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esprit saint

  • vraie et fausse tradition

    [62] Dans l'institution catholique, le Magistère romain tend à réduire toute diversité et prétend être le seul interprète de la tradition, ce qui laisse peu d'initiative à l'ensemble de la hiérarchie et rend très difficile de faire bouger les choses. La tradition est fixée par l'autorité suprême, qui se réserve également le droit de fixer le sens de l'Ecriture, en sorte que le pouvoir n'a plus d'autre régulation que la succession de ses propres décisions éclairées par la lumière de l'autorité divine. Alors que normalement, c'est-à-dire ainsi que cela se passait aux premiers siècles, l'Ecriture représente l'autorité souveraine de la foi, telle qu'elle est interprétée par la prédication continue et universelle des pasteurs de l'Eglise, solidairement successeurs du collège des Apôtres. Le Pontife romain n'intervient normalement, au sommet de la chaîne, à son titre de gardien de l'unité de l'Eglise et de garant de la continuité de sa tradition, que pour trancher les différends qui surgissent entre les Eglises dont la communion constitue l'Eglise universelle, et il le fait, en s'entourant normalement du concours de l'ensemble des évêques dont il est solidaire, en éclairant le différend qui vient de surgir à la lumière de la tradition venue jusqu'à ce jour, en telle manière qu'il [63] accepte d'être lui-même jugé par la tradition dont il juge les contrariétés et les développements.

    La tradition, en effet, n'est rien d'inerte et d'immuable, elle n'est pas un document d'archive, elle ne s'arrête jamais, car elle est vivante, elle est la foi au Christ, proclamée par les Apôtres, à jamais consignée dans les Ecritures, perpétuellement éclairée par l'Esprit Saint qui guide les croyants vers la vérité plénière. Pour ce motif, elle n'est la propriété de personne, elle ne fait pas autorité séparément des Ecritures dont elle dit le sens, elle n'est pas la seule voix de l'autorité ecclésiastique, car elle exprime aussi la foi dont vivent les fidèles. La tradition de l'Eglise inclut le sens de la foi des fidèles (sensus fidei ou fidelium), dont Vatican II, en dernier lieu, a reconnu la valeur et la vérité ; ce sens de la foi qui est le sentiment, l'assentiment, la pensée, l'intelligence, le jugement des fidèles, donc aussi bien des laïcs, sur le plus essentiel de la foi, parce qu'ils sont tous éclairés par l'Esprit Saint, directement car il habite en tous également, en même temps qu'indirectement par l'enseignement autorisé des évêques. Il se produit donc normalement une circulation de la foi entre Ecriture, fidèles, évêques et pape, qui constitue ce que nous apelons la tradition. (...)

    Joseph Moingt - Croire quand même, libres entretiens sur le présent et le futur du catholicisme.  Editions Tempsprésent  coll Semeurs d'Avenir 2010.

  • Le ciel n'est pas derrière les nuages

    132. Parle-t-on encore du ciel ?

    Dans la prière liturgique, certes, car celle-ci puise aux sources bibliques, et, dans l'Ecriture, sous d'innombrables formes, la vie éternelle, le Royaume, la "patrie" est présente, objet sans cesse proposé à la foi et à l'espérance du chrétien.

    Mais c'est un fait que la prédication accorde au ciel une petite place. On dirait qu'il est trop difficile de mettre sous ce mot quelque chose de précis, de sûr, d'intelligible. On redoute d'avoir à rencontrer ces descriptions vieillottes et enfantines dont s'enchantait l'imagination des anciennes générations.

    Serait-il donc vrai qu'il n'est pas possible de dire pourquoi nous sommes faits, où nous allons, de quoi est faite notre espérance ? Serions-nous devenus comme ceux qui n'ont pas d'espérance, aurions-nous perdu ce dont saint Paul, avec tant d'insistance, nous voulait informés ? Manquerions-nous de cela même qui doit donner à notre prière  son ressort, à nos sacrifices leur compensation ? Le Royaume promis dans les Béatitudes serait-il devenu pour nous un mirage ? Qui pourrait le croire ?

    Que nous soyons plus exigeants pour distinguer le certain du douteux, le vrai de l'imaginaire, c'est bien, mais nous ne pouvons admettre que cette existence nous prive du nécessaire.

    Qu'est-ce donc que le ciel ?

    Les éléments d'une réponse tiennent en peu de mots. Ils n'épuisent pas l'idée. Ils parlent plus à notre intelligence et à notre coeur qu'à notre imagination sensible, mais qui pourrait dire qu'ils ne sont pas nourrissants et capables de créer en nous cette tension vitale qui s'appelle de son vrai nom l'espérance et donne la force, non pas de mépriser le présent - au contraire, - mais, comme disait saint Paul, de n'en rien perdre en le maîtrisant.

    133. Le premier élément de la réponse, quand on écoute la Bible, est indiscutable : le ciel, c'est le Christ. Mourir pour être "avec le Christ", c'est l'aspiration suprême de l'âme de saint Paul, le "meilleur", "de beaucoup le meilleur", que seul l'amour même du Christ lui permet de sacrifier encore pour un temps au bien de ses frères.

    Etre "là où est allé le Christ", c'est ce que le Seigneur met devant les yeux des siens à l'heure où il les quitte. Voir se réaliser enfin ce qui fait, déjà ici-bas, "battre notre coeur" malgré les obscurités présentes, voir ce Christ que "nous aimons sans l'avoir encore vu", c'est ainsi que l'apôtre Pierre regarde avec nous vers l'avenir et nous encourage dans sa première épître.

    Qui pourrait dire que c'est là un objet pour nous inconsistant ? Si nous croyons que le Christ est vivant, qu'il est ressuscité, si nous croyons que là où il est , nous aussi nous serons, alors nous savons ce que c'est que le ciel, et notre espérance a vraiment un contenu pour nous réel et saisissable. Cela n'a rien à voir avec une vision puérile et avec des représentations que nous pourrions juger indignes d'un adulte. Le saut par-dessus la réalité de la mort c'est la main dans la main du Christ que nous le faisons, et ce saut n'est pas un saut dans le vide, car notre coeur, dès ce monde, n'est pas vide du Christ. C'est bien lui qui vit en nous dès maintenant. Tout progrès dans sa connaissance et dans son amour étoffe vraiment en nous et construit notre ciel.

    Et rien n'empêche, tout nous presse au contraire de mieux saisir et pressentir ce que signifie cette communion au Christ, dont l'Esprit est le principe, dont le Père est le terme. Sous l'action de l'Esprit Saint, dans le Christ, nous balbutions ici-bas le nom que le Christ ne cesse de redire au fond de son âme et dont il nous a fait partager le secret, connu de lui seul : le nom de son Père devenu notre Père. 

    La charité que répand en nous l'Esprit  établit ainsi entre notre présent et l'éternité du ciel un lien véritable, une continuité susbstantielle : car la foi et l'espérance passeront, mais " la charité ne passera jamais". Voilà ce que l'Eglise croit quand elle achève son credo sur l'affirmation de la "vie éternelle".              

                               A suivre...

    Gabriel-Marie Garonne - Que faut-il croire ? - Desclée 1967

                        

  • La vie à fond !

    Une des grandes tentations du monde d'aujourd'hui, c'est d'oublier l'adoration : même les théologiens ne veulent plus en parler. Mais alors, la charité nous ferait l'égal de Jésus ? Il n'y a même plus de respect à son égard, il n'y a plus qu'une espèce de camaraderie, ce qui est insupportable, parce que Jésus est Dieu et que nous devons le regarder comme le Père nous l'a donné. Il est notre Dieu, il est notre Créateur en tant qu'il est le Fils bien-aimé du Père.  (...) Si nous n'adorons plus, nous ne regardons plus Jésus que comme un homme, autrement dit, nous ne savons plus qui il est. Rien d'étonnant, alors, si nous ne reconnaissons plus ses paroles dans l'Ecriture. Certains en arrivent à dire que dans l'Ecriture, il y a très peu de paroles de Jésus, peut-être une seule, et que tout le reste vient de la communauté des croyants. On voit bien la dialectique qui conduit à cela : Jésus n'est plus regardé comme Dieu parce qu'il n'est plus adoré. C'est pour cela qu'il est si important de comprendre ce que Jésus dit à la Samaritaine, à cette humanité fatiguée...

    (...) C'est la plus grande chose que Jésus réclame de nous : faire oeuvre commune avec lui dans l'adoration à l'égard du Père.

    (...) nous ne vivons au sens le plus fort que quand nous adorons, il faudrait en être convaincu. Quand nous n'adorons plus, nous sommes des êtres errants, nous perdons du temps. Il est évident que nous ne pouvons pas être toujours en acte d'adoration : nous devons travailler ! Mais le travail doit se faire à l'intérieur de cette attitude d'adoration, en se laissant transformer par elle. L'adoration met en oeuvre tout le capital de vie qui est en nous, que Dieu nous a donné ; nous le lui remettons, et par là nous nous disposons à être entièrement sous le souffle de l'Esprit saint, qui ne peut s'emparer de nous que dans la mesure où nous adorons.

     

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau t.2 -Ed. St Paul 1999. pp 169 - 170.172.173

    ISBN : 2 85049 781 9

    Les ouvrages ainsi que les conférences  de Marie-Dominique Philippe sont disponibles à Notre-Dame de Rimont (71390 Fley. Site internet : www.stjean.com)

  • Souffle de vie

    Quel langage serait à la hauteur de ces choses, quelles paroles assez formidables pourraient nous faire saisir intuitivement la réalité infinie de cette Décision et de cette Action divines que nous appelons la Résurrection de Jésus ? De même qu'aucun œil humain n'est apte à regarder directement le centre d'une déflagration atomique, aucun regard, aucune pensée, aucun mot humains ne peuvent embrasser le mystère du Christ ressuscitant. Et nous savons que nous sommes loin du compte lorsque nous nous  contentons d'affirmer que l'histoire de Jésus s'est continuée après la Croix, que son corps s'est relevé du tombeau, que sa présence s'est faite sensible à ceux qui ont cru en lui et qu'il demeure agissant parmi nous, et tant d'autres balbutiements, d'ailleurs fort justes, par lesquels nous essayons de dire aux autres ce qui fait la substance de notre foi. (...)

    Pourtant je veux encore aller plus loin. Je veux descendre plus profond avec vous dans notre expérience chrétienne. Paul nous dit que l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en nous (Rm 8, 11). L'Esprit, le Souffle ! C'est par l'Esprit, c'est par le Souffle de Dieu que Jésus s'est relevé de la mort, et c'est ce même Esprit que nous avons reçu. C'est pourquoi, lorsque nous sommes obligés de convenir que l'événement proprement dit de la nuit de Pâques échappe à notre saisie, nous n'avons pas encore tout dit. (...)

    L'explosion initiale de l'événement de Pâques nous échappe sans doute, mais je dirai que nous avons été saisis par le souffle de l'explosion. Saisis, enveloppés, pénétrés par ce souffle. Par ce souffle, Jésus a été conduit de la mort à la vie, de ce monde à son Père, de la nuit du tombeau au grand jour de la gloire, et c'est ce Souffle, ce même Souffle, qui nous anime, qui cherche à nous entraîner, nous aussi ...

    Hélas, hélas, nous lui opposons tant de résistance, d'inattention, d'incrédulité ... Nous sommes si souvent enfermés par nos mentalités, par nos idées, par nos égoïsmes comme dans les scaphandres des marches sur la lune : aucun souffle du dehors n'est sensible à l'homme claquemuré dans un scaphandre! (...)

    Nous ne sommes pas faits pour la mort ni pour l'absurde. Nous sommes faits pour le Royaume  que Jésus n'a cessé d'annoncer et dont il nous a ouvert l'accès par sa Croix et sa Résurrection. "Et du lieu où je vais, vous connaissez le chemin ", disait-il tranquillement à ses disciples (Jn 14,4). 

     

     Albert-Marie Besnard - Il vient toujours - Cerf 1979 pp. 59-64

  • La soif de Jésus et la nôtre

    Nous crions que nous avons soif; nous nous pressons autour de toutes sortes de puits avec nos cruches pour recueillir un peu d'eau pour nous désaltérer. Or Jésus est là, il nous rencontre, et à notre cri il répond: moi aussi, j'ai soif. Il est venu parmi nous comme quelqu'un qui, lui aussi, connaît la soif. Nous sommes assoiffés de justice, disons-nous, mais ce Jésus l'a été plus que tous : «Je suis venu jeter un feu sur terre, et comme je voudrais qu'il soit déjà allumé » (Lc 12, 49). Nous sommes affamés de communion et de fraternité, mais ce Jésus n'a vécu que pour rassembler dans l'unité d'un même amour tous les hommes qui sont enfants de Dieu dispersés. Nous avons soif de divin, soif de la vraie vie, mais ce Jésus a laissé échapper la soif qui le dévorait: «Père, glorifie-moi de la gloire que j'avais auprès de toi avant que fût le monde» (Jn 17, 5).

    Seulement, entre la soif de Jésus et la nôtre, quel abîme! Comme les Samaritains se contentaient d'un culte mélangé, nous nous contenterions si facilement de boire une eau boueuse. Nous nous contentons si vite des «à peu près» et les semblants de la justice, de l'amour, de l'adoration. Nous avons soif de justice, mais nous pensons que d'améliorer quelque peu le sort des plus malheureux, cela suffira. Nous  avons soif de communion fraternelle, mais pour les uns quelques relations polies au sein d'une Église très individualiste suffisent amplement, et pour les autres, un peu de chaleur collective dans une  bonne ambiance trompe trop aisément la soif. Nous avons soif de dépasser la banalité de notre vie superficielle, soif d'absolu, disons-nous, mais les succédanés modernes du sacré, les horoscopes et les fantasmagories de l'irrationnel suffisent amplement à beaucoup, tandis que les autres se consolent dans de vagues sentiments d'infini par la drogue, le naturisme ou la religiosité exotique.

    Jésus a soif avec nous, parmi nous, mais autrement que nous. La seule justice accomplie sera pour lui celle qui pourra s'appeler véritablement Royaume de Dieu: et tant que ce Règne ne sera pas advenu, il y aura pour lui travail et labeur: « Mon Père travaille toujours, et moi aussi je travaille» (Jn 5, 17). La seule fraternité solide sera celle qui sera scellée dans l'amour de l'unique Père des hommes, et pour cela il livre sa propre vie et, comme signe de ce don, il nous laisse le sacrement du pain et du vin que nous célébrons en mémoire de lui. La seule adoration digne de l'homme et digne de Dieu est celle qui se réalise  «en esprit et en vérité», dit-il à la Samaritaine, et seul son Esprit peut l'inspirer dans le cœur et l'exprimer dans le culte.  

    Albert-Marie Besnard - Il vient toujours - Cerf 1979 pp. 44-46