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apostolat

  • impitoyable démythisation

    54. Au cœur de la rencontre, pas de découvertes chiffrables : mais la Personne singulière de Jésus-Christ : " Nous avons trouvé le Messie " (Jn 1,41) Le croyant tombe désormais sous sa Seigneurie rayonnante, sous son emprise : " J'ai été empoigné par le Christ Jésus " (Phil 3,12). Le christianisme est plus une compagnie qu'une vérité ; et la fréquentation fidèle de Jésus confère à cette amitié une densité toujours croissante. "Je sais en qui j'ai cru", s'écrie Paul après des années de service apostolique ( 2 Tm 1,12) Cela ne supprime certes pas les difficultés, les nuits, la sensibilité à l'incroyance des autres ; cela n'évacue même  pas l'impression de croire à quelque chose d'énorme, de dur à avaler. Mais la possibilité de fuir, que le Christ suggère lui-même ("Voulez-vous partir vous aussi ?"), paraît insensée : " Seigneur, à qui irions nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle " (Jn 6, 67-68)

    Parce qu'elle est indissolublement une vocation dans une conversion, la foi apostolique s'ordonne non à musarder avec un Dieu oisif, mais à servir avec le Serviteur de Yahvé. Le croyant est un être actif (mais pas un activiste), qui emploie tout son amour à satisfaire - fût-ce à grands frais - la volonté d'un Père qui travaille avec son Fils ( Jn 5,17). Ce qui unit à Dieu, ce n'est, de soi, ni la prière, ni l'action, ni la passion : c'est l'exécution empressée du bon plaisir divin, perçu jour après jour au moyen du discernement spirituel, sans que l'on puisse jamais être en possession d'une programmation préétablie et définitive. Il y a, dans l'engagement de suivre le Christ, comme une sorte de blanc-seing, qui ne tolère aucune clause limitative. Le pivot de la foi apostolique, ce n'est ni l'oraison, ni le zèle : l'intériorité et l'extériorité cachent autant de pièges ; elles peuvent, l'une comme l'autre, servir de prétexte à l'assouvissement  d'un besoin égoïste, à une dérobade face à la Volonté du Père. C'est plutôt l'abnégation de qui consent, d'entrée de jeu, à recevoir sa vie d'un Autre, et refuse d'anticiper le choix : " Un Autre te nouera ta ceinture, et te mènera où tu ne voudrais pas " (Jn 21,18).

    55. Là encore se produit une impitoyable démythisation, bien plus rigoureuse que la critique intellectuelle à froid, parce qu'elle nous arrache des illusions qui tiennent à notre chair. Toute conversion s'est effectuée dans une certaine fermentation, dans un bouillonnement de pulsions généreuses, ce qui appelle une clarification progressive. Comme les apôtres, nous suivons moins Jésus-Christ que nos idées sur Jésus-Christ, et le Seigneur s'attaque, chaleureusement, aux articles organiques" qui viennent dénaturer notre acte de foi. Dans l'Evangile, il ne cesse de bousculer l'incrédulité de ses compagnons, qui s'accrochent à des représentations inexactes du Royaume, complices de leurs intentions impures. Il en est de même pour chacun de nous.  

    André Manaranche - Je crois en Jésus-Christ aujourd'hui - Seuil 1968 

  • Coopérer au Salut

    (..) notre grâce est liée à la Croix du Christ ; elle a comme un poids qui la porte vers le mystère de la Croix, puisque nous sommes nés à la Croix. Ce lien n'est pas seulement une option libre (même si nous devons avoir cette option libre dans la foi et l'espérance) ; il y a dans la grâce quelque chose de plus, qui est ce lien - qu'on pourrait dire "ontologique"  avec la Croix du Christ. C'est pour cela qu'il y a vraiment en nous une orientation profonde de la grâce vers le mystère de la Croix du Christ. 

    C'est bien ce qui nous est montré ici, si nous regardons attentivement : Comme Moïse éleva le serpent au désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l'homme, afin que tout homme qui croit en lui ait par lui la vie éternelle. Notre foi porte premièrement sur le mystère du Christ crucifié ; son orientation profonde consiste à regarder Jésus crucifié comme Sauveur, c'est-à-dire comme source de vie, en comprenant que cette source de vie nous est donnée, que nous lui sommes liés. C'est important parce que, quand nous ne voulons plus regarder le mystère de la Croix, quand nous le mettons entre parenthèses, nous supprimons du même coup cette orientation profonde de notre grâce chrétienne qui nous lie au mystère du Christ ; nous faisons alors un "refoulement " surnaturel terrible, de sorte que la foi ne peut plus s'épanouir pleinement en nous. A travers la Croix du Christ, notre foi rejoint la paternité de Dieu : Oui, Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique. (...)

    Mais à ce mystère nous sommes nous-mêmes associés, en ce sens que Dieu ne peut pas, ne veut pas, nous sauver sans nous. Dieu réclame notre fiat comme il l'a réclamé de Marie. Nous sommes donc associés non seulement à la croissance de la grâce, mais aussi à notre naissance à la vie divine. Il est très important pour nous de comprendre cela, et de ne pas en rester à l'attitude de celui qui reçoit. Plus la gratuité du don est grande, plus Dieu réclame notre coopération. C'est là un grand principe de l'économie divine, et on le retrouve constamment : plus la gratuité est grande, exigeant donc de nous un état de pauvreté, un état de réceptivité, plus Dieu, en même temps, réclame une coopération aimante. La récéptivité implique donc une grande activité, puisque coopérer au don d'amour, c'est se donner. On ne peut dire son fiat à la grâce qu'en étant soi-même totalement donné. (...)

    Marie-Dominique Philippe - Suivre l'Agneau t.2 -Ed. St Paul 1999. pp 113 - 114.116

    ISBN : 2 85049 781 9

    Les ouvrages ainsi que les conférences  de Marie-Dominique Philippe sont disponibles à Notre-Dame de Rimont (71390 Fley. Site internet : www.stjean.com)

  • l'évangile vécu

    Philippiens 2, 1-11

    (...) Faites-vous naturaliser dans l’Évangile.

    Comme le souligne Paul en chantant l'exaltation auprès du Père de celui qui s'est ainsi mis tranquillement à la dernière place (comme le dirait si bien Charles de Foucauld), c'est cette vie-là qui serait notre vraie vie, qui assurerait notre joie, qui comblerait notre soif d'accomplissement. Cette vie-là, et non pas celle que nous menons si souvent et où nous sommes, selon la description de l'apôtre, intrigants et vantards, assurés d'être supérieurs aux autres et décidés à le leur faire sentir, préoccupés de nous-mêmes plus que des autres, revendiquant d'être pareils à Dieu en prétendant nous passer de lui, et décider par nous-même du bien et du mal comme Adam sous la suggestion du serpent.

    Voudriez-vous donc avec moi jouer aux portraits ? Un jeu très sérieux, vous vous en doutez. Il consiste à se souvenir de toutes les personnes que nous avons rencontrées et qui, d'une manière qui ne nous avait pas toujours frappés sur le moment, réalisaient au moins partiellement le portrait du Christ humble et serviteur. Car cette race existe bel et bien parmi nous. Il y a de tels êtres. Ils ne se recrutent pas forcément parmi les pratiquants les plus assidus. (...)

    Voici par exemple ceux qui ne se vantent pas, mais qui font le travail, et il est bien fait. Dans toute famille, en toute communauté, il y en a. S'il n'y en avait pas, quel chaos ce serait ou quel foyer glacial ! Ils ne rechignent pas, ne se dérobent pas : ce qui doit être fait est fait. Au jour le jour, chaque chose à son moment. Ainsi fut, je pense, Marie à Nazareth, ainsi sont d'innombrables mères de famille, d'innombrables anonymes au dévouement inlassable, d'innombrables êtres qui sont occupés à servir les autres, sans même penser qu'ils pourraient au moins tirer gloire du titre de serviteur, aujourd'hui si fiévreusement recherché par l'opinion chrétienne. On ne songe même pas à les remercier parce qu'ils agissent avec une telle justesse que tout sous leurs mains semble aller de soi. (...)

    Évoquons aussi ceux qui ne proclament pas à tort ou à travers  les louanges de l'amour, mais qui aiment "en acte.... et véritablement".  Ils sont ainsi : ils aiment et ça rayonne d'eux. (...) Comme il y aurait encore à dire ! Par exemple à évoquer ceux  qui auraient bien des raisons de désespérer de la vie, ou de leur santé, ou de leur réussite, ou de leur conjoint, mais qui tiennent bon, nullement par résignation ou lâcheté, mais en sachant ce qu'ils font. Et encore  ceux qui auront peiné pour un certain résultat , et ce sont d'autres qui s'en attribuent la gloire. (...)

    J'ai rencontré de tels êtres. Pas très nombreux, mais ils m'ont toujours donné envie d'essayer de leur ressembler, et j'estime que ce sont eux qui sont la vraie gloire de l'homme. A la manière de Jésus.

     

    Albert-Marie Besnard - Du neuf et de l'ancien - Cerf 1979. pp 52 et sv.

  • Pêcheurs d'hommes

    Luc 5, 1-11

    "Désormais, ce sont des hommes que tu prendras." L'image est saisissante. Pierre et ses compagnons comprennent confusément que leur existence va prendre un tournant radical. Que Jésus les invite à abandonner leur métier pour une mission d'un tout autre genre. " Pêcheurs d'hommes " : combien d'adolescents fervents n'a-t-on pas fait rêver sur cette fascinante définition de la vocation apostolique ?

    Mais combien d'esprits, aussi, n'ont-ils pas ressenti comme une gêne, comme un recul devant l'ambiguïté d'une telle expression ? " Désormais, ce sont des hommes que tu prendras " : belle promotion pour un pêcheur. Mais qu'en pense le nouveau "poisson" ainsi désigné ? Si prendre veut dire aussi attraper, quels malentendus inquiétants peuvent se glisser dans la conscience que l'apôtre pourrait avoir de sa mission ? Craintes d'autant plus légitimes que la comparaison établie par Jésus n'a nullement vieilli avec les siècles...

    C'est bien connu, en effet, il y a aujourd'hui concurrence sévère sur tous les bancs de pêche. Chalutiers de toutes nations croisent au large de nos côtes. C'est à qui aura les moyens de prendre plus et de rapporter chez soi les plus riches cargaisons.

    Or, pour pêcher les hommes aussi, il y a une incroyable concurrence. Partout où des masses d'hommes dérivent entre deux eaux, abandonnés aux courants qui les portent et les déportent à l'aventure parce qu'ils ne savent plus où trouver le sens de leur vie, se sont installées d'innombrables entreprises de pêche.

    Sectes, gourous, idéologies arrivent avec leur attirail parfois très coloré. Tantôt, comme les pêcheurs napolitains, ils font miroiter leurs lumières dans la nuit en guise d'appâts ; tantôt, comme les terre-neuvas, ils jettent les chaluts d'une organisation internationale prospère. Certains admirent l'audace, le dévouement, la force de conviction de ces pêcheurs d'un nouveau genre. Des chrétiens vont jusqu'à se désoler que l'Eglise ne les imite plus assez, que sa flotte de pêche soit désuète et en partie naufragée, que ses filets n'aient plus les mailles aussi serrées qu'autrefois, au temps où, si vous me permettez d'évoquer ce vieil exemple célèbre, en un seul coup  de nasse, un Charlemagne ramenait au port du salut et de la chrétienté tout le peuple saxon...

    " Désormais, ce sont des hommes que tu prendras." La parole de Jésus peut-elle vraiment cautionner toutes les manières qu'a eues le christianisme de prendre les hommes et de les garder ? Comment faut-il l'entendre ? A coup sûr, sans la séparer de la manière même dont Jésus le premier à chercher à "prendre des hommes". Ceux qu'il a pris, il les a appelés mais sans les tromper. Il les a illuminés de sa Vérité mais sans les manipuler. Il les a réconfortés de son Esprit, mais sans leur faire violence. Comme ce serait magnifique si vous tous, qui m'écoutez, vous pouviez attester chacun pour votre part : oui, il en fut bien ainsi pour moi ; il m'a pris, mais pour ma plus haute joie ; il m'a pris et m'a rendu libre !

    (...)

    " Désormais, ce sont des hommes que tu prendras." Entrevoyez-vous maintenant le sens que Jésus donne à cette parole ? Nous n'échappons pas au besoin et à la nécessité d'être pris. Mais on peut être pris comme on le dit d'un prisonnier, et on peut être pris comme on le dit d'un amoureux. Jésus envoie Pierre et les autres disciples pour éveiller tous ceux qui souffrent de n'être pas encore des amoureux de la lumière et de la vérité, des amoureux de la vraie vie et du vrai partage (...) pris, c'est-à-dire éveillés, portés à un plus haut niveau de conscience en ce lieu même où leur liberté défendait farouchement ses droits. Pris, cependant ils demeurent libres ; le lieu de leur liberté ne se trouve pas aliéné mais illuminé !

    (...) Désormais, tu seras apôtre et témoin de ma personne, mais en respectant chez les autres ce qui a été respecté chez toi-même. Tu prendras des hommes en éveillant leur liberté et non en l'endormant. En les provoquant à ouvrir les yeux sur le véritable état de leur existence et celle de leurs frères, mais non en les conditionnant par des slogans, des fables, des pressions, des narcotiques ou des chantages.  

     

     

    Albert-Marie Besnard - Du neuf et de l'ancien - Ed. Cerf, 1979. pp. 15-18.20.22-23