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apôtre pierre

  • Les fondamentaux (2)

    Note : ce texte est la suite du post précédent. Si vous ne l'avez pas lu, je vous invite à le faire avant d'entreprendre la lecture du texte qui suit. Ce texte est une retranscription d'un entretien oral donné par M.D Molinié au cours d'une retraite.

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    Prenez l'exemple de [l' apôtre] Pierre, au moment de sa trahison, au moment où le Christ l'a regardé et au moment où il [Pierre]  a pleuré.

    On dit en général ceci et ce n'est pas faux d'ailleurs : Pierre s'appuyait trop sur lui-même ; il avait confiance en lui-même au lieu d'avoir confiance en la grâce de Dieu, il sentait en lui non seulement de la force mais, faites attention, de l'amour. Si Pierre a dit au Christ : "Je donnerai ma vie pour toi" c'est qu'il l'aimait, et qu'il se sentait soulevé par cet amour, porté par cet amour.

    Alors sous la pression de cet amour, ayant conscience d'aimer, il se sentait prêt à aller jusqu'au bout, oui, mais dans la ligne de son programme, dans la ligne de ce qu'il avait compris. La faute de Pierre ça n'a pas été seulement, loin de là, ça n'a pas été seulement de ne pas comprendre que nous sommes fragiles : l'esprit est prompt et la chair est faible, en effet, on s'en est aperçu,  et qu'il fallait faire attention au besoin que nous avons de la grâce de Dieu, c'est pas seulement ça. Mais c'est que Pierre s'était obstiné dans un certain programme d'amour, mais d'amour à la Pierre, vous comprenez, [amour] qui se trouvait ne pas être aussi délicat, aussi raffiné, aussi doux en fin de compte que le "programme" de Dieu. Pour un premier temps ça pouvait aller, pour un premier démarrage, pour un premier "dégrossissage". Mais, pour aller plus loin, il ne suffisait pas que Pierre fasse des progrès, qu'il augmente sa générosité, il ne suffisait même pas qu'il s'appuie davantage sur la grâce de Dieu, il fallait qu'il refonde entièrement sa vue des choses et, en particulier, sa vue de l'amour de Dieu.

    Il fallait qu'il découvre que l'amour de Dieu c'est tout à fait autre chose encore que ce qu'il avait compris, que ce qu'il avait cru !  Et, pour cela, il fallait une deuxième visite du Christ. Une deuxième visite du Christ alors qu'il le fréquentait quotidiennement. Pierre fréquentait le Christ quotidiennement. Mais ça c'était la fréquentation du Christ tel qu'il l'avait compris. De temps en temps, le Christ tel qu'il ne l'avait pas compris frappait à la porte : [Pierre] écoute-moi, attention, tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes... Attention Pierre, tu ne comprends pas, tu n'y es pas, j'ai autre chose à te dire, t'es loin d'avoir compris mon pauvre ami..c'est pas tout à fait ça...., la Transfiguration : il est bon de rester ici, mais si je te parle d'autre chose, de la nécessité de souffrir et de mourir (ce n'est pas que Pierre avait peur de la souffrance) c'est que ce n'était pas dans son programme :  la souffrance de son Maître, la mort de son Maître, parce que c'est un programme divin et qu'il est tout à fait normal que Pierre ne comprenne pas tout de suite mais ce qui est moins normal c'est qu'il s'imaginait avoir compris, et ne plus rien à avoir à apprendre, le malheureux ; ne plus avoir d'étonnements à connaître, de stupéfactions, de ces effondrements...

    Les moments de bonheur dans la vie, les moments de bonheur qui comptent ce sont ces moments où l'on se disait : je n'avais rien compris, en particulier à l'amour de Dieu. Et précisément parce que j'avais un coeur dur, un coeur de pierre, un coeur grossier, un coeur absurde...on ne comprend rien à cette délicatesse excessive de l'amour de Dieu (...) à l'intérieur même de ce qu'il y a de meilleur en vous (je donnerai ma vie pour toi) il y a une dureté terribe, il y a une obstination à opposer sa pensée à celle de Dieu. La pensée de Dieu elle est douce, c'est la nôtre qui est opaque, c'est la nôtre qui ne se laisse pas pénétrer.  Alors cette pensée nous arrive, cette pensée de Dieu, cette douceur de Dieu nous arrive par vagues successives : voilà ce que j'appelle les visites du Christ. Et à chaque fois que nous Lui ouvrons [notre coeur], grâce à une longue préparation, de fidélité, mais une fidélité qui n'a de sens que si elle est une attente de quelque chose ! Si donc à la faveur de cette longue préparation, de cette très longue attente, si à la faveur de cela nous ouvrons vite [quand le Christ vient nous visiter] lorsqu' Il se présente alors Il s'engouffre comme l'eau qui s'engouffre par une brêche, Il pénètre dans la citadelle, Il irrigue certaines  régions passablement desséchées mais pas encore tout à fait. Ce n'est qu'un pas de plus. Ce n'est qu'un envahissement de plus. Et à partir de là la vie est changée, bien sûr. Certaines choses qui nous paraissaient impossibles deviennent faciles. Certaines choses qui nous paraissaient inintelligibles deviennent claires, certaines choses qui nous paraissaient claires deviennent très obscures d'ailleurs, mais ça nous gêne moins. Nous comprenons mieux qu'il est normal qu'il en soit ainsi. Et nous continuons jusqu'à la prochaine étape.

     

    Les serviteurs qui attendent le retour du Maître : qu'est-ce qu'ils font ? Eh bien ils entretiennent la maison. On voit des murs délabrés, il faut attendre le retour du Maître pour savoir comment il va les remettre. Nous, on enlève la poussière, on fait des choses extrêmement... peu importantes. Ce qui est très important c'est de le faire dans un certain esprit qui consiste précisément à attendre et à savoir que ce que nous faisons n'a une telle importance. C'est ça le sens de cette parole des serviteurs inutiles qui paraît révoltante parce que nous avons des prétentions révoltantes. Quand vous aurez bien fait tout ce que vous avez à faire dans la journée, ne vous attendez pas à ce qu' Il dise : Ah cette fois tu as bien avancé dans le Royaume des cieux ! Vous êtes  des serviteurs inutiles, vous n'avez rien fait... que d'attendre. Et d'ailleurs je ne vous demande rien d'autre : attendez-moi. Occupez le temps !  Alors vous [le père Molinié s'adresse à des moniales] vous occupez le temps à chanter, ce qui est pas mal, qui est peut être ce qu'il y a de plus profond pour manifester que nous sommes des serviteurs inutiles, puisque le chant est une chose essentiellement inutile... ça sert à quoi de chanter pouvez-vous me le dire ? (rires dans l'auditoire) Et ainsi vous êtes théoriquement mieux armées que d'autres pour comprendre que votre vie est une vie d'attente. Et si vous avez le malheur de la remplir avec un programme de vertus et de conquêtes...partir à la conquête des cîmes de l'amour de Dieu, attention !  

    Oui bien sûr, dans la mesure où  Dieu nous y invite, dans la mesure ou Dieu nous  invite à être magnanime, à sortir de notre stupidité... allons réveillez-vous dit saint Paul, voilà la lumière qui arrive : ouvrez-vos yeux,  ne les fermez pas à cette lumière déchirante de la douceur de Dieu. Bien sûr. Mais toujours votre action la plus intense concevez-la comme un reflet, comme une réplique de l' initiative de Dieu. Si je dois vous donner une comparaison, très familière, prenez le jeu du tennis. Ca se fait à deux en général sauf si on a un mur en face de soi et alors justement, le grand danger de la vie spirituelle pour nous c'est que nous mettons à la place de Dieu un mur  qui va nous renvoyer nos efforts automatiquement. Ce n'est pas ça. Ca se joue à deux. Il y a quelqu'un qui envoie les balles. Nous n'avons pas d'autre chose à faire que de les recevoir et de les renvoyer. Alors si on les reçoit à gauche on va à gauche, mais si on les reçoit à droite on va à droite. Et s' il ne nous envoie rien : eh bien on attend.... voilà. Et cette attente dans la foi, dans la confiance a plus de prix que l'or dit [l'apôtre] Pierre [dans l'une de ses lettres], justement le même Pierre qui ne savait pas beaucoup attendre. Je vous ai donné le principe fondamental.

    Quand le Christ visite, entre.. c'est Lui qui change le climat de la maison, ce n'est pas nous.....

                                                                                       A suivre... post suivant

  • Le ciel n'est pas derrière les nuages

    132. Parle-t-on encore du ciel ?

    Dans la prière liturgique, certes, car celle-ci puise aux sources bibliques, et, dans l'Ecriture, sous d'innombrables formes, la vie éternelle, le Royaume, la "patrie" est présente, objet sans cesse proposé à la foi et à l'espérance du chrétien.

    Mais c'est un fait que la prédication accorde au ciel une petite place. On dirait qu'il est trop difficile de mettre sous ce mot quelque chose de précis, de sûr, d'intelligible. On redoute d'avoir à rencontrer ces descriptions vieillottes et enfantines dont s'enchantait l'imagination des anciennes générations.

    Serait-il donc vrai qu'il n'est pas possible de dire pourquoi nous sommes faits, où nous allons, de quoi est faite notre espérance ? Serions-nous devenus comme ceux qui n'ont pas d'espérance, aurions-nous perdu ce dont saint Paul, avec tant d'insistance, nous voulait informés ? Manquerions-nous de cela même qui doit donner à notre prière  son ressort, à nos sacrifices leur compensation ? Le Royaume promis dans les Béatitudes serait-il devenu pour nous un mirage ? Qui pourrait le croire ?

    Que nous soyons plus exigeants pour distinguer le certain du douteux, le vrai de l'imaginaire, c'est bien, mais nous ne pouvons admettre que cette existence nous prive du nécessaire.

    Qu'est-ce donc que le ciel ?

    Les éléments d'une réponse tiennent en peu de mots. Ils n'épuisent pas l'idée. Ils parlent plus à notre intelligence et à notre coeur qu'à notre imagination sensible, mais qui pourrait dire qu'ils ne sont pas nourrissants et capables de créer en nous cette tension vitale qui s'appelle de son vrai nom l'espérance et donne la force, non pas de mépriser le présent - au contraire, - mais, comme disait saint Paul, de n'en rien perdre en le maîtrisant.

    133. Le premier élément de la réponse, quand on écoute la Bible, est indiscutable : le ciel, c'est le Christ. Mourir pour être "avec le Christ", c'est l'aspiration suprême de l'âme de saint Paul, le "meilleur", "de beaucoup le meilleur", que seul l'amour même du Christ lui permet de sacrifier encore pour un temps au bien de ses frères.

    Etre "là où est allé le Christ", c'est ce que le Seigneur met devant les yeux des siens à l'heure où il les quitte. Voir se réaliser enfin ce qui fait, déjà ici-bas, "battre notre coeur" malgré les obscurités présentes, voir ce Christ que "nous aimons sans l'avoir encore vu", c'est ainsi que l'apôtre Pierre regarde avec nous vers l'avenir et nous encourage dans sa première épître.

    Qui pourrait dire que c'est là un objet pour nous inconsistant ? Si nous croyons que le Christ est vivant, qu'il est ressuscité, si nous croyons que là où il est , nous aussi nous serons, alors nous savons ce que c'est que le ciel, et notre espérance a vraiment un contenu pour nous réel et saisissable. Cela n'a rien à voir avec une vision puérile et avec des représentations que nous pourrions juger indignes d'un adulte. Le saut par-dessus la réalité de la mort c'est la main dans la main du Christ que nous le faisons, et ce saut n'est pas un saut dans le vide, car notre coeur, dès ce monde, n'est pas vide du Christ. C'est bien lui qui vit en nous dès maintenant. Tout progrès dans sa connaissance et dans son amour étoffe vraiment en nous et construit notre ciel.

    Et rien n'empêche, tout nous presse au contraire de mieux saisir et pressentir ce que signifie cette communion au Christ, dont l'Esprit est le principe, dont le Père est le terme. Sous l'action de l'Esprit Saint, dans le Christ, nous balbutions ici-bas le nom que le Christ ne cesse de redire au fond de son âme et dont il nous a fait partager le secret, connu de lui seul : le nom de son Père devenu notre Père. 

    La charité que répand en nous l'Esprit  établit ainsi entre notre présent et l'éternité du ciel un lien véritable, une continuité susbstantielle : car la foi et l'espérance passeront, mais " la charité ne passera jamais". Voilà ce que l'Eglise croit quand elle achève son credo sur l'affirmation de la "vie éternelle".              

                               A suivre...

    Gabriel-Marie Garonne - Que faut-il croire ? - Desclée 1967