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Au Jardin des Ecritures

Il faut absolument acquérir et entretenir en nous, pour parvenir à la véritable lectio divina, une mentalité de destinataire, c'est-à-dire être bien persuadé que l'Ecriture nous est personnellement adressée. Tant qu'une telle persuasion ne s'est pas développée en nous, il n' y a pas de vraie lectio divina, ou celle-ci ne se dégage pas encore vraiment d'une lecture profane. La lectio divina en effet, comme la réception des sacrements, comme l'oraison mentale, quoique d'une façon qui lui est spécifique, est le lieu d'une rencontre personnelle avec "Celui-qui-te-parle" (Jn 4,26 ; 9,37). A la lecture livresque, superficielle, doit alors se substituer une lecture-contact, une lecture-rencontre. 

"Ecrit pour moi", cela signifie donc trois choses. Premièrement que je suis le destinataire de l'Ecriture ; en termes d'anthropologie biblique, cela signifie que Dieu me "parle au coeur" :

Je vais la séduire

Je la conduirai au désert

et Je parlerai à son coeur (Os 2,16)

Et le texte se poursuit ainsi :

elle répondra comme aux jours de sa jeunesse (Os 2,17) 

La "lettre du Dieu tout-puissant à sa créature" appelle une réponse. Aux premiers jours de notre conversion, aux "jours de notre jeunesse", nous répondions peut-être avec émerveillement et enthousiasme ; la lectio divina était pour nous chose désirée et douce. Avec le temps peut-être est-elle devenue pour nous un exercice obligé, une formalité sans attraits. Celui qui nous avait écrit nous avertit alors secrètement : "J'ai contre toi que tu as perdu ton premier amour..." (Ap 2,4). Le Seigneur nous ouvre chaque matin le jardin de ses Ecritures et une voix intérieure nous y crie, comme à Augustin dans le jardin de Cassicianum : "Prends, lis ! Prends, lis !" Bien mieux encore que saint Benoît au Prologue de sa Règle, le Seigneur peut nous dire : " Ad te ergo nunc mihi sermo dirigitur..." Il quête de nous un regard d'attention : "C'est à toi que Je parle".    

 

François Cassingena-Trévedy - "Quand la Parole prend feu"

abbaye de Bellefontaine 1999/2007.    pp. 14-15           

 ISBN 978-2-85589-086-9 

François Cassingena-Tréverdi est moine de Ligugé : www.abbaye-liguge.com

 

 

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