Références scripturaires de la liturgie de ce dimanche :
Proverbes 31, 10-31 / 1 Thessaloniciens 5, 1-6
Évangile selon st Matthieu chapitre 25 versets 14 à 30
Texte tiré de (ci-dessous) : P. Marie-Joseph Le Guillou, o.p. - L'Amour du Père révélé dans sa Parole, homélies année A - Éditeur : Parole et Silence, 1998
Cette parabole des talents scandalise certains d'entre nous car le serviteur qui n'a reçu qu'un talent est jeté dehors avec sévérité. Il semble qu'il y ait une immense injustice à son égard. Mais ce n'est pas du tout le sens de la parabole. Celle-ci indique une autre perspective, celle du don de Dieu qu'il faut faire fructifier. Le Seigneur veut nous faire comprendre que tout don de Dieu est une responsabilité, que tout don de Dieu nous engage à construire le Royaume de Dieu. Le don de Dieu n'est pas un absolu en lui-même : il faut nous tourner vers les autres. Il s'agit donc de construire dans l'amour le royaume.
Aimer est ce à quoi nous engage cette parabole et c'est ce que le Seigneur fait comprendre lorsque les serviteurs qui ont eu cinq ou deux talents entendent le Seigneur leur dire : " Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en peu de choses, je t'en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître." Ils ont compris que le Seigneur leur demandait de faire fructifier les talents qu'il leur avait donnés, que leur responsabilité était immense et ils se sont engagés finalement à répondre à l'amour de Dieu. Mais nous constatons du dépit chez celui qui n'a pas fait fructifié le seul talent confié. Au lieu de faire fructifier le don merveilleux de la grâce et de la charité, il va l'enfouir : " J'ai eu peur et je suis allé enfouir ton talent dans la terre, le voici ; tu as ce qui t'appartient". J'ai eu peur. Nous le disons souvent dans notre vie. Nous avons peur du mystère de Dieu, nous avons peur de sa conduite dans notre vie, nous avons peur de ce qu'il est. Le serviteur infidèle, finalement, renvoie au Seigneur une image qu'il s'est faite lui-même : " Maître, je savais que tu es un homme dur; tu moissonnes là où tu n'as pas semé, tu ramasses là où tu n'as pas répandu le grain." C'est vraiment le visage de Dieu que s'est fait cet homme, un visage dur, cruel, un visage qui n'est pas celui de Dieu. Pour se faire comprendre, le Seigneur accepte de dire au serviteur : " Tu savais que je moissonne là où je n'ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l'ai pas répandu". Le Seigneur veut redresser l'image que son serviteur se fait de lui. Il lui explique que nous avons à faire fructifier les dons reçus pour les mettre au service des uns des autres, que nous en ayons peu ou beaucoup, tout cela nous est commun et tout est mis dans la miséricorde de Dieu. Quoiqu'il arrive, l'amour de Dieu est vainqueur. Cette parabole est une invitation à l'espérance. Dieu est bon, il n'est que bonté. Il faut découvrir le vrai visage de Dieu, ce merveilleux visage à travers celui de Jésus Christ à l'agonie ou sur la croix. C'est celui du Fils de Dieu donnant sa vie pour ses frères. Par cette parabole le Seigneur nous enseigne que que seul l'amour compte et l'argent lui-même est au service de cet amour. L'argent n'a de sens que pour être donné, distribué, l'argent ne sert qu'à aider nos frères à construire. Nous devons découvrir que l'argent n'a de sens que pour vivre avec des frères, les aider, les servir, leur permettre d'être eux-mêmes. Nous avons de lourdes responsabilités.
Nous avons à méditer les textes de la femme vaillante que nous livrent les Proverbes. Il faut entrer dans l'activité de cette femme, toute entière au service de la charité, au service de l'amour, à la disposition du Seigneur pour manifester sa lumière. Nous sommes des fils de lumière, c'est-à-dire que nous sommes pris dans le mystère de la vérité et de l'amour du Seigneur. " Je savais que tu étais un homme dur." Il n'y a pas de plus grave offense au mystère de Dieu. Dieu n'est pas dur, Dieu est amour et la peur est une fuite. Nous avons souvent peur mais n'enfouissons pas notre talent dans la terre, faisons-le fructifier pour que la lumière apparaisse dans toute sa splendeur. Dieu crée un monde nouveau, un monde renouvelé par l'amour de Dieu. Le Seigneur n'a qu'un but : construire des hommes libres, renouvelés par la charité de Dieu, fidèles à leur vocation. " Tu as été fidèle en peu de choses, je t'en confierai beaucoup. Entre dans la joie de ton maître."
Ce que nous attendons du Seigneur est une merveille, c'est un visage penché sur nous, un visage qui connaît notre vocation, qui nous connaît personnellement comme personne ne nous connaît, qui veut nous conduire à cet amour désintéressé, à cet amour plein de pais et de joie, à cet amour de vérité et d'abondance. Dieu est prêt à tout donner et d'ailleurs, il nous donne tout.
Demandons au Seigneur dans l'Eucharistie, de découvrir son visage qui nous demande de faire fructifier ses dons en attendant son retour. Il nous faut construire le Royaume mais celui-ci ne peut se construire qu'avec des hommes pauvres, des hommes humbles. Il faut que nous fassions qu'un avec le mystère du Christ et que nous nous ouvrions à la splendeur de l'amour de Dieu. Dieu est Dieu, réjouissons-nous de son dessein d'amour. Entrons dans sa miséricorde et devenons des fils de lumière, alors nous comprendrons que celui qui demeure dans le Seigneur porte beaucoup de fruits. Amen !