble sinistrement cocasse". En effet, le confessionnal un meuble "sinistrement cocasse" ça date du XVIe siècle. C'est un cardinal, c'est un très saint homme, saint Charles Borromée, qui a institué à Milan cette espèce de meuble "sinistrement cocasse".

    Alors, j'emprunte à un journal qui s'appelle Le Monde,  sous la signature de Robert Solé, qui est correspondant du Monde à Rome pour les choses religieuses,  il a fait un article excellent pour résumer en quelques mots cette histoire compliquée du sacrement de pénitence. Figurez-vous que ce n'est qu'au IIIe siècle que s'est fixée une discipline pénitentielle réservée aux fautes graves, pratiquée une seule fois dans la vie. Une seule fois. La confession apparaît alors comme l'unique planche de salut après le baptême. Une fois. L'acte est public mais l'aveu est privé et les peines d'une très grande sévérité. On vous donnait pour pénitence d'aller à Jérusalem, ou d'aller à Saint Jacques de Compostelle, en Espagne. Et à cause de ça les gens hésitaient à se confesser et attendaient la fin de leur vie pour qu'on ne leur donne pas - alors qu'ils étaient des vieillards - comme pénitence d'aller à Jérusalem ou à Saint Jacques de Compostelle. L'expiation s'accompagne d'une véritable excommunication qui peut se prolonger à perpétuité. Et cela poussera nombre de chrétiens à ne demander la pénitence que sur leur lit de mort. Ce n'est qu'au VIIe siècle que la confession telle que nous la connaissons a été importée en France par des moines venus d'Irlande. Alors progressivement, à partir de cette date,  la confession devient privée, périodique et puis, à partir du IVe concile de Latran, c'est-à-dire 1215, elle devient obligatoire une fois par an pour les péchés mortels. Cette évolution s'accompagne d'une liberté pour le pénitent de choisir son confesseur et d'une obligation pour celui-ci de garder rigoureusement le secret : c'est l'origine du secret de confession. mais les fautes graves jugées particulièrement  scandaleuses comme l'inceste, le parricide ou l'hérésie, devront encore, pour un temps, faire l'objet d'une pénitence publique.

    Le confessionnal fait son apparition au 16e siècle. Et savez-vous pourquoi on a inventé le confessionnal ? Robert Solé dit les choses avec discrétion : "ce meuble destiné à séparer le pénitent du confesseur semble avoir été créé dans un souci de décence à une époque où les mœurs étaient quelque peu relâchées." C'est très bien dit, c'est discrètement dit ! Il n' y a pas tellement longtemps, le code de droit canonique précisait : [le code de droit canonique d'alors était celui promulgué en 1917 remplacé par un nouveau code en 1983. Lorsque cette conférence a été donnée vers 1973/1975 ce code était déjà en cours de révision. Note de l'auteur de ce blog.]. Ce code précisait que "la grille à travers laquelle se parlent le prêtre et le pénitent doit être fixe ! et munie de trous étroits ! L'article que j'ai sous les yeux est de 71. Donc en 71 il était toujours interdit d'accorder aux femmes l'absolution en dehors du confessionnal. Or, des enquêtes ont montré que c'était elles qui souffraient le plus du caractère rébarbatif de ce meuble, "sinistrement cocasse" comme dit jacques Maritain dans son dernier ouvrage. Bon, c'est vous dire qu'il ne faudra pas vous étonner si des changements profonds ont lieu dans le rite du sacrement de pénitence. Vertu de pénitence : rien de plus fondamental. Ça touche au fond de Dieu [voir les posts précédents sur ce sujet]. Sacrement de pénitence : l'Eglise ne l'abandonnera jamais. Le rite du sacrement de pénitence : je ne suis pas prophète. Comment les choses se passeront-elles demain ? Certainement il y aura multiplication des cérémonies pénitentielles. Les cérémonies pénitentielles ont une raison d'être très profonde car il y a des péchés collectifs, il y a des péchés de "milieu", des péchés de classe sociale,  des péchés de nation... Nous participons à un péché qui est collectif, et il est bien certain que pendant trop longtemps, nous avons considéré le péché comme étant quelque chose de purement individuel. Il se peut qu'à l'heure actuelle on exagère en sens inverse. Il se peut que, mettant très fortement l'accent et avec raison sur l'aspect collectif de la pénitence, on oublie qu'il y a des responsabilités qui sont très personnelles et très individuelles ; et c'est la raison pour laquelle je pense pour ma part qu'on ne supprimera jamais la confession auriculaire. Seulement, il faudra qu'une éducation se fasse auprès des chrétiens pour qu'ils ne cherchent pas dans le sacrement de pénitence l'équivalent d'une psychanalyse. En première approximation, en surface, on serait tenté de dire : absolution collective, cérémonie pénitentielle pour le peuple chrétien, pour les péchés du peuple chrétien. Les cas particuliers alors cela relève de la thérapeutique psychologique ou psychanalytique. Non. Jamais vous ne m'entendrez dire une chose pareille. Je pense que le sacrement de pénitence et la psychanalyse ne se situent absolument pas sur le même plan. 

                                                           .... à suivre prochain post.

                                                                   François Varillon s.j 

     

     

  • Confession ou psychanalyse (8)

    (suite du post 7)

    Le sacrement de pénitence.

    Il y a deux choses à dire ici. Soyez tranquilles, l'Eglise n'abandonnera jamais le sacrement de pénitence, ce n'est pas possible. Ce qu'il s'agit de comprendre c'est pourquoi ce pardon de Dieu qui est le fond de Dieu nous atteint par et dans un sacrement ?

    Deux choses.

    La première c'est que nous ne sommes pas seulement pécheurs vis-à-vis de Dieu, nous sommes pécheurs vis-à-vis de nos frères. Tout péché quel qu'il soit (même le plus intérieur, même celui qui se manisfeste le moins à l'extérieur) est à la fois contre Dieu, contre les autres et contre soi-même. Le propre du péché c'est d'introduire la division. Triple division : division d'avec Dieu, division d'avec les autres hommes et  division d'avec moi-même.  S'il en est ainsi, comprenons que Dieu veuille que la réconciliation avec lui soit également une réconciliation avec les autres hommes. Autrement dit, s'il me réconcilie avec lui, c'est par le  moyen d'une réconciliation avec les autres hommes. Le sacrement c'est essentiellement l'acte de l'Eglise qui me transmet le pardon de Dieu par la médiation du pardon des autres hommes mes frères. Quand je vais me confesser c'est un homme qui m'absout au nom de Dieu. Cet homme qui m'absout au nom de Dieu c'est un prêtre, donc il parle au nom de Dieu. Mais en même temps c'est un homme : il me pardonne au nom de tous mes frères que j'ai offensés par le péché. Il n'y a rien à comprendre au sacrement de pénitence si nous ne comprenons pas que nous sommes tous solidaires dans le péché et c'est cela que nous appelons le péché originel mais nous sommes tous solidaires dans la réconciliation. On demande parfois quelle différence il peut y avoir entre une communauté d'hommes qui ne sont pas chrétiens et une communauté de chrétiens. La première réponse que je ferai est la suivante : nous devons dans une communauté chrétienne nous regarder les uns les autres avec des regards qui pardonnent les uns aux autres. Vous avez tous ici à me pardonner d'être un religieux très médiocre, très infidèle au portrait que saint Ignace de Loyola traçait du jésuite selon son cœur, j'en suis extrêmement loin et vous avez à me le pardonner. Et moi j'ai à vous pardonner d'être aussi  des pères de famille, des époux ou des épouses en dessous de votre tâche. J'ai à vous pardonner d' être engagés de façon trop timide dans la tâche humaine pour un monde plus juste et plus fraternel. J'ai à vous pardonner vos entêtements, vos timidités. Nous avons à nous regarder les uns les autres avec un regard chargé de pardon ; c'est tout cela qui nous est signifié dans le sacrement de pénitence : un acte d'Eglise.

    Alors la deuxième chose qui est très proche de la première c'est que dans le sacrement, le pardon de Dieu m'atteint dans mon identité la plus profonde. Il faut que ce pardon de Dieu m'atteigne au fond, au fond ! Mais quel est le fond de moi ? Qui êtes-vous finalement ? Quel est le fond de vous-mêmes ? Qu'est-ce que vous mettez sur votre carte de visite ? Vous pouvez mettre : célibataire, marié, tant d'enfants, telle profession, et puis après ? Plus profond ?  Qu'est-ce qu'il y a tout à fait au fond ? Qui êtes-vous ? En profondeur ultime quel est le fond de votre être ? Membre de l'Eglise ! C'est-à-dire du Christ. Membre du corps du Christ.  C'est votre identité la plus profonde. C'est là que le pardon du Christ vous rejoint et c'est pourquoi la pénitence est un sacrement d'Eglise, dans l'Eglise, par l'Eglise. Jamais l'Eglise n'abandonnera le sacrement de pénitence, jamais. Et c'est pourquoi il faut que chacune de nos confessions soit une sorte de protestation contre la tendance qui est naturelle à l'homme de diluer la foi, de dissoudre la foi dans une sorte de religiosité plus ou moins  sentimentale. Quand je vais me confesser j'oriente mon être tout entier... (suite inaudible)

    La foi c'est quelque chose de visible, et quelque chose d'historique donc de sacramentel.

    Vertu de pénitence, sacrement de pénitence. Troisièmement :  le rite du sacrement de pénitence. (15:14)

                                                            A suivre...prochain post

     

                                                               François Varillon s.j

  • Confession ou psychanalyse (7)

    (...)

    Il faut bien comprendre que dans l'amour de Dieu il y a une triple gratuité.

    Il y a la gratuité de l' Amour qui nous crée ; il y a la gratuité de l'Amour qui nous divinise ; et il y a la gratuité de l'Amour qui nous pardonne, c'est-à-dire qui nous rend perpétuellement ce que nous perdons perpétuellement par le péché ; mais c'est le pardon qui est la gratuité suprême.

    Dans beaucoup de langues le préfixe "par" signifie "à fond" , "jusqu'au bout" : faire, parfaire : ce qui est fait jusqu'au bout. Eh bien, de même,  donner par-donner. Par-donner c'est donner à fond, jusqu'au bout. Et Dieu se révèle comme étant un infini d'amour en se révélant comme une puissance infinie de pardon. J'aime bien poser la question suivante (ça surprend parfois les fidèles). Je vous la pose : à votre avis faut-il plus de puissance à Dieu pour créer ou pour pardonner ? En première approximation parce que nous sommes victimes de l'imagination et que nous vivons à la surface des choses nous répondons spontanément : c'est pour créer qu'il faut le plus de puissance. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai. Il faut plus de puissance d'amour pour pardonner que pour créer. Et en Dieu il n'y a pas d'autre toute puissance que la puissance de l'Amour. Pardonner c'est recréer. C'est pulvériser une culpabilité, la réduire à néant. Nous, nous ne le pouvons pas. "Dieu seul pardonne" dit Verlaine dans un admirable poème "Sagesse". Dieu seul pardonne, nous, nous ne pouvons pas, nous faisons "comme si". Je puis vous dire : vous m'avez offensé, n'en parlons plus. Très bien, mais je n'ai pas le pouvoir de réduire à néant votre culpabilité.  Vous restez avec votre culpabilité. Vous êtes heureux que je n'en tienne pas compte, mais je ne peux pas aller plus loin. Tandis que Dieu, il pulvérise la culpabilité ! Il la réduit à néant. C'est un philosophe non chrétien qui écrivait il n'y a pas tellement longtemps : "Dieu peut rétablir l'égalité originaire des consciences". Nous sommes peut-être quatre cents dans cette salle, très inégaux les uns par rapport aux autres. Parmi nous il y a de très grands pécheurs, parmi nous il y a de saintes âmes. Qui juge ? Dieu seul. Mais en tout cas, nos consciences ne sont pas égales.  Le pardon divin rétablit l'égalité originaire des consciences. Je dis bien des consciences. Je ne dis pas des psychismes. Le psychisme ça regarde précisément la psychanalyse. Il y a parmi nous des psychismes parfaitement équilibrés. Il y a aussi probablement des psychismes démolis, traumatisés. Psychisme c'est pas la conscience. Ça regarde le médecin, le psychothérapeute, le psychanalyste. Mais la conscience, c'est-à-dire la pureté de la relation à Dieu : le pardon rétablit l'égalité originaire des consciences. Bernanos disait que c'est l'enfant que nous avons été qui nous attend à l'heure de notre mort pour nous introduire en Dieu. C'est très beau. Cela veut dire qu'on ne pardonne finalement qu'à des enfants. Ce que Dieu rejoint en nous quand il nous pardonne c'est précisément ce point profond qui est resté enfant. Non pas l'enfance du début de la vie parce que, comme dit Freud précisément, l'enfant est  un "pervers polymorphe". Mais l'enfance que nous devons viser c'est l'enfance qu'il nous faut atteindre comme étant le sommet de l'âge adulte et qu'on atteint véritablement que dans l'agonie.

    Un jour, faisant le voyage de Lyon à Strasbourg, je lisais un article d'un de mes confrères qui s'appelle le père Georges Morel, qui a écrit un gros livre sur saint Jean de la Croix et aussi un gros livre sur Nietzsche. Je lisais donc un article de lui. Et je tombe sur cette phrase : "Non seulement Dieu oublie l'offense, mais il oublie le péché lui-même." Je crois que j'ai fait un bond dans le compartiment. Et les gens qui étaient là étaient très étonnés en se demandant ce qui m'arrivait tellement j'ai trouvé ça prodigieux : non seulement Dieu oublie l'offense mais il oublie le péché lui-même ! C'est l'oubli total ! La toute puissance de l'Amour qui va jusqu'à cet oubli absolu. Alors la joie de Dieu c'est de révéler ce qu'il y a de plus profond en lui. Et ce qu'il y a de plus profond en lui c'est ce que j'appelle  "une respiration pardonnante". C'est tout cela que je mets sous le titre : la vertu de pénitence. Si jamais les chrétiens en venaient à oublier tout ce que je viens de vous dire je crois que c'en serait fait de l'essentiel du christianisme. Par conséquent, quoi qu'il arrive, quels que soient les malaises qui peuvent se faire jour à la faveur des cultures nouvelles, quoi qu'il en soit de tout cela il y a quelque chose  qui faut sauvegarder à tout prix c'est ce que j'appelle la vérité de notre relation à Dieu ; notre relation à Dieu n'est qu'une relation vraie  que si c'est la relation d'un pécheur pardonné dans les bras d'un Père qui a des entrailles et qui pardonne.

    Passons au sacrement de pénitence (8:42)

                                                                   à suivre...prochain post

                                                            Père François Varillon s.j

  • Confession ou psychanalyse (6)

    suite du post 5

     

    Ces pages extraordinaires dont Péguy disait que si tous les exemplaires de l' Évangile devaient être détruits dans d'immenses incendies, il faudrait au moins que l'on puisse  conserver la parabole de l'enfant prodigue, le chapitre quinzième de saint Luc.

    Et je ne vais pas vous raconter la parabole de l'enfant prodigue ; je préfère vous inviter à des retraites où alors nous méditerons cette page longuement, une journée entière. Mais je vous rappelle cette scène de l’Évangile où Pierre demande timidement à Jésus combien de fois il faut pardonner. Chez les Juifs on considérait que pardonner plus de trois fois c'était quand même de l'exagération. Ce n'était plus de la bonté c'était de la bêtise. Alors il [Pierre] dit timidement à Jésus : est-ce qu'il faut pardonner jusqu'à sept fois ?  Alors Jésus le regarde et lui dit : "sept fois ?! Soixante-dix fois sept fois" ! Ce qui veut dire que ce n'est pas une affaire de quantité, c'est une affaire de qualité.

    Il faut pardonner comme on respire. Dieu pardonne "comme il respire". Alors toute la question c'est que la respiration "pardonnante" de Dieu nous atteigne. Dieu - et là j'insiste beaucoup - il pardonne comme il respire. Il n'attend pas que nous soyons confessés pour nous pardonner. 

     

                                                                      A suivre....

                                                                     François Varillon s.j  

  • Confession ou psychanalyse (5)

    Suite de la conférence de François Varillon (S.J) sur la confession. Je vous recommande de lire les textes 1 à 4 avant d'entreprendre la lecture de ce post, du moins pour se pénétrer de toute la richesse de cet enseignement. (Retranscription à partir d'un enregistrement).

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    [reprise dernière phrase]

    Mais Osée, toujours sur l'ordre de Dieu, donne des noms, dont le sens symbolique laisse présager que le malheur va s’appesantir à la fois sur la vie conjugale d'Osée et sur le destin d'Israël. En effet, Gomer ne tarde pas à quitter son mari et à se prostituer de nouveau. Peut-être va t-elle exercer, au service d'un sanctuaire, la prostitution que les païens considéraient comme sacrée. Alors dans sa colère et dans sa souffrance, Osée continue d'aimer la femme infidèle. Elle s'est vendue. Il la rachète. Si, pendant un temps d'épreuve, elle consent à rester fidèle, tranquille au foyer, sans se prostituer, sans se livrer à aucun homme, Osée pardonnera tout et un jour Gomer, purifiée, aura de nouveau son rang d'épouse. Evidemment Osée ne peut pas réintroduire Gomer en son foyer en acceptant qu'elle continue à se prostituer : ce ne serait plus de l'amour, ce serait de la mauvaise complaisance. Ce serait une complaisance indigne. De même, Dieu ne peut pas pardonner à Israël en fermant purement et simplement les yeux sur son idolâtrie, sur sa débauche, sur son injustice. Il faut que Gomer soit éprouvée. Il faut qu'elle réfléchisse et qu'elle renonce librement à la volupté adultère.

    Elle le fait, et Osée rend à Gomer, purifiée et amendée, la joie du premier amour. C'est la prodigieuse révélation du pardon dans l'Ancien Testament. Ce n'est pas la première, il y avait déjà l'histoire de Joseph pardonnant à ses frères dans le livre de la Genèse.

    Mais je voudrais vous proposer de réfléchir à un autre texte de l'Ancien Testament. C'est le livre de Jonas. S'il faut vingt minutes pour lire Osée, il faut vingt-cinq minutes pour lire le livre de Jonas. Je pense que ça vaut la peine. Combien de temps passez-vous à lire Paris-Match ou l'Express ou d'autres hebdomadaires ? Nous avons un examen de conscience à faire vous savez, sérieux. Et c'est prodigieux le livre de Jonas. C'est une fable. Quand on pense que les enfants apprennent les Fables de La Fontaine, et ce sont des chefs-d'oeuvre, et les éducateurs chrétiens n'ont pas songé à leur faire étudier la fable de Jonas, comment ça se fait ? Alors on pourra bien composer des problèmes sur le sacrement de pénitence, on ignore la base, le fondement.

    Le Livre de Jonas c'est une fine satire ou une sorte d'apologue contre les Juifs qui étaient scandalisés par la patience de Dieu à l'égard des païens. Au fond, les Juifs sont ennuyés que Dieu aime Ninive. Mais Dieu aime Ninive. Ninive, la grande capitale. Alors un jour, Dieu dit à Jonas : je te donne l'ordre d'aller à Ninive, et là-bas, tâche de leur faire un beau sermon. Tu leur diras : les amis, il y a beaucoup trop de péchés dans votre ville, si elle ne se repend pas, Dieu fera éclater sa colère.

    Mais Jonas, au lieu d'aller à Ninive, prend la direction opposée. Au lieu de prendre le bateau pour Ninive, il prend le bateau pour Tarsis. Exactement comme si Dieu me donnait l'ordre de prendre le train pour Paris et que je prenais le train pour Lyon !

    Une tempête effroyable survient. Le capitaine qui est un "bien-pensant" demande à tous les passagers de prier. Et Jonas qui n'a pas la conscience tranquille - parce qu'il n'a pas obéi à Yahvé - va se cacher au fond de la cale. On finit par le trouver et on lui dit : pourquoi tu ne pries pas toi ? Alors les mariniers se disent les uns aux autres : on va jeter le sort afin de savoir d'où vient le mal. Il y a un coupable parmi nous. Il est responsable de la tempête. Et le sort tombe sur Jonas et on jette Jonas à la mer.

    Dieu fit venir un gros poisson, un poisson qui engloutit Jonas. Dans le ventre du poisson, Jonas fait oraison. Il a le temps ! [rires de l'auditoire]. Et Jonas demande pardon à Dieu de lui avoir désobéi. Et Dieu lui pardonne. Dieu dit alors deux mots au poisson et le poisson crache Jonas sur la terre. Alors Dieu dit à Jonas : tu vois, je t'ai pardonné. Est-ce que tu vas maintenant m'obéir ? Je te réitère l'ordre d'aller à Ninive et d'y faire un grand sermon pour annoncer ma colère s'ils ne font pas pénitence. Alors cette fois Jonas obéit. Mais on sent bien qu'il est inquiet. Il voudrait se dérober. Visiblement, ce sermon  qu'il a à faire l'ennuie. Enfin, il fait son grand sermon dont voici le résumé : il y a beaucoup de péchés dans votre ville : encore quarante jours et Ninive sera détruite. A ce moment-là grand branle-bas dans la capitale. Tout le monde se met à jeûner, à se revêtir d'un sac du plus petit jusqu'au plus grand. Le roi lui-même enlève son manteau royal, se couvre d'un sac, quitte son trône, s’assoit sur la cendre, et il fait publier un décret ordonnant une pénitence générale.

    Qu'est-ce que vous voulez que Dieu fasse ?

    Naturellement Il pardonne à Ninive. Il ne met aucune de ses menaces à exécution. Alors Jonas est furieux et il dit à Dieu : je savais bien que tu allais passer. C'est toujours la même histoire ! Vous m'envoyez faire des sermons ; vous voulez que de votre part je profère des menaces, que je parle de votre colère. Croyez-vous que je ne commence pas à vous connaître ? Vous êtes un Dieu miséricordieux, vous pardonnez, vous êtes clément. C'est bien pour ça que je me suis enfui la première fois. De quoi est-ce que j'ai l' air ? J'annonce des choses terribles de votre part et puis, rien, vous pardonnez !  J'en ai assez de faire l'imbécile.

    Dieu lui dit : Jonas, as-tu raison de t'irriter ? Tu as tort d'être furieux !  

    Alors Jonas se met à bouder, et il va s'asseoir dans la banlieue, à côté des fortifs. Alors Dieu pousse la bienveillance jusqu'à faire pousser un ricin pour donner de l'ombre à Jonas. Mais à l'aube un ver pique le ricin  et le ricin sèche. Jonas est de plus en plus furieux. Il est en plein soleil. Il attrape la migraine. Et il dit : décidément la mort vaut mieux que la vie. Alors Dieu lui dit : fais-tu bien de t'irriter à cause de ce ricin ? Tu t'affliges au sujet d'un ricin pour lequel tu n'as pas travaillé et que tu n'as pas fait croître ; qui est venu en une nuit et qui a péri en une nuit. Et tu voudrais que moi je ne m'afflige pas au sujet de Ninive, la grande ville dans laquelle il y a plus de cent vingt mille hommes qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche. Et des animaux en grand nombre. Et tu voudrais que je ne les aime pas ? Et tu voudrais que je ne leur pardonne pas ?

    C'est admirable. C'est admirable !

    Le péché de Jonas c'est de n'avoir pas participé à la joie de Dieu. La joie de pardonner.

    C'est le péché des pharisiens dans l’Évangile qui consiste à ne pas se réjouir avec Dieu du pardon accordé à Ninive repentie.  

    Moralité de tout cela : le cœur de Dieu est plus grand et plus large que le cœur de l'homme. Et c'est tout cela que nous retrouvons dans le Nouveau Testament  avec les trois paraboles du chapitre quinzième de saint Luc.

                                                                                  A suivre....

                                                            François Varillon  S.J

  • Confession ou psychanalyse (4)

    Suite de la conférence de François Varillon (S.J) sur la confession. Je vous recommande de lire les textes 1 à 3 avant d'entreprendre la lecture de ce post, du moins pour se pénétrer de toute la richesse de cet enseignement. (Retranscription à partir d'un enregistrement audio).

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    Alors ce qu' il faut bien comprendre c'est que le chrétien qui se laisse sérieusement interroger, interroger en profondeur, à la racine même de lui-même par le phénomène de la misère dans le monde, la misère ou la faim dans le monde ; le chrétien qui se laisse sérieusement interroger par l'absence de justice, sociale ou internationale, celui qui se laisse sérieusement interroger par le fait de la lutte des classes, par la guerre, par sa propre responsabilité dans la guerre, même si la guerre se déroule très loin au Vietnam ou ailleurs, ou la révolution comme au Chili ; il est inévitable que, lorsque cet homme essaye de mettre au point son engagement chrétien la liste des péchés qu'on lui présente dans les manuels est d'un faible secours. Il a l'impression que ça n'a rien à voir. Et il réclame, plus ou moins consciemment, que le sacrement de pénitence soit revalorisé dans son sens comme dans sa forme. On ne peut pas dire purement et simplement qu'il a tort. C'est évident. Voilà assez sommairement expliquées les causes d'un malaise qui se traduit par un abandon progressif du sacrement de pénitence, et par cette sorte de cette mise en concurrence du sacrement de pénitence et de la psychanalyse.

    Pour essayer d'y voir clair je vous propose de bien distinguer trois choses : 1°) La vertu de pénitence ; 2°) le sacrement de pénitence ; 3°) le rite du sacrement de pénitence.

    Trois choses à distinguer très soigneusement.

    1°) D'abord la vertu de pénitence.

    J'hésite à prononcer ce mot de "vertu", vous savez à quel point le mot est dévalorisé. Parler de "vertu" à des jeunes, ils vous envoient immédiatement promener ! On les comprend, tellement le mot a été affadi. C'est dommage. Parce que, ce qu'il faudrait, c'est redonner à ce mot son sens premier, son sens latin. La vertu c'est l'énergie ; "virtus" c'est la force, c'est le courage. C'est ça le sens premier du mot "vertu". Au fond, ce que nous appelons "vertu" c'est la vérité de notre relation à Dieu. Il faut être existentiel, concret, réel. La vie, elle est faite de relations. Parmi nos relations, il y a une relation privilégiée, c'est la relation à Dieu. Il faut que cette relation soit vraie, authentique. Or la vérité de notre relation à Dieu c'est que nous sommes des enfants pardonnés dans les bras d'un Père qui pardonne.

    Ce qu'on appelle la vertu de pénitence c'est la prise de conscience de cette relation entre l'homme et Dieu. Si je me présente devant Dieu comme un innocent, ma relation à Lui n'est plus une relation vraie. Et si Dieu n'est pas pour moi avant tout Celui qui pardonne, ma relation à Lui n'est pas une relation vraie. La plus profonde de toutes les réalités c'est la réalité du pardon divin. Nous pourrions dire que la réalité du pardon de Dieu c'est le coeur du coeur de la révélation judéo-chrétienne.

    Vous savez que les païens avaient pressenti la grandeur du pardon. Les païens avaient un mot dont il est très dommage qu'on ne l'emploie plus guère dans la langue française : le mot "magnanimité". On a écrit il n'y a pas tellement longtemps une thèse de doctorat sur la "magnanimité". Etre magnanime c'est être à la fois courageux et être compatissant. Ce qu'on appelle la "grandeur d'âme" implique à la fois le courage et la compassion. Nous trouvons cela chez les païens. Lorsque Thésée a délivré des prisonniers du labyrinthe il élève un autel à la ....... (inaudible). Et dans l'Iliade, Achille est grand par son courage, bien sûr, mais aussi et surtout par sa compassion pour le vieux père de celui qui a tué son ami. Bossuet écrit : "Lorsque Dieu formait les entrailles de l'homme il y mit premièrement la bonté." Or Dieu a fait l'homme à son image, c'est donc Dieu d'abord qui a des "entrailles". C'est bien dommage que les fidèles ignorent que derrière les mots que nous utilisons si souvent : "miséricorde", "pitié" : Seigneur prends pitié ! O Christ prends pitié! derrière tous ces mots-là il y a une racine qui signifie "utérus", "matrice", "sein maternel". Quand nous disons : Seigneur prends pitié, cela veut dire : "souviens toi que tu as des entrailles de mère". C'est une invocation à la maternité presque "physique", "viscéral" de Dieu.

    Ce qui est au cœur de la révélation chrétienne c'est la révélation du pardon divin. Alors ce que j'appelle la vertu de pénitence c'est la prise de conscience de cette réalité qui est la plus profonde de toutes les réalités, à savoir que nous sommes des enfants pardonnés dans les bras d'un Père qui a des "entrailles" de mère  et qui nous pardonne. C'est toute la Bible !

    Alors je préfère vous donner quelques textes de l'Ancien Testament, parce que tout le monde connaît les textes de l'Evangile : la brebis perdue, la pièce de monnaie égarée, le fils prodigue qui revient, l'insolvable sans entrailles en saint Matthieu (ch.18). Je préfère vous indiquer quelques grands textes de l'Ancien Testament parce que, avant de parler du sacrement de pénitence,  il faut comprendre ce qu'est LA pénitence.

    Pénitence est un mot qui traduit assez mal le grec "metanoïa" qui signifie : "changement de mentalité", changement de vie, retournement intérieur. Métanoïa : c'est le mot qu'emploie Jean-Baptiste au début de l'Evangile. Nous traduisons : "faites pénitence". cela veut dire : "retournez-vous" ! "changez de manière d'être" ! "changez de perspective"  : c'est cela qui rend possible la pardon divin.

    Eh bien, parmi les textes de l'Ancien Testament, il y a d'abord le prophète Osée.

    Avez-vous lu le prophète Osée ?

    Vous en avez pour vingt minutes, pas plus. Il est proprement inouï que des catholiques n'aient pas lu le prophète Osée : je dis bien vingt minutes, pas plus. C'est prodigieux. C'est à partir du drame personnel d'Osée que Dieu nous révèle la profondeur de son pardon. Le livre d'Osée c'est une prophétie en actes. Ce ne sont pas des paroles. C'est la vie même d'Osée qui a une valeur prophétique. Il a une femme, une femme qui s'appelle Gomer. Et c'est une femme qui est portée à la prostitution. Osée a peur qu'elle transmette à ses enfants ses mauvais penchants. Alors il hésite à l'épouser. Alors Dieu intervient et lui dit : "épouse cette femme et ton mariage aura une valeur d'enseignement", ton mariage avec cette femme portée à la prostitution aura un sens prophétique. Osée épouse Gomer. Gomer lui donne des enfants. Mais Osée, toujours sur l'ordre de Dieu, donne des noms, toujours symboliques, qui laissent présager que le malheur va s’appesantir."  (32:11)

                                                                          A suivre prochain post.

                                                       François Varillon

     

     

     

  • Confession ou psychanalyse (3)

    Je poursuis la retranscription de la conférence du Père Varillon. Si vous n'avez pas suivi depuis le début, je ne peux que vous inviter à lire "Confession ou psychanalyse" 1 et 2.

     

    Vous comprenez bien que de nos jours, nous connaissons mieux qu'autrefois la part de la subjectivité et de tout ses conditionnements. Tous ses conditionnements que  précisément, à la suite de Freud, la psychanalyse étudie.  Aujourd'hui, nous savons beaucoup mieux qu'autrefois que l'homme n'est pas seulement nature, mais histoire. Il n'est pas seulement ce qu'il est : nature, nature humaine, mais histoire, dynamisme, en mouvement. En marche. En marche vers des valeurs que l'on ne peut pas atteindre d'un seul coup.

    Et c'est pourquoi nous sommes beaucoup plus sensibilisés qu'autrefois à l'orientation d'une vie. L'orientation, c'est cela qui est intéressant. Comment une vie est-elle orientée ? Est-ce qu'elle est orientée vers le triomphe des valeurs : justice, liberté, fraternité...? C'est à cela que l'homme moderne s'intéresse,  beaucoup plus qu'à une nomenclature d'actes envisagés isolément, à part de la trame vitale dont ils font partie.

    C'est l'orientation d'une vie qui importe.

    Etes-vous dans la bonne direction ? Marchez-vous d'un pas allègre vers cette bonne direction ? Et qu'en cours de route il y ait des chutes, des faux pas :  ça n'a pas tellement d'importance.  C'est l'orientation qui importe.

    Et d'autre part, nous avons appris, grâce aux travaux de la psychologie et de la psychanalyse, nous avons appris à ne pas être "chosistes" : nos actes ne sont pas des choses.

    Nous avons appris à considérer chacune de nos décisions ou de nos actions  comme ayant sa part de valeur et de non-valeur. Autrement dit, dans chacune de nos actions, il y a une part de lumière et une part de ténèbre. Nous ne croyons plus qu'il y ait des actes purement lumineux et des actes purement ténébreux. Nous répugnons, toujours grâce aux travaux de la psychologie et de la psychanalyse, à classifier systématiquement les actes humains dans des catégories sans nuances d'actes bons ou d'actes mauvais. Nous hésitons à dire : ceci est un péché, cela n'en est pas un. Nous disons beaucoup plus volontiers : dans tel acte il y a du péché, des éléments de péché, ou, comme dit très bien Claudel "une température continuelle de péché", même dans nos actes les meilleurs et les plus généreux. Et réciproquement :  aucun de nos péchés n'est purement péché.

    Dans tout acte vertueux il y a une température de péché : le repli sur soi, l'égoïsme, le fait de se mettre en avant, et à l'inverse, aucun péché n'est purement péché. Dans tout péché il y a une part de valeur. Cela concorde parfaitement avec la doctrine de saint Thomas d'Aquin : il n'y a pas de péché à l'état pur.

    Alors vous comprenez que dans cette optique d'une morale dynamique des valeurs, on ne peut plus juger sa propre conduite à la manière légaliste du pharisien de l'Evangile : il ne trouvait rien à se reprocher. Cet homme (pour qui le Christ s'est montré très sévère) avait réellement respecté son code, le code des prescriptions, le code des défenses, c'est un homme qui était pur aux yeux de la Loi et le Christ nous dit qu'à ses yeux, il est foncièrement pécheur.

    Celui qui prend les valeurs comme critère de moralité ne peut plus être pharisien. Mais par contre alors, tout en se sachant pécheur, il risquera de ne rien trouver de précis à accuser en confession selon le code établi. Perpétuellement, j'entends des hommes, des femmes me dire : " faut-il que je me confesse car je ne sais pas quoi vous dire : je ne sais qu'une chose c'est que je suis égoïste dans toute ma vie."

    L'égoïsme est répandu partout. Selon le code très précis des prescriptions et des défenses il n'y a rien de particulier.   [à suivre]

                                                                    Père Varillon

  • Confession ou psychanalyse (2)

    Extraits tirés d'une conférence du Père Varillon.

    C'est toujours l'image d'un Dieu législateur qui légifère en vertu d'une autorité dont il est jaloux : c'est Dieu, il a bien le droit de légiférer. Et quand il légifère eh bien il faut obéir aux lois qu'il a édictés. Et ce Dieu législateur tient une comptabilité rigoureuse de nos actes pour récompenser comme pour punir, bref nous ne sommes pas tellement loin du Dieu de l'Inquisition ! Alors est-ce que cette conception de Dieu qui était très fréquente hier, chez nos parents, chez nos grands-parents [NDLR : cette conférence a été donnée autour des années 1972-1975] et plus encore chez nos arrières grands-parents, est-ce que cette conception d'un Dieu législateur n'a pas laissé chez les fidèles d'aujourd'hui comme chez certains confesseurs d'ailleurs de vieux réflexes dont on a beaucoup de mal à se débarasser alors que la conscience, la conscience moderne, la conscience des hommes d'aujourd'hui qui vivent avec leur temps. Je parle des hommes sérieux bien sûr, je ne parle pas de ceux qui veulent à tout prix être "dans le vent" comme on dit. Je parle des hommes véritablement sérieux mais qui sont tributaires de la culture de leur temps, de notre temps.

    Ils découvrent de plus en plus que la véritable morale c'est une morale des valeurs. La justice est une valeur, la liberté est une valeur, la fraternité est une valeur. Alors si une certaine éducation infantile - et c'est celle que j'ai reçue quand j'étais jeune - nous a habitué à apprécier notre conduite en nous référant à une liste de péchés, à une liste d'obligations : ceci est permis, ceci est défendu. Tu as fait ce qui est défendu donc tu es coupable et tu dois t'en confesser. Et cela, nous le savons bien, avec une insistance particulière et parfois maladive il faut bien le dire, sur les questions sexuelles. Bref, un code détaillé de péchés mortels ou véniels ; un catalogue des actions bonnes et des actions mauvaises ; des actions permises et des actions défendues. Eh bien, tout cela apparaît aujourd'hui à la fois comme trop minutieux et pas assez exigeant. Les deux. Si l'on disait simplement : c'est trop minutieux alors il faudrait tenir pour suspects ceux qui voudraient........ cette minutie. Mais ils disent en même temps que ce n'est pas assez exigeant et que de tels catalogues de ce qui est permis et de ce qui est défendu risquent d'engendrer à la fois un scrupule névrotique et un moralisme confortable. Et il est bien évident que scrupule névrotique et moralisme confortable sont incompatibles avec un christianisme vrai, un christianisme profond, car enfin ce que nous appelons les exigences de Dieu ce n'est pas autre chose que nos propres exigences, ce que nous exigeons si nous voulons être véritablement des hommes. Le Christ en nous révélant Dieu nous révèle à nous mêmes, et il nous dit ce que sont, en profondeur, nos propres exigences que souvent nous connaissons très mal parce que nous vivons à la surface de nous-mêmes. Et que vivant à la surface de nous-mêmes, nous ne sommes pas tellement soucieux d'être authentiquement des hommes.

                                                                   A suivre....

        François Varillon

    Vous pouvez écouter ses conférences audio grâce à l'atelier des Carmélites de Saint-Sever (Calvados) www.atelierducarmel.com :

    http://www.atelierducarmel.com/nv/index/fr_catalogue1_0_8_0_5.html?panier[237]=0

     

  • Confession ou psychanalyse (1)

    Extraits tirés d'une conférence du Père Varillon.

    (...) Il est vrai à la lettre que les cabinets de psychothérapie et de psychanalyse sont assiégés. Pour ce qui est de la confession, les catholiques qui ne l'ont pas abandonnée complètement s'interrogent sur son utilité ou sur sa nécessité. On sent bien que, de toute manière, elle leur ait à charge.  Et plus d'un, pour des raisons qui ne sont pas des raisons de facilité, des raisons de laissez-aller moral, verraient d'un bon œil la suppression du sacrement de pénitence. Nous entendons fréquemment des propos dans le genre de celui-ci : " pourquoi faut-il aller raconter ses péchés à un homme plutôt que de les confesser directement à Dieu, puisque ce qui compte, après tout, c'est la conversion intérieure." Il y en a qui redoutent que la confession ne soit une façon de se déculpabiliser à bon compte, une sorte de pratique magique et routinière de "vider son sac". C'est ainsi qu'un jeune homme de 25 ans disait récemment : " C'est tout de même trop facile, on commet des péchés, on va voir le curé dans sa boite, on lui raconte quelques histoires et le tour est joué, on repart à zéro. Dans ce cas, autant aller trouver une machine automatique, une machine à absolutions."

    Les uns redoutent les confesseurs rigoristes, voire scrupuleux,  qui traitent le cas qu'on leur présente un peu comme ils le faisaient au temps de leur jeunesse cléricale, dans les exercices de séminaire, comme s'ils avaient devant eux  un péché en quelque sorte abstrait et non pas un homme pécheur dans sa complexité vivante. Les autres redoutent tout autant les confesseurs débonnaires  qui débitent une exhortation toute faite qui n'a pas de lien avec l'accusation qu'ils ont entendue et des problèmes réels du pénitent. Il semble bien que la confession telle qu'elle se pratique encore actuellement dans l'Eglise, soit devenue une pierre d'achoppement pour des catholiques de plus en plus nombreux. Disons donc qu'il y a un malaise. 

    Alors la première chose à faire c'est de chercher les causes du malaise.

    Je pense qu'il faut laisser de côté tout ce qui serait orgueil, relâchement, absence d'esprit de sacrifice, refus d'humiliations. Il y a un peut-être un peu de tout cela. Mais je pense tout de même qu'il y a quelque chose de plus profond. Et c'est là que nous commençons à saisir qu'il peut y avoir une sorte de concurrence entre le sacrement de pénitence et la psychanalyse ou, plus généralement, la psychothérapie. En effet, la conscience humaine a évolué dans le sens d'une découverte progressive d'un Dieu qui n'est pas d'abord Juge mais qui est d'abord Père. On comprend très mal que la pénitence soit traditionnellement présentée comme un "tribunal" ; c'est  une expression qui était classique autrefois : "le tribunal de la pénitence". Ce mot de "tribunal" évoque à la conscience un contexte juridique et même policier qui relève d'un âge révolu Le mot "tribunal" fait penser à un Dieu autoritaire qui dicte des lois. Et des lois plus ou moins arbitraires : c'est comme ça parce que c'est comme ça. Des lois auxquelles il faut obéir minutieusement si l'on veut gagner le ciel et éviter l' enfer.

                                                                                A suivre...

     

                                            Père François Varrillon