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eucharistie

  • Année A - Troisème dimanche de Pâques

    Textes de la liturgie du jour : Ac 2, 14-28 - 1 P 1, 17-21 - Lc 24, 13-35

    Textes : P. Marie-Joseph Le Guillou, o.p.  -  L'Amour du Père révélé dans sa Parole, homélies année A - Ed : Parole et Silence, 1998

     

    125 Nous sommes tous semblables aux pèlerins d'Emmaüs. Nous rêvons tous et sans doute nous rêvons encore du triomphe d'un Messie qui se serait manifesté dans humilité et la souffrance mais qui serait glorieux, triomphant, nous entraînant dans son triomphe et nous faisant passer ainsi dans le mystère de Dieu. Oui, nous avons d'autant plus ce sens d'un Messie triomphant que notre image de Dieu nous paraît plus belle, plus grande, plus transcendante. Comment est-il possible que cela arrive ? Nous sommes déçus de ce qui se passe dans le monde et que nous attribuons au Seigneur. Alors, comme les disciples d'Emmaüs, " nous espérions qu'il serait le libérateur d'Israël ! Avec tout cela, voici le troisième jour qui passe depuis que c'est arrivé... lui, ils ne l'ont pas vu ". Nous sommes les pèlerins d'Emmaüs dans la mesure où nous ne reconnaissons pas le visage du Messie dans le visage du Ressuscité. En effet, il nous est nécessaire de reconnaître le visage du Seigneur qui bien sûr nous fera connaître la gloire. Mais le chemin par lequel il passe n'est pas du tout celui que nous aurions imaginé. Il en va de même pour chacune de nos vies. 

    Il faut que le Seigneur éclaire nos vies ; il faut qu'il vous éclaire en vous montrant et en vous découvrant combien vos cœurs sont lents à croire. Pour découvrir le visage du Seigneur, il n'y a qu'un moyen : écouter le Christ, le laisser lui-même nous expliquer les Écritures et nous montrer que la volonté du Père est que la réalisation de son dessein d'amour passe par la croix. " Ne fallait-il pas que le Messie souffrît pour entrer dans la gloire ? " C'est ce que nous avons du mal à comprendre. Cette formule signifie 126 qu'il s'agit bien du dessein de Dieu. Dieu lui-même à voulu que la manifestation de son amour se dévoile de cette façon. Nous aurions facilement imaginé une autre façon de sauver le monde ! Le Seigneur nous introduit par sa croix dans l'intelligence de sa Parole, dans l'intelligence du Mystère de Dieu et il nous y fait participer par l'Eucharistie.

    Laissons le Seigneur nous expliquer l’Écriture. Elle s'illumine à partir de la Résurrection et, si je puis m'exprimer ainsi, les évangiles sont à lire à l'envers, c'est-à-dire à partir de la Résurrection du Christ parce que c'est le lieu de la lumière, c'est le lieu de l'éclatement du mystère de Dieu. Plus classiquement, il faut lire les Écritures en partant de Moïse et des prophètes pour constater que tout conduit à Jésus-Christ, centre du monde, pivot du monde.

    L'heure essentielle de toute l'histoire du monde, c'est l'heure de la croix. Le visage du Seigneur se dévoile alors ; c'est le visage de celui qui est doux et humble de cœur, le visage de celui qui est venu sauver les hommes par son humilité, par sa pauvreté, et nous dévoiler sa présence incessante à son Père. Nous avons à écouter le Christ non pas tel que nous l'imaginons, non pas tel que nous le voudrions, mais tel qu'Il est.

    Nous le découvrons dans l'Eucharistie. Les disciples d'Emmaüs le reconnaissent à la façon dont il rompt le pain. Qu'est-ce que cela signifie pour nos vies ? Cela implique que nous soyons prêts à nous laisser transformer par le mystère de Dieu, par sa façon déconcertante de se révéler. Le Christ entre dans nos vies de façon déroutante. Nous voulons trop souvent construire nos propres vies. Mais Jésus Christ ne construit pas sa vie, c'est son Père qui la lui donne et nous n'avons pas à construire nos vies mais bien au contraire à laisser le Seigneur les construire. Il ne s'agit pas d'être passifs, il convient de faire tout ce qu'il faut, mais en même temps, il faut se laisser prendre 127 par le visage du Seigneur tel qu'il se dévoile dans les Écritures et dans les Évangiles.

    " Reste avec nous " disent les disciples d’Emmaüs. Pour cela, lisez-vous l’Évangile ?  Lisez-vous quelquefois un évangile d'un bout à l'autre sans vous arrêter pour vous entraîner à reconnaître le visage du Christ ? Passez-vous un temps de prière plus ou moins long pour rencontrer le Christ  ? Pensez-vous que l'Eucharistie soit cet acte par lequel le Christ nous fait entrer dans son propre mystère en nous dévoilant son visage et en nous faisant participer à la gloire de son Père ? Oui, Jésus-Christ nous fait participer au mystère de sa Résurrection. C'est pour cela, comme nous dit l'apôtre Pierre, que nous ne vivons pas comme des gens sans but, mais comme des gens dont le sens de la vie est éclairée, illuminé par le sang précieux du Christ, par l'Agneau sans défaut et sans tache, discerné dès avant la fondation du monde. Voyez comme tout est pris dans le mystère d'amour du Seigneur : tout est là !

    Dans l'Eucharistie, nous avons à découvrir que nous croyons en Dieu par le Christ dans l'Esprit Saint. Nous croyons que le Père a ressuscité Jésus d'entre les morts et qu' Il lui a donné la gloire. Cette gloire, nous la connaîtrons. Nous sommes pris dans un élan d'amour qui nous déborde de partout, qui nous dépasse. Le mystère du Seigneur est un mystère ineffable, étonnant, c'est un mystère qui devrait, à chaque instant nous émerveiller. Dieu est merveilleux : Il organise les choses infiniment mieux que nous les aurions imaginées, de tout autre façon. Le Seigneur fait irruption dans nos vies à sa manière qui lui est unique. Il nous connaît chacun par notre petit nom. Il nous connaît de l'intérieur et il guide, si nous nous laissons faire, chacun de nos pas.

    En ce jour où nous sommes avec les pèlerins d'Emmaüs, nous demanderons au Seigneur de découvrir le sens de nos vies à la lumière de Dieu, 128 dans l' Écriture et dans l'Eucharistie. Que nous ayons les yeux de notre cœur illuminés, alors nos yeux s'ouvriront et nous reconnaîtrons le Seigneur. Nous pourrons entrer dans le mystère de Dieu, non pas un petit moment, mais toute notre vie parce qu'il l'imprégnera. Nous sommes dans l'ordre lorsque nous sommes suspendus à Dieu, que nous tenons à Dieu et que nous le regardons. Laissons-nous faire et nous découvrirons le visage du Seigneur et celui de nos frères qu'il nous donne gratuitement pour que nous les aimions. Amen !

      

     

     

     

     

     

  • Jean-Paul II et les jeunes : - au Parc des Princes - juin 1980 (suite)

    Réponses  de Jean-Paul II aux questions des jeunes rassemblés au Parc des Princes - Paris dimanche 1er juin 1980 (suite du post du 28/04)

     

    (...)

    7. Revenons maintenant à notre sujet principal, au dialogue du Christ avec  le jeune homme.

    En réalité, je dirais volontiers que nous sommes restés tout le temps dans son contexte. 

    Le jeune homme demande donc : " Maître, que dois-je faire de bon pour obtenir la vie éternelle ?"

    Or vous posez la question : Peut-on être heureux dans le monde d'aujourd'hui ? C'est votre douzième question. 

    En vérité, vous posez la même question que ce jeune ! Le Christ répond - à lui et aussi à vous, à chacun d'entre vous : on le peut. C'est bien en effet ce qu'il répond, même si ses paroles sont celles-ci : " Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements"  (Mt 19,17). Et il répondra encore  plus tard : " Si tu veux être parfait, va, vends, ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et suis-moi"  (Mt 19,21).

    Ces paroles signifient que l'homme ne peut être heureux que dans la mesure où il est capable d'accepter les exigences que lui pose sa propre humanité, sa dignité d'homme. Les exigences que lui pose Dieu.

    8. Ainsi donc, le Christ ne répond pas seulement à la question de savoir si on peut être heureux, mais il dit davantage, il dit comment on peut être heureux, à quelle condition. Cette réponse est tout à fait originale, et elle ne peut pas être dépassée, elle ne peut jamais être périmée. Vous devez bien y réfléchir, et vous l'adapter à vous-mêmes. La réponse du Christ comprend deux parties. Dans la première, il s'agit d'observer les commandements. Ici, je ferai une digression à cause d'une de vos questions sur les principes que l’Église enseigne dans le domaine de la morale sexuelle (c'est votre dix-septième question). 

    Vous exprimez votre préoccupation en voyant qu'ils sont difficiles, et que les jeunes pourraient, précisément pour cette raison, se détourner de l’Église. Je vous répondrai comme suit : si vous pensez à cette question de manière profonde, et si vous allez jusqu'au fond du problème, je vous assure que vous vous rendrez compte d'une seule chose : dans ce domaine, l’Église pose seulement les exigences qui sont étroitement liées à l'amour matrimonial et conjugal vrai, c'est-à-dire responsable

    Elle exige ce que requiert la dignité de la personne et l'ordre social fondamental. Je ne nie pas que ce ne soient des exigences. Mais c'est justement en cela que se trouve le point essentiel du problème, à savoir que l'homme se réalise lui-même seulement dans la mesure où il sait s'imposer des exigences à lui-même. Dans le cas contraire, il s'en va " tout triste ", comme nous venons de le lire dans l’Évangile. La permissivité morale ne rend pas les hommes heureux. La société de consommation ne rend pas les hommes heureux. Elles ne l'ont jamais fait.

    9. Dans le dialogue du Christ avec le jeune, il y a, comme je l'ai dit, deux étapes. Dans la première étape, il s'agit des commandements du Décalogue, c'est-à-dire des exigences fondamentales de toute moralité humaine. Dans la seconde étape, le Christ dit : " Si tu veux être parfait... viens et suis-moi".  (Mt 19,21)

    Ce " viens et suis-moi " est un point central et culminant de tout cet épisode. Ces paroles indiquent qu'on ne peut pas apprendre le christianisme comme une leçon composée de chapitres nombreux et divers mais qu'il faut toujours le lier avec une Personne vivante : avec Jésus-Christ. Jésus-Christ est le guide, il est le modèle. On peut l'imiter de diverses manières et dans des mesures diverses. On peut de diverses manières et dans des mesures diverses faire de Lui la " Règle " de sa propre vie.

    Chacun de nous est comme un " matériau " particulier dont on peut - en suivant le Christ - tirer cette forme concrète, unique et absolument singulière de la vie qu'on peut appeler la vocation chrétienne. Sur ce point, on a dit beaucoup de choses au dernier Concile, en ce qui concerne la vocation des laïcs.

    10. Ceci ne change rien au fait que ce "suis-moi" du Christ, dans le cas précis, est et demeure la vocation sacerdotale ou la vocation à la vie consacrée selon les conseils évangéliques. Je le dis parce que vous avez posé la question - la dixième - sur ma propre vocation sacerdotale. je chercherai à vous répondre brièvement, en suivant la trame de votre question.

    Je dirai donc d'abord : il y a deux ans que je suis Pape, plus de vingt ans que je suis évêque, et cependant, le plus important pour moi demeure toujours le fait d'être prêtre. Le fait de pouvoir chaque jour célébrer l' Eucharistie. De pouvoir renouveler le propre sacrifice du Christ, en rendant en lui toutes choses au Père : le monde, l'humanité et moi-même. C'est en cela, en effet, que consiste une juste dimension de l'Eucharistie. Et c'est pourquoi j'ai toujours vivant dans ma mémoire ce développement intérieur à la suite  duquel j'ai entendu l'appel du Christ au sacerdoce. Ce " viens et suis-moi" particulier.

    En vous confiant ceci, je vous invite à bien prêter l'oreille, chacun et chacune d'entre vous, à ces paroles évangéliques. C'est par là que se formera jusqu'au fond votre humanité, et que se définira la vocation chrétienne de chacun d'entre vous. Et peut-être à votre tour entendrez-vous aussi l'appel au sacerdoce ou à la vie religieuse. La France, jusqu'à il y a peu de temps encore, était riche de ces vocations. Elle a donné entre autres à l’Église tant de missionnaires et tant de religieuses missionnaires ! Certainement, le Christ continue à parler sur les bords de la Seine, et Il adresse toujours le même appel. Écoutez attentivement. Il faudra toujours qu'il y ait dans l' Église ceux qui "ont été choisi parmi les hommes"  (Heb 5,1), ceux que le Christ établit, d'une manière particulière, " pour le bien des hommes " et qu'il envoie aux hommes. 

     

    A suivre...

     

  • Les récits de la Passion 04

    Textes tirés du livre du P. Xavier Léon-Dufour  - " Le pain de la vie" - Seuil 2005

     

    77 La parole sur la coupe

    En ayant pris une coupe et rendu grâces il la leur donna en disant : " Buvez-en tous car ceci est mon sang de l'alliance qui sera versé pour la multitude pour le pardon des péchés." (Mt)

    Dans une parole, de densité exceptionnelle, Jésus récapitule le sens et la portée de son existence. Il a annoncé sans 78 faiblir le règne de Dieu, au point d'être désormais affronté à une mort imminente ; il a constitué autour de lui un groupe de disciples fidèles. En cette heure dernière, il lui faut, avec les siens, situer le présent et l'avenir dans le dessein d'amour de Dieu. Deux mots vont résumer cela : alliance et sang versé

    D'abord, nous n'avons plus l'annonce simple du "règne" de Dieu, mais l'alliance, un mot qui évoque le long itinéraire d'Israël au cours de l'histoire et qui dit la présence de Dieu au peuple élu : préparé avec Noé (Gn 9, 8-17), promise à Abraham (Gn 15, 9-21 ; 17), réalisé au Sinaï (Ex 19-24 ; Jos 23,16), promise à David et à sa descendance (2 S 7, 5-16), souvent transgressée par le peuple infidèle, enfin promise "nouvelle" pour un jour à venir (Jr 31). Au terme de son existence, Jésus proclame que l'alliance avec Dieu est définitivement renouée, c'est-à-dire que la vie éternelle lui est déjà donnée et qu'il la communique à ses disciples en leur offrant la coupe à boire. Or, cette vie vient à travers la mort, tel avait été le message culminant qu'il leur avait été enseigné. 

    Et voici voici le second terme capital de la parole, le sang versé : Jésus va verser son sang, étant condamné à mort par ceux qui ont refusé son annonce ; pour maintenir celle-ci jusqu'au bout, il accepte la mort violente, il se livre totalement. Or cette mort devient salut non seulement pour lui, mais pour la multitude. On pense à ce que Jésus disait à ses disciples ; accepter de perdre son existence, c'est la sauvegarder. Ici, il faut éviter de renverser les données du problème. Jésus offre une révélation non pas sur la mort qu'il faudrait rechercher, mais sur la vie qui jaillit à travers la mort. Différence fondamentale car, à inverser les éléments, on aboutit à lier l'effet de la mort au seul salut du péché, à ce qu'on appelle la "réparation", alors que l'objectif est la vie pleine. 

    Avec la parole sur la coupe, c'est la notion même de sacrifice qui doit être révisée : l'eucharistie est essentiellement un "sacrifice de louange" par lequel les disciples du Christ glorifient Dieu d'avoir en Jésus fait triompher la vie sur la mort.

  • On demande des pécheurs 08

    Série de textes tiré du livre de Bernard Bro, O.P : "On demande des pécheurs" Cerf, Ed 2007. Première édition 1969

    (...)

    [65]

    De naissance en naissance

    (...) Chaque fois que nous nous confessons commence quelque chose d'absolument nouveau : une visite de Dieu, une nouvelle naissance. Il s'agit bien d'un commencement absolu, et s'il faut recommencer, ce n'est pas parce que nous sommes revenus en arrière - encore [66] que cela arrive - mais parce que nous nous acheminons peu à peu, de commencement absolu en commencement absolu, jusqu'à l'irruption définitive de la vie éternelle en nous. 

    Se confesser, c'est opérer une conversion de soi irréversible, mais l'opérer de façon telle qu'elle ménage notre fragilité et nous permette de parvenir peu à peu à ce degré d'amour et de lucidité où tout devient irréversible. Les sacrements ont un caractère à la fois discontinu et progressif.

    La confession est là pour nous "apprivoiser" progressivement à la rencontre, à la vie, à l'amour de Dieu, jusqu'à ce que la mort nous fasse entrer, d'un coup, et d'une manière définitive, dans cette lumière. Et c'est pourquoi, ici-bas, il faut toujours recommencer, non parce que cela a été mal fait ou annulé par nos fautes, mais parce qu'il nous reste encore à grandir. Il ne s'agit pas ici de grandir à partir d'une naissance qui ne peut être renouvelée, mais, en quelque sorte, de grandir par des naissances successives de plus en plus fréquentes, d'approfondir la rencontre, de la rendre plus "opérante", plus vraie, plus efficace.

    "C'est quand on se convertit au Seigneur que le voile tombe. Et quant à nous, reflétant tous sur un visage sans voile la gloire du Seigneur, nous sommes transformés à la même ressemblance, de gloire en gloire, comme par l'action du Seigneur qui est Esprit." (2 Co 3,16-18)

    Tout nous est donné chaque fois, toute la vie divine et les énergies sans limite du Christ ; et en même temps, tout est proportionné, comme le pain et le vin, viatique proposé pour une étape nouvelle.

    Il ne suffit pas de nous donner un remède ou une nourriture si nous ne savons pas l'utiliser. C'est pourquoi nous recevons quelqu'un qui commence par nous [67] réconcilier avec cette condition humaine et qui nous aide, par sa lumière, à comprendre combien il est normal de tout recommencer chaque jour avec lui. Dieu vient lui-même nous rendre courage et nous aider à croire que le progrès est possible. Dieu lui-même, dans chaque sacrement, et spécialement la confession et l'eucharistie, vient nous redire ce qu'aucun homme ne peut dire  et que l’Église proclame solennellement sur les fonts baptismaux dans la nuit de Pâques : désormais par les sacrements une jeunesse éternelle nous est donnée.

    A suivre...

                                              Père Bernard Bro, o.p

     

  • L'Eucharistie (7 et fin)

    Suite de la retranscription d'une conférence donnée par le Père Varillon en 1975. (Je vous invite à lire les 6 posts précédents avant d'aborder ce dernier post).

    La Présence réelle (suite)

    Seulement à ce niveau là le langage devient extrêmement difficile. On pourrait dire que ce qui demeure c'est l'aspect "phénoménal" [au sens philosophique du terme] du pain et du vin. Mais je ne me vois pas parler, dans une homélie ou un catéchisme, de l'aspect "phénoménal" du pain et du vin. L'être est ce que Dieu veut qu'il soit. Je suis membre du Corps du Christ, ça ne m'empêche pas d'être français, homme et non pas femme, etc. Autrement dit, toute ma réalité humaine, naturelle.. tout cela subsiste mais cela n'empêche pas que mon identité la plus profonde c'est d'être le Corps du Christ.

    En résumé si vraiment  le pain c'est l'homme, il ne faut pas dire : le Christ remplace le pain car cela voudrait dire que le Christ remplace l'homme ; il faut dire : c'est le pain donc l'homme qui devient le Corps du Christ, c'est l'activité humaine humanisante de l'homme que dans et par l'Eucharistie le Christ divinise pour nous faire devenir....(inaudible)

    Réponse du Père Varillon à des questions de l’auditoire

    A propos de l'intercommunion entre catholiques et protestants.

    Le Mystère de l'Eucharistie est lié à un ensemble doctrinal. Il faut être lucide et bien voir que sur nombre de points essentiels, catholiques et protestants n'ont pas encore une pensée commune. Il y a deux théories. Les uns disent : commençons par l'intercommunion c'est à dire vivons ensemble et vivons d'abord le mystère eucharistique : c'est une première manière d'envisager les choses. Il y a une autre manière qui consiste à dire qu'il n'est pas très honnête  de partager le Christ entre personne qui n'ont pas la même idée du Christ. En effet il y aurait un véritable contre-sens et peut être même une vraie malhonnêteté. Moi, je pencherai plutôt pour la première position. (...)

     

     

  • L'Eucharistie (6)

    La Présence réelle (suite de la conférence donnée par le père Varillon en 1975)

    (...)

    Présence réelle qui fait difficulté pour beaucoup et il faut bien reconnaître qu'il y a là, au plan de l'explication, quelque chose qui est un peu difficile et extrêmement mystérieux.

    Pour exprimer les choses, il y a un langage théologique. Le langage théologique classique vient du Concile de Trente et le mot que nous employons c'est le mot : " transsubstantiation". Comme les mots "conversion", "espèces", "apparence", le mot "transsubstantiation" est devenu inintelligible à tout le monde. Vous comprenez bien qu'à chaque époque de l'histoire nous entendons la Parole de Dieu à travers des cadres de pensée, à travers des conditions d'existence que nous recevons de la civilisation et de la culture. La véritable théologie procède d'un effort qui doit être constamment repris pour annoncer la foi de toujours dans le langage d'une culture mouvante. Toute culture qui vient au jour interpelle la foi. Cette culture interpelle l'Eglise, interpelle la foi. Vous parlez de "transsubstantiation, expliquez-vous ! Qu'est-ce que vous voulez dire ? Et il arrive que l'Eglise réponde avec des mots humains qui n'ont pas l'éternelle jeunesse de l'Evangile.

    Et je m'en vais vous proposer un texte : je vous lis le texte du Concile de Trente concernant la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie. Posez-vous la question : est-ce que je comprends ? Posez-vous cette question très sincèrement. Voici ce texte  : " Le Concile enseigne et professe que dans le Sacrement de l'Eucharistie , après la consécration du pain et du vin, Notre Seigneur Jésus-Christ vrai Dieu et vrai Homme, est présent vraiment, réellement et substantiellement sous l'apparence de ces réalités sensibles que sont le pain et le vin." Un peu plus loin, le Concile précise : "le Christ n'est pas seulement présent en signe, en figure ou par sa vertu, mais toute la substance du pain et du vin se trouve changée vraiment et réellement en la substance du Corps et du Sang du Christ cependant que demeurent les espèces ou les apparences du pain et du vin. Ce changement est appelé de façon très approprié : "transsubstantiation". " voilà. Tout cela est vrai ! rigoureusement vrai ! Mais à l'époque du Concile de Trente cela ne faisait pas problème, car la science n'était pas en ce temps là ce qu'elle est maintenant. Il y a le pain tel qu'il est sur notre table avec une certaine forme : c'est une flûte, ou un petit pain, c'est une couronne, une baguette, il est frais ou il est rassis, il a un certain poids, il a une couleur ou il est bien doré... : tout cela ce sont les apparences du pain. Qu'est-ce que de nos jours nous appelons la "substance" du pain ? c'est le pain tel qu'on peut l'analyser dans un laboratoire pour voir quels sont les éléments qui le constituent. Je n'ai pas de compétence particulière mais tout ce que je sais c'est que dans le pain il y a du gluten. Il n'y a pas que ça. Dans un laboratoire on analyse les éléments qui constituent le pain pour voir en quoi consiste la substance du pain. Et vous n'allez pas quand même imaginer que dans une hostie consacrée qui serait analysée chimiquement dans un laboratoire vous y trouverez le Corps du Christ. Jamais ! Jamais l'Eglise n'a prétendu une absurdité pareille ! Donc quand le Concile de Trente parlait de "transsubstantiation" (changement de substance) il ne s'agissait pas de la substance telle que nous l'entendons aujourd'hui. Qu'il s'agisse du pain tel qu'il apparaît sur notre table ou qu'il s'agisse du pain quand il est analysé dans un laboratoire c'est exactement la même chose. Ce n'est pas à ce niveau là que se situe la conversion du pain dans le Corps du Christ. Alors vous allez me dire : à quel niveau cela se situe ? La question est très difficile parce qu'elle est philosophique et que là c'est un mystère extrêmement profond. je pense que là il faut être très modeste et dire simplement : un être est ce qu'il est pour Dieu, en profondeur. La réalité profonde d'un être n'est pas sa réalité physico-chimique. Le pain et le vin sont réellement le Corps et le Sang du Christ, en profondeur, mais à un niveau qui n'a rien à voir avec la réalité physico-chimique. Entre catholiques et protestants la question de la présence réelle ne fait pas difficulté parce que si on a vraiment compris que la réalité la plus profonde dire que le Christ est réellement présent dans l'Eucharistie ou dire que sa présence est signifiée, c'est exactement la même chose. Alors je sais qu'il y a eu des controverses depuis la Réforme entre catholiques et protestants, à mon sens elle sont totalement périmées. L'important c'est de ne pas se tromper sur la signification du mot substance. Jamais saint Thomas d'Aquin n'imaginait une seconde qu'en analysant chimiquement une hostie consacrée on y trouverait le Corps du Christ. Jamais. Mais dans les siècles qui ont suivi la grande époque de la philosophie de saint Thomas d'Aquin il y a eu de la dégradation intellectuelle et les conflits se sont situés dans une zone tout à fait médiocre. Je reconnais qu'au plan pastoral, au plan de l'éducation de la foi, on ne sait pas trop comment s'exprimer. Je pense qu'il faut dire d'abord ceci : après la consécration, ce qui demeure ce sont les apparences sensibles du pain tel qu'il est sur notre table ainsi que leurs propriétés physico-chimiques (la substance physico chimique). Le changement se situe en une zone beaucoup plus profonde au niveau de ce que j'appelle "l'être et le signe" 

                                                                      A suivre...prochain post

                                                                      François Varillon s.j

     

  • conversions, réconciliation et purification de la mémoire (3)

    Suite des deux posts précédents.

    Je retranscris ici un enseignement oral (enregistré) donné par le Père Marie-Dominique Molinié (dominicain).

    Il a écrit plusieurs ouvrages dont : " Le courage d'avoir peur" et " Je choisis tout".

    [mes commentaires figurent entre crochets et en italique

     

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     Voyez l'usage des sacrements. Pour commencer je peux vous proposer de demander cette grâce d'essayer de promettre l'attitude qui en résulte [voir poste précédent] pour chaque confession.

    Chaque fois que vous recevez "ce nouveau baptême" [c'est une comparaison car le baptême est un sacrement qu'on reçoit qu'une seule fois, mais la confession renouvelle en quelque sorte la grâce du baptême] Est-ce que vous recevez le sacrement de pénitence comme un baptême ? Dans la foi, le sacrement de pénitence devrait être comme un nouveau baptême. Il faut qu'il y ait une espèce de regret à la base. Et on sort de ce réalisme chrétien si on essaye de se dispenser de ce regret. Et de ce regret qui va loin, qui est très douloureux, faites attention ! Je ne vous dispense pas du regret, surtout le regret de freiner, de ralentir, de vous attarder, de vous apesantir sur vous-mêmes alors que le Souffle (l'Esprit Saint) est là qui pourrait vous emporter si loin et si vite ! Alors regrettons ! regrettons ! mais de plus en plus [M.D Molinié parle du regret que nous éprouvons face à notre résistance à la grâce, à tous nos refus d'une réelle conversion. Voir les posts précédents] !  car plus nous regrettons, plus immédiatement nous renaissons, en nous plongeant  dans le sang du Christ  et alors cela ce n'est pas seulement le sacrement de pénitence qui peut le faire c'est l'Eucharistie. Il faut que je vous rappelle cet enseignement traditionnel de l'Eglise : l'Eucharistie a tout ce qu'il faut pour accomplir les effets de tous les sacrements y compris le sacrement de pénitence, par conséquent y compris le pouvoir d'effacer les péchés mortels. De telle sorte que, si quelqu'un, de bonne foi, et  n'étant pas en état de grâce (mais ne le sachant pas, car il n' a pas moyen de le savoir) mais de bonne foi (ou n'ayant pas appris qu'il fallait se confesser parce qu'on n'a pas su le lui dire ) communie avec une intention droite, l'eucharistie, parce que c'est le sang du Christ qui pénètre en lui, efface ses péchés mortels et lui redonne la vie de la grâce, tout comme le sacrement de pénitence. Alors bien entendu, à éviter [ce qui est à éviter - semble dire M.D Molinié c'est la communion eucharistique sans le préalable du sacrement de pénitence-réconciliation] . Et l'eucharistie a la puissance d'effacer les péchés véniels.  Parmi les moyens d'effacer les péchés véniels autre que le sacrement de pénitence, l'Eucharistie est le premier, avant le Notre-Père, avant le Confiteor, avant l'acte de charité, toutes choses qui suffisent pour effacer les péchés véniels donc à nous per-mettre-de-les-ou-blier ! Non pas les oublier pour mieux recommencer ! Je suppose que vous comprenez ce que je veux dire. Les oublier pour mieux penser à Dieu !  Puis à la joie d'être sauvé car c'est toujours de là qu'il faut partir. [sauvé en espérance, car notre salut n'est pas une certitude de foi mais objet d'espérance] De la joie d'être sauvé, sinon vous ne ferez rien de bon en vie spirituelle. Le regret doit être immédiatement donné dans le sang du Christ, c'est la matière du sacrement. Alors, entre temps, il peut y avoir des rechutes. Je vous repète que ce sont les états d'âme dont il ne faut pas se souvenir. Surtout. Ce ne sont pas les souvenirs du passé qu'il faut oublier, comprenez-moi bien. Et alors ? Et alors pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? La communion a lieu une fois par jour parce qu'il faut bien qu'on vive, qu'on fasse autre chose ! [on ne peut pas passer toute la journée à communier veut dire le Père Molinié] Mais l'Eglise voudrait bien ne pas cesser de communier et elle ne cesse pas de communier. L'adoration eucharistique c'est la manifestation extérieure et publique de la part de l'Eglise, de son désir que la messe dure toujours et que, par conséquent que la conversion n'arrête pas ! Mais ce qui peut ne jamais cesser non plus c'est le regret fécond et positif suivi d'une conversion et d'un point de départ à zéro qui peut arriver à devenir aussi permanent que la faute : c'est ça ce qui s'appelle la sainteté : "mon Dieu ayez pitié de moi, mon Dieu j'ai confiance en vous, mon Dieu merci... mon Dieu ayez pitié de moi, mon Dieu j'ai confiance en vous, mon Dieu merci. Mon Dieu ayez......." Une âme religieuse plante sa tente dans cette attitude. Voilà le fond de l'affaire c'est que ce désordre (mon Dieu ayez pitié..) eh bien Dieu peut tirer le bien d'un mal ! [cette formule peut choquer, elle aurait besoin d'une explication, d'un développement] Il faut que ce désordre soit le moteur de notre conversion perpétuelle, par le regret. Ce qu'il y a de plus opposé à cette attitude c'est la tentation de construire sa vie spirituelle, pierre après pierre, étage après étage ! Non ! La sainteté ça ressemble à la ré-éducation de ceux qui doivent apprendre à respirer de nouveau parce qu'ils se sont noyés et à qui ont fait la respiration artificielle et lentement, lentement, lentement ça revient. Ceux-là ils ne construisent rien. Ils font un premier mouvement et, après ce premier mouvement ils refont le même mouvement. Il n'y a plus qu'à recommencer. Et ce sera toujours à refaire. Et précisément une des résistances les plus lourdes que nous opposons à l'amour de Dieu c'est cette obstination avec laquelle nous voudrions pouvoir nous dire : cette fois et depuis 5 ans je commence tout de même à faire quelque chose pour l'amour de Dieu [regard en arrière et auto satisfaction !!!]  : nous interrompons le mouvement ! Le saint est celui qui découvre qu'il n'a encore rien demandé ! Alors il se dit : je vais m'y mettre et il prend encore conscience qu'il n'a toujours rien demandé etc... un mouvement permanent où Dieu agit et va de plus en plus vite. Mais on ne s'installe pas dans la supplication perpétuelle. C'est un mouvement, un mouvement de conversion permanent, en suppliant de plus en plus souvent [jusqu'à 80 000 tours minute...: c'est à peu près le régime de la sainteté !] et à l'aide des sacrements [réconciliation-eucharistie] qui sont des temps forts qui rythment le mouvement, et les sacramentaux aussi.

                                           fin de cette conférence.

     

                                            père M.D Molinié, o.p

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Chemin vers Pâques (20)

    [19]

    Le deuxième passage est la pâque du Christ, celle que nous méditons en ce moment. Lui qui est l'homme, l'homme en plénitude, lui passe à son tour. Là, ne faisons pas d'éloquence, prenons les mots mêmes de saint Paul (Phil 2,6-7) : Il passe de la vie en forme d'esclave (forma servi) à la vie en forme de Dieu (forma Dei). La vie en forme d'esclave, c'est sa vie de peines. Il a pleuré, il a eu chaud, il a eu froid, il a souffert de la mort de Lazare... Entre la vie en forme d'esclave et la vie en forme de Dieu, il y a un désert. Ce désert, [20] c'est le Calvaire. Jésus ne peut monter à la vie en forme de Dieu, à son introduction au coeur de la Trinité, qu'en montant au Calvaire. Tout est là, vous le sentez bien. Au plan de ce qu'on éprouve, c'est la montée au Calvaire, les souffrances ; au plan de la réalité profonde des choses, c'est la montée à la vraie vie, la vie divine.

    Dans l'Eucharistie, le pain "meurt" à son état de pain. il est très vrai que ce n'est plus du pain. Cela ne signifie pas que le pain est remplacé par le corps du Christ  ; ce serait un mépris de l'homme, comme nous l'avons médité. [Quand elle grandit] la petite fille n'est pas remplacée par une femme, la chenille n'est pas remplacée par un papillon, le grain de blé n'est pas remplacé par un épi. C'est le pain qui devient le corps du Christ, c'est l'homme christifié. C'est cela, le mystère de mort.

    François Varillon - La Pâque de Jésus - Bayard Ed. 1999