[suite du post 9 et des précédents]
Ce que touche la psychanalyse, ce que la psychanalyse veut guérir c'est le psychisme. Or le psychisme c'est tout autre chose que l'âme même si psychisme, psychanalyse, psychothérapie comportent le mot "psyché" qui veut dire "âme" en grec. Personnellement je pense que le spirituel commence là où le psychologique finit. Le psychique, le psychologique, l'homme peut y jeter la sonde. Sur le divan d'un psychanalyste, l'homme peut sortir en quelque sorte tout un passé qui est le fruit de son psychisme, mais cela n'a rien à voir avec le spirituel. On n'est pas responsable de son psychisme. Il y a des gens qui ont la manie du vol, il y a des obsédés, il y a des pervers au plan sexuel, des exhibitionnistes par exemple ou des voyeurs. Je ne dis pas que dans tout cela il n'y a pas de péché, je n'en sais rien, mais je dis : Dieu seul le sait. Car le péché se situe au plan spirituel là où Dieu seul pénètre. Tandis que ce qui relève du psychisme, le psychanalyste l'étudie et parviendra à savoir pour quelles raisons tel homme n'est jamais parvenu à se guérir de l'homosexualité. Je pense par exemple à un grand écrivain qui multiplie les ouvrages pour nous raconter ce qu'a été sa vie d'homosexuel en même temps que son désir d'être un véritable chrétien : Julien Green, de l'Académie française. Je ne commets aucune indiscrétion en parlant de lui, parce que lui-même ne cesse de nous dire ce qu'a été sa vie où, constamment, il y a eu un grand désir de Dieu, une méditation quotidienne de la Bible et, en même temps, quelque chose d'irrépressible en lui dans le sens de l'homosexualité, mais alors ça c'est le psychisme. Sa relation profonde avec Dieu elle était d'ordre spirituel. Le spirituel est au-delà du psychique. Le psychique est intermédiaire, si vous voulez, entre le corps et l'esprit. Il tient des deux. C'est ce qui touche aux névroses, aux psychoses, à tous les déséquilibres caractériels. Il est possible à Freud et à tous les disciples de Freud d'y jeter la sonde. On a dit que Freud avait allumé une torche dans l'inconscient : c'est très vrai. Alors le confesseur ne va pas s'amuser à faire de la psychanalyse, il est incompétent, et puis ce n'est pas son métier. Le confesseur transmet le pardon de Dieu à l'homme pécheur. Si le pénitent qui est là a besoin d'un traitement psychanalytique alors le confesseur pourra lui donner le conseil d'aller trouver un psychanalyste. (...)
"Je vous absous de votre culpabilité profonde telle que Dieu la voit." Le psychanalyste dit : "je ne sais pas si vous êtes coupable devant Dieu, ce n'est pas mon affaire. Mais ce que je constate à vous écouter c'est qu'il y a dans votre psychisme un traumatisme, alors on va essayer d'y remédier." C'est une toute autre affaire. C'est Jean Lacroix qui insiste beaucoup là-dessus et il va jusqu'à écrire : "le spirituel commence là où le psychologique finit". Ce qui ne veut pas dire d'ailleurs que le psychologique ne soit pas une voie d'accès vers le spirituel ; et très souvent, en effet, il est bon que les hommes soient libérés au plan psychique - alors là la psychanalyse peut être utile - alors étant libérés, ils pourront marcher d'un pas plus allègre vers une véritable humanité.
Je conclus.
Quoi qu'il en soit de tout cela, il faut à tout prix revaloriser le sacrement de pénitence. La première chose à faire pour le valoriser, comme dit un de mes confrères qui a des mots percutants, le Père Manaranche : " il faut que le sacrement de pénitence cesse d'être le paillasson de l'Eucharistie" Il veut dire cette sorte de tapis-brosse pour essuyer quelques obsessions chaque fois qu'on s'approche du sacrement de l'Eucharistie. Il ajoute : "le sacrement de pénitence devrait être une véritable célébration" La rencontre avec le Dieu qui pardonne : quelle célébration ! On ne va pas se confesser pour recevoir un coup d'éponge ! Il faut en sortir ! Tout cela c'est de l'infantilisme à haute dose ! Alors la fréquence de la confession devra être mesurée par l'intensité de la vie spirituelle. Un chrétien qui se confesse à son rythme ne devrait pas -sauf cas grave caractérisé - se sentir obliger d'y recourir chaque fois que sa conscience l'inquiète sur un cas particulier. Et le Père Manaranche ajoute encore : " le sacrement du pardon sortira du discrédit où il semble actuellement s'engloutir dans la mesure où les fidèles pourront y voir un acte positif accompli pour lui-même et englobant bien au-delà d'une culpabilité particulière la totalité de leur existence croyante avec ses responsabilités". Pour revaloriser le sacrement de pénitence je dirais : on va se confesser pour trouver le Christ en son lieu. Or le Christ il est avec les pécheurs. Je vais me confesser cela veut dire : je vais m'asseoir à la table des pécheurs. C'est son lieu. Il est avec les pécheurs. C'est ce que dit l'Evangile. Et moi, je ne dois pas me situer dans la catégorie des justes. Or, je pose un geste visible, historique, aux yeux de mes frères et de mes sœurs pour rejoindre le Christ là où il est, et m'asseoir avec lui à la table des pécheurs.
Ensuite et enfin, je propose pour revaloriser le sacrement de pénitence que l'on fasse se rejoindre les deux sens du mot "confession". Confession au sens d'aveux et confession au sens où l'on parle d'une confession de foi au sens où l'on célèbre dans la liturgie les confesseurs, les saints confesseurs. Il faut faire se rejoindre les deux sens du mot. Par l'aveu, par la confession au sens d'aveu je confesse que le fond de Dieu c'est d'être une puissance infinie de pardon. On revalorisera le sacrement de pénitence dans la mesure où l'on cessera d'y voir une lessive au moins quand il s'agit de ce que Bernanos appelle : "la fourmilière des péchés véniels". Il peut y avoir des cas graves, alors là c'est une autre affaire : un adultère vraiment consenti, poursuivi, maintenu envers et contre tout, alors là bien sûr. De même les injustices flagrantes en matière grave alors là il n'y a pas de problème : c'est le sacrement de pénitence, il est fait pour cela. Mais pour le reste, pour "la fourmilière de nos péchés véniels" , pour cette "température continuelle de péché" dont parle Claudel....[coupure !] j'adore la profondeur de Dieu et la profondeur de Dieu c'est le pardon. Et je l'adore autrement qu'avec des mots, je l'adore, ça en vaut la peine, avec un acte, un geste, une décision qui se traduit par l'aveu de mon péché. Je ne vous dirai rien sur la fréquence du sacrement de pénitence car l'Eglise n'a pas à donner dessus des consignes. C'est à nous à inventer notre vie spirituelle. Nous avons à créer jour après jour notre vie avec Dieu. Si je m'aperçois que je suis en train de perdre le sens du péché et, du même coup, le sens de Dieu, je décide de me confesser plus souvent.
A suivre...... prochain post
François Varillon s.j
Commentaires
Merci pour ce beau texte qui nous plonge dans le sens de la confession et nous évite toute confusion avec la psychanalyse.