Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Au Jardin des Ecritures

    Il faut absolument acquérir et entretenir en nous, pour parvenir à la véritable lectio divina, une mentalité de destinataire, c'est-à-dire être bien persuadé que l'Ecriture nous est personnellement adressée. Tant qu'une telle persuasion ne s'est pas développée en nous, il n' y a pas de vraie lectio divina, ou celle-ci ne se dégage pas encore vraiment d'une lecture profane. La lectio divina en effet, comme la réception des sacrements, comme l'oraison mentale, quoique d'une façon qui lui est spécifique, est le lieu d'une rencontre personnelle avec "Celui-qui-te-parle" (Jn 4,26 ; 9,37). A la lecture livresque, superficielle, doit alors se substituer une lecture-contact, une lecture-rencontre. 

    "Ecrit pour moi", cela signifie donc trois choses. Premièrement que je suis le destinataire de l'Ecriture ; en termes d'anthropologie biblique, cela signifie que Dieu me "parle au coeur" :

    Je vais la séduire

    Je la conduirai au désert

    et Je parlerai à son coeur (Os 2,16)

    Et le texte se poursuit ainsi :

    elle répondra comme aux jours de sa jeunesse (Os 2,17) 

    La "lettre du Dieu tout-puissant à sa créature" appelle une réponse. Aux premiers jours de notre conversion, aux "jours de notre jeunesse", nous répondions peut-être avec émerveillement et enthousiasme ; la lectio divina était pour nous chose désirée et douce. Avec le temps peut-être est-elle devenue pour nous un exercice obligé, une formalité sans attraits. Celui qui nous avait écrit nous avertit alors secrètement : "J'ai contre toi que tu as perdu ton premier amour..." (Ap 2,4). Le Seigneur nous ouvre chaque matin le jardin de ses Ecritures et une voix intérieure nous y crie, comme à Augustin dans le jardin de Cassicianum : "Prends, lis ! Prends, lis !" Bien mieux encore que saint Benoît au Prologue de sa Règle, le Seigneur peut nous dire : " Ad te ergo nunc mihi sermo dirigitur..." Il quête de nous un regard d'attention : "C'est à toi que Je parle".    

     

    François Cassingena-Trévedy - "Quand la Parole prend feu"

    abbaye de Bellefontaine 1999/2007.    pp. 14-15           

     ISBN 978-2-85589-086-9 

    François Cassingena-Tréverdi est moine de Ligugé : www.abbaye-liguge.com

     

     

  • Autonomie et liberté

    (...) ce qui est très frappant, c'est que à la source de tout l'athéisme contemporain, c'est la confusion entre le Créateur et le Père qui est cause des oppositions si violentes à l'égard de Dieu. Pensons à Feuerbach, qui a joué un rôle décisif dans la genèse de l'athéisme contemporain ; pour lui, Dieu n'est qu'une projection des nostalgies humaines, de notre soif d'infini. La confusion radicale de Feuerbach consiste à confondre l'intentionnalité infinie de notre vie spirituelle et l'infini ontologique. Par le fait même, si nous sommes créés par Dieu, il n'y a pas d'autonomie possible, il ne peut pas y avoir de liberté. Feuerbach confond l'être et la vie, et en les confondant il voit une contradiction entre la dépendance dans l'être et l'autonomie du vivant, la liberté de l'esprit.

    La créature, comme créature, est dépendante de Dieu (c'est évident). Le vivant, comme vivant, est autonome, et l'homme libre, comme homme libre, a son autonomie. Feuerbach confond l'être et la vie (comme le fait toute pensée idéaliste) ; et après lui tous les autres ont répété cette confusion jusqu'à Sartre.

    Si on fait cette confusion, le Créateur devient insupportable, c'est clair. Or nous avons, au niveau humain, l'expérience de l'autonomie de notre vie, de l'autonomie de notre liberté, mais nous n'avons pas l'expérience de notre dépendance à l'égard du Créateur. C'est seulement dans la foi que nous adhérons à cette dépendance. dans la foi, en effet, nous reconnaissons que nous sommes une créature de Dieu ; mais au niveau philosophique, au niveau humain, nous n'avons pas l'expérience de notre dépendance à l'égard de Dieu - tout en ayant, encore une fois, celle de notre autonomie au niveau vital. C'est pourquoi on oppose les deux et la confusion se fait très facilement, et au nom de l'autonomie vitale on refuse la dépendance à l'égard d'un Dieu créateur.

     

     

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau t.2 -Ed. St Paul 1999. pp 239-240

    ISBN : 2 85049 781 9

    Les ouvrages ainsi que les conférences  de Marie-Dominique Philippe sont disponibles à Notre-Dame de Rimont (71390 Fley. Site internet : www.stjean.com)

  • du temps et de l'éternité

    En vérité, en vérité je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit en Celui qui m'a envoyé, celui-là a la vie eternelle.  Jn 5,24

    Voilà le grand mystère de la foi, qui nous met dans l'éternité. La foi, c'est vivre le mystère de l'éternité dans le temps, c'est faire que l'éternité assume chaque instant de notre vie. C'est par l'instant présent, et par lui seul, que l'éternité peut assumer le temps, et nous serons vraiment croyants que dans la mesure où l'éternité assumera réellement chaque instant de notre vie. Si nous vivons de l'instant présent dans la foi, nous vivons quelque chose d'éternel, nous sommes saisis par l'éternité : c'est le mystère de Dieu qui s'empare de nous. Le mystère de l' Incarnation, pour nous, c'est Dieu présent à l'intérieur de la succession du temps.

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau t.2 -Ed. St Paul 1999. p 232

    ISBN : 2 85049 781 9

    Les ouvrages ainsi que les conférences  de Marie-Dominique Philippe sont disponibles à Notre-Dame de Rimont (71390 Fley. Site internet : www.stjean.com)

  • Descendre le fleuve ou remonter à la source

    Qu'est-ce que le jugement ? C'est l'opération parfaite de l'intelligence (il s'agit en effet de l'intelligence, et non de la "raison" ou de "l ' entendement"), de l'intelligence qui saisit les principes, c'est-à-dire qui saisit la finalité. Une intelligence n'est vraiment intelligence, au sens le plus vital, que dans la mesure où elle remonte à la source. C'est l'intelligence qui découvre la source, comme l'exprime si bien Péguy quand il fait un discernement entre les hommes qui descendent le fleuve et ceux qui remontent à la source. La plupart d'entre eux descendent le fleuve, pour cela il n'est pas nécessaire d'être très intelligent : il suffit de faire comme tout le monde, de se laisser aller... même les cadavres descendent le fleuve. Celui qui veut être intelligent remonte le fleuve pour découvrir la source. Toute fécondité provient en fait, d'un retour à la source, mais remonter à la source est difficile ; il faut parfois accepter d'être seul.

    L'intelligence remonte donc à la source, et par là elle découvre ce qui donne sa signification profonde à toute notre vie. C'est par le jugement que nous sommes capables de distinguer l'unique nécessaire de toutes les choses secondaires. Le jugement est un discernement qui nous fait saisir ce qui est premier au sens profond (donc ultime) , ce qui est capable de nous attirer et d'ordonner toute notre vie. Le jugement, cette capacité de saisir ce qu'il y a d'ultime et ce qu'il y a de plus fondamental dans notre vie, de découvrir la source, est ce qui nous donne notre autonomie. Comprenons bien (car c'est très important) que l'autonomie d'un être vivant provient de son intelligence ; tant que nous n'avons pas fait nous-mêmes ce discernement, nous dépendons de l'opinion de ceux qui sont autour de nous. Quand on demande à quelqu'un : " Pourquoi faites-vous cela ? ", il répond parfois spontanément : " Tout le monde le fait." On comprend alors qu'il descend le fleuve, qu'il n'a aucune autonomie : il est complètement dépendant de son milieu. Par contre, si on demande à quelqu'un : " Pourquoi faites-vous cela ?" et qu'il réponde : "Il me semble que c'est cela que je dois faire parce que c'est là que je retrouve la source," on est en face de quelqu'un qui est autonome. C'est cela que nous faisons quand nous comprenons qu'il faut adorer, découvrir la source. Si nous écoutons la "bonne presse", elle ne nous dira pas qu'il faut adorer, elle nous dira : "Engagez vous....", " Faites de la politique", et ainsi de suite, parce que c'est à la mode. Mais alors nous ne découvrirons pas la source.

    (...) Que l'autonomie foncière d'un être provienne de sa capacité de discernement, cela n'a rien à voir, encore une fois, avec le fait d'être intellectuel ou pas intellectuel ; c'est une question humaine. Ce n'est pas une question de culture ni d'information (au contraire, les gens se perdent quelques fois dans l'information, et alors ils ne savent plus); c'est une question d'intelligence et, pour le chrétien, une question de foi. La foi nous rend intelligents pour Dieu et aussi pour le prochain. (...)

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau t.2 -Ed. St Paul 1999. pp. 228-230

    ISBN : 2 85049 781 9

    Les ouvrages ainsi que les conférences  de Marie-Dominique Philippe sont disponibles à Notre-Dame de Rimont (71390 Fley. Site internet : www.stjean.com)

  • Vraie et fausse théologie

    La théologie est contemplative ou elle n'est pas, parce qu'elle parle de Dieu et que Dieu ne peut être atteint que d'une manière contemplative. Quand la théologie n'est plus qu'une analyse, et une analyse qui se veut scientifique grâce à des méthodes scientifiques, elle oublie sa finalité. Jésus nous apprend ce qu'est la théologie toute tournée vers Dieu, en mettant le langage humain au service de sa vision du Père.

     

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau t.2 -Ed. St Paul 1999. p 217

    ISBN : 2 85049 781 9

    Les ouvrages ainsi que les conférences  de Marie-Dominique Philippe sont disponibles à Notre-Dame de Rimont (71390 Fley. Site internet : www.stjean.com)

  • Puisons à la Source Jaillissante de Vie

    On peut lire l'Ecriture pendant l'oraison, parce que c'est la parole de Dieu ; il faudrait du reste avoir toujours l'Evangile avec soi, pour le lire un peu quand, de fait, c'est plus difficile. Mais si on peut répéter intérieurement certaines paroles de Jésus : "Donne-moi à boire", "j'ai soif", "si tu savais le don de Dieu", "voici l'Agneau de Dieu", "Demeurez en moi et moi en vous", c'est mieux que de lire ; ces paroles s'inscrivent alors dans notre coeur, elles sortent des profondeurs de notre coeur et nous font entrer dans ce contact direct avec Jésus, ce contact personnel avec l'époux, qu'est l'oraison. Jésus époux veut et réclame de nous cette intimité profonde, parce qu'il veut nous communiquer ses secrets. Le propre de l'Epoux est de communiquer ses secrets à l'épouse ; et les secrets de l'Epoux, c'est la parole qu'il nous adresse comme une parole d'amour qui doit s'inscrire au plus intime de notre coeur et le transformer.

    La rencontre avec la Samaritaine nous montre donc admirablement comment nous devons répondre à l'appel de l'Epoux. La rencontre de Jésus avec le fonctionnaire royal de Capharnaüm  nous fait comprendre comment nous devons exposer à Jésus Epoux les désirs les plus profonds de notre coeur. Nous devons lui dire nos angoisses, nous devons le supplier de nous redonner vie et de nous donner la possibilité de vivre tout proches de lui. L'Eglise insiste aujourd'hui sur la prière de demande pour que nous entrions dans cette pauvreté. Ne pensons pas qu'exposer les désirs de notre coeur ne fait pas partie de l'oraison. Evidemment, il ne s'agit pas de faire une litanie de nos désirs (ou des désirs de ceux que nous aimons), que nous écririons pour la débiter pendant une demi-heure... Non, cela ne ferait pas partie de l'oraison. Ce qui en fait partie, ce sont les désirs profonds qui nous font supplier Jésus de nous donner une nouvelle vie. L'Epoux donne une vie nouvelle, il ressuscite les morts : voilà ce que fait l'oraison.

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau t.2 -Ed. St Paul 1999. pp 210-211

    ISBN : 2 85049 781 9

    Les ouvrages ainsi que les conférences  de Marie-Dominique Philippe sont disponibles à Notre-Dame de Rimont (71390 Fley. Site internet : www.stjean.com)

  • sens du Shabbat

    [cf. l'infirme de la piscine de Bezatha Jn 5]

    (...) Mais pourquoi Jésus fait-il ce geste [la guérison de l'infirme] le jour du sabbat ? Il y a ici deux choses à bien saisir : le mystère du Temple et le mystère du sabbat. Le mystère du Temple, c'est la consécration d'un lieu de rencontre de Dieu avec les hommes, avec son peuple. Le mystère du sabbat, c'est la consécration du temps. Lieu et temps sont les deux grands aspects du conditionnement humain.

    Notre conditionnement psychologique est structuré par ces deux grandes "arêtes" que Kant a très bien saisies. On avait certes compris cela avant lui, mais il le manifeste d'une manière étonnante, en montrant que tout le conditionnement de notre pensée relève de l'espace et du temps. De fait, pour que son peuple lui soit vraiment consacré, Dieu réclame la consécration d'un lieu (le Temple) et la consécration du temps (le sabbat). Le sabbat a été institué avant le Temple parce que le temps est plus profondément enraciné en nous que l'espace, qui est toujours un peu plus extérieur. Notre psychisme, notre imagination, sont plus marqués par le temps, et l'ordre du temps est le premier ordre que nous découvrons (l'enfant découvre progressivement ce qu'est l'ordre dans la succession du temps). Le sabbat était là pour que la succession des jours soit consacrée à Dieu, pour que l'homme se reconnaisse comme une créature dépendante de Dieu, et pour que cette dépendance soit vécue à l'intérieur même de son travail. C'est pour cela qu'il y a toujours une opposition entre le sabbat, le repos de Dieu et le temps du travail. Le sabbat, c'est le temps de l'adoration, c'est la liturgie du don de Dieu ; c'est Dieu qui vient et qui donne, et qui veut libérer son peuple. La grande libération, en effet, se réalise par l'adoration. Nous ne pouvons nous libérer de nos esclavages que par l'adoration ; c'est elle qui nous permet d'entrer dans la liberté des enfants de Dieu (cf. Rm 8,21).

    Le jour du sabbat est donc jour de libération. Mais les hommes ont pris possession du sabbat d'une manière juridique. (...) Le grand sabbat, c'était le jour de Pâque, le jour de la libération du peuple d'Israël, le jour où Yahvé était venu au secours de son peuple esclave du Pharaon. Jésus vient redonner au sabbat sa signification profonde (...) c'est sans doute pour cela que Jésus choisit le jour du sabbat pour faire un geste purement gratuit : par là il redonne au sabbat sa signification. 

     

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau t.2 -Ed. St Paul 1999. pp 203-204

    ISBN : 2 85049 781 9

    Les ouvrages ainsi que les conférences  de Marie-Dominique Philippe sont disponibles à Notre-Dame de Rimont (71390 Fley. Site internet : www.stjean.com)

  • Adoration ou lexomil

    La seule manière de lutter contre l'angoisse, c'est l'adoration. Aujourd'hui où l'angoisse étreint le monde et saisit, en particulier, quantité de jeunes, il faut bien comprendre qu'on ne peut lutter contre l'angoisse qu'en faisant des actes d'adoration. Celui qui est angoissé dira sans doute qu'il ne peut plus en faire ; mais il faut tout de même essayer, pour tâcher de retrouver le roc. Celui  qui est angoissé s'enfonce dans du sable mouvant. C'est ce qu'il y a de terrible dans l'angoisse : plus on remue, plus on s'enlise ; on est alors complètement inhibé, ne sachant plus avancer. Il faut donc redécouvrir le roc pour pouvoir rebondir. L'adoration permet  cela, puisque nous nous appuyons alors sur le roc qu'est le coeur de Jésus. C'est avec lui, cachés comme la colombe au creux du rocher (cf. Ct 2,14), que nous faisons cet acte d'amour.

     

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau t.2 -Ed. St Paul 1999. p 175

    ISBN : 2 85049 781 9

    Les ouvrages ainsi que les conférences  de Marie-Dominique Philippe sont disponibles à Notre-Dame de Rimont (71390 Fley. Site internet : www.stjean.com)

  • La vie à fond !

    Une des grandes tentations du monde d'aujourd'hui, c'est d'oublier l'adoration : même les théologiens ne veulent plus en parler. Mais alors, la charité nous ferait l'égal de Jésus ? Il n'y a même plus de respect à son égard, il n'y a plus qu'une espèce de camaraderie, ce qui est insupportable, parce que Jésus est Dieu et que nous devons le regarder comme le Père nous l'a donné. Il est notre Dieu, il est notre Créateur en tant qu'il est le Fils bien-aimé du Père.  (...) Si nous n'adorons plus, nous ne regardons plus Jésus que comme un homme, autrement dit, nous ne savons plus qui il est. Rien d'étonnant, alors, si nous ne reconnaissons plus ses paroles dans l'Ecriture. Certains en arrivent à dire que dans l'Ecriture, il y a très peu de paroles de Jésus, peut-être une seule, et que tout le reste vient de la communauté des croyants. On voit bien la dialectique qui conduit à cela : Jésus n'est plus regardé comme Dieu parce qu'il n'est plus adoré. C'est pour cela qu'il est si important de comprendre ce que Jésus dit à la Samaritaine, à cette humanité fatiguée...

    (...) C'est la plus grande chose que Jésus réclame de nous : faire oeuvre commune avec lui dans l'adoration à l'égard du Père.

    (...) nous ne vivons au sens le plus fort que quand nous adorons, il faudrait en être convaincu. Quand nous n'adorons plus, nous sommes des êtres errants, nous perdons du temps. Il est évident que nous ne pouvons pas être toujours en acte d'adoration : nous devons travailler ! Mais le travail doit se faire à l'intérieur de cette attitude d'adoration, en se laissant transformer par elle. L'adoration met en oeuvre tout le capital de vie qui est en nous, que Dieu nous a donné ; nous le lui remettons, et par là nous nous disposons à être entièrement sous le souffle de l'Esprit saint, qui ne peut s'emparer de nous que dans la mesure où nous adorons.

     

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau t.2 -Ed. St Paul 1999. pp 169 - 170.172.173

    ISBN : 2 85049 781 9

    Les ouvrages ainsi que les conférences  de Marie-Dominique Philippe sont disponibles à Notre-Dame de Rimont (71390 Fley. Site internet : www.stjean.com)

  • Près du puits en plein midi

    Jésus désire redonner le sens de la vie à cette femme et, à travers elle, à l'humanité qui se trouve dans la même condition qu'elle - réduite à la corvée d'eau en plein midi -, cette humanité pécheresse qui ne pense plus qu'à l'efficacité, qui a complètement perdu le sens de la finalité et ne sait plus ce qu'est le sens de la vie. Le sens de la vie, ce n'est certes pas de puiser de l'eau en plein midi ! Quand nous sommes plongés dans l'efficacité, nous ne savons plus quel est le sens de notre vie.

    La vie n'a de sens que quand nous aimons, elle n'en a pas autrement. Elle n'a de sens que quand nous avons découvert une finalité, quand nous avons découvert une personne capable de nous aimer et qui nous aime. A ce moment-là la vie prend son sens ; sinon, elle reste une corvée d'eau en plein midi, ce qui peut se décliner de multiples façons, car des techniques très poussées, y compris l'ordinanteur, restent une corvée d'eau en plein midi. C'est toujours la même chose : c'est de l'ordre des moyens. Jésus vient apporter à cette femme [la Samaritaine] le don de l'Epoux, c'est-à-dire son coeur, son amour. C'est un amour tellement fort qu'il donne à l'épouse de pouvoir répondre à l'amour de l'Epoux : Mais qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif. L'eau que je lui donnerai deviendra en lui source d'eau jaillissant en vie éternelle. 

    Cette eau vive, cette charité que Jésus, comme époux, veut nous donner, doit devenir en nous une source d'eau jaillissante. (...) Jésus nous donne gratuitement son amour mais il attend notre réponse, il attend de nous une coopération. Nous recevons l'amour pour répondre à l'amour. Que Jésus, en nous donnant son amour, transforme notre coeur et lui permette d'aimer et de devenir source d'amour, n'est-ce pas la chose la plus étonnante qui soit ? Cela n'est évidemment pas entièrement vrai du point de vue d'un amour humain : ce n'est pas parce que nous aimerons une personne qu'elle sera capable de répondre à notre amour. Nous le voudrions bien, mais notre amour humain n'est pas créateur, tandis que l'amour divin l'est.

    En communicant son amour, Jésus permet cette transformation profonde de notre coeur qui devient lui-même source d'eau jaillissant dans la vie éternelle, et donc source d'amour. Voilà le don de l'Epoux ; et il se fait mendiant - Donne-moi à boire - pour que l'épouse demande. L'amour ne peut être donné qu'à celui qui réclame l'amour. Nous ne pouvons pas forcer quelqu'un à aimer ; pour communiquer l'amour, il faut que l'autre le demande. C'est pour cela que l'Epoux se fait mendiant - donne-moi à boire -, afin de communiquer ce don et pour que l'épouse comprenne qu'il faut qu'elle soit elle-même mendiante de l'amour de l'Epoux.

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau t.2 -Ed. St Paul 1999. pp 167 - 168

    ISBN : 2 85049 781 9

    Les ouvrages ainsi que les conférences  de Marie-Dominique Philippe sont disponibles à Notre-Dame de Rimont (71390 Fley. Site internet : www.stjean.com)

  • Coopérer au Salut

    (..) notre grâce est liée à la Croix du Christ ; elle a comme un poids qui la porte vers le mystère de la Croix, puisque nous sommes nés à la Croix. Ce lien n'est pas seulement une option libre (même si nous devons avoir cette option libre dans la foi et l'espérance) ; il y a dans la grâce quelque chose de plus, qui est ce lien - qu'on pourrait dire "ontologique"  avec la Croix du Christ. C'est pour cela qu'il y a vraiment en nous une orientation profonde de la grâce vers le mystère de la Croix du Christ. 

    C'est bien ce qui nous est montré ici, si nous regardons attentivement : Comme Moïse éleva le serpent au désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l'homme, afin que tout homme qui croit en lui ait par lui la vie éternelle. Notre foi porte premièrement sur le mystère du Christ crucifié ; son orientation profonde consiste à regarder Jésus crucifié comme Sauveur, c'est-à-dire comme source de vie, en comprenant que cette source de vie nous est donnée, que nous lui sommes liés. C'est important parce que, quand nous ne voulons plus regarder le mystère de la Croix, quand nous le mettons entre parenthèses, nous supprimons du même coup cette orientation profonde de notre grâce chrétienne qui nous lie au mystère du Christ ; nous faisons alors un "refoulement " surnaturel terrible, de sorte que la foi ne peut plus s'épanouir pleinement en nous. A travers la Croix du Christ, notre foi rejoint la paternité de Dieu : Oui, Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique. (...)

    Mais à ce mystère nous sommes nous-mêmes associés, en ce sens que Dieu ne peut pas, ne veut pas, nous sauver sans nous. Dieu réclame notre fiat comme il l'a réclamé de Marie. Nous sommes donc associés non seulement à la croissance de la grâce, mais aussi à notre naissance à la vie divine. Il est très important pour nous de comprendre cela, et de ne pas en rester à l'attitude de celui qui reçoit. Plus la gratuité du don est grande, plus Dieu réclame notre coopération. C'est là un grand principe de l'économie divine, et on le retrouve constamment : plus la gratuité est grande, exigeant donc de nous un état de pauvreté, un état de réceptivité, plus Dieu, en même temps, réclame une coopération aimante. La récéptivité implique donc une grande activité, puisque coopérer au don d'amour, c'est se donner. On ne peut dire son fiat à la grâce qu'en étant soi-même totalement donné. (...)

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau t.2 -Ed. St Paul 1999. pp 113 - 114.116

    ISBN : 2 85049 781 9

    Les ouvrages ainsi que les conférences  de Marie-Dominique Philippe sont disponibles à Notre-Dame de Rimont (71390 Fley. Site internet : www.stjean.com)

  • la grâce comme naissance

    Comment Jésus présente-t-il cette naissance ? C'est une question que nous ne devons pas négliger, car tout l'enseignement du Christ tourne autour de cette naissance, de même que toute la théologie de la grâce. La philosophie est là pour nous faire comprendre les dimensions de l'homme, et la théologie celles de la grâce. Insistons sur ce point : la théologie est là pour nous faire comprendre ce qu'est la vie de la grâce, et nous devons constamment revenir à cela, puisque nous ne pouvons parler de la Très Sainte Trinité que parce qu'il y a en nous cette connaturalité profonde avec le mystère de Dieu, cette naissance à la vie trinitaire.

    Jésus parle donc d'une naissance. C'est très important pour nous. La grâce n'est pas quelque chose qui vient simplement s'ajouter, contrairement à une certaine conception que l'on rencontre  parfois : on dit que la grâce vient perfectionner la nature et qu'il faut donc que la nature soit bien structurée, que les hommes soient bien évolués pour que la grâce puisse s'implanter. Celle-ci est alors conçue comme quelque chose qui vient "au sommet". C'est vrai d'une certaine façon, mais la grâce n'est pas seulement au sommet, elle est en même temps ce qu'il y a de plus radical et de plus profond en nous. Dire que la grâce vient uniquement perfectionner l'homme, permettre à l'homme d'être plus homme (on dirait assez facilement cela aujourd'hui), c'est très apologétique : " C'est merveilleux ! Voyez ce que, par la grâce, cet homme est devenu ! sans la grâce, il ne serait jamais devenu cela".  Le but de la grâce est-il de permettre à l'homme d'être plus homme ? Ou bien le premier but (la finalité) de la grâce, est-il que nous soyons  en premier lieu enfants de Dieu ? Enfants de Dieu en étant hommes, c'est cela qui est si grand. Dieu ne "boude" pas l'humain, parce qu'il a voulu l'homme comme son chef-d'oeuvre, son image. Mais en créant l'homme il ne crée pas un fils bien-aimé (cela, c'est l'oeuvre de la grâce) ; il crée une image, qui est et qui doit devenir toujours plus "à la ressemblance de Dieu".

    Il faut que la grâce arrive à transformer du dedans, et non de l'extérieur, tout ce qu'il y a en nous de grand, de noble. Du dedans, la grâce doit épanouir tout notre être. Quelqu'un qui a la foi, normalement, doit avoir une intelligence plus ouverte, plus épanouie  (disons "normalement", parce que ce n'est pas toujours le cas). Normalement, celui qui a la grâce doit avoir, par la charité, une volonté magnanime ; cela devrait être une conséquence immédiate, parce que la charité nous permet d'aimer à la manière de Dieu. Celui qui a la grâce doit normalement, par l'espérance, avoir une force plus grande, un courage plus grand. Il est normal que la grâce nous rende plus homme, parce que nous sommes créés à l'image de Dieu et qu'être enfants de Dieu, fils de Dieu, permet d'être plus homme. Mais ne confondons pas la finalité et les effets. La grâce a comme finalité de nous orienter vers Dieu immédiatement ; elle nous fait enfants de Dieu, et c'est pour cela que c'est une naissance. (...)

    Si la grâce est une naissance, elle est donc source d'une nouvelle vie. (...)

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau t.2 -Ed. St Paul 1999. pp 103 - 104

    ISBN : 2 85049 781 9

    Les ouvrages ainsi que les conférences  de Marie-Dominique Philippe sont disponibles à Notre-Dame de Rimont (71390 Fley. Site internet : www.stjean.com)

  • Avec Nicodème (2)

    Après notre naissance à la vie humaine, il y a eu une autre naissance : la naissance à la vie divine, autrement dit notre naissance dans la grâce. Parce qu'elle est naissance à la vie éternelle, cette naissance est toujours actuelle, elle nous est incomparablement plus présente que la naissance naturelle. Le "berceau" de la grâce est toujours présent, on ne le quitte jamais. Nous devons évidemment progresser dans la grâce : la grâce est une vie qui doit se développer toujours plus, et qui doit aller toujours plus loin ; mais de fait, le point de départ, notre naissance à la vie divine, est toujours présent. Si nous ne pouvons pas nous séparer de notre naissance à la vie humaine, nous l'avons cependant dépassée, et nous la dépassons ; le mystère de la grâce est autre, parce qu'il s'agit d'une réalité divine.

    Il serait intéressant de bien réfléchir sur la différence qui existe entre le devenir dans l'ordre purement physique, le devenir dans l'ordre de la vie humaine, et le devenir dans l'ordre de la grâce. On ne réfléchit pas assez sur cette question, alors qu'elle est très importante parce qu'il s'agit pour nous de vivre de plus en plus le mystère de la grâce de Dieu et d'être de plus en plus enfants de Dieu. Or le devenir de la grâce n'est pas du tout le même que le devenir de notre vie humaine. (...)

    Venons-en à la naissance à la vie divine. C'est tout à fait autre chose et son rythme est tout autre, parce que notre vie divine - à la différence de la vie humaine - est rythmée par l' Esprit Saint, elle est au rythme même de la Très Sainte Trinité. Au niveau humain, nous sommes à l'image de Dieu, ce qui est déjà très beau ; notre rythme de croissance est celui de l'image, qui implique quelque chose de spirituel et de corporel, de sensible, de charnel. Au niveau de la grâce nous sommes à la ressemblance de Dieu, et c'est autre chose. 

    Jésus rappelle donc à Nicodème ce que celui-ci risquait d'oublier : que dans l'ordre divin, dans l'ordre de la grâce, nous sommes toujours en train de naître. (...) 

                                                                      A suivre...

                

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau t.2 -Ed. St Paul 1999. pp 101 - 102

    ISBN : 2 85049 781 9

    Les ouvrages ainsi que les conférences  de Marie-Dominique Philippe sont disponibles à Notre-Dame de Rimont (71390 Fley. Site internet : www.stjean.com)

  • Avec Nicodème (1)

    La grâce est une naissance à la vie divine. Pour nous, il y a eu une première naissance à la vie humaine, puis une naissance à la vie divine, avec un intervalle (si bref qu'il ait pu être) entre les deux. Seule parmi toutes les créatures, Marie n'a eu qu'une seule naissance : c'est le privilège de l'Immaculée Conception. Elle est née pour Dieu, elle a été tout de suite conçue pour Dieu. Tandis que nous-mêmes, nous sommes tous des convertis - de la première, de la seconde ou de la onzième heure. Nous pouvons avoir été convertis dès notre berceau (nous n'en avons pas eu grande conscience !), mais nous sommes tout de même des convertis, puisque nous avons reçu le baptême après notre naissance. Et certains reçoivent le baptême beaucoup plus tard - mais peu importe : nous sommes tous des convertis, et c'est le lien entre ces deux naissances qui est à l'origine des difficultés de tous les théologiens.

    Si, en effet, on fait une erreur à ce niveau de la naissance, cela aura sur la suite d'immenses conséquences.  (...) si, sur le plan théologique, on fait une erreur de compréhension à l'égard de la naissance de l'homme - pourquoi l'homme naît-il ? et pourquoi Dieu a t-il voulu que l'homme naisse de cette manière, en dépendance d'un père et d'une mère ? - cela a de grandes conséquences.

    Dieu a voulu cet ordre de sagesse très étonnant, et il a voulu s'insérer dans la vie humaine de cette manière si extraordinaire qu'est le baptême. On discute aujourd'hui, au niveau pastoral, la question du baptême des enfants. Il est évident que cela touche la question de la grâce, et que les positions diverses présupposent des conceptions différentes de la grâce. Le mystère de la double naissance, voilà ce que Jésus expose tout de suite à Nicodème. Nous sommes nés à la vie humaine, et nous ne pouvons pas le nier puisque nous sommes là. Nous avons quitté notre berceau - du moins normalement, même si, de temps en temps, nous avons envie d'y retourner. (...)

    C'est le propre des êtres vivants : dans le monde purement physique, on abandonne ce qui est au point de départ ; dans le monde des vivants, on ne peut jamais complètement l'abandonner. On le dépasse, on l'assume, mais cela veut dire qu'il est toujours présent. Nous sommes nés selon la chair et le sang, avec un certain atavisme, puis nous avons reçu telle ou telle éducation, et nous gardons toujours cela. Il ne faut pas croire qu'on va pouvoir, à un moment donné, faire une grande rupture et supprimer tout le passé pour être "soi-même". Celui quit dit cela n'est jamais lui-même ; il ne peut pas l'être, précisément parce que le propre de l'être humain est d'assumer tout ce qu'il a vécu auparavant, en reconnaissant qu'il a reçu telle ou telle éducation, qu'il a tel ou tel atavisme, qui le conditionne (mais il peut, redisons-le, dépasser son conditionnement et ses limites).

                                                                                            A suivre...

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau t.2 -Ed. St Paul 1999. pp 99-100 -

    ISBN : 2 85049 781 9

    Les ouvrages de Marie-Dominique Philippe sont disponibles à Notre-Dame de Rimont (71390 Fley. Site internet : www.stjean.com)

     

  • Voilà la cecité du monde

    Les hommes aiment leurs oeuvres ; peu importe qu'elles soient bonnes ou mauvaises, ce qui les intéresse, c'est qu'elles viennent d'eux. Nous voyons cela aujourd'hui : beaucoup de théologiens ne cherchent plus la vérité ; ils cherchent à construire un système original qui vient d'eux.

    Sans le dire explicitement, ils pensent ceci : " la vérité, personne ne peut l'atteindre, il vaut donc mieux ne pas la chercher ; tandis que ce qui vient de nous, nous pouvons en être sûrs". Beaucoup d'hommes, aujourd'hui, cherchent ce qui vient d'eux et disent : c'est mon oeuvre, regardez, elle est magnifique." Ils ne se posent pas la question de savoir si c'est bon ou mauvais, si c'est conforme ou non à la volonté du Père et au message du Christ.

    Voilà la cécité du monde qui ne regarde plus que l'efficacité et la réalisation d'une oeuvre.

    Cette efficacité-là va directement contre le mystère de la fécondité - et c'est là sans doute, une des plus grandes luttes du monde d'aujourd'hui. Si nous regardons l'Evangile et l'Apocalypse avec attention, nous voyons qu'elle est annoncée. Le mystère de la fécondité est lié à l'amour, et donc à la finalité ; alors que la réalisation des oeuvres, si nous ne regardons que ce qui vient de nous, est liée à l'efficacité : parce que leurs oeuvres étaient mauvaises. Ils ont aimé leurs oeuvres avant tout, sans se demander si elles étaient bonnes ou mauvaises ; et en aimant leurs oeuvres, ils ont aimé les ténèbres et refusé la lumière. Si nous aimons trop nos oeuvres (que nous pensons être admirables), nous ne sommes plus capables de recevoir la lumière.

    (...) il faut oeuvrer dans la vérité, c'est-à-dire qu'il faut toujours oeuvrer avec le souci de coopérer avec le Christ ; que ce ne soit pas notre oeuvre, mais l'oeuvre du Christ.

    M.D Philippe - Suivre l'Agneau t.II - Ed. St Paul 1999 / pp. 93-94 - ISBN : 2 85049 7819

  • l'esprit d'abandon

    Seul l'abandon divin peut permettre de retrouver la paix intérieure. Mais nous ne pouvons pas être abandonnés à Dieu sans l'adoration. Autrement, nous confondons l'abandon psychologique et l'abandon divin. Or il faut bien comprendre que l'abandon psychologique n'est pas une vertu, alors que l'abandon divin, lui, est vraiment le fruit de l'amour de Dieu en nous. L'abandon psychologique revient à manquer de vertèbres : on prend la forme de la cuillère qui nous ramasse... ce qui n'est pas une qualité. Il se peut que, quand nous étions jeunes, on nous ait cassé les vertèbres, et que nous restions figés dans cette situation ; mais si nous savons qu'il y a en nous cette faiblesse psychologique, il faut demander au Saint esprit de nous transformer du dedans et il le fera. 

    Il y a aussi ceux qui ont trop de vertèbres et qui sont déterminés depuis le berceau, jusqu'à la fin de leur vie. Ceux-là ont des vertèbres, mais d'une dureté extraordinaire ; il leur faut donc demander au Saint Esprit de les assouplir. Ces deux extrèmes restent au niveau psychologique, alors que l'abandon divin, étant le fruit de l'amour et de l'adoration, est tout à fait autre chose. Il est au-delà de notre tempérament, même s'il prend des notes particulières chez celui qui manque de vertèbres et chez celui qui en a trop. L'abandon divin dépasse ces différences, en assouplissant ou en fortifiant, suaviter et fortiter (cf. Sg 8,1) L'abandon divin est donc quelque chose d'essentiel, c'est la nappe profonde de notre vie. Il faut tout le temps y revenir, par l'adoration. (...)

    Nous travaillons souvent d'une façon trop humaine, pour notre gloire ou tout simplement parce que nous avons peur, et cela n'est pas divin. Il faut arriver à travailler dans ce climat d'abandon divin. Cela ne veut  pas dire qu'on travaille avec nonchalance ; au contraire, on travaille avec une très grande ténacité, parce que c'est Dieu qui nous le demande. Nous faisons alors notre travail le mieux possible pour être des serviteurs fidèles, dans un climat d'adoration, si bien que notre travail ne peut pas s'opposer au mystère de l'oraison. 

    M.D Philippe - Suivre l'Agneau t.II - Ed. St Paul 1999 / p. 76 - ISBN : 2 85049 7819

  • pour toute l'humanité

    (...) De la même façon - et c'est particulièrement important pour le monde d'aujourd'hui -, il faut que nous travaillions avec un souci de vérité et de charité fraternelle profondes, afin de glorifier le Père par notre travail. Le travail de Nazareth est toujours un travail obscur, caché, mais il est encore une prière liturgique s'il y a l'adoration. C'est elle qui lui permet de devenir une prière liturgique tout entière offerte à Dieu, et vécue dans la charité fraternelle. Le travail obscur glorifie le Père parce qu'il est uniquement pour  Dieu, pour la gloire de Dieu, et non pas pour notre propre gloire.

    Ces trois aspects - adoration, prière liturgique, travail - font donc partie du mystère de la purification du Temple. Dans l'adoration, nous adorons pour toute l'humanité et pour tout l'univers. Dès que nous adorons et que notre adoration est vraie, dès que nous reconnaissons que nous sommes en dépendance totale à l'égard de Dieu, nous sommes alors, de fait, au centre de tout l'univers. Nous adorons toujours en tant que nous sommes une partie de l'univers, et c'est pour cela que notre corps n'est pas étranger à l'adoration. (...)

    Il ne faut donc jamais adorer pour soi tout seul, mais il faut le faire pour toute l'humanité d'aujourd'hui, pour la remettre en dépendance de Dieu. (...)

    M.D Philippe - Suivre l'Agneau t.2 - Ed. St Paul 1999, pp. 75 - 76

  • l'Oraison II

    Et saint Thomas ajoute - il s'agit là d'une petite remarque très importante - que Marie est toujours invitée...même si nous ne l'invitons pas. Il vaut mieux bien sûr l'inviter ; mais, dès que quelqu'un désire faire oraison, Marie est présente. Comment ne le serait-elle pas, elle qui a un tel désir de voir notre âme s'orienter vers le coeur de l'Agneau ? Marie voudrait tant que nous entrions dans les désirs les plus profonds du coeur du Christ, qu'elle est toujours là. Saint Thomas ajoute qu'elle a un rôle à jouer, si nous la laissons faire, et surtout si nous le lui demandons : elle nous unit au Christ, et elle hâte l'heure du Christ. (...)

    Marie est donc invitée pour hâter l'heure du Christ et nous unir à lui, parce que nous sommes tous indigne de l'oraison et de la contemplation. Ne disons pas : "Moi, je ne suis pas digne de l'oraison, je ne suis pas digne de la contemplation." C'est tout simplement de la bêtise, parce que personne d'entre nous n'en est digne. Nous sommes tout juste bons à être des serviteurs, ce qui n'est déjà pas si mal. Nous avons une bonne volonté, nous essayons de remplir d'eau les cruches, et, autant que possible, de les remplir jusqu'au bord. Voilà ce que nous faisons. Nous sommes bons à cela. Mais Jésus veut quelque chose de bien plus grand : il veut que nous entrions dans son intimité. Marie en a hâte, et c'est pour cela qu'elle présente notre âme à Jésus, qu'elle nous porte à Jésus afin de nous introduire dans son intimité. C'est cela la hâte de la Mère, dans son désir de nous voir pénétrer tout de suite dans le mystère de Jésus, dans le mystère de son amour. (...) Tout le rôle maternel de Marie sur nous est là présent, car son plus grand désir est que notre coeur soit changé dans le coeur du Christ. C'est même le seul désir de son coeur (...)

    Il n'y a donc pas de méthode d'oraison, mais il y a la présence de Marie qui est comme le milieu divin dans lequel nous pouvons faire oraison. C'est elle qui nous prend pour nous introduire dans l'intimité de Jésus; grâce à elle c'est beaucoup plus simple et plus rapide, parce que Jésus est particulièrement attentif à ses désirs et à sa prière. Marie ne cesse de prier Jésus pour nous, afin de nous introduire dans l'intimité du coeur de son Fils. (...)

    Il y a toujours les ouvriers de la onzième heure, même dans le domaine de l'oraison. La Très Sainte Vierge peut, en un instant, réparer tout le temps perdu et nous introduire dans une très grande intimité, une intimité qui est peut-être réservée aux petits derniers.   

    M.D Philippe - Suivre l'Agneau t.II - Ed. St Paul 1999 / pp. 39-40 - ISBN : 2 85049 7819

  • l'oraison I

    Saint Thomas, lorsqu'il commente ce  passage dans son Commentaire sur l'Evangile de saint Jean, le fait en théologien contemplatif, c'est-à-dire en mettant toute sa rigueur doctrinale au service d'une lecture contemplative de l'Ecriture, pour en expliciter d'une manière ultime le sens "mystique". Le mystice de saint Thomas est difficile à bien comprendre, parce que nous ne sommes plus du tout habitués à un tel regard.

    Nous avons souvent perdu le sens mystique de l'Ecriture, alors que nous sommes très attentifs au sens littéral, même si, quelquefois, nous le comprenons très mal. Pour saint Thomas, le sens mystique, c'est justement le sens ultime, parce que la parole de Dieu est ordonnée à l'amour.

    Ce sens mystique est donc, d'une certaine manière, relatif à la finalité. Cela doit nous aider à comprendre ce que Cana doit être pour nous. Saint Thomas n'hésite pas à dire - et c'est sans doute la trouvaille d'un saint qui commente saint Jean - que les noces de Cana, prises d'une façon mystique, représentent le mystère de l'oraison, un mystère de rencontre avec Jésus. C'est très audacieux, de dire cela.

    La première chose que Jésus nous enseigne serait donc l'oraison. Il n'est alors pas étonnant que le premier moment de la vocation chrétienne (cf Jn 1,38-39)  soit de suivre "l'Agneau partout où il va" (Ap 14,4).

    Le mystère de l'oraison est le mystère des noces de notre âme avec Jésus. Il est peut-être bon de nous rappeler que, quand nous allons à l'oraison, nous allons à des noces. Alors, pas besoin d'attendre que la cloche sonne ! On y va "en toute hâte" (Cf Lc 1,39), puisque c'est un mystère de noces. "Au sens mystique, nous dit saint Thomas, les noces signifient l'union du Christ et de l'Eglise". Et l'oraison, mystère de noces, est la transformation de notre coeur dans le coeur du Christ. C'est, sous le souffle de l'Esprit Saint, l'exercice le plus divin de la charité, qui consiste à n'être plus qu'un avec Jésus, avec l'Agneau, avec son coeur.

    Si nous aimons, nous voulons aller tout de suite à l'essentiel ; et l'essentiel, c'est que notre coeur soit un avec le coeur de Jésus. Nous, nous apportons à l'oraison l'eau, notre bonne volonté, et Jésus la transforme. C'est lui qui réalise ce mystère d'unité parce que nous ne pouvons pas, par nous-mêmes, "faire oraison". Par nous-mêmes nous pouvons méditer, en bons serviteurs ; mais entrer dans l'oraison, vivre de l'oraison, nous ne le pouvons pas par nous-mêmes. Jésus  seul peut réaliser cela en nous. Cependant il demande notre bonne volonté, il demande que les jarres soient remplies d'eau "jusqu'au bord", c'est-à-dire que notre bonne volonté soit totale et que nous ayons le désir de tout remettre à Jésus. Il peut alors transformer notre bonne volonté en son amour.

    Comme c'est simple ! Mais aussi, quelle audace de la part du théologien, d'affirmer que le mystère de l'oraison est toujours un mystère de noces, les fiancailles de notre âme avec Jésus.

    (à suivre)

    M.D Philippe - Suivre l'Agneau t.II - Ed. St Paul 1999 / pp. 37-38 - ISBN : 2 85049 7819

  • Co-naître

    Jean-Baptiste connaissait sûrement Jésus d'une connaissance humaine, historique, mais il ne le connaissait pas de l'intérieur. C'est vrai aussi pour nous : nous avons tous connu Jésus d'une façon historique, par les Evangiles ; nous avons même peut-être fait des études théologiques. Il y a des théologiens qui connaissent Jésus théologiquement, qui l'ont étudié, mais qui n'ont pas l'expérience d'une relation personnelle avec lui, alors que toute la vie chrétienne suppose cette expérience intérieure et personnelle. Quand nous avons cette expérience, l'Esprit Saint, subitement, fait tomber le voile et nous met devant celui qui se donne à nous, l'Agneau.  Jean-Baptiste a dû être bouleversé par cette découverte.

     

    M-D. Philippe - Suivre l'Agneau t2 - Ed St paul, 1999 p. 15  ISBN : 2 85049 781 9