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  • désaxé

    182 Une humanité qui n'a pas la certitude d'être aimée est malheureuse. Il n'est pas obligatoire que l'aventure humaine se fasse à travers tant de catastrophes, de misères, de souffrances et de meurtres. Ce n'est pas nécessaire du tout. Mais si on cherche à fabriquer un "homme nouveau" à coups d'idéologie, de pouvoir, de sciences, ce soi-disant homme nouveau ressemblera aux vieilleries du monde, aux vieilleries mythologiques.

    182 Ce qui nous empêche de nous en apercevoir, c'est peut-être que notre foi n'est pas grosse comme un grain de sénevé. Alors, cette expérience de foi reste médiocre et fragile. Elle ne se révèle pas à nos propres yeux, dans sa propre logique, dans sa propre vérité. Et cette médiocrité nous tue. Alors que le plus grand pécheur du monde, s'il garde cette certitude d'être aimé de Dieu, peut être un témoin de l'amour de Dieu. Il en sera témoin dans son péché même. Mais le médiocre, celui qui est inconsistant comme un brouillard, n'aura pas la certitude d'être aimé, tout en cherchant frénétiquement cette certitude comme si c'était son oeuvre propre.

    182 Cette certitude, on ne la trouve que dans une relation qui nous engage. " Ta foi t'a sauvé", dit le Christ, qui ne dit jamais : "Je t'ai sauvé". Ce sont nos faux dieux qui nous disent : " Je t'ai sauvé, alors sois-moi reconnaissant."

    (...)

    186 Quelquefois, nous entendons la question : " Quel est le spécifique de la foi chrétienne" ? On doit répondre : " C'est que Dieu est amour". Cette certitude est à reconnaître personnellement, dans l'initiative de Dieu. Alors, elle nous libère à la source (...)

    Pierre Ganne - " Etes-vous libre ?" Ed. Anne Sigier 2008 - ISBN 978- 2 - 89129 - 556 - 7

  • Avant Freud, déjà

    (...) Pourquoi parler de redécouverte dans le cas des théories freudiennes ? Parce que Freud a fini par prendre conscience que d'autres avant lui avaient exploré cet aspect méconnu de la psyché. Au cours de ses recherches, il s'est documenté et s'est alors aperçu qu'il n'était pas tout seul à penser ainsi. Il s'est alors intéressé aux "possédés de Loudun" et a écrit à un de ses correspondants que la façon dont le père Surin s'y était pris pour essayer de libérer ses malades faisait de lui le véritable inventeur de la psychanalyse : " Ce n'est pas moi, c'est le père Surin", écrit Freud.

    S'il était remonté plus haut, il aurait trouvé d'autres inventeurs. Il aurait découvert que, depuis bien longtemps avant Ignace de Loyola, on parlait de "discernement des esprits". Selon cette expression, on ne s'occupe pas des "esprits", mais des états d'esprit que sont les pulsions, les passions qui nous travaillent dans un sens ou dans l'autre. Une certaine agitation des esprits qui nous tire tantôt d'un côté, tantôt d'un autre.

    Ignace de Loyola avait attiré l'attention là-dessus. Car quelqu'un qui essaie de se recueillir, de reprendre conscience de lui-même, de se désaliéner s'aperçoit qu'il n'est pas sur un terrain neutre où il n'a qu'à se mettre en roue libre ! Il s'aperçoit qu'il est sur un terrain mouvementé, un terrain qui n'est autre que sa propre personne. Quand un retraitant se met en silence, quand il est en retraite, les pulsions qui l'habitent prennent un relief extraordinaire et c'est le silence qui lui fait prendre conscience du bruit.

    Le retraitant est agité par divers esprits, il est le siège de pulsions dont il n'est pas  maître. Et c'est normal, justement. Ignace de Loyola dit que si ce retraitant n'est pas agité par des esprits, il faut le renvoyer, il n'est qu'un caillou inerte, mais que, s'il est agité par les esprits, il y a une genèse possible, à condition d'interpréter.

    Au départ, saint Ignace voit le jeu des pulsions dans deux sens qui s'opposent :

    - la désolation,

    - ou la consolation

    (...)

    De tout temps, des spirituels dans le monde, y compris les Pères du désert, ont fait des analyses selon la même méthode. Ils s'efforçaient de décrypter, par une relation à l'autre, par l'amitié, par un lien de confiance mutuelle entre deux êtres, la capacité de chacun à aider l'autre à s'unifier, à devenir lui-même. Aujourd'hui, on s'imagine que c'est l'autre qui nous unifie, alors qu'on ne fait ainsi qu'un transfert. C'est plutôt l'être humain qui s'auto-unifie. Sinon, on est dans la dépendance de l'autre, et le jour où on s'en rend compte, la reconnaissance risque de se changer en haine !

    Si le directeur de conscience est impérialiste - et il y en a -, il pourrait bien se dire : " C'est moi qui vais unifier cette personne, c'est moi qui vais la guérir" ! C'est un danger terrible, auquel le retraitant peut facilement s'exposer s'il n'a pas le courage de se retrouver par lui-même. (...) Ignace de Loyola n'a jamais parlé de "diriger les âmes". Pour lui, l'important était d'aider l'autre à s'unifier lui-même. Parce que, s'il ne s'unifie pas lui-même, c'est une catastrophe. 

      

    Pierre Ganne - Etes-vous libre ? - Ed Anne Sigier 2008 p. 161-64. ISBN 978-2-89129-556-7

  • la vie spirituelle

    La vie spirituelle ne s'oppose pas à une autre vie qui ne le serait pas. La vie spirituelle, c'est la vie tout court. C'est un chemin quelque peu tortueux. La vie spirituelle, c'est l'homme rendu à lui-même, dans son coeur, dans son être profond. C'est l'homme qui n'est plus étranger à sa propre existence d'homme. (Alors que, dans notre monde, beaucoup d'aspects de notre existence restent étrangers à notre vie humaine.) C'est un homme libre qui ne se précipite pas tête baissée dans sa profession. C'est un homme qui ne devient pas un personnage. C'est un homme que sa liberté immunise contre la peur, la peur insensée, cette peur qui crée une sorte de révolte instinctive ou une triste résignation ! C'est un homme qui assume son existence à partir de son coeur, de sa liberté.

    Voilà tout ce que sous-tend une saine vie spirituelle.

    Pierre Ganne - Etes-vous libre ? - Ed Anne Sigier 2008 p. 154. ISBN 978-2-89129-556-7

  • cocréateurs

    La création, c'est Dieu qui nous dit : " Tu es responsable de ton existence, dans le temps et dans l'éternité." Cette responsabilité nous exprime tout l'amour de Dieu, qui veut que nous soyons comme lui, créateurs. 

    Pierre Ganne, op. cit. p.146 

  • là se joue votre vie

    Qu'est-ce que les gens découvraient en Jésus Christ pour le suivre, pour suivre un type que les autorités n'avaient pas reconnu ? Ils découvraient en lui une puissance absolument pure de toute domination qui les séduisait, parce qu'une telle puissance est aimable. Mais pour l'accueillir et aller vers elle, pour y adhérer, il fallait aller contre toutes les pressions sociales. C'est pourtant avec un esprit libre de ce genre qu'on fait des hommes ! Et il a fallu beaucoup de courage aux apôtres du Christ pour s'engager à sa suite.

    " Le Christ, c'est l'homme pour les autres ", dit-on parfois. C'est d'abord l'homme pour son Père, et il n'est l'homme pour les autres que parce qu'il est d'abord l'homme pour son Père." (p.134)


    " Qu'est-ce une culture ? " la réponse devrait être simple. Selon moi, la culture d'un homme, la culture humaine, porte d'abord sur le jugement de l'homme. Le jugement nous sert à conduire notre vie. On peut multiplier les formules à l'infini, mais, essentiellement, un homme cultivé, c'est celui qui, sur une question, va droit au coeur du sujet. Il s'agit d'une culture du jugement. (...) Dans les Evangiles, le conflit entre le Christ et les pharisiens porte justement sur cette question. Le Christ reproche aux pharisiens de manquer de jugement. Leur culture de la foi est déficiente. Ils ne savent plus où est l'essentiel. Alors, ils ne peuvent plus se conduire et encore moins conduire les autres. (P.138)

    (...) Saint Paul ne discute pas de ce qui divisait les Corinthiens. Il leur dit : " Le Christ et la connaissance du Christ, la rencontre personnelle du Créateur dans le Christ, c'est là que se joue votre vie et c'est là l'essentiel." L'existence de l'Eglise, sa vie quotidienne, dépend de la foi formée de ceux qui adhèrent à l'Eglise. Il n'y a pas de foi par procuration. Et quand Jésus dit : " Ta foi t'a sauvé ", il ne peut s'agir que d'une foi approfondie.
    Nous devons prendre conscience de notre responsabilité de chrétiens. nous ne pouvons pas faire jouer cette responsabilité dans une pouponnière où chacun pense qu'il n'est pas responsable de l'Eglise, qu'il y a des curés pour cela et qu'ils sont responsables pour moi. (P.142)

     

    Pierre Ganne - " Etes-vous libre ?" Ed. Anne Sigier 2008 - ISBN 978- 2 - 89129 - 556 - 7

  • Qui me voit

    " Qui me voit voit le Père " ( Jn 14,9). Qui me voit en croix voit le Père qui lui dit, dans sa Parole, qu'il n'a aucun dessein de domination sur lui. C'est même le seul dessein dont on peut être sûr. Il est tout de même libérateur de penser que notre existence repose sur une relation pure de toute domination, sur une relation qui n'a aucun projet de domination sur nous. Est-ce la caractéristique des relations que nouent entre eux les chrétiens ? C'est à eux de le dire. Mais si c'était vraiment le cas, cela se saurait. Hélàs ! je crois que nous en sommes encore à une vision esclavagiste des relations humaines et des relations que nous avons avec le Créateur. Si nous en libérions notre coeur, tout pourrait commencer différemment. 

    (...)

    Si nous nous mettons à aimer Dieu, nous ne pourrons pas lui faire l'injure de l'accueillir, lui absolument aimable, et, en même temps, d'avoir avec les autres des relations qui nient cette puissance démunie de toute domination. Nous ne pouvons pas faire à Dieu l'injure de rêver avec lui de cette relation pure de toute domination, et de vivre une relation pleine de domination avec les autres. "Ayez les mêmes sentiments que le Christ Jésus". (...)

    (...), il ne s'agit cependant pas de tomber dans le culte de l'impuissance. Il ne faudrait pas que des chrétiens plus ou moins masochistes s'orientent dans cette direction-là. Il s'agit plutôt de découvrir la puissance capable de faire éclore la liberté, parce que c'est cela la création. (...)

    Pierre Ganne - Etes-vous libre ? - Anne Sigier , 2008 pp. 119-121    

  • S'ils se réveillaient !

    Si les chrétiens se réveillaient, s'ils se réveillaient  tous avec cette pauvreté du coeur, quel courant d'air frais ce serait dans le monde ! Devant eux, les idoles seraient mises à bas de leur socle ! Etre chrétien, c'est être libre devant les puissances aussi bien matérielles qu'idéologiques, celles qui n'ont de cesse qu'elles se soient emparées de l'esprit de l'homme, de la conscience de l'homme. Pour ces raisons et pour beaucoup d'autres, parler de liberté, c'est parler de pauvreté. Mais on ne sait plus ce qu'est la pauvreté ! Et pourtant, comprendre la nature véritable de la pauvreté est décisif et essentiel, et toute l'intelligence de l'Evangile en dépend.

    (Pierre Ganne ajoute en note : d'une certaine façon, l'Evangile ne s'enseigne pas de façon abstraite. Un tel enseignement serait très dangereux. En même temps qu'il s'enseigne, il faut une formation du coeur, de la conscience, de l'intelligence, car il appelle à une responsabilité. Sinon, il demeurerait séduisant, certes, mais il deviendrait tout de même une idéologie.)

    Pierre Ganne - Etes-vous libre ? - Ed. Anne Sigier 1978 p. 76

  • les idoles de notre monde

    Dans l'Ancien Testament, en Israël, à peu près vers l'époque de l' Exil, quelques prophètes et leurs disciples étaient désignés par l'expression "les pauvres de Yahvé". C'était pendant la grande période prophétique (...) mais ce ne sont pas d'abord leurs conditions de vie qui en ont fait des "pauvres de Yahvé"  Cette pauvreté venait avant tout d'une décision du coeur, parce qu'ils avaient véritablement compris la parole de Dieu. (...) Ces hommes libres ont refusé d'être conduits par les puissances de ce monde non pas parce qu'elles sont mauvaises ou démoniaques, mais parce qu'elles dévient tout doucement et deviennent idolâtriques.

    Les pouvoirs politico-culturels de l'époque, les Assyriens, les Ninivites, même les Perses et les Grecs, pour Israël, étaient des puissances qui, par leur seule présence massive, leur emprise, leur domination, lui disaient : " Ton avenir dépend de moi ; alors sois gentil et obéissant, et nous arriverons à un modus vivendi , car ta destinée dépend de moi, comme ton bonheur."

    Dans notre monde actuel, certaines puissances politico-culturelles nous tiennent le même langage. (...) Elles nous disent : " Ton avenir dépend de moi." (...) C'est cela, l'idolâtrie.

    Les idoles d'aujourd'hui n'ont rien à voir avec les statues qu'on adorait autrefois. (...)

    C'est ainsi que l'argent (mais pas lui seul) peut devenir une idole, quand un être humain décide que sa destinée se résume à gagner le plus d' argent possible, à bénéficier de la puissance que l'argent donne, de l'influence qu'il permet, etc.  (...)

    La question décisive : sur quoi fonder mon espérance ?  (pp. 67-71)

    P. Ganne - Etes-vous libre ?  - Ed Anne Sigier 2008 - ISBN 978-2-89129-556-7.

  • l'inessentiel

    Dans l'Evangile, Jésus dénonce le mal qui tue l'Evangile dans les coeurs. Ce mal, ce n'est pas nos péchés, c'est plutôt le mal pharisaïque, dont l'hypocrisie n'est qu'une conséquence. Le pharisien ne joue pas la comédie. S'il joue la comédie, ce n'est qu'un menteur. En fait, le pharisien ne sait pas qu'il est pharisien, et c'est son malheur. Le pharisien est devenu incapable de discerner l'essentiel dans le rapport à Dieu et aux autres , dans l'existence. C'est cela qui tue l'Evangile. Au chapitre 23 en Matthieu, Jésus dit : " Vous acquittez la dîme... mais vous oubliez l'essentiel : la justice, la miséricorde, la droiture du coeur, la droiture de la conscience." Quand il s'agit de notre vie, de notre existence, ne plus savoir l'essentiel, c'est être radicalement "paumé". Et c'est un grand malheur parce que c'est à partir de l'essentiel que tout le reste se met en place.

    Nous devons retrouver l'essentiel, et le reste sera donné par surcroît. (...) La foi est une intelligence de la vie. La foi est une espérance dans laquelle la vie trouve sens. (...)

    Aujourd'hui, alors que sévit ce qu'on appelle "la déprime", la dépression psychique, des êtres humains gaspillent leur vie bêtement en cédant leur intelligence à l'inessentiel. Ils tombent dans le vide, dans le vertige, dans le dégoût de vivre.

    (...)

    Avec les béatitudes, Jésus nous dit que l'essentiel de la vie commence par l'esprit de pauvreté et que l'essentiel de la vie se décide là. (pp 64-67)

     

     

    P. Ganne - Etes-vous libre ?  - Ed Anne Sigier 2008 - ISBN 978-2-89129-556-7

  • quand la vérité devient répressive

    (...) il nous faut éviter ce divorce catastrophique du couple vérité-liberté. Et cela  nous concerne personnellement. La vérité de l'homme ne peut se trouver que dans une relation de liberté avec les autres et avec Dieu, une relation de liberté où se révèle la vérité. C'est la définition même de la foi évangélique : "La vérité vous rendra libres." On peut aussi dire : " La liberté vous rendra vrais, vraiment hommes."

    Dans notre monde, le divorce entre la vérité et la liberté est poussé très loin. Et quand il s'installe dans le coeur d'un homme, celui-ci est complètement déshumanisé. Alors la vérité devient répressive. Le concile de Vatican II a justement fait réfléchir et a favorisé l'élaboration de textes sur la liberté de conscience. Des résistances, il y en a eu ! Elles venaient d'une conception de la vérité conçue indépendamment de la liberté et sous des formes naïves qui ont subsisté pendant longtemps dans l'Eglise. Le pape Jean-Paul I er disait qu'il avait été, au départ, un peu réticent et presque scandalisé par certains textes conciliaires parce qu'il vivait de cette conception  très répandue selon laquelle la vérité a tous les droits, tandis que l'erreur n'a pas de droits. Elle n'a pas le droit de s'exprimer puisqu'elle est l'erreur !

    Mais la vérité et l'erreur ne sont pas sujets de droits, ce sont la femme et l'homme qui sont sujets de droits. Dire que la vérité a tous les droits ne veut rien dire. La vérité n'est pas un sujet juridique ni même un sujet à quelque titre que ce soit. Le sujet, c'est l'homme. C'est dans le coeur de l'homme que la vérité se concrétise et se déploie, grâce à la liberté, et c'est la liberté qui rend vrai. Sinon, tous nos beaux discours aboutissent à des conclusions totalitaires.... (pp 56-57)

    P. Ganne - Etes-vous libre ?  - Ed Anne Sigier 2008 - ISBN 978-2-89129-556-7

     

  • notre adhésion à l'Eglise

    (...) Notre adhésion de foi à l'Eglise peut comporter des parasites, des virus, qui l'infectent. Nous formons alors une Eglise d'irresponsables, une masse de chrétiens irresponsables, la responsabilité étant réservée à certains membres de l'Eglise, regroupés au sein du clergé. Ce système-là, le clérical, est celui de tous les totalitarismes (car il y a aussi des cléricalismes politiques). Comment sortir de cette situation ? Ce n'est pas en l'inversant simplement, comme font certains laïcs qui jouent au curé et qui ne sortent pas du cléricalisme en entretenant un ressentiment contre le clergé.

    Cet infantilisme peut parasiter un immense groupe comme celui que forme l'Eglise. Les déperditions sont alors terribles. Il faudrait faire l'histoire de l'irresponsabilité organisée dans l'Eglise - des historiens et des sociologues l'ont déjà d'ailleurs tentée. Nous demandons souvent à l'Eglise de nous décharger de nos responsabilités, justement. Nous lui demandons des réponses toutes faites qui nous tireraient automatiquement de l'angoise existentielle. Or, l'angoise d'exister peut-être positive si j'y réponds par moi-même, ce qui ne veut pas dire par moi seul.

    (...)

    Il peut y avoir une adhésion à l'Eglise pour participer à une puissance collective. Il n'est pas douteux que dans le passé, les Eglises ont été des puissances du monde, des puissances culturelles et des puissances politiques, directement ou indirectement. Le contraire aurait été étonnant. Du fait de son existence dans le monde, un groupe énorme a nécessairement une influence politique et culturelle. La question se pose : "Que fait-on de cette puissance ? La considère t-on comme l'essentiel ? Ne fonde-t-on pas son espérance sur cette puissance ?" - ce qu'il ne faut jamais faire car c'est de l'idolâtrie.

    Or, beaucoup de chrétiens, dans leur inconscient, adhéraient à l'Eglise parce qu'ils avaient la satisfaction de participer à un groupe puissant et qu'ils interprétaient cette puissance comme une puissance politique, ou comme une puissance culturelle, ce qui fait plus "distingué" que le politique, mais ne vaut guère mieux dans la mesure où il s'agit de domination. (...)

    La "chrétienté" aussi possède le pouvoir de créer l'illusion. Quand un groupe chrétien est assez considérable, assez massif dans une région ou un pays (comme c'est arrivé dans les siècles passés où presque tout le monde était chrétien, ceux qui ne l'étaient pas faisant parfois semblant de l'être pour avoir la paix), on se dit, implicitement : "Voilà, l'avenir de la foi est assurée !" Tous les gestes sont chrétiens dans les églises, dans les familles, dans les relations...Or, il s'agit dans les faits d'une illusion de chrétienté, une illusion assoupissante qui nous fait oublier que l'éducation de la foi est une éducation de la liberté, dans le rapport à Dieu et aux autres, et qu'une éducation de la liberté ne peut se faire par le seul conditionnement. (pp. 50-53)

    Pierre Ganne - " Etes-vous libre ?" Ed. Anne Sigier 2008 - ISBN 978- 2 - 89129 - 556 - 7

     

  • Albert Camus : " j'ai des amis catholiques"

    Le 7 janvier 1960, je suis en fin de tournage [le dialogue des Carmélites]. La veille, après visionnage des "rushes", je suis rentré chez moi à Versailles et me suis couché au plus tôt, pour être sur le plateau le lendemain à neuf heures. Le 7, j'arrive au studio, comme d'habitude en avance sur les autres. Je vais boire un café à la cantine. Un journal traîne sur la table : en première page, un titre : Camus a été tué dans un accident de la route. Michel Gallimard conduisait. Il est lui-même mourant.

    Rien comme la mort pour vous révéler les liens qui vous rattachent à un être. Camus est mort. Mon premier réflexe : je prie aussitôt pour lui. Depuis l'enfance, j'ai ce réflexe devant la mort. Je sais qu'elle n'est qu'une mutation décisive, et, à vrai dire, je n'éprouve aucune inquiétude pour Camus : s'il y a jamais eu au monde un homme de bonne volonté, l'un de ceux à qui fut promise la paix, c'est bien lui. Il se disait animé d'une "incroyance passionnée". Je suis moi-même possédé par une foi passionnée. Quelle surprise pour-lui d'avoir subitement changé de registre : plus d'espace, plus de temps, plus de catégories rationnelles dont il s'est toujours méfié, mais l'âme toute nue, comme on est nu à la naissance, et recueillie en des mains maternelles. "La chute", "l'exil", "le Royaume", ce qui n'était pour lui que mythes littéraires, tout cela maintenant a pris son poids dans la réalité, la réalité d'un monde autre. (...) Dans la ténèbre de cette mort soudaine, il m'a semblé saisir pour la première fois l'âme de Camus comme l'éclair révèle dans un miroir l'iamge fugitive du reflet d'un autre". (Bruckberger pp.102-103)

    " J'ai des amis catholiques, et pour ceux d'entre qui le sont vraiment, j'ai plus que de la sympathie, j'ai le sentiment d'une partie liée. C'est qu'en fait ils s'intéressent aux mêmes choses que moi. A leur idée, la solution est évidente, elle ne l'est pas pour moi...Mais ce qui nous intéresse, eux comme vous, c'est l'essentiel ". Lettre d' Albert Camus à Francis Ponge - 30 août 1943 (Pléiade, Essais, p.1596)

     

    " J'ai dû mal m'expliquer avec Camus, pour moi la solution n'est pas "évidente". saint Augustin a dit : " Qu'y a-t-il d'étrange à ce que tu ne comprennes pas. Si tu comprends , ce n'est pas Dieu ! " C'est vrai, pourtant, que je ne saurais trouver meilleure définition à l'amitié, entre Camus et moi, que celle d'une "partie liée" (Bruckerberger pp.99-100)

     

    " Les femmes étaient prêtes, bien peignées, parfumées, bijoutées, élégantes. Il est étonnant qu'une cabine de bateau, si exiguë, contienne tant de colifichets. Le repas puis le retour vers le bateau, tard dans la nuit, sont la fête des retrouvailles. La conversation est légère, futile, avec cette insouciance et cette gentillesse que nous avons toujours eues entre nous, la rosserie parisienne laissée au vestiaire. On vivait.  On riait, jouissant à plein de la minute présente, de sa grâce, de la douceur de la nuit hellénique. Que notre joie est juste, sonne juste ! Avant de se quitter, on se promet, on se jure, de refaire cette réunion à Paris, avec les mêmes, rien que les mêmes, pas un de plus, pas un de moins. Quand ? On a bien le temps d'y penser. Non ! on n'a plus le temps. Avant dix-huit mois, Camus et Michel Gallimard seront morts.

    Cette ultime rencontre sur le port de Rhôdes a eu sur-le-champ, et pour moi plus encore par la suite, quelque chose  de tout à fait miraculeux. Décidément, ici-bas, nous ne voyons jamais que l'envers d'une tapisserie, interminable comme celle de Bayeux, et dont l'endroit ne se dévoile que le temps d'un éclair : brefs et épars coups de projecteur sur mon destin, et qui restent la plupart du temps indéchiffrables. Toute ma vie est tissée de rencontres fortuites et majeures. (pp.100-101)

    R.L Bruckberger - A l'heure où les ombres s'allongent - Albin Michel 1989 ISBN 2-226-03619-9

     

     

  • lectio 12 : notre aventure

    Nous ne possédons rien : la Bible est notre trésor ; nous avons fait voeu de stabilité : la Bible est notre espace, notre pâturage ; nous nous sommes retirés dans la solitude : l'Ecriture est notre compagnie, notre société, et il n'est pas un seul des personnages qu'elle met en scène, depuis Adam jusqu'aux comparses des Epîtres de saint Paul, dont nous ne soyons contemporains. (...)

    L'Ecriture est notre Terre Promise, notre royaume, notre aventure ; une aventure d' exégèse qui engage toute notre vie. Jusqu'à ce que le Seigneur lui-même nous introduise au-delà des mots et des figures, au-delà des consonnes, dans le feu où il habite et d'où il nous parle, nous devons garder une âme de nomades et poursuivre, joyeux, notre quête, en inlassables pèlerins du Sens. Jésus ressuscité nous rejoint sur la route et nous y accompagne, Lui, le Sens, la Plénitude et l'Exégète de l'Ecriture, à l'approche duquel prennent feu, prennent fleurs, les coeurs et les consonnes.  

    François Cassingena-Trévedy - "Quand la Parole prend feu"

    abbaye de Bellefontaine 1999/2007.    p. 81          

     ISBN 978-2-85589-086-9 

    François Cassingena-Tréverdi est moine de Ligugé : www.abbaye-liguge.com

  • lectio 11 la cathédrale du Sens

    Quand tu t'adonnes à la lectio divina, tu te trouves impliqué dans une oeuvre qui te dépasse et te déborde de toutes parts, tu entres dans un chantier comme un ouvrier parmi une foule d'autres ouvriers. Dans l'exercice de cette activité-là en effet, tu es, à un titre tout particulier, membre de l'Eglise, du Corps total. C'est toujours en cette qualité de fils et de membre de l'Eglise que tu dois rencontrer la Parole dont l'Eglise seule est la véritable interlocutrice et la véritable dépositaire. A travers l'humilité, l'obscurité, la solitude de ta lectio divina, quelque chose d'immense et de grandiose s'élabore : à travers toi et en toi, c'est l'Eglise qui accomplit son intériorisation cordiale de la Parole. " Marie gardait et comparait en son coeur..." (Lc 2,19) Te voilà donc devenu comme une chambre haute de cet immense Coeur ecclésial qui, de la Pentecôte à la Parousie, n'en finit pas de garder, de comparer, d'approfondir les Ecritures ; comme un miroir, une facette de cet immense Corps oculaire, de ce Vivant constellé  d'yeux (cf. Ap 4,6) qui n'en finit pas de regarder.

    Puisque tu n'es pas seul, puisque tu n'es ni le premier ni le dernier dans cette entreprise d'investigation du sens de l'Ecriture, puisque tu y fraternises silencieusement avec tous ceux qui, avant toi, en même temps que toi, après toi, interrogent le même Livre, tu comprends alors aisément la dignité de ta lectio divina, son importance, sa nécessité même. Quand bien même rien ne devrait jamais s'ébruiter au-dehors de tes découvertes dans l'univers des Ecritures, ton exégèse personnelle et toute secrète importe à la construction de la "cathédrale du sens", à cette exégèse totale, communautaire, "catholique", dont l'Eglise pérégrinante à travers l'histoire est le sujet et qu'elle offre comme une réponse nuptiale, un hommage à son Seigneur qui lui a parlé. Chaque verset des Ecritures est un son émis par la bouche de Dieu dont les ondes doivent parvenir "jusqu'aux extrémités du monde" ( Ps 19,5) et se répercuter dans la caisse de résonnance que leur offre le coeur de chaque homme qui les perçoit. (...)

    François Cassingena-Trévedy - "Quand la Parole prend feu"

    abbaye de Bellefontaine 1999/2007.    p. 74-75           

     ISBN 978-2-85589-086-9 

    François Cassingena-Tréverdi est moine de Ligugé : www.abbaye-liguge.com

     

  • lectio 10 : lecture midrashique

    (...) cette page [de saint Grégoire le Grand]  [est] l'une des pages les plus pertinentes et pratiques qui aient jamais été écrites peut-être sur la lectio divina et le rapport à l'Ecriture qu'elle implique ; en même temps qu'elle conserve un étonnant accent de modernité, cette page rejoint aussi un thème important de la mystique juive : l'interprétation de la Merk(h)aba(h), du "char de Yahvé" au premier chapitre d'Ezéchiel :

    Et quand s'avançaient les Vivants, les roues également s'avançaient, à côté d'eux ; et quand les Vivants s'élevaient de terre, les roues en même temps s'élevaient (Ez 1,19).

    Les Vivants s'avancent quand les saints savent lire dans l'Ecriture Sainte ce que doit être leur conduite morale. Les Vivants s'élèvent de terre quand les saints se laissent ravir par la contemplation. Or, plus un saint progresse dans l'Ecriture sacrée, plus l'Ecriture même progresse avec lui. C'est pourquoi il est exact de dire : "Quand s'avançaient les Vivants, les roues également s'avançaient : et quand les Vivants s'élevaient de terre, les roues en même temps s'élevaient." C'est que les révélations divines croissent avec celui qui les lit : plus on dirige haut son regard, plus profond est le sens. Les roues ne s'élèvent pas si ne s'élèvent pas les Vivants. Si l'âme du lecteur ne monte pas, les paroles divines, incomprisent, restent pour ainsi dire au ras de terre. Quand le texte divin paraît sans chaleur à qui le lit, quand le langage de l'Ecriture sacrée ne met pas son âme en mouvement et ne jette aucun trait de lumière dans son intelligence, la roue est inactive et au sol, parce que le Vivant ne s'élève pas de terre. Mais que le Vivant s'avance, c'est-à-dire y cherche des jalons pour son progrès moral, et faisant un pas dans son coeur, découvre comment faire le pas de l'oeuvre bonne, alors les roues s'avancent également : vous trouvez à progresser dans le texte sacré à mesure que vous êtes devenus vous-mêmes meilleurs à son contact. Si le Vivant ailé prend son essor dans la contemplation, les roues aussitôt se soulèvent de terre, car vous comprenez qu'elles ne sont pas de la terre, ces réalités qui vous semblaient exprimées dans le texte sacré sur le registre terrestre. Vous en venez à sentir que les mots de l'Ecriture sont des mots du ciel, si vous vous laissez enflammer par la grâce de la contemplation et ravir vous-mêmes jusqu'aux réalités de là-bas. L'admirable et indicible vertu du texte sacré se fait connaître quand le coeur de qui le lit se pénètre de l'amour venu d'en-haut.

    (Grégoire le Grand, Homélie VII "sur Ezechiel", 8, SC 327, p. 245 trad Ch. Morel, s.j. Cf H. de Lubac, Exégèse médiévale, t.I, p. 653-656)

    François Cassingena-Trévedy - "Quand la Parole prend feu"

    abbaye de Bellefontaine 1999/2007.    pp. 56-57           

     ISBN 978-2-85589-086-9 

    François Cassingena-Tréverdi est moine de Ligugé : www.abbaye-liguge.com

  • Lectio 9 theopneustos

     

    " Toute Ecriture, nous dit saint Paul, est inspirée par Dieu", "theopneustos" (2 Tm 3,16) (...) Cela veut dire que Dieu respire dans l'Ecriture, qu'il y respire toujours ; que le Pneuma divin habite aujourd'hui l'Ecriture.

     

    François Cassingena-Trévedy - "Quand la Parole prend feu"

    abbaye de Bellefontaine 1999/2007.    p. 55          

     ISBN 978-2-85589-086-9 

    François Cassingena-Tréverdi est moine de Ligugé : www.abbaye-liguge.com

  • Lectio 8

    (...) la lectio divina est une expérience matinale de résurrection et de vie. Et il n'est pas indifférent que Yahvé demande au prophète d'appeler lui-même l'Esprit sur les ossements, ni que ces derniers ne s'assemblent que sur le commandement d'un "fils d'homme" (Ez 37,9). Cela signifie que le Texte ne vivra pas pour moi aujourd'hui, que les consonnes desséchées ne se mettront pas à danser devant moi aujourd'hui, tant que je n'aurai pas invoqué moi-même l'Esprit dans une prière personnelle :

    C'est pourquoi j'ai prié, et l'intelligence m'a été donnée, j'ai invoqué et l'Esprit de sagesse m'est venu (Sg 7)

    François Cassingena-Trévedy - "Quand la Parole prend feu"

    abbaye de Bellefontaine 1999/2007.    p. 54           

     ISBN 978-2-85589-086-9 

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    ,7)

  • Lectio 7 - la lecture abyssale

    Isaac fut un creuseur de puits... Au sens littéral déjà, certes, la chose est d'importance : l'eau a tant de prix dans le pays biblique ! Mais notre Père Isaac, le puisatier, nous a appris, ce faisant, bien autre chose encore : à nous mettre en peine de trouver et de boire l'eau vive dont la Samaritaine sollicitera un jour le don auprès de Jésus. Oui , notre Père Issac, en fouillant la steppe, s'est fait notre modèle et notre maître ès lectio divina ! Citons Origène , dans son commentaire sur la Genèse :

    Quiconque d'entre nous administre la Parole de Dieu creuse un puits et cherche de l'eau vive dont il puisse réconforter ses auditeurs. Si donc je me mets, moi aussi, à expliquer les paroles des anciens, si j'y cherche un sens spirituel, si j'essaie d'enlever le voile de la loi et de montrer que ce qui est écrit a un sens allégorique, pour ma part je creuse des puits [...] Si nous sommes serviteurs d'Isaac, aimons les puits d'eau vive et les sources [...] Ne cessons jamais de creuser des puits d'eau vive ! [...] Creusons au point que les eaux du puits débordent sur nos places publiques, pour que la science des Ecritures ne nous suffisent pas à nous seuls, mais que nous enseignions les autres et les instruisions, pour que boivent les hommes, et que boivent aussi les troupeaux. ( Origène, Homélie XIII sur la Genèse (chap 26), 3 et 4, SC 7 bis, p. 319-321, trad. L. Doutreleau )

    (...)

    Quel que soit le verset dont nous entreprenions l'investigation, l'eau vive est cachée sous nos pas et il faut nous mettre en peine de creuser le puits qui nous permettra de l'atteindre (...)

    Descente progressive et laborieuse vers les profondeurs du Sens, la lectio divina tient du forage à travers les couches géologiques et de la spéléologie ; elle nous conduit de la croûte terrestre aux roches métamorphiques, et jusqu'au noyau incandescent, jusqu'au coeur, car la Parole est à la fois Eau et Feu (...) "Au cours de ma méditation un feu s'allume" (Ps 39, 4 Vulg.) Telle est donc la lecture que nous devons pratiquer à l'école d'Isaac le puisatier, le mineur : une lecture "abyssale".

    François Cassingena-Trévedy - "Quand la Parole prend feu"

    abbaye de Bellefontaine 1999/2007.    pp. 45-47           

     ISBN 978-2-85589-086-9 

    François Cassingena-Tréverdi est moine de Ligugé : www.abbaye-liguge.com

     

  • Lectio 6

    (...)

    "Là où est l'Esprit de Dieu, là est la liberté " (2 Co 3,17). Laisse alors l'Esprit t'emmener très loin, de correspondances en correspondances, indéfiniment, à travers la "forêt des symboles", à travers le temple des Ecritures qui, comme celui de la Nature dont parle le poète, repose sur de "vivants piliers"... Ecoute le Maître divin du midrash t'instruire de rapprochements insoupçonnés, non seulement de toi, mais peut-être même de tout autre jusqu'à ce jour. L'Esprit n'est-il pas libre en effet de te révéler à toi, personnellement, aujourd'hui, dans le secret, quelque chose d'inouï ; de te faire apercevoir dans la Cité cohérente des Ecritures, "cuius participatio eius in idipsum" (où tout ensemble ne fait qu'un, Ps 122, 3 Vulg.), une proportion, une perspective jusque-là ignorée ; de te découvrir un trait de cette beauté multiforme que l'Architecte y a répandue ? Use de la liberté de l'Esprit dont le Christ t'a gratifié ; sois inventif ; sois poète ; réalise pour de bon le rêve extravagant de Rimbaud : " J'ai tendu des cordes de clocher à clocher, et je danse !"  (...)

    Non, il ne faut pas craindre d'être trop heureux en lisant l'Ecriture. (...)

    François Cassingena-Trévedy - "Quand la Parole prend feu"

    abbaye de Bellefontaine 1999/2007.    p. 43           

     ISBN 978-2-85589-086-9 

    François Cassingena-Tréverdi est moine de Ligugé : www.abbaye-liguge.com

  • Lectio 5

    " Marie, nous dit Luc, conservait avec soin toutes ces choses, les méditant dans son coeur " (Lc 2,19). Les deux verbes employés ici par l'évangéliste (sym-balleïn, syn-tèreïn)  contiennent tous deux la même idée de confrontation, d'assemblage, d'association, de comparaison. L'attitude intérieure de Marie face aux événements où elle savait découvrir sans cesse l'accomplissement des Ecritures, nous suggère alors à nous aussi une méthode de lecture : associative, comparative, symbolique (sym-balleïn).

    (...)

    Dans la mesure où elle nous fait ramasser, ressasser toutes choses, notre lectio divina est un exercice marial.

     

    François Cassingena-Trévedy - "Quand la Parole prend feu"

    abbaye de Bellefontaine 1999/2007.    p. 39           

     ISBN 978-2-85589-086-9 

    François Cassingena-Tréverdi est moine de Ligugé : www.abbaye-liguge.com