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Traversées christiques - Page 16

  • Thérèse de Lisieux et la Grande Guerre (8)

    Textes tirés du livre : " Thérèse de Lisieux ou La Grande Saga d'une Petite Sœur " Auteurs : Bernard GOULEY - Rémi MAUGER - Emmanuelle CHEVALIER - Éditions Fayard 1997

     

     suite du post 7

     

    93-94

    La procédure exigeait, comme le premier procès, la "reconnaissance anatomique" des restes de Thérèse. La seconde exhumation eut lieu de vendredi 10 et samedi 11 août 1917. Bien qu'elle n'eut pas été annoncée publiquement, la foule envahit le cimetière : la rumeur s'était répandue dans la ville, des fossoyeurs et des menuisiers préparant la châsse ayant parlé. Mgr Lemonnier et les membres du tribunal, tous en habits de chœur, arrivèrent le vendredi en fin d'après-midi, sous une pluie d'orage, rythmée par le tonnerre et les éclairs. La tombe avait été ouverte jusqu'au mur de briques fermant le caveau. L'évêque fit constater que la sépulture n'avait pas été violée, enfin les fossoyeurs prêtèrent le serment d’exécuter fidèlement  leur travail et ouvrirent complètement le caveau. Avant de sortir le cercueil, le prélat fulmina au nom du Pape une sentence d'excommunication contre quiconque oserait "enlever ou ajouter quelque chose au corps, aux vêtements ou au cercueil de la servante de Dieu".

    Le cercueil hissé sur le terre-plein (la pluie s'arrêta à ce moment précis, disent les témoins) portait des traces de sept années de séjour dans la terre : il était bruni mais pas endommagé. Le couvercle enlevé, on aperçut le cercueil de plomb scellé en 1910 par Mgr Lemonnier et Mgr de Teil (photo ici). "A ce moment, rapporte La Semaine religieuse de Bayeux, un jeune Canadien mobilisé put, en qualité d'Allié lui dit Mgr Lemonnier, photographier la scène. Aussitôt après le cercueil fut transporté jusqu'à la sortie de l'enceinte réservée où l'attendait le riche corbillard des premières classes. Alors ce fut un spectacle touchant, digne des plus beaux âges de la foi. On vit la foule, très calme jusqu'alors... se porter avec ardeur vers  le cercueil pour lui faire toucher à l'envi : chapelets, médailles, objets de piété de toutes sortes, et même casques de soldats, tout en ne cessant de garder (fait remarquable !) une attitude  religieuse irréprochable."

    Le cercueil est placé sous une tente disposée dans la petite chapelle-dépositoire du cimetière dont la porte est scellée. A l'entrée, une toile abrite des gardiens chargés de veiller toute la nuit à la sécurité. Le samedi, la foule étant écartée, et en la seule présence de l'évêque et des juges, commence l'examen des restes par deux médecins assermentés, les Drs de Cornière et Loisnel. Le travail médical dure toute la journée : il faut reconstituer le squelette et apprécier l'état de chacun des ossements. Il manque une vertèbre, une côte et quelques petits os. 

    Céline est présente. Elle est chargée, accompagnée d'une autre carmélite, de recueillir les ossements de sa sœur, de les envelopper dans des étoffes de lin ouvragées, liées par des rubans de soie, puis de les déposer dans le nouveau cercueil. 

    Deux autres cercueils furent employés, précise La Semaine religieuse de Bayeux, "le second en plomb garni de draps blancs et le troisième, en bois de palissandre, de plusieurs centimètres d'épaisseur. Les carmélites avaient chargé la maison de Borniol de faire ce dernier cercueil en chêne mais, pour honorer sœur Thérèse, les fournisseurs voulurent lui faire hommage d'un cercueil en palissandre, moins orné que le coffre intérieur mais d'un travail fort apprécié et d'un goût très pur. " Rien n'est trop beau pour la sœur Thérèse" dit en le voyant, un ouvrier de Lisieux. Le mot traduit l'impression générale..." [note des auteurs : "Les informations de La Semaine religieuse ne sont pas rigoureusement exacte. En réalité, les ossements ont été déposés dans un coffret sculpté en chêne, capitonné de satin blanc ; le coffret a été placé dans un cercueil de plomb tapissé de drap blanc et le tout mis dans un sarcophage de palissandre."]

    Le nouveau cercueil de Thérèse porté à bras d'hommes et suivi des autorités ecclésiastiques, de Mme La Néele (cousine de Thérèse) et d'une foule très nombreuse, fut ensuite inhumé dans le même caveau...

     

  • Conseils pour l'oraison 01: En la maison du Seigneur

    Mes chers amis, pendant des siècles, les chemins et les sentiers de la Judée, plusieurs fois par an virent d'interminables groupes d'hommes, de femmes et d'enfants se diriger vers Jérusalem. Les pentes des monts de Juda sont rudes, les ombrages rares, le soleil tape dur, mais rien ne pouvait décourager ces Juifs pieux de se rendre à la montagne sainte. Les sentiments qui les guidaient, qui soutenaient leur courage nous sont connus : nous en trouvons l'écho en de nombreux psaumes qui étaient leurs refrains de route, leurs chants de pèlerins.

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  • 1 er dimanche de l'Avent - Année liturgique B

    Homélie du Père M-J Le Guillou, O.P (Ordre des frères Prêcheurs)

    Réf  des textes : Is 63, 16 - 64,7    1 Co 1, 3-9       Mc 13, 33-37

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    "Le temps de l'Avent n'est pas un temps de tristesse"

     

    Aujourd'hui, je voudrais vous délivrer un message de joie. Saint Paul nous y invite ainsi: "Que la grâce et la paix soient avec vous, de la part de Dieu notre Père et de Jésus-Christ le Seigneur." Nous avons donc à rendre grâce. Le temps de l'Avent n'est pas un temps de tristesse. C'est un temps d'attente de toutes les richesses du Seigneur, celles de la Puissance de sa Parole et celles de sa connaissance. Tout nous est donné dans le Christ  et par le Christ : aucun don spirituel ne nous manque et tout se révèlera au dernier jour. Mais en attendant, à l'évidence, nous bénéficions de la fidélité du Seigneur : elle est totale, elle est absolue. Dieu ne nous abandonne jamais puisqu'il nous a appelés à vivre en communion avec son fils Jésus-Christ notre Seigneur. Le temps de l'Avent nous demande de mieux percevoir la joie dans la fidélité du Seigneur, la joie dans son amour qui nous enveloppe et nous précède de partout.

    Le Livre d'Isaïe met en relief la conscience  que nous devons avoir du péché : " Tu étais irrité par notre obstination dans le péché et pourtant  nous serons sauvés. Nous étions tous semblables à des hommes souillés, et toutes nos belles actions étaient comme des vêtements salis".

    Pour être joyeux, il faut avoir en soi la conscience de notre péché et en même temps la conscience de l'Amour du Seigneur qui, dans sa fidélité, nous enveloppe de son amour. Nous avons besoin de lui pour découvrir notre misère, notre faiblesse, sinon, comme le dit Pascal : "Si tu voyais ton péché tu perdrais cœur". Il a raison. Voilà pourquoi Isaïe fait une demande à Dieu qui jaillit du fond de son cœur : "Ah ! si tu déchirais les cieux, si tu descendais". Et bien, le Seigneur a déchiré les cieux et il est descendu parmi nous. Il nous prend dans son mystère d'amour et de joie dont nous allons découvrir la profondeur dans la mesure où nous nous découvrons, comme le dit l’Écriture avec une certaine brutalité, des hommes souillés. Le Seigneur a besoin de venir en nous. Il vient à notre rencontre car c'est lui qui nous transforme.

    Lorsque le Christ parle de sa venue, il insiste sur la veille : "Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra... Ce que je vous dis là, je le dis à tous : " Veillez". Nous pouvons nous appuyer sur les paroles du Seigneur pour découvrir à quel point nous avons à lui être présents, d'une présence d'amour, de joie et de paix. En ce temps d'Avent, je vous convie à découvrir la joie paradisiaque qui est dans le cœur du Seigneur. C'est celle du Christ allant à la Croix pour aller vers le Père. Il nous laisse avec ces paroles : "Je vous laisse la paix ; c'est ma paix que je vous donne" (Jn 14,27) et " Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète." (Jn 15,11) Il n'y a pas de plus beau témoignage que celui-là : le Seigneur nous  donne la joie de Dieu, la joie intérieure de la communion avec Dieu et il nous fait tenir solidement jusqu'au bout. Nous devons demander au Seigneur la grâce de lui faire don de notre liberté pour tenir solidement  puisqu'il nous donne sa grâce et sa paix, son amour et sa tendresse avec une prodigalité invraisemblable, dans un don toujours renouvelé. Le Seigneur n'est que don et amour : nous devons être là présents pour tous les hommes.

    En ce temps d'Avent je voudrais que nous ayons dans le cœur la présence du monde entier et particulièrement des hommes qui ne sont pas chrétiens. Ceux-ci n'ont pas la Parole que le Seigneur a prononcée dans le monde et il dépend, peut-être de nous qu'ils l'entendent. Pour cela, il faut que les chrétiens témoignent de la Parole du Seigneur.

    Demandons au Seigneur dans l'Eucharistie, une ouverture incessante à sa Parole, une découverte renouvelée de ce qu'il est. Veillez, réveillez-vous ! C'est le moment de découvrir ce qui fait la joie du Seigneur. Il est là, il est vivant, il aime chacun d'entre nous avec une tendresse incomparable puisque c'est celle de Dieu, donc de l'Amour. Chantons au Seigneur notre reconnaissance et demandons-lui la grâce  de communiquer le témoignage de sa paix, le témoignage de son don, le témoignage de son amour.

    Soyons des hommes libérés par la Parole de Dieu, des hommes transfigurés par sa Parole, des hommes marqués par la Parole de Dieu au plus profond de leur être.

    Dieu nous appelle et vient chercher chacun de nous à sa façon. Laissons-nous faire, intercédons les uns pour les autres.

    Nous pouvons tout demander pour nos frères et nous sommes assurés que le Seigneur nous exaucera, je vous le promets. Alors soyons dans la joie et dans la paix. Amen !

  • Thérèse de Lisieux et la Grande Guerre (7)

    Textes tirés du livre : " Thérèse de Lisieux ou La Grande Saga d'une Petite Sœur " Auteurs : Bernard GOULEY - Rémi MAUGER - Emmanuelle CHEVALIER - Éditions Fayard 1997

     

     suite du post 6

     

    88-92

    Second procès diocésain

    17 mars 1915 : l'offensive de Champagne lancée par l'armée française dans l'espoir de percer le front figé dans les tranchées depuis l'automne 1914 est en passe d'échouer. Les fantassins, lancés sans préparation d'artillerie suffisante contre les barbelés et les mitrailleuses, ont subi de lourdes pertes dont l'opinion ne connaît pas le chiffre...

    Ce même jour, un mercredi, Mgr Lemonnier ouvre dans la sacristie de la cathédrale de Bayeux le procès apostolique, nouvelle étape de la béatification de Thérèse.

    On se souvient que le premier procès, dit "procès informatif ordinaire", s'était tenu en 1910 et 1911. Ses conclusions avaient été adoptées par Pie X, le 10 juin 1914, peu de jours avant sa mort. Un télégramme du Vatican en avait informé mère Agnès, qui écrivait aussitôt à ses amis romains : " Nous avons maintenant reçu toutes les pièces nécessaires au procès. J'espère que notre évêque ne va pas aller moins vite que Rome. Notre chère petite servante continue à faire beaucoup de bruit, elle qui était si cachée, si modeste sur la terre !!!"

    Pourquoi un nouveau procès ? Celui de 1910 n'était qu'un préliminaire. Il s'agissait pour l'évêque du diocèse de présenter à Rome un dossier solide, établi dans les règles canoniques, prouvant qu'il y avait lieu, pour le Siège pontifical, d'entreprendre lui-même l'étude des mérites de sœur Thérèse. La signature de Pie X signifiait que la cause était ouverte à l'échelon suprême et que le Saint-Père prenait directement la direction de l'affaire. D'où le nom de "procès apostolique", le Pape étant le successeur de Pierre, "chef" des apôtres.

    Le 15 août, la Sacrée Congrégation des rites demande officiellement à Mgr Lemonnier d'ouvrir le procès, en commençant par interroger les témoins "vieux ou malades". Six mois plus tard, c'est chose faite et l'évêque de Bayeux peut dire, dans son discours inaugural : " C'est comme représentant de la Sainte Église , et pour lui fournir les éléments du jugement  qu'elle prononcera peut-être un jour, que je préside ce tribunal. Comment, en pensant à la sublimité de cette fonction qui m'est en ce moment donnée, ne serais-je pas ému par sa grandeur ?"  On procède ensuite solennellement à la confirmation des juges, à leur prestation de serment, à la nomination des greffiers, et l'on fixe le lieu des séances : la cathédrale de Bayeux et la chapelle du Carmel à Lisieux.

    Le procès durera trente mois - avec de longues interruptions - et quatre-vingt-onze séances, sans apporter beaucoup de surprises par rapport à celui de 1910-1911. La plupart des témoins entendus l'ont déjà été, certains comprenant mal qu'on leur fasse répéter ce qu'ils ont déjà dit. Le plus remarquable est l'accent mis, davantage que durant le premier procès, sur la doctrine de Thérèse.

    Mère Agnès : "Tout se ramène à ce qu'elle appelait sa "voie d'enfance spirituelle". C'est là un point si important que j'ai cru devoir en préparer un exposé par écrit et à tête reposée : je le présente au tribunal... cette petite voie est simplement une voie d'humilité, revêtant un caractère spécial d'abandon et de confiance en Dieu ; rappelant ce que l'on voit chez les tout-petits enfants qui sont eux-mêmes dépendants, pauvres et simples en tout... Elle appuyait sa "petite doctrine" [sur l’Évangile]... Instruite et fortifiée par ces divins enseignements, comment pourrait-on croire que sœur Thérèse avait une piété mièvre et puérile, une piété enfantine, comme on l'a dit quelque fois ?"

    Mère Agnès prend tout de même le soin de dire que Thérèse mettait sur le même plan l'amour et la justice de Dieu et qu'elle désirait la souffrance, "parce qu'elle est une occasion de prouver l'amour qu'on a pour Dieu..."

    Autre novation par rapport au premier procès, mère Agnès, décrivant le milieu "dans lequel s'est sanctifiée sœur Thérèse", critique très sévèrement le caractère et les agissements de mère Marie de Gonzague, prieure au moment de la mort de Thérèse : " Elle donnait de très bons conseils, mais avec de mauvais exemples. Pour obtenir d'être "en cours" auprès d'elle, il fallait la flatter ou agir en diplomate. Ce qui faisait dire à M. l'abbé Youf, notre aumônier pendant vingt-cinq ans : " N'est-ce pas bien triste que des âmes croyant trouver au Carmel la simplicité soient obligées d'y faire de la politique ? " (...) 

    D'autres abus moins graves...se produisaient. Par exemple, la pauvre mère avait un chat qu'elle nourrissait de foie de veau et de lait sucré. S'il prenait un oiseau, on le lui faisait rôtir avec une sauce exquise. Jusque là ce n'était que ridicule, bien qu'il y ait une faute contre la pauvreté. Mais quelquefois le chat était perdu et le soir, pendant l'heure de grand silence, la prieure partait à sa recherche avec les sœurs de voile blanc, l'appelant de tous côtés... Manquant ainsi à la régularité et mettant  toute la communauté en émoi..."

    Ces déclarations de mère Agnès ne manqueront pas de susciter des polémiques. Les adversaires de la "version officielle" de Thérèse - on verra qu'il n'en manquera pas tout au long du siècle [XXe] - s'appuieront sur ce témoignage pour décrire le carmel où la sainte a vécu comme un lieu où régnait l’hystérie. Le père Jean Vinatier, prêtre de la Mission de France et auteur d'une biographie complète (lien) de mère Agnès, pense que la prieure ne pensait pas que ses déclarations de 1915 seraient publiées. Elle ne se rendait pas compte que son réquisitoire, manquant de perspective historique - quarante de la vie d'un carmel ! -, pouvait donner à penser que les faiblesses  et les erreurs de quelques individus occulteraient le sérieux et la ferveur de l'ensemble d'une communauté. D'autant que les carmélites avaient élu et réélu mère Marie de Gonzague, en dépit de ses défauts de caractère, et  que les supérieurs du Carmel, qui ne pouvaient pas ignorer la situation, n'avaient pas réagi.

    "Mère Agnès de Jésus, écrit Jean Vinatier, et avec elle tout le carmel de Lisieux, devait beaucoup souffrir  de ce qu'il faut bien appeler un "faux pas". C'est le rôle des historiens rigoureux  de lire ces pages en les restituant dans leur contexte  et dans le climat précis d'une époque baignée dans les ombres du jansénisme et d'une certaine conception de l’obéissance. Sœur Geneviève [Céline], dans un témoignage très soigneusement préparé, revient sur la doctrine de sa sœur, qui, pour elle, se ramène à deux idées générales : l'abandon et l'humilité. " Je l'ai particulièrement étudiée sous ce dernier aspect qui m'a le plus frappée. Dans les instructions de sœur Thérèse à ses novices, elle disait : " Pour marcher dans la petite voie, il faut être humble, pauvre d'esprit et simple..." Le fond de son enseignement était de nous apprendre à ne pas s'affliger en se voyant la faiblesse même, mais plutôt à nous glorifier de nos infirmités...

    Interrogée sur la foi de sa sœur, Céline déclare : "Son union à Dieu était ininterrompue, rien ne pouvait l'en distraire... Cet esprit de foi qui éclairera toute la vie de la servante de Dieu fut cependant soumis à une longue suite d'épreuves. D'abord la majeure partie de sa vie religieuse se passa dans des sécheresses presque ininterrompues... Mais surtout elle fut éprouvée par une  effroyable tentation  qui l'assaillit deux ans avant sa mort et ne se termina qu'avec sa vie. Ces attaques visaient particulièrement l'existence du Ciel... Sa fidélité  et sa ferveur n'en étaient d'ailleurs aucunement diminuées." 

    Du témoignage de sœur Marie du Sacré-Coeur [novice de Ste Thérèse] on retiendra les précisions sur la publication des manuscrits : " Ni elle [Thérèse] ni nous ne pensions que ces souvenirs seraient jamais  publiés : c'était des notes de famille. Dans les derniers mois de la vie de sœur Thérèse seulement, mère Agnès de Jésus pensa que la publication  de ces souvenirs pourrait être utile à la gloire de Dieu. Elle le dit à sœur Thérèse qui accepta cette idée avec sa simplicité et sa droiture ordinaires. Elle désirait que le manuscrit fût publié parce qu'elle voyait un moyen de faire aimer le Bon Dieu, ce qu'elle considérait comme sa mission."

    Quant à Léonie [une des sœurs de Thérèse qui est, elle aussi, religieuse mais à la Visitation], la visitandine, elle insiste sur l'humilité et la discipline de Thérèse : " Quand je venais voir mes sœurs au parloir, je constatais que sœur Thérèse se montrait particulièrement humble et discrète, laissant volontiers la parole aux autres. Elle était aussi d'une régularité très exacte, se retirant la première lorsque le sablier indiquait que le temps concédé pour le parloir était dépassé."

    Ce second procès avait été l'occasion pour les quatre sœurs Martin [Marie (1860-1940), entre au carmel de Lisieux en 1886 et prend le nom de Marie du Sacré-Coeur ; Pauline (1861-1951), entre au carmel de Lisieux en 1882 et prend le nom d'Agnès ; Léonie (1863-1941), entre à la Visitation de Caen en 1899 et prend le nom de Françoise-Thérèse ; Céline (1869-1959), entre au Carmel de Lisieux en 1894 et prend le nom de sœur Geneviève de la Sainte-Face et Thérèse (1873-1897), entre au carmel de Lisieux le 9 avril 1888] de se retrouver et de vivre ensemble quelques jours. A la vérité, Léonie n'avait pas désiré quitter son couvent de la Visitation et elle avait demandé à Mgr Lemonnier l'autorisation de témoigner à Caen et de ne pas se déplacer à Lisieux. Le prélat avait refusé sèchement : on ne va pas déranger tout un tribunal pour vous ! Et il lui avait ordonné d'aller séjourner le temps nécessaire au carmel, avec ses trois sœurs. 

    On lui fait fête pendant sept jours (du 11 au 18 septembre 1915). Au réfectoire, elle siège à la place de la sous-prieure, elle peut s'entretenir longuement avec ses sœurs et évoquer les souvenirs de jeunesse [Marie a alors 55 ans, Pauline 54, Léonie 52 et Céline 46, leur sœur Thérèse est morte depuis 18 ans]. Sœur Marie du Sacré-Coeur (Marie) s'en fait l'écho dans une lettre : "Nous étions assises toutes les quatre sur le perron, près de l'infirmerie. Le ciel était bleu, sans aucun nuage. En un instant le temps a disparu pour moi : le temps de notre enfance, les Buissonnets, tout m'a semblé un seul instant. je voyais Léonie religieuse, auprès de nous, et le passé et le présent se confondaient en un moment unique. Le passé me paraissait un éclair : il me semblait déjà vivre dans un éternel présent et j'ai compris l'éternité qui est tout entière en un seul instant."

     

     

     

  • Dimanche du Christ Roi - année liturgique A

    Références scripturaires de la liturgie de ce dimanche :

    Ez  34, 11-17   /  1ère Corinthiens 15, 20-26.28

    Évangile selon st Matthieu chapitre 25 versets 31 à 46

    Texte tiré de (ci-dessous) : P. Marie-Joseph Le Guillou, o.p.  -  L'Amour du Père révélé dans sa Parole, homélies année A - Éditeur : Parole et Silence, 1998

     

    255-257

    Le texte de Matthieu que nous venons de proclamer nous met devant la venue du Fils de l'homme, pasteur, roi et juge de tout l' univers. Hier, je parcourais une enquête dans le journal Le Monde sur la croyance des chrétiens à la vie éternelle et au jugement. Dans ce sondage, vingt pour cent seulement des chrétiens catholiques croyaient au jugement. Il y a, en effet, une sorte d'allergie dans notre monde à l'idée du jugement, une sorte d'allergie qui nous empêche de comprendre le sens profond de ce que signifie le jugement.

    En Matthieu, le Seigneur nous présente le jugement comme une glorification des petits. Matthieu insiste constamment sur les petits des communautés, sur les petits du monde, sur tous les petits qu'il faut aider. Ici spécialement, le Christ se présente comme le roi des petits, non pas comme un roi grandiose, un roi loin de nous, mais un roi qui prend sur lui le péché du monde et qui appelle tous les hommes à la rencontrer. "Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume préparé pour vous depuis la création du monde." Le visage du Seigneur que nous présente cet évangile est une image merveilleuse. C'est l'image du Seigneur qui a eu faim, qui a eu soif, qui a été étranger, qui était nu, qui était malade, qui était en prison, c'est-à-dire le visage de tous les hommes qui souffrent, qui sont opprimés, qui sont bafoués dans leur dignité la plus profonde. Le Seigneur est là dans tous ces hommes.

    L’ Évangile nous découvre cet dignité invraisemblable de tout homme appelé à rencontrer le Seigneur dans la vérité. Le Seigneur insiste aussi sur le fait que les justes ne se rendent pas compte de ce qu'ils font. " Quand donc t'avons-nous vu avoir faim et nous t'avons nourri, avoir soif et nous t'avons donné à boire ? Quand sommes-nous venus jusqu'à toi ?" Et le Seigneur leur répond : " Vraiment, je vous le dis, chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait." C'est cela le mystère du christianisme, la rencontre avec la miséricorde de Dieu, avec la vérité de l'amour qui nous met à nu dans la vérité de nos vies. Ce que le Seigneur veut, c'est que nous soyons, à son image, des êtres constamment au service de leurs frères qui ont faim, qui ont soif, qui sont étrangers, qui sont nus, qui sont malades. C'est à leur service que nous sommes et c'est le Christ que nous servons en eux. 

    Il faut découvrir cette profondeur de l'amour de Dieu qui est venu prendre sur lui le jugement et nous en libérer car il est évident que le Seigneur nous libère du jugement. Si nous suivons la loi de liberté, nous nous rions du jugement. Le jugement disparaît parce qu'il n'y a plus que la joie de Dieu, que la miséricorde de Dieu. Vous allez me rétorquez : mais il y a ceux qui refusent. Oui, il y a une seconde partie du texte où le Seigneur dit : "Allez-vous en loin de moi, maudits, dans le feu éternel." C'est tout simplement parce que l'amour nous engage jusqu'au bout, tout entiers ; il nous engage jusqu'au tréfonds de nous-mêmes dans la miséricorde de Dieu.

    Nous avons à découvrir la miséricorde de Dieu qui nous sauve de tout péché. Elle est notre délivrance. Cette scène si déconcertante est au cœur de l’ évangile parce qu'il est un choix, il est une option. L' évangile nous oblige à prendre partie pour le Seigneur, pour tous les pauvres, pour tous les malades, pour tous ceux qui sont nus. Nous avons à faire connaître au monde la miséricorde infinie du Seigneur. Les chrétiens ont un rôle de révélateurs de la miséricorde de Dieu. Agir pour l'un de ces petits, c'est agir pour le Christ et le Christ nous donne tout ce qu'il est. Le Seigneur nous demande de devenir des petits, le Seigneur est le roi des petits, non pas le roi majestueux mais le roi qui s'identifie à tous les pauvres du monde, à tous ceux qui souffrent, à tous ceux qui sont dans la peine. Le Seigneur a connu cela, il s'est engagé jusqu'au bout pour nous apprendre l'amour. Il s'est humilié jusqu'au bout, il nous a lavé les pieds, il est monté sur la croix pour répondre, dans la joie de son cœur, à l'amour de son Père, et il nous demande de rentrer dans ce même mystère.

    Alors nous n'avons pas à craindre de ne pas être sauvés. Notre seule crainte est de ne pas obéir à la Parole de Dieu, mais si nous écoutons cette Parole, elle nous sauvera et pénétrera jusqu'au cœur de notre être. Notre liberté répondra à la liberté de l'amour. Nous avons besoin de cette liberté, nous avons besoin de cet amour. Au plus profond de notre être, il y a l'appel de Dieu à rencontrer son mystère dans sa joie, dans sa miséricorde, à rencontrer ce visage penché sur le monde pour nous sauver. Nous avons à le découvrir pour en vivre ; nous n'avons pas à nous interroger  sur notre salut, nous avons à nous livrer à la miséricorde de Dieu qui fera de nous des sauvés. Nous sommes des êtres sauvés en espérance et Paul, Jacques, Jean et tous les apôtres sont des témoins de ce sauvetage grâce à la miséricorde infinie de Dieu.

    Je ne voudrais pas que vous lisiez ce texte comme s'il vous brisait. C'est un texte qui ouvre le cœur, qui nous oblige à choisir, qui nous oblige à prendre position. Le Seigneur ne joue pas, l'amour ne joue pas, l'amour est vrai, l'amour est profondeur de la Trinité, l'amour est la vérité de toute notre vie.

    Nous avons à chanter du fond du cœur la venue du Seigneur jusqu'à nous et si nous ne l'avons pas encore reconnu, le Seigneur nous fera connaître son visage à travers tout ce que nous aurons fait, même sans le savoir. Tous les hommes seront pris dans les filets du Seigneur, tous les hommes sont engagés dans le salut de Dieu. Le Seigneur n'est pas pour nous un étranger. Nous le connaissons personnellement. Demandons-Lui de lui être fidèles, d'une fidélité qui aille jusqu'au bout. Il est le fidèle.

    Demandons au Seigneur d'être fidèles et de ne pas travestir la notion de jugement. Le Seigneur nous jugera, cela veut dire qu'il nous délivrera si nous écoutons sa Parole et si nous le laissons agir en nous et nous transfigurer. Il est capable de cela. Il est cette miséricorde infinie qui nous transfigure et nous avons à attendre dans la joie le royaume préparé pour nous  depuis la création du monde et que nous recevrons en héritage. Croyez-vous que vous êtes les bénis du Père, les bénis par l'amour infini de Dieu ? C'est cela que que je vous demande de croire et nous allons le demander ensemble. Découvrons cet héritage de bénédiction, d'amour qui est en Dieu, laissons nous faire par lui. L'amour triomphera de toutes nos misères, de toutes nos faiblesses. Il est l'amour et c'est pour cela qu'il juge. Il n'y a pas d'amour sans jugement, sans mise en question de tout notre être, dans une réponse positive de tout notre être. Que chacun d'entre nous réponde au plus profond de son cœur et que notre joie éclate dans l'amour au cœur de l'Eucharistie ! Le Christ a pris sur lui le jugement : c'est le moment de la révélation de l'amour. Amen !

     

  • Thérèse de Lisieux et la Grande Guerre (6)

    Textes tirés du livre : " Thérèse de Lisieux ou La Grande Saga d'une Petite Soeur " Auteurs : Bernard GOULEY - Rémi MAUGER - Emmanuelle CHEVALIER - Éditions Fayard 1997

     

     suite du post 5

     

     

    86-87

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    La guerre n'est cependant pas la seule préoccupation du carmel. On a vu que Céline s'était attachée à illustrer la présence de Thérèse dans les combats... Dès 1915, mère Agnès demande à sa sœur de représenter, sous  forme de tableaux et de dessins, les principaux épisodes de la vie "anthume" de la vénérable. Pour ce faire, Céline requiert la collaboration de plusieurs artistes, notamment Pascal Blanchard et Charles Jouvenot, qui travaillent d'après les souvenirs des sœurs Martin.

    Ce travail, qui se prolonge bien au-delà de la guerre, aboutit à une série de tableau et de lavis qui serviront à différents ouvrages. On y voit notamment Thérèse priant dans le jardin de l’Étoile tandis que Céline arrose les fleurs, Thérèse priant avec son père dans la chapelle du carmel, Thérèse enfant faisant oraison dans sa chambre, Thérèse avec ses novices jetant des fleurs au pied du crucifix ou Thérèse prenant l'habit de carmélite

    De partout on demande des médailles, ce qui pose des problèmes car il ne saurait être question, en 1915, d'un culte reconnu par l’Église, Thérèse n'étant pas encore béatifiée. Mgr de Teil aide les carmélites à résoudre cette question et Benoît XV, le 10 juin 1915, donne l'autorisation de faire frapper une médaille dont il a "déterminé la composition et l'inscription". Le Saint-Père spécifie que cette médaille ne pourra pas être bénite et il proscrit les modèles où l'image de Thérèse serait associée à celles du Christ, de la Vierge ou des saints.

    En 1917, le père Bernard Chevalier, abbé de la Trappe à Soligny, dans l'Orne, vient en pèlerinage à Lisieux et rend visite au carmel. Il est reçu par mère Agnès qui lui confie son souci de ne pas trouver de sculpteur pour étudier une statue de Thérèse. 

    "Aucun problème, lui répond le trappiste, un de mes moines est habile de ses mains, je vais lui confier cette mission." Ce moine, c'est le père Marie Bernard, qui sculptera plusieurs modèles de statues de Thérèse, dont l'une, Thérèse aux roses, sera tirée à des dizaines de milliers d'exemplaires et ornera les églises du monde entier. Le père Marie Bernard a découvert sœur Thérèse bien des années auparavant, exactement en mars 1904, lorsqu'il était en classe de philosophie au séminaire de Sommervieu. Il a 21 ans lorsqu'il lit l'Histoire d'une âme. C'est le début d'un attachement et d'une dévotion qui dureront toute sa vie. 

    Le trappiste se met donc au travail et façonne, entre 1917 et 1919, le premier buste de Thérèse et les premières médailles. Passionné d'inventions et de mécanique, il met au point dans les celliers de la Trappe d'étonnantes machines à graver et à reproduire. Elles tourneront nuit et jour pendant près de cinquante ans. Elles dorment aujourd'hui sous la poussière de l'abbaye, vaincues par le progrès.

     

  • Année A - 33e dimanche du temps ordinaire

    Références scripturaires de la liturgie de ce dimanche :

    Proverbes 31, 10-31  / 1 Thessaloniciens 5, 1-6

    Évangile selon st Matthieu chapitre 25 versets 14 à 30

    Texte tiré de (ci-dessous) : P. Marie-Joseph Le Guillou, o.p.  -  L'Amour du Père révélé dans sa Parole, homélies année A - Éditeur : Parole et Silence, 1998

     

    Cette parabole des talents scandalise certains d'entre nous car le serviteur qui n'a reçu qu'un talent est jeté dehors avec sévérité. Il semble qu'il y ait une immense injustice à son égard. Mais ce n'est pas du tout le sens de la parabole. Celle-ci indique une autre perspective, celle du don de Dieu qu'il faut faire fructifier. Le Seigneur veut nous faire comprendre que tout don de Dieu est une responsabilité, que tout don de Dieu nous engage à construire le Royaume de Dieu. Le don de Dieu n'est pas un absolu en lui-même : il faut nous tourner vers les autres. Il s'agit donc de construire dans l'amour le royaume.

    Aimer est ce à quoi nous engage cette parabole et c'est ce que le Seigneur fait comprendre lorsque les serviteurs qui ont eu cinq ou deux talents entendent le Seigneur leur dire : " Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en peu de choses, je t'en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître." Ils ont compris que le Seigneur leur demandait de faire fructifier les talents qu'il leur avait donnés, que leur responsabilité était immense et ils se sont engagés finalement à répondre à l'amour de Dieu. Mais nous constatons du dépit chez celui qui n'a pas fait fructifié le seul talent confié. Au lieu de faire fructifier le don merveilleux de la grâce et de la charité, il va l'enfouir : " J'ai eu peur et je suis allé enfouir ton talent dans la terre, le voici ; tu as ce qui t'appartient". J'ai eu peur. Nous le disons souvent dans notre vie. Nous avons peur du mystère de Dieu, nous avons peur de sa conduite dans notre vie, nous avons peur de ce qu'il est. Le serviteur infidèle, finalement, renvoie au Seigneur une image qu'il s'est faite lui-même : " Maître, je savais que tu es un homme dur; tu moissonnes là où tu n'as pas semé, tu ramasses là où tu n'as pas répandu le grain." C'est vraiment le visage de Dieu que s'est fait cet homme, un visage dur, cruel, un visage qui n'est pas celui de Dieu. Pour se faire comprendre, le Seigneur accepte de dire au serviteur : " Tu savais que je moissonne là où je n'ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l'ai pas répandu".  Le Seigneur veut redresser l'image que son serviteur se fait de lui. Il lui explique que nous avons à faire fructifier les dons reçus pour les mettre au service des uns des autres, que nous en ayons peu ou beaucoup, tout cela nous est commun  et tout est mis dans la miséricorde de Dieu. Quoiqu'il arrive, l'amour de Dieu est vainqueur. Cette parabole est une invitation à l'espérance. Dieu est bon, il n'est que bonté. Il faut découvrir le vrai visage de Dieu, ce merveilleux visage à travers celui de Jésus Christ à l'agonie ou sur la croix. C'est celui du Fils de Dieu donnant sa vie pour ses frères. Par cette parabole le Seigneur nous enseigne que que seul l'amour compte et l'argent lui-même est au service de cet amour. L'argent n'a de sens que pour être donné, distribué, l'argent ne sert qu'à aider nos frères à construire. Nous devons découvrir que l'argent n'a de sens que pour vivre avec des frères, les aider, les servir, leur permettre d'être eux-mêmes. Nous avons de lourdes responsabilités. 

    Nous avons à méditer les textes de la femme vaillante que nous livrent les Proverbes. Il faut entrer dans l'activité de cette femme, toute entière au service de la charité, au service de l'amour, à la disposition du Seigneur pour manifester sa lumière. Nous sommes des fils de lumière, c'est-à-dire que nous sommes pris dans le mystère de la vérité et de l'amour du Seigneur. " Je savais que tu étais un homme dur." Il n'y a pas de plus grave offense au mystère de Dieu. Dieu n'est pas dur, Dieu est amour et la peur est une fuite. Nous avons souvent peur mais n'enfouissons pas notre talent dans la terre, faisons-le fructifier pour que la lumière apparaisse dans toute sa splendeur. Dieu crée un monde nouveau, un monde renouvelé par l'amour de Dieu. Le Seigneur n'a qu'un but :  construire des hommes libres, renouvelés par la charité de Dieu, fidèles à leur vocation. " Tu as été fidèle en peu de choses, je t'en confierai beaucoup. Entre dans la joie de ton maître."

    Ce que nous attendons du Seigneur est une merveille, c'est un visage penché sur nous, un visage qui connaît notre vocation, qui nous connaît personnellement comme personne ne nous connaît, qui veut nous conduire  à cet amour désintéressé, à cet amour plein de pais et de joie, à cet amour de vérité et d'abondance. Dieu est prêt à tout donner et d'ailleurs, il nous donne tout.

    Demandons au Seigneur dans l'Eucharistie, de découvrir son visage qui nous demande de faire fructifier ses dons en attendant son retour. Il nous faut construire le Royaume mais celui-ci ne peut se construire qu'avec des hommes pauvres, des hommes humbles. Il faut que nous fassions qu'un avec le mystère du Christ et que nous nous ouvrions à la splendeur de l'amour de Dieu. Dieu est Dieu, réjouissons-nous de son dessein d'amour. Entrons dans sa miséricorde et devenons des fils de lumière, alors nous comprendrons que celui qui demeure dans le Seigneur porte beaucoup de fruits. Amen !

  • Thérèse de Lisieux et la Grande Guerre (5)

    Textes tirés du livre : " Thérèse de Lisieux ou La Grande Saga d'une Petite Soeur " Auteurs : Bernard GOULEY - Rémi MAUGER - Emmanuelle CHEVALIER - Éditions Fayard 1997 (lien ici)

     

     suite du post 4

     

     

    84 à 86

    Le carmel veille sur tous les "fronts"...

    Mère Agnès et ses filles poursuivent les missions qui sont les leurs. Mission spirituelle : célébrer Dieu dans les offices, méditer sa parole, prier... Mission plus matérielle : répondre au courrier, envoyer les images dont les demandes sont de plus en plus nombreuses, veiller sur les éditions de l'Histoire d'une âme et de sa version abrégé, suivre les progrès de la cause à Rome...

    Même séparées physiquement du monde, isolées dans leur clôture, les carmélites "vivent" cette guerre interminable. En témoignent ces extraits de lettres de mère Agnès (cités par Jean Vignatier dans son livre Mère Agnès de Jésus). Le 30 avril 1915, la prieure écrit à Mgr de Teil : " Quelle triste guerre et comme elle est longue ! J'ai reçu hier la lettre du colonel qui a consacré son régiment à sœur Thérèse. Il me dit : " Ici, dans un bois dont on parle beaucoup et tout imprégné de sang français, nous avons l'intention d'élever une petite chapelle au Sacré-Coeur ; mon intention est de faire figurer sur un vitrail l'image de notre admirable petite sainte. Cette chapelle sera élevée avec le sou de mes soldats et les offrandes de mes officiers." En attendant, j'envoie au colonel les trois mille reliques qu'il attend et j'y joins une petite brochure pour chaque soldat. Si cela continue, l'imprimerie Saint-Paul ne pourra pas suffire. "

    Six jours plus tard - la veille du torpillage du Lusitania par les sous-marins allemands qui causa la mort de 1198 personnes, dont de nombreux citoyens américains -, mère Agnès s'adresse au père Rodrigue de Saint-François-de-Paule, le postulateur : " Ici les pèlerinages des soldats et des pauvres blessés ne discontinuent pas. Un petit soldat de 18 ans m'écrivait hier : " Comme je suis heureux d'être à Lisieux ! Quel bonheur de pouvoir m'agenouiller sur la tombe de sœur Thérèse où je vois toujours un nombre considérable de soldats !..." Et beaucoup de jeunes gens, même les plus grossiers, désirent connaître sa vie."

    La prieure ne manque pas, dans ses entretiens individuels avec ses "filles" et dans les réunions de chapitre, d'évoquer la guerre. L'arme des carmélites, ne cesse t-elle de répéter, c'est la prière. " Ne cessez pas vos oraisons, qui sont notre grâce particulière." Il faut prier sans cesse, prier pour tous les soldats, pour tous ceux qui souffrent, pour le pape Benoît XV, qui a succédé à Pie X - mort le 28 juillet 1914 - et qui est déchiré entre les belligérants puisqu'il y a des catholiques dans les deux camps.

    De cette guerre si intensément vécue au carmel, mère Agnès tirera quelques leçons spirituelles au chapitre de la communauté le 20 décembre 1918, un peu plus d'un mois après l'armistice : " Les événements actuels pourraient nous tromper sur le sens véritable de la paix, apportée au monde par la naissance de Jésus. La paix, nous dit-on, sera signée dans quelques mois et nous sentons que notre paix, à nous, ne sera signée qu'au ciel...les anges n'ont pas menti en annonçant la paix sur le berceau de l'Enfant Jésus... La paix est pour nous dans l'accomplissement fidèle de nos obligations... Chacune de ces moindres pratiques nous fait faire comme un pas en avant, non pas vers ces entrées triomphales dans les villes reconquises, mais vers des âmes que notre victoire cachée et sans gloire...rend au Dieu de la paix."  

     

  • Thérèse et la Grande Guerre (4)

    Textes tirés du livre : " Thérèse de Lisieux ou La Grande Saga d'une Petite Soeur " Auteurs : Bernard GOULEY - Rémi MAUGER - Emmanuelle CHEVALIER - Éditions Fayard 1997 (lien ici)

     

    L'UNION SACRÉE

     

    83 à 84

     Jeanne d'Arc et Thérèse ne se contentent pas d'adoucir les souffrances des "poilus" - et de soutenir leur moral. Elles sont aussi le symbole de la réconciliation française. 1914 efface trente ans de luttes religieuses. Même des incroyants anticléricaux militants entretiendront un culte laïque et patriotique pour Jeanne d'Arc.

    Les catholiques se sentaient vraiment mis à l'écart de la communauté nationale, de la République. C'étaient des exilés de l'intérieur, des citoyens mineurs. Cette communauté nationale se refait dans les tranchées. C'est charnel : catholiques et anticléricaux souffrent et meurent dans la même terre de France. Les curés sont sac au dos. Ils combattent, ils sont brancardiers, infirmiers, ils confessent et donnent les sacrements. Leur intégration est totale. 

    " Cette guerre, dit encore Annette Becker, est une guerre d'un très grand consentement patriotique et il est normal que l’Église catholique en prenne sa part, d'autant que les pertes vont être, dès le début, effroyables et que le culte des morts - important dans le catholicisme - va se mêler à celui de la patrie. Ce n'est pas pour rien que Raymond Poincaré utilise le mot "sacré" ("Union sacrée") pour définir ce moment de la conscience française. Le vocabulaire est d'ordre spirituel. La défense de la patrie est l'affaire de tous, opinions politiques et religieuses confondues. Cette dimension spirituelle, tout le monde va en avoir besoin, au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans le massacre. Ceux qui appartiennent à une religion - catholiques, protestants ou juifs - connaissent une véritable renaissance de leur pratique, ceux qui ne pratiquaient pas avant la guerre mais qui avaient un fond de culture religieuse  se disent qu'après tout le spirituel peut les aider.

    On trouve là une approche un peu utilitaire de la religion que l’Église ne voit pas d'un œil très favorable : on n'est pas loin de la superstition. Et il est vrai que certaines choses sont confuses : pour eux la médaille doit les protéger quelle que soit leur croyance. On peut accrocher indifféremment dans un abri une médaille du Sacré-Coeur ou un fer à cheval...ou les deux ensemble...

    Il y a aussi les pratiquants d'avant-guerre, nombreux chez les officiers, autour desquels se produisent des brassages spirituels au profit de la foi et d'un certain retour à la pratique religieuse. Beaucoup de lettres reçues par le carmel mentionnent des exemples de conversions.  Nombreux sont les cas où l'on voit des soldats ne s'étant jamais intéressés à la religion et qui, pensant avoir été protégés de façon extraordinaire dans un moment périlleux, s'entendirent par un camarade que c'est grâce à la "petite sœur". Ceux-là prennent l'habitude de recourir à Thérèse."

    A suivre...


     

     

     

     

  • O Mère bien Aimée - Prière de Marthe Robin

    O Mère bien Aimée,

    vous qui connaissez si bien les voies de la sainteté et de l'amour,

    apprenez-nous à élever souvent notre esprit et notre cœur vers la Trinité,

    à fixer sur Elle notre respectueuse et affectueuse attention.

    Et puisque vous cheminez avec nous sur le chemin de la vie éternelle,

    ne demeurez pas étrangère aux faibles pèlerins que votre charité veut bien recueillir ;

    tournez vers nous vos regards miséricordieux,

    attirez nous dans vos clartés,

    inondez-nous de vos douceurs,

    emportez-nous dans la lumière et dans l'amour ;

    emportez-nous toujours plus loin et très haut dans les splendeurs des cieux.

     

    Que rien ne puisse jamais troubler notre paix,

    ni nous faire sortir de la pensée de Dieu,

    mais que chaque minute nous emporte plus avant

    dans les profondeurs de l'auguste mystère,

    jusqu'au jour où notre âme

    pleinement épanouie aux illuminations de l'union divine,

    verra toutes choses dans l'éternel Amour et dans l'Unité.

     

    Ainsi soit-il

    Marthe Robin 

  • Thérèse de Lisieux et la Grande Guerre (3)

    Textes tirés du livre : " Thérèse de Lisieux ou La Grande Saga d'une Petite Soeur " Auteurs : Bernard GOULEY - Rémi MAUGER - Emmanuelle CHEVALIER - Éditions Fayard 1997

     

    JEANNE ET THÉRÈSE, MÊME COMBAT

    81 à 83

    Dans le jardin du carmel s'élève une statue représentant un ange tenant dans ses mains une médaille de Thérèse. Sur le socle, une plaque de marbre : " Hommage de reconnaissance de soldats français et alliés, 1914-1916." Au milieu, un drapeau français et une croix. Les "poilus" qui ont offert cette statue n'étaient pas ingrats. Thérèse, il est vrai, leur avait apporté beaucoup.

    Pourquoi cette amitié vraie entre une religieuse cloitrée et des soldats ?

    "Thérèse est jeune, dit l'historienne Anne  Becker (La Guerre et la Foi, Armand Collin, 1994, lien ici); comme les soldats de la Grande Guerre souffrent, elle a souffert, elle s'est offerte comme eux s'offrent pour la patrie. Elle est aussi la "petite sœur" et ils ont tous une petite sœur qui est restée à l'arrière. Tout cela joue beaucoup. Thérèse est quelqu'un dont ils se sentent très proche... Dans la dévotion des soldats, Thérèse et Jeanne d'Arc - qui ne sont pas encore saintes - sont associées. On le voit dans la correspondance. Les soldats font tout naturellement comme si ces deux jeunes filles étaient déjà sur les autels. Ils les associent dans leur jeunesse et dans le sentiment de la patrie. D'autant que la guerre est réellement vécue par les soldats comme une passion, avec, pour les croyants, le sentiment d'un sacrifice. Ils s'offrent comme le Christ s'est offert, comme Thérèse s'est offerte... Jeanne d'Arc est une combattante, on la voit avec sa cuirasse et son épée. C'est à la pointe de son épée qu'elle aide les soldats de 1914 à tenir. Pas Thérèse, même si l'on baptise une escadrille et une batterie en son nom. Thérèse ne combat pas, elle prie et elle obtient des consolations pour ceux qui subissent les barrages d'artillerie ou les bombardements des batteries et des escadrilles d'en face. Tous les dessins de l'époque la montrent envoyant depuis le Ciel les rayons de grâces auxquels sont accrochées les roses qu'elle a promises. 

    Il est remarquable que le culte de Thérèse soit présent chez les soldats des deux camps. Les catholiques allemands et autrichiens commencent, dès les premières années du siècle à vénérer Thérèse. Ils continueront dans les tranchées. Le carmel ne possède évidemment pas de courrier de combattants des empires centraux comme celui envoyé par les Français, les Anglais, les Canadiens, les Belges ou les Italiens : les relations épistolaires étaient interrompues.

    La dévotion à Thérèse ne s'exprime pas de la même façon chez les Austro-Allemands et chez les Alliés. Chez les premiers, la piété est plus individuelle, plus secrète. Après tout, Thérèse appartient à une nation ennemie. Chez les Français, cette piété est plus collective, on insiste sur le fait qu'elle est comme Jeanne d'Arc, elle a donc une couleur patriotique que les Allemands, bien évidemment, ne lui donnent pas. Ce n'est qu'après la guerre et devant la mondialisation de sa renommée que les catholiques allemands multiplieront images et statues. Thérèse sera alors devenue universelle avant d'être française. Le culte de Jeanne d'Arc, qui existait en Allemagne avant 1914, disparaît complètement avec la guerre. Pour une raison évidente : c'est la sainte guerrière de la France. Alors que Thérèse, qui n'est pas guerrière, demeure dans la dévotion des catholiques allemands..."

    Une correspondance de mère Agnès montre que les demandes d'images formulées par les soldats "ennemis" ont 83 été transmises à Lisieux par la Croix-Rouge et qu'elles ont été satisfaites : " On nous demande, par la Suisse, des reliques pour les Allemands. Nous en envoyons volontiers car, devant Dieu, les âmes ne sont ni françaises ni allemandes. les unes et les autres sont précieuses aux yeux de Dieu " (6 mai 1915)

    A suivre...

  • Thérèse de Lisieux et la Grande Guerre (2)

    Textes tirés du livre : " Thérèse de Lisieux ou La Grande Saga d'une Petite Soeur " Auteurs : Bernard GOULEY - Rémi MAUGER - Emmanuelle CHEVALIER - Éditions Fayard 1997

     

    THÉRÈSE EST LA

    77

    Dans ce calvaire les  combattants ont besoin de compassion et d'amour. Thérèse va les leur prodiguer...

    "Il faut partir pour sauver la patrie, garder sa foi, lui conserver l'honneur." Signé : sœur Thérèse de l'Enfant Jésus. Telle est l'épigraphe d'une carte postale éditée en 1913 à l'occasion du congrès de la Jeunesse catholique de France qui se tient à Lisieux. Le document représente un groupe d'officiers et de soldats autour de la tombe de la petite carmélite. La presse de l'époque raconte qu'ils y chantèrent le Magnificat. Au cours de ce pèlerinage militaire, on peut aussi les imaginer entonnant l'un des cantiques en vogue composé par Charles Gounod : " Ils ne l'auront jamais, jamais l'âme des enfants de la France !" Puisque nous en sommes aux formules - nous dirions aujourd'hui aux slogans -, il faut citer d'autres paroles de Thérèse : " Je voudrais mourir sur un champ de bataille pour la défense de l’Église " ; " Je voudrais accomplir les œuvres les plus héroïques " ; " Je me sens le courage d'un croisé " ; " Ma pluie embaumée tombera sur l’Église militante afin de lui donner la victoire ".

    Il est évident que ces phrases n'ont aucune connotation guerrière. Il s'agit de la patrie du Ciel et du combat spirituel. (Du reste, Thérèse, dans ses écrits, ne fait jamais allusion à la politique.) Mais tous ces aphorismes sont utilisés entre 1914 et 1918 dans le contexte de la Grande Guerre. Le terrain est réceptif. " Toute guerre est une guerre de religion ", juge l'écrivain 78 Jacques Rivière (A la trace de Dieu, Gallimard, 1925). En 1915, récemment converti au catholicisme, il est prisonnier en Allemagne. Il s'emploie à convaincre ses camarades de captivité que la guerre a un sens et que ce sens, ils doivent le chercher en Dieu : " On fait la guerre pour une certaine manière de voir le monde. Qui ne serait prêt à se faire tuer plutôt que d'accepter de voir désormais le bien et le mal, le beau et le laid là où les voient les ennemis ? La guerre est un acte de foi, le sacrifice du martyr."

    Dans toute l'Europe, le conflit est vécu comme une épreuve à forte tonalité religieuse, y compris par les incroyants. La guerre brasse des populations de toutes origines et favorise un regain de piété. Sur le front, cette "grande ligne mystique au long de laquelle coule tant de sang" (Père Dominique Dupouey, Lettres et Essais, Éd. du Cerf 1935), se lève une vague de spiritualité, relayée naturellement à l'arrière. "En ces temps d'incertitude, analyse l'historienne Annette Becker, où le quotidien est transformé par l'absence des êtres chers...on a besoin de ces franges spirituelles où des manifestations sacrales (culte des saints et des reliques, pèlerinages...) apportent des réponses immédiates." Dans son étude très complète sur le sujet, cette spécialiste de la Première Guerre mondiale intitule un de ses chapitres : " A quel saint se vouer dans cet enfer ? " Thérèse est au nombre de ces saints-là. Considérable est le nombre de lettres de soldats reçues à Lisieux pendant la Grande Guerre. Certaines ont été publiées par les carmélites, qui n'ont choisi, dit la préface du recueil, qu' "une ou deux interventions du même genre, car on ne compte plus les balles arrêtées par une relique, une médaille ou une brochure de sœur Thérèse. Beaucoup des correspondants joignent à leur lettre, à titre de témoignage, l'image déchirée par un projectile qui les a protégés. Un exemple de ces humbles témoignages de combattants : " Au cours d'une attaque où je me suis trouvé en très mauvaise posture, 79 une balle de mitrailleuse a traversé mes vêtements, mes poches de capote, de vareuse et de pantalon. Mon caleçon était également troué...mais je n'avais aucune égratignure. L'image de sainte Thérèse que j'avais dans mon portefeuille m'a protégé..."

    Une autre lettre envoyée par un prêtre brancardier et publiée dans La Semaine religieuse de Bayeux le 3 janvier 1915, raconte que le 6 septembre 1914 - premier jour de la bataille de la Marne et de la contre-offensive des armées françaises et anglaises qui battent en retraite depuis 6 semaines - l'unité sanitaire à laquelle il appartient adresse une prière à Thérèse : " Obtenez-nous d'être victorieux dès aujourd'hui... Nous avons avancé de cinq kilomètres.... J'avais depuis longtemps le désir très vif de voir des boches (c'est le surnom universel des allemands dans l'armée française). Je vous assure que ce soir-là, mon voeu a été exaucé. J'en ai vu, des Allemands, des centaines et des centaines, des morts et des blessés... et ceux que les obus n'ont pas blessés, mais que le fracas de l'explosion a rendus comme fous, insensibles, réduits à l'état de choses insensibles, inertes."

    Un lien postal permanent s'établit entre les combattants qui demandent prières, images et reliques et le carmel qui se fait un devoir de les envoyer. Le nombre de requêtes, déjà important en 1915 - cinq cents lettres par jour - s'accroît encore en 1916 : c'est l'année de Verdun et de la Somme. La quasi-totalité de ces lettres ont été conservées par les carmélites, qui répondaient à chacune d'entre elles ; elles remplissent cinq volumes. Une partie a été publié sous le titre Quelques Extraits des nombreuses lettres reçues au carmel de Lisieux pendant la guerre. La couverture du livre représente un champ de bataille. Thérèse, de dos, est au premier plan, élevant les mains vers des blessés et des morts qui gisent devant elle, à sa gauche un canon de 75, dont les servants se reposent, l'un d'eux lisant l'Histoire d'une âme, au loin la bataille, avec en fond, plusieurs églises en flammes, dont la cathédrale de Reims. Sur  ce spectacle  de 80 fureur une pluie de roses tombe du Ciel à l'appel de la carmélite.

    Le dessin a été probablement inspiré par sa sœur Céline mais il est l’œuvre de Charles Jouvenot, "dessinateur officiel" de l'iconographie thérésienne  à ses débuts. Depuis la fin de 1914, on a entrepris d'illustrer quelques-unes des scènes décrites dans les lettres-témoignages. De vrais reportages de guerre au fusain ou à la plume. Ainsi découvre-t-on les histoires de l'officier allemand mourant consolé par sœur Thérèse, du soldat français qui, dans la tranchée, voit apparaître Thérèse, du blessé qui montre aux brancardiers comment une image de Thérèse l'a sauvé, de l'aviateur qui survit à son avion en feu, de la voiture arrêtée au bord d'un ravin par Thérèse en personne... et de bien d'autres, car les témoignages sont innombrables. Céline est, à sa manière, une pionnière de la bande dessinée. 

    On découvre aussi l'existence d'une batterie "sœur Thérèse"et d'une escadrille qui est placée sous la protection de la carmélite. Près de la batterie, sœur Thérèse bénit les combattants et la légende précise : " Avec l'aide de sœur Thérèse nous serons toujours protégés, ou, du moins, assurés de mourir en paix..." Quant à l'escadrille, un de ses aviateurs en a fait la chronique : " Chez nous un avion mis hors de combat était immédiatement remplacé : l'avion Sœur Thérèse est mort, vive l'avion Sœur Thérèse ! Car en vérité, l'équipage sort toujours indemne des accidents les plus périlleux. Dans la nuit du 24 mars, l'avion Sœur Thérèse ne "loupe" pas la gare de Saint-Quentin qu'il assomme des huit obus de 155 qu'il a emportés..."

    On apprendra après la guerre comment Thérèse a fait libérer des otages pris par les troupes allemandes à Dinant, en Belgique, comment elle a accompagné Louise de Bettignies jusqu'à la mort. Cette jeune Lilloise qui voulait entrer au Carmel, avait travaillé pour l'Intelligence Service en zone occupée. Condamnée à mort, elle écrit quelques jours avant son exécution : " J'ai découvert que ce temps de prison était un excellent noviciat... N'est-ce pas le moment de vivre la prière 81 d'oblation de la petite sœur Thérèse ?  Cette chère sœur me tient compagnie... Ajoutez-y le Christ, vous connaîtrez mes compagnons de  cellule.

     

    A suivre...

     

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  • Thérèse de Lisieux et la Grande Guerre (1)

    Textes tirés du livre : " Thérèse de Lisieux ou La Grande Saga d'une Petite Soeur " Auteurs : Bernard GOULEY - Rémi MAUGER - Emmanuelle CHEVALIER - Editions Fayard 1997

     

    LISIEUX S'EN VA T'EN GUERRE

    73

    1er août 1914 : le tocsin sonne dans toutes les églises de France. Dans les villes, des affiches ornées de deux petits drapeaux tricolores croisés fleurissent sur les murs. Sur les places des villages, les gardes champêtres battent le tambour pour lire l'ordre de mobilisation générale. La veille, l'Allemagne a 74 déclaré la guerre à la France. La catastrophe est européenne : l'Angleterre, la Russie et l'Autriche-Hongrie sont de la partie. Lisieux vit cette journée dans la fièvre, comme le rapporte Le Lexovien : " Rien n'aurait pu faire croire à la gravité de l'heure, samedi [1er août] sur le marché de Lisieux, à voir la foule habituelle de cultivateurs, de marchands et d'acheteurs se livrer à son tranquille négoce. A peine remarquait-on une abondance anormale de volailles qui s'enlevèrent à des prix excellents pour les clients, mais évidemment un peu bas au gré des fermières. Un peu moins de chalands aussi autour des boutiques de colifichets et d'objets d'une inutilité plus ou moins luxueuse. Par contre tous les magasins d'épicerie et tous les marchands de victuailles en général ne connurent point une minute de répit. Mais ce fut la Banque de France qui détint le record de l'empressement. Toute la journée, un planton de police canalisa la foule qui s'écrasait sur le trottoir, l'admettant à l'intérieur de la banque par petits paquets d'une dizaine de personnes. Tout ce monde venait échanger ses billets de banque de 100 et de 50 francs contre les coquettes et commodes petites coupures de 20 et de 5 francs...

    Depuis le matin, le bruit courait sous le manteau que l'ordre de mobilisation allait sans doute être affiché à l'issue du Conseil des ministres. Effectivement, à 4 h 30 un employé des PTT affichait dans le vestibule de l'hôtel des postes de Lisieux un petit carré de papier portant cette simple et précieuse indication : " Le premier jour de la mobilisation sera le dimanche 2 août." Quelques minutes après, un télégramme de service annonçait que les communications postales et télégraphiques avec l'Allemagne et l'Autriche étaient interrompues. L'apparition du petit papier attira en un clin d’œil, on le comprend, une foule sans cesse renouvelée devant le bureau de poste. Chose véritablement symptomatique, mais qui n'était pas pour nous surprendre, la population lexovienne accueillit 75 cette nouvelle avec un calme extraordinaire et presque souriant...

    Les prescriptions rigoureuses de l'état de siège nous interdisent de rendre compte des conditions dans lesquelles se sont effectués à Lisieux la mobilisation et les premiers départs. Sans faillir à notre devoir nous pouvons dire que jamais peut-être spectacle n'a été plus réconfortant ni de nature à donner une plus haute idée du caractère français. 

    Calmes, résolus, sans fanfaronnades inutiles, les soldats s'en vont "comme s'ils allaient à un concours de musique", disait devant nous un vieux médaillé. Les femmes se montrent dignes compagnes de tels hommes. Leur tendre cœur a bien quelques sanglots vite réprimés, mais elles se souviennent qu'il y eut en France des femmes qui se sont appelées Geneviève, Jeanne d'Arc et Jeanne Hachette. Elles essuient leurs yeux et regagnent le foyer où le devoir maternel les attend.

    Le mardi 3 août vers midi, un convoi de troupes stationne en gare de Lisieux. Sur le quai voisin arrive le train de Deauville. A bord, des chanteurs et des musiciens revenant des casinos de la Côte fleurie. Comme les soldats chantaient, un musicien des Concerts Colonne, M. Bizet, sort son cornet à piston et joue La Marseillaise, ainsi que les hymnes anglais et russe. "Des ovations indescriptibles, commente Le Lexovien, saluèrent chacune de ces auditions...M. Bizet réclama alors le silence et annonça que M. Payan, basse chantante de l'Opéra, allait interpréter La Marseillaise... Les derniers refrains furent repris en chœur par les soldats. Puis une acclamation formidable s'éleva..."

    L'unanimité des Français est réelle en ces jours - émaillée malgré tout de quelques incidents. Dans la colonne voisine, le même journal en cite trois, provoqués par des individus apparemment peu patriotes :

    Route de Dives un ivrogne ayant crié : " Vive l'Allemagne, à bas la France !"fut immédiatement appréhendé, roué de coups et on eut juste le temps de le pousser dans une auto qui le conduisit à la gendarmerie. Quelques instants plus tard un lynchage plus sérieux s'est produit Grande Rue. Un individu bien connu dans la ville, 76 un nommé Troles, ayant proféré au cours d'une querelle quelques cris injurieux, fut immédiatement victime de la fureur populaire. Il allait être tué sur place si un gendarme et un sergent de ligne ne s'étaient interposés...

    Une scène analogue se renouvela le soir à 8 heures. Un Breton insoumis qui avait manifesté contre la France fut l'objet de représailles immédiates. Entouré, frappé, traîné, il ne dut son salut qu'à l'intervention d'une patrouille qui le conduisit, baïonnette au canon, à la caserne Chazot.

    A part ces "bavures", qui sont le fait de marginaux et d'une foule surexcitée, la mobilisation se déroule parfaitement. Pendant la première quinzaine d'août, fermiers augerons, ouvriers du textile, bourgeois du centre-ville ou de Pont-l'Evêque, souvent accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants, se présentent en flots ininterrompus à la caserne Delauney, centre mobilisateur de la région situé au nord de la ville [ce quartier abrite maintenant des HLM construits dans les années 1970]. On les habille et on les dirige vers les dépôts régimentaires. 

    Beaucoup partent la fleur au fusil. Les gouvernements, les états-majors, les peuples eux-mêmes croiront pendant une dizaine de semaines que la guerre sera courte, qu'il suffira de peu de temps pour vider la querelle, pour purger la tension qui existe en Europe depuis plusieurs années. L'exaltation de l'été 1914 ne laisse rien présager du tragique des mois et des années qui vont suivre.

    Pour les Français, la gravité de la situation n'apparaît pas avant la fin août. Le commandement publie le fameux communiqué " De la Somme aux Vosges" qui, pour la première fois, montre l'ampleur de la retraite française. Encore le public ne connaît-il pas le chiffre des pertes : 300 000 hommes en août et en septembre. En octobre, alors que le front se fige peu à peu et que la guerre de position s'installe, chacun prend conscience que le conflit sera long et affreusement meurtrier. 77 En première ligne, les soldats découvrent l'horreur et le dégoût de la vie dans les tranchées, les interminables marmitages d'artillerie, les attaques sous le feu des mitrailleuses et des barrages d'artillerie.

     

    A suivre...

    prochain post : "Thérèse est là..."

     

     

     

     

     

     

     

     

  • L'Eglise et l'Islam 5/5

    Je vous propose la suite du texte d'Alain Besançon, extrait de son livre : "Trois tentations dans l’Église" paru en 2002 aux éditions Perrin (ISBN : 2-262-01952-5). Voici des extraits tirés des pages 145 à 222 (livre format poche).

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  • L'Eglise et l'Islam 4/5

    Je vous propose la suite du texte d'Alain Besançon, extrait de son livre : "Trois tentations dans l’Église" paru en 2002 aux éditions Perrin (ISBN : 2-262-01952-5). Voici des extraits tirés des pages 145 à 222 (livre format poche).

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  • L'Eglise et l'Islam 3/5

    Je vous propose un texte d'Alain Besançon, extraites de son livre : "Trois tentations dans l’Église" paru en 2002 aux éditions Perrin (ISBN : 2-262-01952-5). Voici des extraits tirés des pages 145 à 222 (livre format poche).

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  • Assomption de la Vierge Marie

    Références scripturaires de la liturgie de ce jour :

    Apocalypse 11, 19. 12,10  / 1 Corinthiens 15, 20-26

    Évangile selon st Luc  chapitre 1 versets 39 à 56

    Texte tiré de (ci-dessous) : P. Marie-Joseph Le Guillou, o.p.  -  L'Amour du Père révélé dans sa Parole, homélies année A - Éditeur : Parole et Silence, 1998

     

    Nous fêtons aujourd'hui Marie. L'Assomption est une des plus grandes fêtes de l’Église. Il est curieux qu'elle se situe en plein cœur de l'été alors qu'elle est au cœur de la résurrection du Christ. Car c'est bien ce mystère du Seigneur que nous avons aujourd'hui à affirmer et à proclamer.

    Le monde est traversé par le mal, la souffrance, le péché et la mort. Toutes les misères et l'atrocité du monde pèsent tellement sur les hommes que beaucoup se demandent si Dieu existe vraiment. Oui, cette immense interrogation se pose au cœur du monde : Dieu, le Dieu de l’Évangile est-il vraiment là au milieu de nous ?

    Marie est celle qui peut nous répondre. Il n'y a pas de créature qui ait senti le mal plus profondément qu'elle; Il n'y a pas de créature qui soit entrée dans la profondeur de la passion du Christ comme elle. Il n'y a personne qui ait mesuré  plus qu'elle l'ampleur de l'amour de Dieu. Est-il possible de parler de l'amour dans un monde où l'on tue, où les nations se battent comme jamais ? 

    Je le crois de toutes mes forces. Je le crois parce que St Paul nous dit : " le Christ est ressuscité des morts pour être parmi les morts le premier ressuscité". Je le crois aussi parce qu'il y a Marie, celle qui a fait l'expérience des souffrances de son Fils jusqu'au bout de l'amour. On imagine trop souvent la vie de Marie comme une vie simple, sans souci, alors que c'est la vie la plus délicate, la plus complexe que le Seigneur a faite. Marie a compris du fond de son cœur ce qu'est " être abandonnée jusqu'au bout". Il ne faut pas voir la croix uniquement dans la gloire. Bien sûr, la gloire existe mais il faut la voir dans sa réalité la plus profonde, dans sa réalité, je dirai invraisemblable.

     

    Que le Fils de Dieu ait voulu que sa mère soit au pied de la Croix, n'y-a-t-il pas là un scandale ? Que le Fils de Dieu ait voulu que sa mère  soit toute présente à son sacrifice, n'est-ce pas scandaleux ? Et pourtant, je crois profondément que là s'affirme l'amour de Dieu et la réponse d'une créature humaine à l'amour de Dieu. Marie a connu la joie  de la bénédiction. Vous l'avez entendu dans les paroles d’Élisabeth : " Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni ". Marie est bénie mais au prix de quelle croix, au prix de quels tourments, au prix de quelles souffrances ! Les merveilles du Seigneur traversent souvent des existences douloureuses, broyées, livrées à Dieu. L'amour de Dieu n'est pas quelque chose de tout simple. L'amour de Dieu dépasse à chaque instant les apparences et Marie a appris à découvrir, au-delà des apparences, la vérité de l'amour de son Fils. Toutes les apparences étaient contre Marie et pourtant, elle s'est tenue debout comme personne, debout au cœur de la vérité, debout au cœur de l'amour.

    En cette fête de l'Assomption, Marie nous fait percevoir la splendeur de l'amour de Dieu qui pénètre tout. Il transforme tout, il élève les humbles, il les fait passer  de la mort à la vie. L'amour de Dieu s'étend d'âge en âge, nous dit Marie dans son Magnificat. Elle l'a vécu comme nul ne l'a vécu et comme elle, il nous faut passer au-delà de toutes les apparences pour rejoindre la puissance de l'amour de Dieu, sa créativité, son invention, son imagination, je dirais même, sa fantaisie. 

    Tout est fait dans l'amour de Dieu, tout est travaillé par l'amour de Dieu, tout est transpercé par l'amour de Dieu. Nous avons à le découvrir mais il faut y mettre le prix. Il y a dans la vie de Marie une présence éclatante qui nous apparaît grâce à Élisabeth : "Heureuse celle qui a cru à l'accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur". Il y a ce "heureuse celle...". Marie est heureuse jusqu'au cœur de la croix. Pourtant, avec son Fils, elle a connu la division des cœurs comme personne et son cœur en a été transpercé. Le rôle de Marie dans l’Église est de nous faire entrer dans cet amour triomphant. Si elle est entrée dans le ciel, si elle est auprès de son Fils, c'est parce qu'elle a été toute proche de la Passion. 

    Passion et résurrection ne font qu'un en Marie. Pour elle, la Passion lui ouvre tout grand le chemin de l'Assomption, le chemin de la Gloire, de ce corps illuminé par l'Esprit, transformé par l' Esprit. " Le puissant fit pour moi des merveilles ", dit Marie. Elle n'a cessé de le dire tout au long de sa vie, mais nous avons à la prier pour pouvoir tenir nous aussi, à notre tour, car tenir dans la joie, tenir dans la paix, tenir dans l'amour est plus compliqué que beaucoup l'imaginent, à commencer par nous-mêmes.

    Nous ne sommes pas là pour fêter Marie comme n'importe quelle femme. Nous sommes là pour fêter Marie, Mère de Dieu, glorifiée dans le ciel. Croyez-vous vraiment que Marie est ressuscitée avec son corps comme son Fils ? Croyez-vous que nous sommes promis à la même résurrection ? Si non, notre présence ici ne signifie rien. Croire à l'amour ; aimer jusqu'au bout comme Jésus Christ a aimé : tel a été le mystère de Marie, tel est notre mystère. Le mystère de la glorification du corps de Marie est l'accomplissement de la participation à la Passion de son Fils. C'est la Passion qui éclate, qui éclate de joie dans ce monde enténébré, dans ce monde qui a refusé la présence du Christ, dans ce monde  où le Christ ne se reconnaît pas. " Les siens ne l'ont pas accueilli " (Jn 1,11) Et pourtant, c'est dans ce monde que le Christ proclame ce qu'il est. Nous aussi, nous avons à le proclamer comme étant le christ de gloire, d'amour, de vérité mais à travers l'angoisse, à travers la mort.

    Demandons au Seigneur, dans cette Eucharistie, d'être entraînés dans ce mouvement d'amour. Nous croyons à la vie éternelle qui ne passera pas, à la vie pour toujours. Réfléchissez-vous quelques fois à cette vie qui attend chacun d'entre vous, qui nous attend tous, cette vie qui sera une vie dans la chair, mais dans une chair transfigurée et illuminée par l'Esprit Saint ? Pour vous, la vie chrétienne est-ce bien cela ? Êtes-vous capables de tout quitter, de tout lâcher pour cela ? Je vous le demande, comme un pauvre qui est comme vous et qui demande d'être fidèle à l'amour du Seigneur. Marie a été fidèle et sa joie a éclaté. Aujourd'hui, l’Église est éclatante de joie parce que Marie a été glorifiée. 

    Demandons au Seigneur de nous laisser prendre par cette glorification. Que la joie de Dieu éclate en nous avec sa paix ! Oui, que le joie de Dieu pénètre votre cœur et vous emporte là où est Marie ! Nous pouvons le faire beaucoup plus simplement que nous le pensons. Il suffit de prier le Rosaire, il suffit de dire des " Je vous salue Marie..." qui paraissent si simples et qui pourtant sont si profonds parce qu'ils engagent tout l'être. Demandons à Marie de prier comme elle a prié, humblement, pauvrement, mais avec la puissance de l'Esprit et nous verrons que dans notre vie, le Seigneur fera des merveilles, des merveilles d'amour dans la croix. Amen !      

     

     

  • Année A - 19e dimanche du temps ordinaire

    Références scripturaires de la liturgie de ce dimanche :

    1 Roi 19, 9 et 11-13   / Romains 9, 1-5

    Évangile selon st Matthieu chapitre 14 versets 22 à 33

    Texte tiré de (ci-dessous) : P. Marie-Joseph Le Guillou, o.p.  -  L'Amour du Père révélé dans sa Parole, homélies année A - Éditeur : Parole et Silence, 1998

     

    191

    L’Église nous donne à méditer aujourd'hui trois textes merveilleux de l'ancien et du nouveau testament. Ils sont au cœur de nos vies parce qu'ils nous touchent au plus profond de nous-mêmes ; ils touchent à ce qu'il y a de plus secret en nous.

    Arrêtons-nous d'abord au texte de St Matthieu. La barque des disciples est battue par les flots.

    " Vers la fin de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer. En le voyant marcher sur la mer, les disciples furent bouleversés.

    Ils disaient :

    - C'est un fantôme !

    Et la peur leur fit pousser des cris.

    Mais aussitôt Jésus leur parla :

    - Confiance ! C'est moi ; n'ayez pas peur !

    Le Christ leur dit : " Confiance ! C'est moi - Je Suis - n'ayez pas peur". Le Seigneur s'adresse ainsi à nous lorsque nous sommes désemparés ou lorsque le Seigneur lui-même, pour nous faire progresser, nous désarçonne. Le Seigneur nous appelle toujours à la confiance. Il faut alors se rappeler tout le mystère de l'Exode où Dieu dit à Moïse son Nom : "Je Suis". C'est en nous donnant son Nom que Dieu a révélé son propre mystère. Nous sommes donc situés dans cette confiance en Dieu, vraiment Dieu, dans le seul qui puisse dire : "Je Suis". C'est sur Lui que nous devons nous appuyer au plus fort de la tempête : "Confiance ! C'est moi, je Suis ! " Je suis là pour vous aider, pour vous faire sortir de vos ténèbres, de vos tempêtes, de tout ce qui vous entrave.

    Il y a quelque chose de plus merveilleux à découvrir. Pierre est tenté d'aller vers Jésus : " Seigneur, si c'est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l'eau". Pierre veut un signe 192 mais il n'entend que Jésus lui dire : "Viens !". "Pierre descendit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus. Mais, voyant qu'il y avait du vent, il eut peur ; et comme il commençait à s'enfoncer, il cria : Seigneur, sauve-moi ! " Pierre a vraiment cru dans le mystère du Seigneur.

    Toute l'histoire d'Israël se joue là, tout le dessein  de Dieu pour son peuple se trouve condensé ici. Pierre a l'audace de marcher sur les eaux et le Seigneur répond à son attente. Mais Pierre a peur et le Christ n'a qu'un mot pour qualifier cette peur : " Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?" Il suffisait  en effet que Pierre comprît que dans "c'est moi", c'était tout le mystère de Dieu qui se dévoilait, c' était la présence même de Dieu qui était là, se manifestait et l'appelait. C'est le résumé de notre propre mystère. Dès que les ténèbres nous environnent et que la tempête est là, nous oublions que nous avons demandé au Seigneur de marcher sur les eaux et comme nous ne le regardons pas, nous sombrons. Fort heureusement, le Seigneur est toujours là, Il nous répond et nous sauve. Ici, dans l’Évangile, Jésus étendit la main et saisit Pierre.  Jésus prend notre main à nous aussi et il nous sauve.

    C'est aussi le mystère de Dieu qui se révèle dans le premier livre des Rois à travers l'histoire d’Élie arrivé au Sinaï. Élie s'apprête  à voir Dieu. Mais Dieu n'est pas dans l'ouragan. Dieu n'est pas dans les montagnes qui se fendent, Dieu n'est pas dans le tremblement de terre, Dieu n'est pas dans le fracas du tonnerre,  dans le bruit. Dieu est dans le murmure de la brise légère ou plutôt - et le texte veut dire cela - Dieu est dans le murmure au plus profond du cœur. Élie a découvert " Je Suis". Comme Moïse, Élie connaît le Seigneur. "Je Suis" est dans ce cœur qui s'ouvre au mystère de Dieu qui se dévoile à lui.

    Paul découvre le même mystère. Il est juif et voit ses frères de race s'éloigner du message du Seigneur. Il a dans son cœur une douleur incessante. C'est la douleur de "Je Suis" 193. Il voit son peuple qui ne répond pas aux appels du Seigneur. Nous sentons l'appel étonnant du Seigneur dans la vie de Paul. Il accepterait d'être maudit, séparé du Christ pour sauver ses frères. "Je Suis" est le mystère de l'Alliance, le mystère du dévoilement de Dieu. C'est aussi le mystère de l'ouverture de notre cœur pour nous livrer à la place de nos frères. Cela n'est possible que dans la toute-puissance de Dieu qui nous fait marcher sur les eaux.

    Nous savons bien quelles difficultés nous rencontrons pour suivre le Christ. Nous savons trop bien que la tempête est là, que la barque qui représente l’Église est ballotée par les flots. Nous le savons. Parfois, nous en prenons conscience avec terreur. Pourtant, nous savons que lorsque la tempête en est à son point culminant, la seule chose essentielle à faire est de nous répéter la parole du Seigneur : "Confiance ! Je suis ! N'ayez pas peur !" Nous découvrirons alors la présence de Dieu dans le murmure de notre cœur, présence invincible, présence qui triomphe de tout parce qu'elle est celle de l'amour, de l'amour déjà vainqueur. Le Seigneur ne nous présente pas un monde dans lequel  il n'y aurait ni vagues, ni tempêtes ; il nous présente un monde réel dans lequel notre foi en lui doit triompher. Il faut croire que le Seigneur est vraiment au cœur du mystère de son Père et que nous avons à le suivre sur le chemin qu'il nous indique. Ces trois textes se répondent les uns les autres : Moïse et Élie, le Christ et Paul.  C'est le même mouvement, c'est le même enveloppement de gloire et de sainteté.

    Nous sommes enveloppés dans la gloire et dans la sainteté de Dieu. Nous avons à nous laisser prendre par cette gloire et cette sainteté qui nous entraîneront là où nous devons aller sans savoir où. Nous n'avons qu'à dire : " Seigneur, sauve-moi !" et le Seigneur vient nous sauver.

     

    Demandons au Seigneur d'étendre sa main sur nous, comme il le fit sur son peuple à l' Exode, demandons-lui de nous saisir, et si nous doutons, d'entendre profondément la 194 parole du Seigneur : " Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?"

    Nous n'avons qu'une chose à dire : " Seigneur, nous croyons en toi. Tu es le vainqueur du monde, tu es celui qui a triomphé de tout, tu es celui qui marche sur les eaux, celui qui triomphe du mal à tout jamais et qui nous fera triompher même de la mort. Amen !

     

  • L'Eglise et l'Islam 2/5

    Je vous propose un texte d'Alain Besançon, extraites de son livre : "Trois tentations dans l’Église" paru en 2002 aux éditions Perrin (ISBN : 2-262-01952-5). Voici des extraits tirés des pages 145 à 222 (livre format poche).

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  • L'EIIL et la Waffen-SS

    Les hordes Jihadistes et son calife auto-proclamé se comportent comme des barbares. Ce qui se passe en Irak et en Syrie est un immense Oradour. Les  sbires de l’État Islamique en Irak et au Levant rivalisent en horreur avec les atrocités commises il y a 70 ans par la Panzerdivision Das Reich de la Waffen-SS.

    Et tant pis si les historiens trouvent ce rapprochement factice. 

     

    O.B