Notre langage s'adapte à l'interlocuteur qui est en face de nous ; nous parlons différemment à un enfant et à un adulte, à un homme dont l'esprit est éveillé et à un être obtus, à un homme respecté et à une personne que nous n'estimons pas. Chaque homme a sa manière d'être particulière, et parler réellement avec lui, c'est chercher à entrer en contact avec cette manière d'être.
saint-esprit
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Prier avec le P. Guardini : 25e jour
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conversions, réconciliation et purification de la mémoire (2)
(suite du post précédent).
remarque pour éviter un grave contre-sens :
le père M.D Molinié s'adresse ici à un auditoire de religieuses. Quand il parle du mal c'est le mal que nous pouvons faire chaque jour : manquement à la charité fraternelle, tiédeur.....Mais qu'en est-il d'un chrétien qui aurait commis des actes graves comme le meurtre par exemple ? Dans pareil cas il aurait le devoir de se dénoncer, de se présenter à la justice et d'assumer les conséquences de ses actes en purgeant la peine que la justice des hommes lui infligera, et en réparant ... : sans ces démarches préalables, sa démarche de pardon à Dieu n'aurait aucun sens. Mais devant Dieu la médiocrité spirituelle d'une personne consacrée à Dieu peut être plus grave que la médiocrité d'un petit délinquant ou les actes répréhensibles d'un assassin. C'est le secret des coeurs, seul Dieu connaît les motivations profondes des actes humains. C'est pourquoi nous ne devons pas juger autrui car ce serait nous mettre à la place de Dieu. Ni autrui, ni nous-mêmes ! Tout homme, fût-il un assassin, peut (en usant de sa liberté et avec l'aide de Dieu) se convertir et tirer d'un mal un bien ; quitter son enfer pour marcher vers la lumière. Finalement et quelle que soit notre situation "spirituelle" du moment, nous tirerons toujours avantage à écouter l'enseignement du P. M.D Molinié et à l'adapter à notre cheminement ici et maintenant.
Dans cet exposé le style oral ne respecte pas forcément des structures de phrases plus classiques.
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(...) oublions tranquillement, et le plus tranquillement possible ou plutôt le plus allègrement possible, le plus passionnément possible tout le passé, et toutes les conséquences futures du passé telles que nous pouvons les prévoir humainement. Car il y a des conséquences divines du passé que Dieu seul connaît à savoir le bien qu' Il peut tirer du mal à chaque instant dès que nous lui donnons le mal, car il faut lui donner le mal pour qu'Il en tire quelque chose d'extraordinaire que Lui seul peut en tirer. Il ne faut pas perdre son temps à regarder le mal. Il faut le Lui donner, et Il a besoin que nous le Lui donnions. Alors voyez quelle audace que ça représente ! Et si quelque chose devait être regrettée - ah oui regrettée - pour que le sacrement de pénitence puisse s'exercer et après, qu'ensuite, on oublie immédiatement ce qu'on regrette c'est-ce-que précisément, ce que le chrétien et le contemplatif fassent cela : Lui donnent leurs péchés, Lui donnent leurs misères, mais pas seulement leurs misères mais surtout le non-être, puisque Lui seul peut en tirer l'être... Et ce non-être qui est le mal et le mal des autres et le nôtre, et les conséquences, eh bien je vous le donne parce que je sais que vous pourrez en tirer du bien à chaque instant. A chaque instant ! Alors que d'inquiétudes nous nous épargnerions si nous agissions ainsi.
Prenons un exemple très simple, et classique, combien classique : ne pas savoir exactement ce qu'il faut faire en face de telle circonstance, en face de quelqu'un. On ne sait jamais exactement ce qu'il faut faire. Il y a des cas ou c'est particulièrement difficile, désagréable, inquiétant. Et on sent que la partie entre les ténèbres et la lumière est tellement serrée, tellement violente qu'on est tenté (et le démon est bien là pour nous y inviter) à considérer la moindre fausse note, le moindre faux pas, la moindre maladresse, la moindre faute, comme entraînant une série de conséquences ténébreuses et irrémédiables. Tout simplement une seule chose à faire (mais ça nous ne le faisons pas parce que nous ne le croyons pas) : tout donner. Et oublier (vif) ! Tout donner et oublier. Ah c'est du sport ! je ne vais pas vous le cacher. Et ce mouvement qui s'appelle en fin de compte une "conversion". A chaque fois que nous faisons quelque chose comme ça (tout donner et oublier) c'est une véritable petite conversion qui s'opère en nous. Car c'est ça la conversion finalement : abandonner le passé et partir à zéro. Et j'entends votre objection : mais à quoi bon cette conversion si c'est toujours à refaire ? Ah aïe aîe (rires dans l'auditoire) ! Donc vous révez bien d'une conversion à partir de laquelle il n'y aurait plus à se convertir. Vous, vous révez bien de ce qui est aux antipodes de la sainteté ; puisque la sainteté est une accélération de la fréquence des conversions. A tout instant nous échappons à la lumière de Dieu, c'est évident, nous sommes pécheurs. Le problème ne consiste pas d'arriver à vouloir trouver un truc pour un jour ne plus échapper à la lumière de Dieu. Ou plutôt il y en a un... (c'est regretter, tout donner à Dieu et oublier) La conversion c'est un mouvement fondé sur le regret et le regret comme oubliant. C'est-à-dire c'est un mouvement par lequel à chaque instant on donne (à Dieu) cette souillure (notre péché) qui nous échappe, qui vient de nous. Et à force de la donner tout le temps il y a un moment on ne s'arrête pas de donner le passé et de se convertir. Etre dans la lumière de Dieu c'est justement ça la tentation. Oui au ciel. Voilà bien la différence entre le régime de la terre et le régime du Ciel. Au Ciel on n'aura plus à donner successivement. On donnera éternellement dans un seul acte. Il n'y aura plus d'événements. Il n'y aura plus de conversions. Ah d'accord ! Mais en attendant, à tout instant : l'infidélité, la rechute, l'apesantissement... la pesanteur nous menace ! Par conséquent on a qu'une solution pour être constamment fidèle : c'est en sorte de se reprendre toujours. Autrement dit que la conversion soit en effet toujours à refaire, mais alors de plus en plus toujours ! De telle sorte que plus on va, plus on se plonge dans cette mentalité de ne pas avoir encore commencé, comme ce bon chartreux qui dormait toujours. Il dormait toujours et pour se réveiller il avait construit un système d'horlogerie sensationnel (rires de l'assemblée) où une planche lui tombait sur les pieds (rires) mais il n'y arrivait pas. Au moment de mourir il a dit : je vais enfin me réveiller ! (rires). C'est magnifique ! c'est exactement ça !
Alors j'en reviens à ce coup de vent qui nous projette à cent mètres et on se dit : ça y est, c'est pas mal. C'est pas mal et d'une part on n'a pas envie de monter plus haut, on trouve que c'est déjà pas mal comme ça. Et d'autre part, on veut essayer de trouver le truc pour ne plus redescendre. Et à la première dégringolade on se dit : c'est encore à refaire. En fait c'est à refaire pour aller plus haut. Ce qui nous perd c'est que nous considérons le coup de vent de la conversion comme un événement transitoire destiné à nous mettre dans un état qu'on appellerait la sainteté. Il n'y a pas d'état de sainteté ! Il y a simplement une précipitation de plus en plus fréquente des coups de vent, accélérés par le nombre peut-être aussi fréquent des chutes conscientes. Conscientes c'est-à-dire qu'au fur et à mesure qu'on devient plus délicat, pratiquement on s'aperçoit qu'on rechute tout le temps. Tout le temps. Du fait qu'on oublie Dieu, pas le passé. Je rêve d'extirper de vos âmes le rêve, le désir de ce coup de vent définitif après lequel il n'y en aurait plus besoin : vous êtes aux antipodes de la sainteté. Il s'agit de se plonger de plus en plus dans la mentalité permanente des "ouvriers de la dernière heure" (c'est une parabole des Evangiles) qui brusquement découvrent qu'ils vont tout recevoir, que tout va commencer : enfin je vais me réveiller ! Alors une autre comparaison encore si vous voulez : celle d'une locomotive qui se met en marche : tche...tche... tche...au début, c'est une petite mise en marche. C'est laborieux comme nous avec le poids du jour, le poids de la chair, le poids de la sottise et tout ça nous ralentit, puis dix ans plus tard un coup de vent, puis espérons un autre coup de vent ..cinq ans plus tard, et puis deux ans, et puis un an, et puis un mois et puis....etc et que ça finisse par se rapprocher : c'est le mouvement de conversion... jusqu'à non pas tous les jours mais qu'à tout moment le vent ne cesse (le Saint Esprit) de souffler. Et il ne tient qu'à nous car Lui il souffle d'une manière éternelle, sans arrêt. C'est nous qui nous freinons son action avec ce petit discours intérieur que nous faisons à Dieu : attendez un peu que je m'y reconnaisse , que j'exploite les lumières que vous m'avez données et puis que je fasse une vie de bon chrétien, de bonne religieuse..avec ce que j'ai on doit pouvoir faire mieux. Et puis patatra ! la chute ! Alors on se décourage ! Et on appelle (Dieu), et immédiatement on reçoit comme toujours, ça ne traîne pas mais à condition qu'on appelle pour de vrai, sérieusement, du fond de l'être.... et immédiatement "nouvelle promotion" et à nouveau nous reprenons notre discours : ah , je vais pouvoir commencer à faire quelque chose ! Alors qu'il aurait fallu qu' après un premier coup de vent, et qu'au lieu de s'installer, qu'au lieu d'attendre paresseusement, Il faut qu'à tout moment nous renaissions, dans un mouvement irréversible, de plus en plus souvent jusqu'à devenir "à tout moment" et sous la pression d'un vent qui nous empêche de retourner en arrière : allez, allez, en avant ! On essaye de se retourner mais il n'y a pas moyen .. c'est ça le souffle du Saint Esprit quand il devient un peu harcelant. Il ne le fait pas tout de suite parce que nous ne le supporterions pas. C'est vraiment pas dans nos habitudes, ça nous donnerait comme de voyager sur la mer, avec un immense mal de mer, au fond c'est ça les purifications passives. c'est une espèce d'immence nausée du fait qu'on ne sent plus sous nos pieds le terrain solide. Dieu nous saisit. Il n'y a plus moyen de respirer tranquille comme avant : allez en avant, ne regarde pas ton passé, ce que tu as pu faire de bien, de mal... oublies ! ..Tu le donnes à la miséricorde ! Ah mais alors ! c'est quand même un peu... harassant ! C'est ça.
Alors voyez l'usage des sacrements...
Père Marie-Dominique Molinié
suite au prochain post...