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Traversées christiques - Page 22

  • Paroles de Vladimir Ghika (12)

    L'autre monde n'est pas l'arrière-boutique de celui-ci. Trop de gens semblent l'envisager ainsi. Et ce monde n'est que l'antichambre de l'autre. Trop de gens semblent l'oublier.


    La Sainte Hostie nous apporte, après l’Évangile de la Parole, l’Évangile du Silence. Et c'est nous qui devons alors, en Sa Présence, lui répondre, en portant, de nous à Dieu, la "Bonne nouvelle" de son Royaume en nous.


    L'église, le seul lieu où sans blesser le deuil le plus cruel ou la plus ombrageuse délicatesse, tout puisse non seulement se dire, mais se chanter.


    Pour être belle, une âme doit ressembler à une église, et une église à une âme.


    La lumière est silencieuse. Le son ne se voit pas. Mais seule la lumière permet dans une foule de reconnaître celui qui parle.


    On ne peut guère écouter quelqu'un - surtout Dieu - sans se taire. Certains et non des moindres semblent parfois l'oublier tant soit peu.


    Sois celui que tu voudrais rencontrer parmi les autres, surtout si tu ne rencontres point, parmi les autres, celui que tu aimerais rencontrer.



     Vladimir Ghika - Pensées pour la suite des jours - Beauchesne 1936.


  • Paroles de Vladimir Ghika (11)

    Tu veux écrire vraiment de belles choses, des choses qui durent, et les bien écrire ? Alors ne songe, en écrivant, qu'au Livre de Vie.


    Pour bien parler publiquement aux hommes des choses de Dieu, il faut d'abord savoir parler aux hommes devant Dieu, puis à Dieu devant les hommes.


    Ce n'est jamais Dieu qui vient à nous manquer, c'est nous qui manquons à Dieu.


    Aimer Dieu, c'est aussi une des façons d'apprendre à n'avoir peur de rien.


    En aimant Dieu, n'aimez pas moins ceux que vous aimez ; mais aimez-les davantage en Dieu.


    En aimant Dieu, n'aimez pas moins ceux que vous aimez, mais aimez Dieu davantage.


    Sur le chemin de la perfection, ceux qui, tant soit peu, se croient "arrivés", prouvent, par là, qu'ils ne sont même pas "partis".


    Pour commencer à entrevoir Dieu, il faut déjà s'être perdu de vue.



     Vladimir Ghika - Pensées pour la suite des jours - Beauchesne 1936.

  • Paroles de Vladimir Ghika (10)

    Samedi-Saint... Le jour depuis lequel il y a de la lumière dans les tombes, des dalles surhumainement soulevées et des anges victorieux, resplendissants, plus foudroyants que la mort, huissiers d’Éternité, au chevet des cadavres.


    Dieu fait en sorte que les choses de ce monde renoncent à nous, quand nous ne renonçons pas assez vite aux choses de ce monde.


    Le ciel est mon abri ; - qu'importe si c'est le seul ?


    Le conflit du mauvais pauvre et du mauvais riche, triste et presque seule histoire de trop de temps et de sociétés.


    Le sang tache toujours. Seul le sang qui rachète ne tache pas. Bien plus. Il lave. Il lave jusqu'à l'ineffaçable.


    Dieu est doux,  Dieu est humble, parce que l'Amour infini ne saurait être autrement (...) Être dur et altier (...) c'est ne pas ressembler à Dieu, ne pas Le voir, et ne pas Le comprendre. 


    Rien au monde, sauf le péché, ne peut nous séparer de Dieu.


    Dieu est seul à pouvoir faire quelque chose des larmes humaines sans les profaner.



     Vladimir Ghika - Pensées pour la suite des jours - Beauchesne 1936.


  • Paroles de Vladimir Ghika (9)

    Sois doux envers ton malheur comme envers un frère plus jeune...


    S'oublier c'est en général se mettre à sa place.


    Si le Seigneur refuse de s'arrêter pour t'entendre, quand tu L'as trop et trop longtemps offensé, appelle-Le au nom du baiser rendu à Judas, - Il s'arrêtera.


    La plupart des tentations : la lutte des heures contre l’Éternité.


    L'univers est unanime.


    Tous les mouvements du ciel sont des pèlerinages.


    L'homme est un être frontière, à la ligne de partage des mondes, né pour la médiation, et voué à un sacerdoce.


    Y a-t-il plus pauvre qu'un orgueilleux ?


    Joie éblouie du jour où toutes les providences deviendront des évidences.


     Vladimir Ghika - Pensées pour la suite des jours - Ed. Beauchesne, 1936





  • Paroles de Vladimir Ghika (8)

    Ce n'est point ce qu'on fait qui importe, mais la façon dont on le fait, ce n'est pas ce qui arrive, mais la façon dont on l'accueille.


    La route est laide, et d'autant plus laide et monotone qu'elle est une meilleure route - mais elle conduit au but et quelles merveilles ne nous laisse-t-elle pas voir, chemin faisant, parfois, de chaque côté.


    Toute immensité repose et se repose.


    Dieu nous cherche dans la bassesse comme nous le cherchons dans la transcendance et le fait avec une passion du même ordre mais d'une intensité divine.


    Sans Dieu nous n'avons pas d'intimité véritable avec le réel. En dehors de Lui, nous n'abordons que des surfaces ou des hostilités.


    L'automne éclaircit les futaies et semble éclaircir en même temps de la même façon nos réflexions sur la vie, en semant parmi elles comme parmi les feuillages une sorte de désordre appauvri et d'abandon. Il se fait en nous un dépouillement froid et facile et des nettetés désolantes surgissent. 

     Vladimir Ghika - Pensées pour la suite des jours - Beauchesne 1936

  • Paroles de Vladimir Ghika (7)

    Les prières sont plus secrètes encore que les infamies, et les déjouent.


    Le Temps prie et l’Éternité loue.


    En un sens plus Dieu se montre, plus Il se cache ; plus Il se laisse voir tel qu'Il est, plus Il se révèle inaccessible - ou plutôt Il se fait sentir et connaître comme inaccessible car c'est Lui qui se fait alors notre accès à Lui-même.


    N'est-ce rien que d'avoir pour seul juge de notre bonheur éternel quelqu'un qui a été jusqu'à mourir pour nous ?


    Les vérités ne sont cruelles qu'à la façon des chirurgiens.


    Le temps pour nous a la légèreté des pas du voleur, l'adresse de sa main, l'efficacité de son geste, et porte avec lui la détresse inquiète d'une même irréparable extorsion.


    Le présent a un nom d'une étrange éloquence. Il est avant tout un présent, un don de Dieu, qui appelle, avant toute autre action, l'action de grâces.


    Ce n'est point tant ce qu'on fait qui importe, mais la façon dont on le fait, ce n'est pas ce qui arrive, mais la façon dont on l'accueille.


     Vladimir Ghika - Pensées pour la suite des jours - Ed. Beauchesne

  • Quand Vladimir Ghika rencontre Francis Jammes

    Un jour que je me trouvais à Paris dans une boutique, un homme jusque-là inconnu de moi me tendit mon livre de Saint-Joseph et me pria d'y apposer un autographe. Il se tenait dans l'ombre et sa voix revêtait une singulière douceur. Ainsi une violette, dans la solitude, parlerait-elle. Je compris qu'il ne tenait qu'à ma signature et que, volontiers, il eût tu son nom que je lui demandai pourtant. En hésitant, il me répondit : " Je suis le Prince Vladimir Ghika." Il me remercia d'un salut très humble, mais qui accusait, encore plus qu'une origine royale, une source divine : celle auprès de laquelle Jésus fatigué s'est assis en ayant soif.  Puis il s'effaça.

    Je sais aujourd'hui que ce passant, marqué d'un signe qui rend sa couronne invisible autant que l'anneau de Gygès, a vécu justement à l'opposé d'un Oriental dont jadis on nous a conté l'histoire. Celui-ci, de berger devint monarque. Mais, au plus fort de son opulence et de sa gloire qui lui pesaient, il allait contempler, dans un lieu secret de son palais, ce manteau grossier, cette houlette, ces sabots, cette flûte qui avaient été sa pauvre mais sûre joie, alors qu'il vaquait aux soins des troupeaux comme David enfant. Et il demeurait inconsolable de ne pouvoir abdiquer sa puissance et l'échanger pour sa pauvreté première.

    Il n'en sera pas ainsi de Vladimir Ghika. Prince, il a été fait pasteur, et d'une main plus puissante que celle qui avait élevé le Psalmiste à la dignité suprême. Renversement des choses d'ici-bas ! C'est bien l'un de vos coups, Apprenti de Nazareth, qui avez permis que cet illustre Roumain occupât la dernière place, mais de telle sorte qu'il régnât sur vous qui accourrez à son appel.

    Pour nous, simples brebis, nous avons reconnu la voix de ce pipeau pour être celle qui nous rassemble dans le val catholique, voix aussi dépouillée que la lumière d'un astre ou que l'eau qui sourd du rocher.

    On dit que les indiens, en jouant d'une trompette démoniaque donnent l'illusion qu'un manguier naît aussitôt à leurs pieds, avec ses feuilles, ses fleurs, ses fruits, sa rosée.

    Mais vous, prince dépossédé par le Christ, ce n'est pas une vaine image, mais une présence réelle que suscite votre génie. Nous vous écoutons et notre cœur s'emplit à mesure des blés et des grappes de Canaan.

    Francis Jammes - Préface à "Pensées pour la suite des jours" Beauchesne

  • Paroles de Vladimir Ghika (6)

    Dans la vie de chacun la possession de Dieu est la seule qui soit sûre de ne voler personne et qui, au contraire, enrichisse tout le monde.


    Qui n'est pas mortifié, mourra mal.


    Si tu sais prendre sur toi la douleur d'autrui, le Seigneur prendra sur Lui la tienne et la fera Sienne, c'est-à-dire ouvrière de salut.


    "Les cheveux de ta tête sont comptés. Crois-tu que je perdrais la moindre de tes larmes ?"


    Le chemin du Ciel est étroit mais le ciel est large. Le chemin du Ciel est étroit mais il est plus facile de ne pas dévier dans un sentier que dans une plaine.


    Ceux-là même qui n'ont plus de regard peuvent avoir des visions.


    Je crois à Ta bonté plus qu'à la réalité même qui me fait souffrir, plus qu'à ma torture.


     Vladimir Ghika - Pensées pour la suite des jours - Beauchesne 1936.




  • Vladimir Ghika : petite biographie

    Issu d'une famille princière de Roumanie, Vladimir Ghika naît le jour de Noël 1873 à Constantinople où son père exerce des fonctions de diplomate. Baptisé et confirmé dans l’Église orthodoxe, la religion de ses parents, il arrive en 1879 en France, son futur pays d'adoption auquel il est déjà lié par sa mère. Étudiant à Toulouse puis à Paris, il acquiert une formation humaine et spirituelle subtile et profonde qui l'ouvre aux trésors de l’Église catholique qu'il intègre en 1902.

    Il entreprend des études théologiques à Rome qui se concluent par un doctorat, puis bien plus tard, en 1923, par une ordination sacerdotale pour le diocèse de Paris. Menant de front bien des activités diplomatiques, intellectuelles et apostoliques, il exerce son ministère à Paris, où sa vie est nourrie de multiples amitiés spirituelles et entrecoupée de nombreux voyages à Rome, en Australie, au Japon, en Argentine...

    La seconde guerre mondiale le surprend dans une Roumanie vite soumise aux forces communistes. Très vite perçu comme un obstacle à l'affirmation de l'idéologie communiste, il est arrêté et emprisonné près de Bucarest. Deux ans plus tard, en mai 1954, il décède à l'âge de quatre-vingts ans, en détention.


    ÂME CONTEMPLATIVE

    La vie de Mgr Ghika a été très tôt marquée par le sentiment de la présence continuelle de Dieu. Son quotidien était sous-tendu par une intense et sereine prière, débutée tôt le matin, prolongée tard le soir. Cette familiarité pour les choses de Dieu, toute habitée de la présence de la Vierge, et d'accent johannique, était le lieu de son obéissance aux inspirations divines. Désireux d'en étendre l'apprentissage, il fonda pour quelques temps la Société des frères et Sœurs de saint Jean.


    APÔTRE DES PAUVRES

    Très sensible aux besoins du monde, Mgr Ghika se dépensa d'une manière incessante pour le soin des pauvres, des malades et des exclus, à Paris, à Rome, ou en Roumanie, méritant le titre de "Nouveau Monsieur Vincent". Durant sa vie de laïc puis de prêtre, il a mis à profit ses nombreuses et influentes amitiés pour promouvoir toutes sortes d'initiatives. Il a introduit ainsi les Filles de la Charité en Roumanie et plus tard s'installe à Villejuif où, dans un souci d'évangélisation, il séjourna trois ans en milieu ouvrier. Il concevait la vie de charité comme l'âme de sa vie chrétienne, et la rencontre du prochain comme une authentique liturgie.


    Ce texte est tiré d'un dépliant réalisé par l'Association pour la Béatification de Mgr Vladimir Ghika dont l'adresse est :

    ABMVG - 71 av du Général de Gaulle 92800 Puteaux.

  • Paroles de Vladimir Ghika (5)

    Que pour te rappeler le souci de tes frères, la flamme du foyer te soit comme le Buisson-Ardent - que pour accueillir leurs misères, le toit de ta maison évoque celui de l'Arche dans le Déluge


    Si ton frère te fais injustement quelque tort, tu dois en souffrir pour lui plus que pour toi même. Le tort qu'il te fait sera toujours au-dessous du mal qu'il se fait - car il nuit à son âme sans atteindre la tienne, et en bon frère, tu dois sentir cela plus vivement que le  tort qu'il te cause.


    Consoler c'est pouvoir apporter à autrui quelque chose de plus vrai que sa douleur. Consoler c'est faire vivre une espérance. Consoler c'est laisser voir en nous à celui qui souffre, l'amour de Dieu pour lui.


     Vladimir Ghika - Pensées pour la suite des jours - Gabriel Bauschesne édition, 1936.




  • Paroles de Vladimir Ghika (4)

    Celui qui fait pleurer les autres est celui qui aura le plus à pleurer sur lui-même.

    Qui se venge après avoir été frappé se frappe une seconde fois et, cette fois, de sa main.

    Peu de leçons sont aussi intimement intéressantes que le jugement de nos adversaires, si absurde qu'il puisse paraître quelque fois.

    D'autrui, les silences nous jugent autant que les plaintes



     Vladimir Ghika - Derniers témoignages - Éditions Beauchesne 1970

  • Paroles de Vladimir Ghika (3)

    Remarques préliminaires de l'auteur de ce blog :

    Certaines paroles (ci-dessous) de Mgr Ghika pourront parfois choquer notre sensibilité.  Et elles le sont si nous pensons que la mort débouche sur le néant. Mais le coeur de notre foi c'est le mystère pascal : le Christ, vrai Dieu et vrai Homme, est ressuscité d'entre les morts ; la mort a été vaincue. Par le Baptême et l'Eucharistie nous participons déjà à sa Vie mais dans la foi. La mort,notre mort,  depuis la victoire du Christ, est, sera une Pâque, une sortie d'Egypte, où nous rejoindrons la Terre Promise et verrons alors Dieu face à face (si nous mourons en état de grâce). Le Père Varillon disait : nous sommes nés à la vie humaine pour naître à la vie divine. Saint Irénée disait déjà : la vie de l'homme c'est la vision de Dieu. Et comment ne pas citer Thérèse de Lisieux qui, quelque temps avant de mourir, confiait : "je ne meurs pas, j'entre dans la Vie."

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    NOUS :

    Que faut-il penser de nos morts ?

    LUI :

    Ils ne nous ont pas quittés. Appelle-t-on perdus ceux qu'on a seulement perdus de vue ?

    Nos morts ont la réalité de leur présence et la forme de leur absence.

    Rien de plus vivant que l'immortalité des morts.

    On appelle mort l'espèce de vivant dont l'état de vie ne redoute plus aucun changement.

    Le rôle des morts n'est plus d'avertir ni de témoigner.

    Les morts aident plus volontiers que les vivants.

    Seigneur ! n'enlevez pas ceux que j'aime ! - Réponse : " je ne te les enlève pas : je te les garde".

    NOUS :

    Que faut-il penser de notre propre mort ?

    LUI :

    Elle se prépare durant toute la vie : qui ne pense pas à la mort, ne sait pas vivre.

    Il faut arriver à avoir plus peur de la vie que de la mort, et à aimer la mort aussi bien que la vie.

    Durant ta vie, souviens-toi que tu dois mourir, et à ta mort, que tu dois vivre.

    (...)

    Chacun est le pèlerin de sa propre mort.

    A sa mort, tout homme se fait moine, avec les trois voeus de pauvreté, chasteté, obéissance. Et, bon gré, mal gré, il les jure.

    Dire qu'après tant de siècles, l'homme n'a pas appris encore à mourir.

    On doit attendre la mort non comme un condamné, mais comme un combattant.

    NOUS :

    Mais elle comporte de telles angoisses !

    LUI :

    Ce qui nous gêne le plus dans la mort, c'est le caractère radical de son inconnu.

    (...)

    S'il est dur de mourir, cela prouve à quel point nous sommes vivants, et jusqu'au-delà de la mort.

    (...)

    Nous avons à envisager la mort non comme une abdication forcée, mais comme un événement consenti.

    Ce qui a été, ce qui est et ce qui sera se fond, à l'heure de la mort, en une chose unique.

     

    Vladimir Ghika - Derniers témoignages - Ed Beauchesne 1970

     

  • Paroles de Vladimir Ghika (2)

    L'ennui lui-même est un signe de notre vocation divine.

    Il est surprenant de voir la quantité de personnes qui s'imaginent pouvoir chercher et trouver Dieu ailleurs qu'en Dieu.

    Le jour est fait pour voir les choses, la nuit pour les comprendre et les dominer.

    Qui n'a plus que Dieu a tout.

    Le péché, c'est de ne mettre plus Dieu à sa place

    Heureux ceux qui ont été déçus par les choses de la terre, car ils ne le seront point par les choses du ciel. 

    Nous n'avons qu'un seul problème à résoudre, et il est de taille : celui de notre éternité. Les autres n'existent qu'en fonction de lui. 

     

    Vladimir Ghika - Derniers témoignages - Beauchesne 1970 

     

  • Paroles de Vladimir Ghika (1)

    On apprend à "faire". Il faudrait bien, davantage, apprendre à "être".


    Si j'existe, c'est que Dieu m'aime.


    Fais en sorte que, si tu parviens au grand âge, cet âge ait quelque chose de grand.


    Celui qui n'a pas pleuré sur lui-même n'a pas commencé à se connaître.


    On ne peut vraiment se connaître qu'avec l'aide de Dieu et à sa lumière.

     

    Vladimir Ghika - Derniers témoignages - Beauchesne 1970 

     

     

  • Portrait de Vladimir Ghika qui sera béatifié le 31 août

    Disponible à tous les appels qui l'invitent au service des âmes, Mgr Ghika est toujours en route : le matin au Congo, à midi à Buenos-Aires, pour le thé de 5 heures à Tokyo, que dis-je ? le voilà à Calcutta ; puis à Melbourne. Et toujours à Paris par le coeur. Cette étonnante disponibilité est l'apparence mouvante d'une bonté sans frontières. La longue chevelure blanche et le visage d'ivoire de ce petit-fils du dernier prince régnant de Moldavie, nourri dans les lettres françaises, devenu prêtre de l'Eglise catholique romaine et commissionnaire de toutes les oeuvres pies, évoquent à tous les carrefours de la charité l'image d'un Saint-Nicolas de style moderne résistant à toutes les intempéries, curieux de toutes choses et informé de tout, content de passer pour les pauvres du Christ par-dessus les règlements et les barrières des systèmes et de l'égoïsme des hommes, dur pour lui-même et pressé d'apporter à toute misère un remède approprié.

    Ainsi la matière et l'expérience n'ont pas manqué à ses réflexions, depuis qu'il fréquente les grands malheurs et entend les petites histoires des uns et des autres. Ici et là, ce qu'il cherche à discerner c'est le point secret où Dieu et l'âme se rencontrent. Une imagination extraordinairement vive et précise le porte à ourler sa pensée d'un contour verbal minutieux et singulier, et à vêtir parfois d'une certaine préciosité une spiritualité exigeante et élevée, une piété toujours en éveil.

    Jacques Maritain - Préface à "Pensées pour la suite des jours " de Vladimir Ghika

     

                                                                   

     

  • Sur saint Dominique et les dominicains

    Saint Dominique a fondé son Ordre au début du XIIIe siècle, en plein triomphe de la Chevalerie. Dominique a purement et simplement transféré sur le plan de l'institution ecclésiastique, les moeurs, l'esprit, les manières, le costume, les caractéristiques de la Chevalerie militaire. Il a fondé au sein de l'Eglise apostolique un Ordre de chevalerie.

    Les signes abondent. Le cérémonial de la prise d'habit, le symbolisme même de l'habit dominicain, la cérémonie de la profession religieuse, évoquent trait pour trait l'adoubement où le jeune chevalier revêtait solennellement ses premières armes. Alors que les "manants" n'avaient droit pour se ceindre qu'à la corde, la ceinture de cuir était réservée aux chevaliers. Le scapulaire également : ils le portaient par-dessus l'armure, aux couleurs de leur seigneur. Le rosaire a remplacé l'épée au côté du chevalier de Jésus-Christ et de Notre-Dame. Le serment de fidélité se faisait sur les Evangiles, avec le baiser échangé entre le seigneur et le nouveau chevalier, qui devenait son "homme", d'où "l'hommage". La dévotion dominicaine à la Vierge a tout le caractère de "l'amour courtois".

    Saint Dominique a introduit dans l'apostolat de l'Evangile l'esprit même de la Chevalerie. La devise même de l'Ordre "Veritas" devrait se traduire en français par "fidélité" qui implique un engagement personnel, plutôt que par "Vérité" qui, dans notre langue a une résonnance plus théorique.

    (...)

    Jusque dans leurs défauts, comme les Dominicains restent conformes à cet idéal de la Chevalerie, qui, avec Don Quichotte, a produit son anti-héros ! Je ne connais pas un Dominicain, mais pas un, qui n'ait un Don Quichotte en lui, avec ses enthousiasmes sourcilleux, ses billevesées généreuses, ses querelleuses fariboles. Défenseurs de la veuve et de l'orphelin, redresseurs de torts, toujours prêts à se fendre et à pourfendre, jamais déçus par le cynisme, jamais découragés par l'échec , tels ils furent, tels ils sont, tels ils resteront, il y a sept siècles que cela dure, il n'y a pas de raison qu'ils changent maintenant. Leurs fautes sont des erreurs optiques, comme les moulins de Don Quichotte, mais pas des trahisons. Au fond, même quand ils sont impossibles, ils restent, comme Don Quichotte, farfelus et touchants.  

    R.-L. BRUCKBERGER - Le monde renversé - Cerf 1971 pp 42-44

  • Thomas d'Aquin

    "Je raconterai peut-être un jour ce que fut mon enfance et mon adolescence à Murat dans le Cantal. Quelle solitude ! quel désert ! Intoxiquée par un curé qui lui faisait un devoir de protéger la foi de ses enfants, ma mère brûlait la bibliothèque de mon père, bien inoffensive pourtant. Pour lire, je me réfugiais chez un cordonnier qui avait fait quelques études, et qui avait quelques rayons de livres dans son arrière-boutique. A treize ans j'ai découvert Villiers de l'Isle-Adam, l'année suivante Chateaubriand. Et, ce qui était moins bien, Pierre Louys. Et puis Rimbaud. Toute la littérature française me paraissait s'arrêter là, avec la saveur du fruit défendu. Et puis le collège, où de tous les classiques, je ne retins guère que Racine et surtout Pascal. mais ce n'est qu'à l'âge de vingt ans, quand je descendis vers les villes radieuses, vers le midi, que je découvris avec quelle fièvre ! Nietzche et Dostoïevski. Et Bernanos. J'étais jeune moine [dominicain], au couvent de Saint-Maximin dans le Var , quand j'ai lu pour la première fois L'Idiot. le soir, au lieu de me coucher, je continuais le roman. A une heure du matin, je fus avec tous les autres à la chapelle pour dire matines. Remonté dans ma cellule, je repris ma lecture et l'achevai enfin au moment où sonnait la cloche du réveil. J'avais les yeux gonflés et le visage bouffi d'avoir pleuré toute la nuit. Mes camarades de noviciat durent penser que je traversais une crise mystique, et que j'avais passé ma nuit à pleurer mes péchés. Alors que mes larmes n'avaient coulé que pour Nastassia Philippovna.

    Nietzsche et Dostoïevski bouleversaient ma sécurité intérieure, ébranlaient toutes les colonnes édifiées dès l'enfance. Bénis soient-ils ! Toutes mes certitudes, toutes mes espérances ont dû traverser ces deux ouragans. Ils m'ont forcé à tout jeter, tout, dans la contestation, tout sans exception, ce que j'avais de plus sacré et ce que j'avais de profane, ce que j'adorais, ce que je méprisais, tout fut jeté dans ce feu ardent, jeté pour rien, pour éprouver seulement les valeurs, pour voir ce qui restait sous la cendre quand tout ce qui était consumable avait brûlé. Ce jeune moine encapuchonné, qui circulait silencieusement sous les cloîtres, soupesait en son coeur chaque pièce du trésor que dès l'enfance on lui avait donné à garder.

    Thomas d'Aquin allait prendre le relais. Je le dis hautement, aucun maître au monde ne libère autant les intelligences, ne les guide mieux, ne les épanouit davantage, et sans les froisser. Sa méthode est celle de l'interrogation. J'appartiens à un Maître et à une Ecole, dont le manuel et le chef d'oeuvre s'intitule "Somme théologique",écrite de bout en bout sous forme de questions, ce qui est déjà un titre de noblesse intellectuelle tout à fait exceptionnel.

    Après une première question introductrice et méthodologique, l'énorme ouvrage commence ainsi : "Est-ce que Dieu existe ? - Il semble que non !"

    Le ton est donné une fois pour toutes, et sera tenu sans fléchir tout au long de cette immense interrogation, de cette "quête de vérité" - comme il y avait eu la quête du Graal -, que constitue " La Somme théologique ". Oui, le manuel de ma jeunesse est un livre d'aventure. Honneur à Thomas d'Aquin, redresseur de torts, chevalier sans peur et sans reproche de l'interrogation, qui donne à toute objection sa pleine chance, et qui ne combat qu'à visage découvert. Rien n'est plus opposé à Thomas d'Aquin que le larvatus prodeo de Descartes et de tant de penseurs modernes.

    Aujourd'hui on appelle "maîtres", non pas ceux qui nous obligent à l'interrogation, mais ceux qui vous courbent à des affirmations ou à des négations péremptoires. Hegel, Marx et tant d'autres, affirment, nient, assènent toujours, et finalement mettent l'intelligence sous le joug. Thomas d'Aquin interroge et s'interroge, il commence par objecter. Il répond aussi, bien sûr, il sait que l'acte intellectuel ne se termine et ne trouve sa fécondité propre que dans le jugement, mais la réponse toujours proposée, jamais imposée, ne vient qu'après l'interrogation, après l'objection, comme les semailles après le labour. Et le champ des semailles n'est jamais plus étendu que celui des labours. Honte à qui affirme ou nie, sans aucune interrogation préalable ! La dignité de l'intelligence humaine expire dans la sauvagerie d'un terrain qui ne serait pas remué par le soc de l'interrogation.

    Le génie de Thomas d'Aquin ne respire et ne se meut qu'attelé, comme un boeuf, à la charrue de l'interrogation. Thomas d'Aquin serait très à l'aise, il aimerait parler aux plus grands savants de notre époque, j'entends les vrais savants, ceux qui se sont formés à la méthode expérimentale, qui, selon les fortes paroles de Claude Bernard, se résume au doute. Qui doute s'interroge, il est sur le bon chemin.  Mais l'honnête et laborieux Thomas d'Aquin n'aurait rien à dire, ce qui s'appelle rien, à nos philosophes saouls de dogmes, à nos théoriciens tranche-montagnes, à nos petits curés qui ne progressent que dans leur propre infaillibilité, à nos moinillons toujours le nez en l'air pour humer d'où vient le vent de la dernière mode intellectuelle.

    R.-L BRUCKBERGER - Le monde renversé - Cerf, 1971. pp 84-87

  • L'Islam - conférence de François Varillon (7) suite et fin

    Suite et fin de la retranscription.

     

    Louis Massignon a écrit sur ce martyr mystique (Al-Halladj) une thèse  d'une prodigieuse érudition. [On peut visionner "Hallaj par Louis Massignon sur YouTube : http://www.youtube.com/watch?v=NWT79_r1ybc]

    Halladj croit en un Dieu qui créé par amour, qui s'entretient avec lui-même. S'entretenir avec soi-même : nous ne sommes pas loin d'une pluralité de personnes. Hallaj parle d'une vie intime de Dieu en lui-même. Il s'approche du christianisme. Il pressent que Dieu est Amour mais il ne croit pas en un Dieu qui va jusqu'au bout de l'Amour  c'est-à-dire qui appelle les hommes à partager sa popre vie. Hallaj ne peut pas admettre la parole de st Pierre en sa première lettre : "nous devenons participants de la nature divine". Et pour ce mystique, c'est une abomination de croire que Dieu puisse donner à l'homme une vocation proprement divine. Alors que pour nous c'est le coeur de notre foi, ce qui fait que nous sommes chrétiens ! Car en dehors de ça il n'y aurait aucune raison d'être chrétien.

    Si Dieu s'est fait connaître par Jésus-Christ comme Père, Fils et Esprit ce n'est évidemment pas pour que nous croyons abstraitement, conceptuellement. Affirmer trois Personnes au lieu d'Une : pourquoi faire ? Si Dieu se révèle comme Trinité c'est afin que nous sachions que le Père nous adopte dans son Fils et par son Esprit. Ce qui suppose l'Incarnation. Nous ne pouvons être fils que dans le Fils unique que incarné. Dieu nous fait la confidence de son secret (sur sa vie trinitaire) pour éclairer et réaliser notre insertion dans la vie de Dieu. Pas question pour un musulman d'être inséré dans la vie de Dieu. Le musulman est devant Dieu ; le chrétien est en Dieu. Quelle différence ! Différence du tout au tout.

    Je termine. Dans la morale de l'Islam, la bienveillance, la bonté jouent un rôle très important. Seulement il ne s'agira jamais pour eux "d'aimer comme Dieu aime" Ce qui fait la transcendance du christianisme c'est la vocation du chrétien à aimer comme Dieu aime. Mais c'est impossible pour le chrétien d'aimer comme Dieu aime s'il n'est pas en Dieu. Il ne s'agit pas de copier la charité divine comme le disciple copie les actions du maître qu'il admire. Ce n'est que par le Christ que l'homme peut être en Dieu comme saint Paul le répète plus de 100 fois dans ses Lettres. Et voilà pourquoi c'est la Trinité qui commande tout, absolument tout.

    Voilà quelques réflexions très sommaires je le reconnais, qui vise l'essentiel de la différence entre le Dieu de l'islam et le Dieu de Jésus Christ, et, à partir de là,  comment pourrait se constituer un dialogue extrêmement fécond entre chrétiens et musulmans.

                                                                                       François Varillon

  • Lectio divina (2)

    La table est dressée pour toi : le Livre est écrit pour toi. (...) Voilà précisément la différence fondamentale entre ce Livre-là et tous les autres. Ce Livre-là est tout spécialement écrit pour moi, et tout entier ! Il m'est, il t'est adressé à toi en particulier.

    (...)

    Il faut absolument acquérir et entretenir en nous, pour parvenir à la véritable lectio divina, une mentalité de destinataire, c'est-à-dire être bien persuadé que l'Ecriture nous est personnellement adressée. Tant qu'une telle persuasion ne s'est pas développée en nous, il n'y a pas de vraie lectio divina, ou celle-ci ne se dégage pas encore vraiment d'une lecture profane. La lectio divina en effet, comme la réception des sacrements, comme l'oraison mentale, quoique d'une façon qui lui est spécifique, est le lieu d'une rencontre personnelle avec "Celui-qui-te-parle" (Jn 4, 26 ; 9,37). A la lecture livresque, superficielle, doit alors se substituer une lecture-contact, une lecture-rencontre.  (...)

    Le Seigneur nous ouvre chaque matin le jardin de ses Ecritures et une voix intérieure nous y crie, comme à Augustin dans le jardin de Cassiciacum : " Prends, lis ! Prends, lis !" Bien mieux encore que saint Benoît au Prologue de sa Règle, le Seigneur peut nous dire : " Ad te ergo nunc mihi sermo dirigitur..." Il quête de nous un regard d'attention : " C'est à toi que Je parle".

    "Ecrit pour moi", cela veut dire encore que je suis la matière du livre ; il me raconte ma propre histoire, depuis ma genèse jusqu'à mon apocalypse. Abraham, Moïse, David, les prophètes et les apôtres me sont, après tout, plus contemporains que les grands noms de l'actualité, car je ne fais qu'apercevoir ces noms dans les journaux, tandis que pour les premiers, je vis chaque jour avec eux et je lis dans leur histoire éternellement neuve et vraie, l'histoire de ma vocation, de mon péché, de mon repentir.

    "Ecrit pour moi", cela veut dire enfin que Dieu a pris la peine d'user d'un langage qui me fût accessible.

    Au début de son ministère public, Jésus entra dans la synagogue de Nazareth et on lui présenta, à lui aussi, le "rouleau du livre". Jésus nous a donné alors une magistrale leçon de lectio divina : tout d'abord par la gravité et la majesté de ses gestes sur lesquels le récit évangélique s'arrête avec une complaisance manifeste (Lc 4, 17 et 20). Pour chacun de nous comme pour Jésus, l'ouverture et la fermeture de la Megillah, du rouleau, doivent être des actes solennels. Mais remarquons surtout le commentaire que fait immédiatement Jésus du passage qu'il vient de lire :

    "Aujourd'hui s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Ecriture" (Lc 4,21)

    Jésus avait pleinement conscience de ce que la prophétie d'Isaïe trouvait aujourd'hui en lui son accomplissement pour ceux qui l'écoutaient ; et auparavant, en lisant lui-même le texte, il avait eu nettement conscience de ce qu'il s'accomplissait pour lui. Ainsi en va-t-il pour nous chaque fois que nous ouvrons l'Ecriture ; chaque matin, à l'heure festive de la lectio divina, nous devons avoir la certitude qu'aujourd'hui ce passage de l'Ecriture s'accomplit pour nous en Jésus Christ, qu'il n'est pas un seul mot de ce que nous lisons qui ne soit écrit pour nous. (...)

     

      François Cassingena-Tréverdy - Quand la Parole prend feu -

       Ed Abbaye de Bellefontaine 1999/2002

       ISBN 978-2-85589-086-9

     

  • Lectio divina (1)

    Le Livre des saintes Ecritures est là, ouvert sur ta table ; il devrait rester ainsi toute la journée, car, quelles que soient les autres études auxquelles tu pourras te livrer lorsque tu auras achevé ton heure régulière de lectio divina, ce livre-là restera toujours la source, la référence, la mesure. (...)

    Tu n'as pas le bonheur de posséder le Saint Sacrement dans ta cellule, mais tu as dans ta cellule les saintes Ecritures à ta libre disposition : c'est ton tabernacle à domicile. (...)

    C'est sur ce Livre-là que tes yeux devraient se poser dès ton réveil, avant les vigiles ; c'est encore le dernier livre sur lequel tu devrais t'endormir le soir. Livre antérieur au soleil et postérieur au soleil, matutinal et vespéral, diurne et nocturne, alpha et omega de chacune de tes journées. Livre toujours ouvert sur ta table...(...)

     

                                   François Cassingena-Tréverdy - Quand la Parole prend feu -

                                   pages 11 et 12

                                  Ed Abbaye de Bellefontaine 1999/2002

                                  ISBN 978-2-85589-086-9