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La peur de Pierre et la nôtre

"Eloigne toi de moi Seigneur, parce que je suis un pécheur." Il dit ainsi parce qu'une sorte d'épouvante s'est emparée de lui [l'apôtre Pierre] au spectacle de la pêche miraculeuse. Dieu ne s'est pas présenté à lui dans un appareil bien terrifiant. Il y a mis toute la discrétion possible et toute la bonté possible. Pendant toute la nuit, Pierre a travaillé en vain et, comme sur un conseil d'ami, au petit jour il se décide à éloigner sa barque davantage encore, dans l'espoir, une dernière fois, de prendre quelque chose et, ce qui se passe est tellement saisissant que Pierre prend peur. Devant cette puissance de Dieu mise à son service, il comprend que Dieu est là. Et il a peur. Rapprochons cette parole de Pierre : " Eloigne toi de moi parce que je suis un pécheur" de cette parole du Christ  évoquée d'une manière magnifique : "Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs" et je suis prêt à négliger en apparence, à laisser dans le désert les 99 brebis qui n'ont pas besoin de se convertir pour aller chercher dans les broussailles, dans les épines du monde celle qui a péché et qui, par son péché, s'est mise dans l'impossibilité de revenir au bercail si je ne vais pas la chercher moi-même. Le Christ pourrait donc répondre à Pierre : mais c'est justement parce que tu es un pécheur que je suis là. Loin de justifier une fuite de ma part, ou la tienne, cette qualité de pécheur est justement le titre au nom duquel nous devons nous rencontrer, au nom duquel nous devons parler ensemble. Et justement à cause de cela que je te demande de supporter ma présence qui te fait peur. Et c'est normal. Je voudrais que beaucoup de personnes qui disent avoir confiance en la miséricorde de Dieu fassent un petit peu cette expérience de Pierre. Il y a des gens qui déclarent qu'ils ne craignent pas Dieu, qui font confiance en sa miséricorde, moyennant quoi ils ne sont pas pressés de faire quelque chose pour le trouver, pour le rencontrer, pour lui plaire. moyennant quoi ils se rassurent et, ils vont quelques fois déclarant qu'ils ne croient pas à l'enfer, que ce n'est pas possible, parce que Dieu est trop bon. Je ne discute pas ce point. Je dis seulement que cette conviction dans laquelle ils sont peut-être de pouvoir se rassurer, de ne pas s'inquiéter :  cette conviction ne repose pas dans une vraie confiance en la miséricorde. Car, je pense que ces personnes  si elles se trouvaient brusquement en présence du Christ, comprendraient brusquement, comme Pierre, qu'elles ont peur.

Et justement, elles se servent de cette soi-disant confiance en la miséricorde pour fuir cette mise en présence du Christ avec ce qu'elle comporte en effet de redoutable pour quelqu'un qui saisit brusquement que le Christ et lui, que Dieu et lui ne sont pas du même monde, que ça ne peut pas marcher ensemble . Ce n'est pas un raisonnement qui peut faire comprendre cela. C'est une mise en présence. Et une mise en présence de la bonté de Dieu. Que Dieu fasse pour nous un miracle un peu plus saisissant, quoique discret, et qu'il nous fasse sentir qu'il n'est pas loin et nous avons peur. Et cette peur est fondée sur une découverte d'une grande vérité et sur une immense ignorance.

La découverte d'une grande vérité en face de laquelle nous nous aveuglons volontiers et volontairement à savoir, qu'entre Dieu et nous, il n'y a rien de commun et que nous ne pouvons pas supporter le contact de Dieu.  Que nous voulions profiter de sa miséricore : oui mais pas pour être mis en contact avec Lui ! Profiter de sa miséricorde pour être tranquille, pour qu'Il ne nous juge pas, c'est un père trop bon pour nous faire du mal, voilà ce que nous pensons !

Mais nous n'allons pas jusqu'à imaginer et nous restons inconscients à l'égard des paroles que l'Eglise et l'Evangile nous enseignent. Nous n'allons pas jusqu'à imaginer que Dieu puisse désirer faire commerce avec nous, entrer en intimité avec nous.  Et si nous imaginions cela alors nous aurions peur. (...) et quand nous comprenons cela alors, avec notre soi-diant confiance dans la miséricode, nous avons peur, parce que nous comprenons que ce ne peut pas se faire. "Eloigne-toi de moi, pécheur..." non, ce n'est pas possible, tu ne peux pas t'approcher de moi tel que je suis, parce que je suis un pécheur.

Pierre découvre une grande vérité, à savoir qu'il n'est pas prêt à soutenir le regard de Dieu. Mais il commet une grande erreur que nous connaissons tous et qui consiste à s'imaginer qu'il faut d'abord s'éloigner de Dieu, de ne pas se rapprocher trop et d'essayer de se faire une toilette de façon à ce que, autant que possible le choc entre la lumière de Dieu et notre misère n'aie pas lieu. Si on pouvait "arranger les choses" et c'est ça que nous appelons "nous préparer" à la mort. Et là nous commettons une grande erreur avec Pierre : nous imaginons Dieu à notre image. Cette vérité là que Dieu n'est pas comme nous, c'est cette vérité là qui devrait faire la base de notre espérance ! Parce que justement nous nous sommes durs, mais Dieu n'est pas dur. Nous nous sommes mauvais mais Dieu est bon. Et c'est justement parce que Dieu est bon que Lui peut soutenir le choc de cette rencontre avec notre péché. Et si nous voulons nous préparer à mourir, si nous voulons modifier notre conduite et notre être profond : il ne faut pas attendre pour cela, il ne faut pas attendre de rencontrer Dieu plus tard, il faut tout de suite se précipiter vers la miséricorde de Dieu. Pour que la miséricorde de Dieu nous apprenne à supporter le contact avec Dieu. Ce qu'il nous demande c'est d'avoir le courage de  venir tout de suite, tels que nous sommes, sans faire aucune toilette, c'est-à-dire dans la vérité. Sans chercher à nous dissimuler et à dissimuler ce qu'il y a de plus laid en nous. Il y a bien des personnes qui se présentent au confessionnal mais qui ne trouvent pas de péché ! Ou si peu ! Et qui supportent si mal qu'on porte le regard sur tel ou tel domaine de leur vie qui n'est peut être pas tout à fait au point. Parce que des fois, ça les obligerait à prendre conscience qu'elles sont des pécheurs. De ces personnes qui se présentent comme des bons chrétiens, pas des chrétiens d'élite, nous sommes de pauvres gens, nous ne sommes pas très vertueux, nous ne sommes pas très fervents,  mais enfin il n'y a pas grand chose à nous reprocher. Eh bien ces personnes-là si elles étaient mises en présence de la bonté du Christ à travers un miracle comme celui de la pêche miraculeuse, brusquement un cri tressaillirait du fond de leur être : je suis pécheur !! Et c'est ce cri qu'elles n'ont pas envie de pousser sur la terre. C'est ce cri qu'elles veulent éviter d'avoir à sortir de leur coeur. alors elles passent à côté de la miséricorde de Dieu.

C'est cette expérience-là qu'il faut accepter de faire. Nous discutons, nous analysons beaucoup notre conduite mais qu'est-ce qui se passerait si brusquement on Le voyait, si on Le sentait : ah nous ne discuterions plus. Et à ce moment-là le Christ pourrait nous apprendre à avoir confiance. La vraie confiance. Une fois que nous serions dans la vérité enfin, nous ne chercherions plus à nous rassurer par des arguments,  nous pourrions peut être trouver la miséricorde en comprenant du fond de notre être que c'est justement ce qui nous fait peur en Dieu et en nous qui doit nous rapprocher Dieu et nous ; notre extrême misère et son infinie tendresse, son infinie bonté, son infinie pureté. (...) Cette chose dont nous avons peur, ce qu'il y a de plus laid en nous (nous ne pourrons pas entrer au ciel avec notre colère, avec notre mépris, avec nos mesquineries) cela, la miséricorde de Dieu nous demande de le lui donner et de ne pas, sous prétexte que nous sommes des pécheurs, de refuser d'entrer en contact avec Lui. Le vrai contact avec la miséricorde qui pardonne tout, qui guérit tout, qui ne demande qu'une seule chose : la confiance et la vérité ; la loyauté par laquelle nous reconnaissons que ca va mal pour nous et la confiance qui jette tout dans le coeur de Dieu parce qu'elle sait  que Dieu a un coeur de père, a un coeur de mère et qu'il est tout-puissant, qu'il a donné son sang pour nous sauver et que nous n'avons pas le droit de craindre.

                                                       M.D. Molinié o.p (homélie)

 

 

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