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Jean Daujat

  • La Création et l'existence d'un Dieu créateur (8 et fin)

    [36 suite] Certains se demandent comment ce fait que les moindres détails soient prévus par Dieu et disposés par Lui pour le bien de ses créatures qu'Il aime est compatible avec la liberté humaine. Concernant d'abord la prévision d'actes futurs libres il faut remarquer qu'il n'y a de futur que pour nous qui sommes placés dans la succession du temps, mais que passé, présent et futur sont également présents au regard de l'éternité divine  en laquelle il n'y a point de succession. Quant au fait que Dieu est la cause d'existence de nos actes libres eux-mêmes comme de tout ce  qui existe, il faut comprendre qu'il ne s'agit pas d'une cause qui agirait de l'extérieur sur notre volonté libre et en supprimerait ainsi ou en diminuerait la liberté, mais d'une cause intérieure qui est la source même d'existence de notre liberté, qui la fait exister : et Dieu donne à toute chose d'exister avec  sa nature, donc aux actes libres d'exister avec leur nature  qui est d'êtres libres.


    Puisque Dieu est le Bien infini qui donne leur bonté à tous les biens créés, c'est donc Lui qu'en définitive nous cherchons et aimons en tout ce que nous aimons puisque nous n'aimons aucune chose qu'en y trouvant  une bonté qui vient de Lui. Mais aucun de tous ces biens imparfaits et limités vers lesquels se porte notre volonté ne peut la rassasier ni la satisfaire pleinement. Dieu seul est le souverain Bien et par conséquent le but suprême qui peut orienter  toute notre vie morale. Ce qui est bon est ce qui nous oriente vers Lui, ce qui est mal est ce qui nous détourne de Lui, car sans Lui il n'y a que dégradation et misère. Il semble donc  que ce soit vers Lui que doive s'orienter la vie immortelle de notre âme. Mais comment cela se réalisera-t-il ? Nous nous heurtons toujours à l'impénétrable mystère.

    De toutes parts le mystère nous environne, et surtout en ce qui concerne nos rapports avec Dieu. Dieu est la source de notre existence, présent par là au plus profond de notre être, Il est notre souverain Bien dont l'attrait est caché au sein de tous nos amours, et pourtant Il est pour nous cet Inconnu dont la nature et la vie intime nous sont impénétrables et incompréhensibles [37] et dont la perfection infinie est séparée de nous par un abîme. Nous l'aimons à cause de tous les biens qui viennent de Lui, et pourtant Il demeure pour nous ce Maître lointain avec lequel aucune amitié, aucune intimité, aucune relation de société ne nous est possible, puisque nous ne savons même pas  ce qu'Il est en Lui-même.

    Voici jusqu'où vont et où s'arrêtent les possibilités de la nature humaine, de l’intelligence et de la volonté  dont elle est douée. Rien n'est possible au-delà sur le plan des capacités de notre nature d'hommes. Tout serait possible à une initiative de Dieu lui-même venant suppléer aux incapacités  de notre nature humaine. Cette initiative de Dieu s'est-elle produite dans l'histoire de l'humanité ?


    Jean DAUJAT - Connaître le christianisme - Éditions Pierre Téqui 1947


     

  • La Création et l'existence d'un Dieu créateur (7)

    [35] La dépendance de notre existence et de notre bien par rapport à l'Amour Créateur de Dieu nous fait comprendre pourquoi l'homme ne trouve son bien qu'en conformant son action à une loi  qui ne dépend pas de lui et à laquelle sa liberté doit se soumettre, la loi morale. Cette loi, avons-nous dit, résulte de la nature de l'homme orientée vers des biens qui constituent son achèvement et sa perfection.

    Mais pourquoi l'homme est-il ainsi, sinon parce que Dieu l'a fait ainsi ? Ici encore, c'est parce que l'homme est une créature qu'il faut pour sa perfection qu'il se soumette : c'est parce qu'il ne s'est pas fait lui-même et qu'il est tel que Dieu l'a fait qu'il trouve son bien conformément à la loi que Dieu a mise en sa nature en le créant.

    Mais cette loi qui lui vient de son Créateur est le chemin de son bien et non une contrainte qui lui serait imposée de l'extérieur. On caricature Dieu en Le représentant comme cette sorte de tyran dont le caprice nous imposerait un règlement de vie contrariant toutes nos aspirations : la loi morale ne vient pas de Dieu en ce sens que Dieu l'imposerait de l'extérieur à notre nature, mais en ce sens qu'elle vient de notre nature dont Dieu est l'auteur et que la perfection pour laquelle nous sommes faits est un don de Dieu en vue duquel Dieu a disposé notre nature suivant certaines lois.

    La créature s'enrichit et se perfectionne en suivant les lois par lesquelles Dieu la mène  vers son plus grand bien. Dieu est la source de toutes les lois par lesquelles est réglé l'univers : Il est la loi éternelle dont procède toute loi qui existe dans la création. Mais cette Loi éternelle n'est que l'impulsion d'Amour qui porte toute chose vers son bien et sa perfection et meut de l'intérieur  tous les êtres.  Hors de la Loi de Dieu il n'y a pour l'humanité comme pour tous les êtres que souffrance et dégradation. Le monde contemporain a fait la triste expérience du malheur auquel l'humanité se condamne quand elle se révolte contre Dieu et sa Loi. Toutes les lois humaines, tous les pouvoirs humains ne valent que dans la mesure de leur conformité à la Loi de Dieu. Elle est la règle de vie et source de bien des sociétés comme des individus.

    Dieu n'est pas seulement la Loi éternelle qui règle l'orientation générale des êtres vers leur bien, car puisque rien n'existe [36] sans recevoir de Lui l'existence aucun détail ne Lui échappe et c'est pourquoi on L'appelle la Providence.


    Jean DAUJAT - Connaître le christianisme - Éditions Pierre Téqui 1947

     

  • La Création et l'existence d'un Dieu créateur (6)

    [34 suite] On ne peut ici taire la grande objection que font tant d'hommes à l'Amour Créateur de Dieu : l'existence du mal. Certes le mal ne vient pas de Dieu, car le mal, nous l'avons déjà dit, n'est pas une réalité positive, mais un manque de bien ou de perfection, une absence, qui n'a pour cause que la déficience de la créature tandis que vient de Dieu tout ce qu'il y a elle de réalité positive, de bien et de perfection. Il reste qu'on peut se demander pourquoi Dieu laisse arriver le mal. La seule explication possible, puisque tout vient de son Amour, est qu'Il ne laisse arriver un mal qu'en vue d'en tirer un bien plus grand que celui dont ce mal nous prive, ainsi le chirurgien doit laisser souffrir l'opéré en vue de sa guérison. Pourtant nous ne voyons pas quel bien supérieur Dieu a en vue dans la plupart des maux qui arrivent aux hommes, et le problème du mal reste un grand mystère pour notre intelligence  laissée à ses seuls moyens. Les desseins de Dieu dans la marche de sa création nous sont profondément cachés. Nous verrons plus loin comment la Révélation, en nous dévoilant le mystère de l'Incarnation Rédemptrice, éclaire tout le problème du mal.


                                         A suivre....prochain post.


    Jean DAUJAT - Connaître le christianisme - Éditions Pierre Téqui 1947

  • La Création et l'existence d'un Dieu créateur (5)

    (suite)

    [33] C'est l'intelligence divine qui cause l'existence des créatures qui n'existent que parce que Dieu les conçoit. On voit quel abîme infini il y a entre la connaissance divine et la connaissance humaine : l'existence des choses est cause de la connaissance que nous en avons, mais la connaissance que Dieu a des choses est cause de leur existence. Par là Dieu est la Vérité et c'est Lui que nous reconnaissons dès que notre intelligence reconnaît la plus humble vérité. Si notre intelligence pour connaître doit être docile à une réalité qui ne dépend pas d'elle, soumise à une vérité qui s'impose à elle, c'est qu'elle est une intelligence de créature, et que ce n'est pas nous qui avons fait les choses, mais c'est Dieu qui les a faites, et nous ne pouvons les connaître que telles que Dieu les a faites. En reconnaissant n'importe quelle réalité, on reconnaît Dieu auteur de cette réalité. L'intelligence de la créature s'enrichit et s'accroît en s'identifiant par la connaissance à tout ce qu'elle connaît, c'est-à-dire à tout ce que Dieu à fait. Toute réalité porte en elle la signature de Dieu qui est la Réalité première, source de tout ce qui est réel. C'est pourquoi il faut être réaliste et fuir tout idéalisme, aimer ce qui est réel et ne pas se complaire dans les rêves, les chimères, les utopies, les constructions de notre esprit. La pire aberration serait de considérer Dieu comme un idéal, comme le fruit de quelque imagination ou de quelque  sentiment que l'esprit  humain conçoit pour se satisfaire : Dieu est la Réalité fondamentale sans laquelle aucune réalité n'existerait, et toute réalité n'est que la trace de son action.

    Mais pour que les créatures existent, il ne suffit pas qu'elles soient conçus par l'intelligence de Dieu, il faut encore qu'elles soient voulues par sa volonté. Dieu n'a nul besoin des créatures, qui n'ajoutent rien à sa perfection infinie : c'est par un acte de pure liberté qu'il décide de les créer. Il veut librement, sans en avoir nul besoin, le bien de l'existence des créatures et de toutes les perfections qui accompagnent leur existence. La création n'ajoute rien à Dieu, elle ne fait que réaliser l'existence , et, avec elle, le bien et la perfection des créatures : la création est donc un acte de pur don, de pure générosité, et par conséquent de pur amour. Dieu, par la libre décision de les créer, aime toutes ses créatures puisqu'elles n'existent que par cet [34] Amour qui leur donne d'exister et tout ce qu'il y a en elles de bien et de perfections. Quelle différence avec notre manière d'aimer ! Nous aimons les êtres à cause de ce qu'il y a de bonté en eux, notre amour n'est donc jamais pur don. Mais si la bonté des êtres est cause de l'amour qu'ils nous inspirent, l'Amour créateur de Dieu est cause de tout ce qu'il y a  de bonté dans les êtres et rien en eux ne préexiste à cet Amour qui est pur don. La bonté des créatures manifeste la Bonté de Dieu qui les crée, de sorte que c'est une seule et même chose pour Dieu de créer pour la manifestation de Sa bonté hors  de Lui et de créer pour le bien de ses créatures. Mais l'Amour de Dieu n'est pas divisé comme le nôtre : l'Acte unique par lequel il aime nécessairement le Bien infini qu'il est Lui-même aime librement la manifestation de ce Bien infini dans le pur don qu'Il fait en créant.


                                          A suivre....prochain post.


    Jean DAUJAT - Connaître le christianisme - Éditions Pierre Téqui 1947

  • La Création et l'existence d'un Dieu créateur (4)

    [32] De l'intelligence divine résulte évidemment que Dieu est volonté libre (Dieu est donc à la fois Intelligence et Volonté libre et ce n'est que notre manière de parler qui les distingue), mais alors que notre volonté imparfaite ne va au bien et n'aime que d'une manière partielle et successive, Dieu est un seul Acte éternel et parfait d'Amour. Dieu, étant l’Être parfait auquel ne manque aucune perfection, est Bonté infinie et parfaite qui est nécessairement parfaitement aimée, aussi Dieu est-Il Acte parfait d'Amour du Bien infini qu'Il est Lui-même. En sa Bonté infinie Il se possède et s'étreint parfaitement Lui-même. Il est donc Feu éternel d'Amour, et par là Il est éternellement la Joie infinie, parfaite, sans mélange.

    Dieu se suffit donc parfaitement et n'a nul besoin qu'existent d'autres êtres. Et pourtant Il a donné l'existence à tout cet univers où se situe l'humanité. C'est ici que se pose le problème des rapports de Dieu et du monde. 

    Le rôle propre de Dieu par rapport à tous les êtres est de leur donner l'existence, et c'est là ce qu'on appelle créer. Aussi Dieu est-il le Créateur et tous les êtres qui n'ont pas l'existence par eux-mêmes et l'ont reçue de Lui sont ses créatures. Dieu est présent en chacune de ses créatures comme la cause de son existence. Rien n’échappe à cette causalité universelle de Dieu puisque rien ne peut exister sans elle. Les créatures n'existent que parce que Dieu les a d'abord conçues dans son intelligence comme l'artiste conçoit son œuvre. Dieu connaît donc dans ses moindres détails l'univers qu'Il a fait : rien n'échappe à sa science infinie. Et pourtant Dieu connaît tout d'un seul regard, sans succession ni division, car en se connaissant Lui-même, Il voit du même coup tout ce qui [33] reçoit de lui l'existence. 

      A suivre....prochain post.


    Jean DAUJAT - Connaître le christianisme - Éditions Pierre Téqui 1947

  • La Création et l'existence d'un Dieu créateur (3)

    [30] Moïse nous dit que Dieu se définit Lui-même en disant : " Je suis Celui qui suis", c'est-à-dire Celui dont la nature même est d'exister. Notre nature n'est pas d'exister, mais d'être hommes, c'est-à-dire animaux intelligents et libres, c'est pourquoi notre existence n'est pas nécessaire, nous pourrions ne pas exister, nous recevons de Dieu l'existence que nous n'avons pas par nature. Dieu ne reçoit pas l'existence : c'est Sa nature même qui est d'exister. Il en résulte immédiatement que Dieu est l’Être parfait et infini ayant en Lui toutes les perfections : son existence n'est en effet pas limitée à être celle de tel être [31] ayant telle nature, rien ne saurait limiter l'existence qu'Il a par Lui-même, par Sa nature, c'est une existence pleine, absolue, sans limite, l'Existence parfaite en laquelle sont toutes perfections.

    Dieu est donc immuable car changer est acquérir une perfection qu'on n'avait pas et Dieu qui a en Lui toute perfection ne peut rien acquérir. Il n'y a donc pas en Lui la succession qui se trouve dans le changement : Dieu est éternel. De même Dieu est un : plusieurs Dieux ne pourraient différer les uns des autres que si chacun avait quelque chose que les autres n'auraient pas, et alors ils seraient limités et imparfaits, l’Être parfait est unique, sans multiplicité comme sans changement. Toute matière étant limitée, l’Être parfait est évidemment parfaitement immatériel. Mais quand nous disons que Dieu est Esprit pur, cela ne nous fait pas connaître sa nature d'esprit pur qui demeure pour nous dans le mystère. Nous savons toutefois que les attributs du spirituel sont l'intelligence et la volonté libre et pouvons en conclure que la vie de Dieu doit être une vie d'intelligence et de volonté libre. C'est cette vie intérieure de Dieu purement spirituelle que saint Jean décrit en deux phrases : "Dieu est Lumière" et "Dieu est Amour". Il est évident que Dieu est intelligent puisque toutes les perfections sont en Lui et aussi parce qu'il Lui faut bien l'intelligence pour avoir conçu l'univers comme l'artiste conçoit son œuvre, et son intelligence n'est pas imparfaite et limitée comme la nôtre, mais une intelligence parfaite : nous ne connaissons que partiellement et d'une manière successive et divisée, par une multitude d'actes divers ; l'intelligence divine pénètre totalement l'infini de l'être en un seul regard. Aussi Dieu est Vérité parfaite. Dieu étant l’Être parfait, est parfaitement connu  et par conséquent est Acte de connaissance parfaite de Lui-même. Il se saisit parfaitement Lui-même. Il est parfaitement clair et transparent à Lui-même. Il est donc pure Lumière, Éclair éternel d'intelligence. Notre intelligence est adaptée à saisir et pénétrer l'univers sensible, les natures des êtres corporels, elle remonte d'eux à Dieu comme à leur cause, mais elle est incapable de saisir et pénétrer l’Être divin qui demeure pour elle un mystère. Mais Dieu n'est pas caché pour [32] Lui-même : l'infinité de son Être et de Sa perfection est pleinement et parfaitement ouverte à Lui-même qui est parfaitement apte à la comprendre d'un seul regard. c'est dire combien cette vie intérieure d'intelligence en Dieu est mystérieuse et incompréhensible pour nous.


    A suivre....prochain post.


    Jean DAUJAT - Connaître le christianisme - Éditions Pierre Téqui 1947

  • La création et l'existence d'un Dieu créateur (2)

    [28] Il y a bien des manières de s'en rendre compte. La plus frappante se trouve dans le fait du changement, dans le fait [29] que chacune des choses qui existent n'a pas toujours existé mais a commencé à exister (et ceci resterait vrai pour chacun des êtres de l'univers même si l'univers avait toujours existé). Or, un être qui a par lui-même l'existence ne peut pas ne pas l'avoir, ne peut pas en être dépourvu, donc a toujours existé et existe toujours. Si un être n'a pas toujours existé, c'est donc qu'il pouvait ne pas exister, qu'il était possible qu'il n'existe pas, donc que son existence n'est pas nécessaire, qu'il ne l'a pas par lui-même (de même le fait que les aiguilles d'une montre ne sont pas toujours en mouvement prouve qu'elles n'ont pas par elles-mêmes le mouvement). On peut aussi considérer le fait que tous les êtres de ce monde sont imparfaits et limités (ce qui leur permet d'être multiples et divers) : un être qui a par lui-même l'existence ne peut pas l'avoir d'une manière limitée ; des êtres qui ont l'existence d'une manière imparfaite et limitée ne l'ont pas par eux-mêmes.

    Voici donc des êtres qui existent sans avoir par eux-mêmes l'existence. Il faut donc qu'elle leur soit donnée par une cause d'existence, et c'est cette cause d'existence que l'on appelle Dieu. Cette cause d'existence ne peut être située parmi les êtres de ce monde changeants, imparfaits, multiples, qui n'ont pas par eux-mêmes l'existence : cela ne ferait que reculer le problème. Dieu est l’Être qui a par Lui-même l'existence et n'a donc nul besoin d'une cause d'existence, l’Être nécessaire qui existe par Lui-même et ne peut pas ne pas exister. Aussi est-il la cause universelle de l'existence qui donne d'exister à tout ce qui existe, à tout l'univers et à tous les êtres qui le constituent, comme le ressort de la montre donne le mouvement à tout son mécanisme et à chacun de ses engrenages. On comprend maintenant combien il est absurde de prétendre se passer de Dieu sous prétexte que le monde a toujours existé, qu'il est infini et contient une suite infinie de causes et d'effets : à supposer qu'un monde changeant et fait d'êtres passagers, limités et multiples ait toujours existé et que s'y trouve une série infinie de causes et d'effets, il aurait toujours existé sans avoir par lui-même l'existence et par conséquent en recevant l'existence de l’Être nécessaire et par soi. De même, à supposer qu'une montre ait une infinité d'engrenages, elle n'aura pas de [30] mouvement sans un ressort car tous les engrenages, même en nombre infini, n'ont pas par eux-mêmes le mouvement. De même un train auquel on supposerait une infinité de wagons ne pourrait être en mouvement sans une locomotive, les wagons, quel que soit leur nombre qui n'y change rien, n'ayant pas par eux-mêmes le mouvement. 

    Notre intelligence est ainsi capable d'acquérir la certitude de l'existence de Dieu. Mais c'est uniquement parce que si Dieu n'existait pas tous les êtres de ce monde et l'homme lui-même n'existeraient pas. On connaît ainsi Dieu par les êtres auxquels Il donne l'existence, comme on connaît le passage d'un homme  aux traces qu'il laisse sur le sable, mais notre intelligence ne connaît pas et ne peut pas connaître Dieu directement , n'a et ne peut avoir aucune idée de ce qu'est Dieu en Lui-même. Dieu est aussi inaccessible et impénétrable à notre intelligence qu'invisible à nos yeux : nous ne voyons et notre intelligence  ne pénètre que l'univers qui a reçu de Lui l'existence, Sa nature demeure cachée  dans le mystère.

    Ne pourrions-nous donc rien dire de Dieu ? Les perfections qu'il a données à l'univers nous parlent de Lui, et nous allons voir  tout ce qu'en concluant des effets à la cause  nous pouvons dire de Lui. Mais jamais ce que nous pourrons affirmer de Lui avec certitude  ne nous dévoilera Sa nature, ne nous découvrira ce qu'Il est en Lui-même. La réalité intime de Dieu nous demeure profondément inconnue. 


                                                       A suivre....prochain post.

    Jean DAUJAT - Connaître le christianisme - Éditions Pierre Téqui 1947

  • La création et l'existence d'un Dieu créateur (1)

    [27] C'est un fait que l'homme et l'univers dans lequel il vit existent. On ne peut se contenter de constater ce fait et de regarder l'homme et l'univers, il faut se demander d'où vient qu'ils existent. Quand on voit des pas sur le sable, on se demande d'où vient qu'il y ait des pas, et on en conclut qu'un homme est passé par là. Quand on voit tourner les aiguilles d'une montre, on se demande d'où vient qu'elles sont en mouvement et on en conclut à l'existence d'un ressort qui leur donne le mouvement. Pourtant on ne voit ni l'homme qui a marché sur [28] le sable ni le ressort caché dans la montre, on n'a de connaissance directe ni de l'un ni de l'autre, et cela n'empêche pas d'affirmer avec certitude l'existence de l'un et de l'autre. Une cause que l'on ne voit pas, que l'on n'a aucun moyen de connaître directement, peut être affirmée avec certitude si elle est indispensable pour produire un effet que l'on voit et constate, si cet effet ne peut exister sans qu'existe sa cause. Peu importe donc que l'existence de l'univers ait pour cause, comme nous le montrerons, Dieu qui est invisible et qu'il nous est impossible de connaître directement et en Lui-même, il nous suffit pour affirmer Dieu avec certitude que l'univers existe et qu'il ne puisse exister sans recevoir son existence de Dieu. 

    Notre intelligence peut donc démontrer l'existence de Dieu par un raisonnement rigoureux concluant de l'effet à la cause. Précisons la marche de ce raisonnement. Pourquoi le mouvement des aiguilles d'une montre nous fait-il affirmer avec certitude l'existence du ressort qui leur donne le mouvement ? Parce que les aiguilles n'ont pas par elles-mêmes le mouvement : ce mouvement qu'elles n'ont pas par elles-mêmes doit donc leur être donné par une cause de mouvement (ce qui n'est pas par soi est par un autre car si ce n'était pas par un autre ce serait par soi ou ce ne serait pas du tout), cause de mouvement dont d'ailleurs la nature nous serait inconnue si nous n'avions pas l'expérience qu'en ouvrant la montre on trouve un ressort comme moteur. De même le fondement de la démonstration de l'existence de Dieu se trouve dans ce fait que les hommes  et tous les êtres de ce monde n'ont pas par eux-mêmes l'existence : au lieu de considérer dans les êtres un effet qui vient simplement modifier leur existence, comme la forme des pas s'ajoute à l'existence du sable et le mouvement à l'existence  des aiguilles, on considère dans les êtres ce qu'il y a en eux de premier et de plus foncier, ce que tout le reste suppose, leur existence elle-même, et il s'agit de se rendre compte que tous les êtres de ce monde existent, mais n'ont pas par eux-mêmes l'existence.

                      A suivre....prochain post.

    Jean DAUJAT - Connaître le christianisme - Éditions Pierre Téqui 1947

  • Vladimir Ghika : le sens de la destinée humaine

    [ 89] Un trop grand nombre de nos contemporains se représentent Dieu comme un tyran tout-puissant, comme un potentat impitoyable qui use et abuse de sa toute-puissance pour mettre ses créatures à son service, les réduire en esclavage, les soumettre à ses règlements.  Il est urgent de leur rappeler que le christianisme est la révélation que Dieu nous aime, que les anges ont chanté  la nuit de Noël la déclaration d'amour de Dieu aux hommes : " Paix aux hommes qui sont aimés de Dieu" (littéralement : Paix aux hommes à qui Dieu veut du bien, et non, selon une mauvaise traduction : Paix aux hommes de bonne volonté). Mgr Ghika vivait dans un émerveillement perpétuel devant l'Amour infini de Dieu pour nous et rappelait sans cesse que Dieu n'est pas un tyran ou un potentat, qu'Il est l'Amour infini qui Se donne entièrement par amour.


    [90] C'est d'abord par amour que Dieu nous crée : tout ce qu'il y a d'être en nous est don de son amour. Les Pensées pour la suite des jours nous le disent (p.149) : " Nous sommes aimés aussi fortement que nous sommes créés." A ceux qui se croient le jouet d'une fatalité aveugle, le même livre rappelle qu'à l'origine de toutes choses il y a une Volonté d'amour qui crée par amour des hommes pour les aimer et être aimé d'eux : " Un Dessein, point un Destin, voilà, nous l'avons appris, le fond de toutes choses. Et depuis Jésus, nous savons qu'il n'y a pas d'autre Destin que l'Amour " (p.73) Notre foi est d'abord de croire cela.  (...)

    [91] "Dieu nous aime d'un amour infini, incessant, éternel...Nous avons notre place de choix dans l'amour universel de Dieu - ce fond de toutes choses... N'avez-vous pas compris sur quoi se fonde l'Univers ? Le monde est fait sur un plan d'amour. C'est l'alpha et l’oméga, la fin suprême qui est le commencement de tout et le milieu de toutes choses. Rien n'est fait en dehors de cette pensée, et qui s'en pénètre commence à connaître Dieu et le monde. En cet amour universel, il y a un amour spécial, encore multiplié, pour nous, les créatures qui peuvent et doivent Le connaître, Le servir et L'aimer - pour nous nominalement, ces élus de tel jour, de tel mois, de telle année, de tel lieu... avec les siècles d'histoire divine qui se placent, entre nous, longue suite de choses et long récit d'amour. Et cet Amour qui est un Amour infini, un Amour éternel, c'est le plus prouvé des amours. Voici venir à travers les âges les paroles et les actes et les sacrifices que nul ne peut compter - la conscience naturelle de la créature qui proclame l'Amour créateur - la voix de  Dieu dans les Livres saints, les œuvres de Dieu, son Église éternelle, tout le grand dialogue de l'Amour suprême et de ce qu'il daigne aimer. Il faudrait reprendre pour cela l'histoire entière du monde, de l'humanité et de toute [92] âme humaine. J'appelle votre réflexion à se fixer souvent sur ce domaine presque sans limites dont le centre est la venue par amour au milieu de nous du Sauveur."

    Ceux qui sont frappés par la souffrance ont souvent plus de mal à admettre que Dieu les aime. C'est pour eux que Mgr Ghika a écrit ce qui suit : " Que me veut le Seigneur qui vient dans la nuit et qui frappe ? Il veut que tu comprennes qu'Il t'aime et qu'Il t'aime plus que tous ceux qui t'aiment et plus que toi-même tu ne saurais t'aimer. Il veut que tu veuilles ce qu'Il veut parce qu'Il veut ton bonheur éternel, complet, parfait. Il veut que tu acceptes avec la révélation de son Amour les maux qui viennent  jusqu'à toi si tu dois les subir ; que par la force de son Amour tu les repousses si le souverain pouvoir de la prière et de la grâce doit te les faire éviter ; que, dans son Amour, ces maux, quels qu'ils soient, tu les unisses aux trésors de la Rédemption, aux puissances qui sauvent l'univers ; que pour son Amour tu ailles jusqu'à les rechercher s'ils peuvent procurer le bien du monde et la gloire de ton Dieu. Si tu es coupable et que tu me sentes battre dans la souffrance [93], moi le Cœur de ton Dieu, sois lavé par ta douleur, dans le Sang divin, des peines sorties de ta faute. Si tu es imparfait, sois régénéré. Si tu es bon, sois meilleur."

    L'Apôtre du XXe siècle Monseigneur Ghika - JEAN DAUJAT- Nouvelles Editions latines 1962

  • Vladimir Ghika et la présence trinitaire en nous

    (...) Mais bien plus grand encore était l'émerveillement de sa foi devant la présence surnaturelle des Trois Personnes divines comme hôtes intimes et familiers des âmes en état de grâce : il vivait dans la compagnie constante du Père, du Fils, et du Saint-Esprit présents au plus profond de son âme par la grâce et il les retrouvait dans chaque "prochain" que la Providence lui faisait rencontrer. Il ne se lassait pas d'attirer l'attention sur cette vie de la Divine Trinité en nous à laquelle, hélas ! la plupart des hommes sont si peu attentifs.

    Il ne se lassait pas de s'adresser à cette vie de la Trinité au fond de l'âme de ses auditeurs ou de ses lecteurs, comme il nous l'explique dans "La Sainte Vierge et le Saint Sacrement" (p.33) : " Ce à quoi je fais appel ici, ce n'est pas à l'attention bien disposée d'une assistance, mais à la vie de la Sainte Trinité, à la vie prodigieuse du Dieu vivant à demeure en nous, grâce à la présence réelle et vivifiante du Verbe incarné qui a traversé ce matin votre être et le mien, à cette vie de la Trinité Sainte qui réside en vous tant que le péché ne l'a pas chassée, à toutes ces réalités premières et souveraines qui ne peuvent passer et vis-à-vis desquelles nous avons le seul tort de ne jamais assez reconnaître leur prééminence absolue et leur toujours actuelle vertu (...)

     

    Jean Daujat - L'apôtre du XXe siècle Monseigneur Ghika - Nouvelles Editions latines 1962 p. 70