Un des sages de ce temps vint un jour trouver le juste Antoine et lui demanda : « Père, comment faites-vous pour résister si longtemps, privé que vous l’êtes du réconfort des livres ? » Celui-ci répondit : « Mon livre, ô philosophe, est la nature des êtres créés, et il se tient devant moi chaque fois que je désire lire la parole de Dieu. »
Evagre Le Pontique – Traité pratique 92
Beaucoup de gens pensent qu’un moine médite jour et nuit la Parole de Dieu, telle qu’elle nous a été transmise par les Saintes Écritures. Mais pour Antoine, Dieu ne parle pas seulement à travers l’Écriture, mais aussi, de la même manière, à travers la création. Antoine a naturellement médité la parole de la Bible. Il connaissait probablement par cœur - comme de nombreux moines - la totalité des Saintes Écritures, ou tout au moins de nombreux passages.
Mais la nature était aussi un livre dans lequel il pouvait lire constamment la parole de Dieu. Il voyait dans la nature la beauté du Seigneur, il percevait en elle l’Esprit divin. La création entière est imprégnée de l’Esprit du Seigneur. Dans la création nous pouvons donc toucher, tâter, flairer, voir et entendre le Créateur lui-même. Dieu n’est pas quelque chose d’intellectuel. Dans la création nous le percevons avec tous nos sens. Mais pour cela il est nécessaire d’avoir une manière particulière de nous rapporter à elle. Antoine parle de la nature des êtres créés. Comprendre la nature, l’essence des choses créées est le premier degré de la contemplation. Je ne juge pas les choses, mais j’en découvre la signification ultime. Je reconnais leur essence. En elle je vois à l’œuvre la main bienveillante du Seigneur. En elle je regarde Dieu lui-même. Cette manière de parvenir à Dieu à travers la nature est aujourd’hui pour quelques personnes plus simple que l’étude des livres de théologie. Ces personnes pourraient aller à l’école d’Antoine, pour affiner leur propre regard et reconnaître et voir, dans le créé, le Créateur lui-même.
La voix du désert – Anselm Grün – Parole et Silence, 2006