Disponible à tous les appels qui l'invitent au service des âmes, Mgr Ghika est toujours en route : le matin au Congo, à midi à Buenos-Aires, pour le thé de 5 heures à Tokyo, que dis-je ? le voilà à Calcutta ; puis à Melbourne. Et toujours à Paris par le coeur. Cette étonnante disponibilité est l'apparence mouvante d'une bonté sans frontières. La longue chevelure blanche et le visage d'ivoire de ce petit-fils du dernier prince régnant de Moldavie, nourri dans les lettres françaises, devenu prêtre de l'Eglise catholique romaine et commissionnaire de toutes les oeuvres pies, évoquent à tous les carrefours de la charité l'image d'un Saint-Nicolas de style moderne résistant à toutes les intempéries, curieux de toutes choses et informé de tout, content de passer pour les pauvres du Christ par-dessus les règlements et les barrières des systèmes et de l'égoïsme des hommes, dur pour lui-même et pressé d'apporter à toute misère un remède approprié.
Ainsi la matière et l'expérience n'ont pas manqué à ses réflexions, depuis qu'il fréquente les grands malheurs et entend les petites histoires des uns et des autres. Ici et là, ce qu'il cherche à discerner c'est le point secret où Dieu et l'âme se rencontrent. Une imagination extraordinairement vive et précise le porte à ourler sa pensée d'un contour verbal minutieux et singulier, et à vêtir parfois d'une certaine préciosité une spiritualité exigeante et élevée, une piété toujours en éveil.
Jacques Maritain - Préface à "Pensées pour la suite des jours " de Vladimir Ghika