Il faut bien savoir repérer la diversité des démons et distinguer le moment où ils se manifestent : nous reconnaissons ainsi, […], parmi les démons, ceux qui sont moins fréquents et donc plus graves ; ceux qui sont assidus et donc plus tolérables, et ceux qui nous assaillent à l’improviste et entraînent l’esprit au blasphème. (Evagre le Pontique - Traité pratique 43)
Par ce conseil, Evagre nous invite à une observation attentive de nos pensées et de nos sentiments. Quelquefois, il nous parle des pensées qui nous sont suggérées par des démons. D’autres fois, il identifie les pensées avec les démons eux-mêmes.
Nous devons explorer la particularité de nos pensées. Quelles sensations nous transmettent-elles ? Pendant combien de temps s’attardent-elles ? Quand nous viennent-elles à l’esprit ? Dans quelles circonstances extérieures ?
Nous reconnaîtrons, par exemple, que les fantasmes sexuels émergent chaque fois que nous sommes insatisfaits de nous-mêmes, quand nous nous laissons conditionner par l’extérieur et que nous utilisons trop peu nos sens.
Ou bien nous découvrirons que la colère monte en nous quand nous nous sommes trop abaissés, en accordant aux autres trop de pouvoir sur nous.
Evagre ne juge pas les pensées. Il observe simplement. C’est le préambule nécessaire pour que nous puissions adopter une attitude juste vis-à-vis de nos pensées.
Il y a, ancrée en nous, une forte tendance à donner immédiatement de l’importance à chacune d’elles. Si nous ressentons de la haine dans notre cœur, nous nous condamnons nous-mêmes. Nous nous disons que ce n’est pas normal, que nous sommes de mauvais chrétiens.
Evagre affronte le problème de manière plus rationnelle. La haine est en nous. Que nous indique-t-elle ? Quand est-elle entrée en nous ? Dans quelles circonstances extérieures ? Que veut-elle nous communiquer ? Ce n’est que lorsque nous observerons de manière impartiale ce qui se passe dans notre âme que nous trouverons des chemins pour avoir vis-à-vis de nos pensées une attitude telle qu’elles n’aient plus aucun pouvoir sur nous.
La voix du désert – Anselm Grün – Parole et Silence, 2006