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  • Le Grand Inquisiteur

    La parabole [ R.-L. Bruckberger fait allusion ici au roman de Dostoïevski, les Frères Karamazov, en particulier la parabole du Grand Inquisiteur ] suppose qu'au XVI ème siècle, à Séville, vous êtes revenu sur terre, et que le petit peuple vous a reconnu ; qu'il s'est même précipité vers vous. Le Grand Inquisiteur, cardinal de l'Eglise romaine, survient, vous fait arrêter et jeter en prison, où il vient vous parler. C'est lui qui vous dit : "Des siècles passeront, et l'humanité proclamera, par la bouche de ses savants et de ses sages, qu'il n'y a plus de crimes, et par conséquent qu'il n'y a plus de péchés : il n'y a plus que des affamés. Nourris-les, et alors exige d'eux qu'ils soient vertueux ! Voilà ce qu'on écrira sur l'étendard de la révolte qui abattra ton temple." Ainsi vous parlait le Grand Inquisiteur.

    Béni soit votre serviteur Dostoïevski, ancien forçat, épileptique, ivrogne sur les bords, perdu de dettes, joueur, romancier, et Russe par-dessus le marché ; il fut un de vos prophètes, je veux dire que l'esprit prophétique de votre Eglise, - qui est un esprit de souffrance, d'espérance, et d'une lucidité déchirante de l'avenir, et qui est l'instinct de conservation de ce que l'Eglise a de plus vital, il conserve l'âme de l'Eglise, - cet esprit s'est exprimé par lui. Dostoïevski a discerné et dit à l'avance le péril extrême qui menace l'Eglise dans son âme et sa raison d'être. Un univers dont l'idéal est d'assurer la santé et la prospérité matérielle de l'espèce humaine sur terre n'aura plus aucune place pour vous.

    L'homme de ce nouvel univers aura même sa vertu à lui, qui aura ses critères absolument différents de ceux de la vertu qui se réclame de vous. Cet univers aura besoin de toujours plus d'hygiénistes, de biologistes, mais il n'aura pas besoin de saints, parce qu'en éliminant la notion même de péché le pécheur même devient inconcevable et de même le saint. 

    Comme toujours quand il s'agit de prophétie vraie, la manière dont elle se réalise déborde un peu l'expression du prophète. C'est non seulement "Nourrissez-les !" mais aussi "Guérissez-les !" qu'il pouvait dire. La médecine n'est plus qu'une annexe de l'économie, et l'économie est la science totale du bonheur humain. Le but de la société est de nourrir l'homme, de le guérir éventuellement, de le faire jouir de la terre, de le combler de commodités matérielles, et de le convaincre que s'il a tout cela il ne peut être qu'heureux. Celui qui ne serait pas content de la terre et de son bonheur serait un inadapté (...) Alors que veulent dire les mots "rédemption" et "rédempteur", du moment qu'il n'y a plus ni péché ni pécheurs ? (...)

    Ce qui, il y a un siècle, pouvait encore passer pour une prophétie n'est plus qu'une photographie du monde actuel. Curieusement, la prophétie a commencé de se réaliser par la patrie de Dostoïevski. La prophétie n'a pas protégé la Russie. Mais c'est aussi par la Russie peut-être que votre royaume réapparaîtra sur terre. Malgré l'énorme entreprise qui vise à vous éliminer du destin de l'homme, il y a de plus en plus d'hommes et de femmes russes qui languissent pour vous. (...)

    R-L Bruckberger - Lettre ouverte à Jésus-Christ - Ed. Albin Michel, 1973  

     

  • Annoncer la Bonne Nouvelle (2)

    Ils [les chrétiens] ne doivent jamais oublier que le Christ ne peut plus être un inconnu ni un étranger absolu pour qui que ce soit ; or il y a des manières de parler de lui qui créent de terribles malentendus et empêchent justement la rencontre qu'elles prétendent favoriser.

    L’Évangile nous montre le Christ  particulièrement proche de toutes sortes de gens que l'on eût pu croire très éloignés d'être concernés par lui, y compris de ces enfants que ses propres disciples croient bon d'écarter (Mt. 19, 13-14), y compris de cette femme qui gaspille pour lui son parfum et que les Apôtres veulent houspiller (Mt 26,6 s.)

    Instruit de ces épisodes évangéliques, tout chrétien doit respecter en chaque homme le mystère de sa relation au Christ, y compris en respectant la liberté de celui qui la nie : car ce n'est pas ailleurs que du sein de cette liberté qu'il pourra la reconnaître s'il plaît au Christ de se manifester, et cette relation est pour nous trop certaine pour que nous cherchions à en discourir avec l'âpreté qu'on met à défendre de mauvaises causes.

    Albert-Marie Besnard - Un certain Jésus - Ed. du Cerf, 1968

     

  • Annoncer la Bonne Nouvelle (1)

    Il est aisé de remarquer l'énorme distance culturelle qui nous sépare des contemporains de Jésus - leur univers religieux, social, économique et politique est si éloigné du nôtre que nous avons de la peine à comprendre ce langage où l'on parle de Royaume de Dieu et d'accomplissement des temps, de repentance et de rémission des péchés, d'Alliance Nouvelle et éternelle ou de culte en esprit et en vérité, de salut ou de nouvelle naissance. Mais plus on se rend familier de ce langage, plus on s'aperçoit que, sous la variété des thèmes et des concepts, un unique message, infiniment simple, est véhiculé, proclamé, expliqué. Ce message est celui-ci : Jésus est le Messie ou le Christ, c'est-à-dire celui qui a établi l'humanité dans une structure nouvelle de destin ; celui en qui se joue notre destin à tous, aussi bien notre destin le plus personnel que le destin collectif de l'humanité.

    Dans notre foi chrétienne, il y a donc cette certitude, reçue de Dieu, que l'humanité n'est pas une simple succession linéaire de générations, disparaissant les unes derrières les autres, dont la cohésion et la réussite dépendraient uniquement des liens de la chair et du sang, où des personnalités individuelles ou collégiales émergeraient selon des lois complexes mais purement socio-biologiques, pour en "conscientiser" le mouvement, ou même en infléchir l'aventure dans un sens ou dans un autre, et de toute manière vers un néant final. L'humanité est centrée, c'est-à-dire qu'elle à un centre, un " chef " au sens où saint Paul emploie le mot, et qui est précisément le Christ (cf. Eph 1)

    Saint Paul veut dire tout d'abord que le Christ récapitule en lui le destin de tous et de chacun, jouant ainsi le rôle de "nouvel Adam" (Rm 5,18 s. ; 2 Co. 5,14).

    La chance de l'humanité s'est jouée et définitivement gagnée dans le Christ, par sa victoire sur la haine, le péché, la mort. Ce faisant, il n'a pas confisqué le destin humain : il en a révélé les dimensions, l'horizon, l'enjeu. (...)

    Il est le point de passage obligé de tout homme vers l'accomplissement de son destin. Ce qu'a vécu Jésus fait partie intégrante de l'histoire personnelle de chacun d'entre nous, ou, si l'on préfère, de notre préhistoire, mais qui a marqué chaque homme à jamais. Cette solidarité est établie une fois pour toutes depuis que Jésus (...) est mort et ressuscité. Un jour, nous le croyons, " chacun le verra, même ceux qui l'ont transpercé " (Ap. 1,7)  

    Albert -Marie Besnard - Un certain Jésus - Ed. du Cerf, 1968

  • En la personne de Jésus

    Aucune valeur chrétienne, aucune vérité chrétienne n'est vécue ou proposée en soi, mais toujours en la personne de Jésus ; l'amour d'autrui n'atteint son épanouissement suprême qu' en la personne de Jésus ; la virginité consacrée ou l'indissolubilité du mariage ne sont défendues et vivables qu'en la personne de Jésus.

    Il s'agit donc de la connaître, cette personne. De se trouver sous le feu de son regard, sous le vent de sa parole. Sinon, comment peut-on être chrétien ? Mais prenons garde aussi que certains, sous couleur de n'avoir que Jésus à la bouche et dans leur dévotion, se créent un Jésus à leur convenance qui risque de n' être pas conforme à la réalité.

    Apprenons à lire et à méditer l’Évangile : que nous y aide cette force irremplaçable de l'imagination grâce à laquelle le détail concret nous parle, la scène s'anime, les paroles s'allument ; mais attention à ne pas céder à l'entraînement, à ne pas rajouter au document, à ne pas fabuler fantastiquement ou psychologiquement sur des voies sans issue. L'équilibre est délicat à tenir ; heureusement, c'est la foi, c'est l'Esprit Saint, qui le tient en nous, si nous demeurons soucieux de vérité. Toute la vérité sur l'humanité de Jésus, mais rien que la vérité : " Ce qu'on rajoute vient du Malin " (Mt. 5,37).

    Alors ayant appris à discerner les intentions et les genres propres des différents évangiles, nous aimerons leur sobriété qui en dit finalement si long.  

     

    Albert-Marie Besnard - Un certain Jésus - Ed. du Cerf, 1968 

  • Le Vivant

    Par la foi, je ne rejoins pas seulement sur le témoignage des apôtres quelqu'un de bien réel sans doute, mais qui vécut très loin de moi, dans le passé. Par mon acte de foi je rejoins quelqu'un qui vit, qui à l'instant même entend les pauvres mots par lesquels j'essaie de vous mettre en contact avec lui, car c'est dans ce contact actuel avec le Christ que consiste la foi. Cet homme auprès de qui Marie-Madeleine, Thomas et tous les autres se sont prosternés, c'est quelqu'un qui ne meurt plus, c'est quelqu'un d'éternellement vivant. Le témoignage qu'ils lui ont rendu est sans doute loin derrière moi, mais ce Christ qu'ils ont vu, touché, sur qui ils ont compris tout à coup que la mort ne pouvait plus rien, c'est le Verbe de Vie. Il est là maintenant devant moi aussi réel, aussi vivant, aussi tendre qu'au matin de Pâques : " Marie ! - Rabbouni ! "

    Il m'appelle comme cela. Il vous appelle, chacun d'entre vous comme cela, en ce moment même, par votre petit nom.

    (...)

    " Ce que nous avons vu, entendu..." Mais qu'est-ce qu'ils ont vu ? Qu'est-ce qu'ils ont entendu ? Qu'est-ce qu'elle nous dit cette parole des apôtres ? Elle nous dit la réalité de Dieu. Non pas un rêve, non pas le produit d'une imagination surchauffée, non pas une chimère que nous nous serions créée pour trouver dans l'au-delà une compensation à nos misères d'ici-bas, mais quelqu'un. Quelqu'un que nos premiers frères dans la foi ont touché dans son corps glorifié et dont ils nous crient, par-dessus les siècles, la réalité désormais immortelle. Quelqu'un d'aussi réel aujourd'hui pour moi, qu'il le fut hier pour eux.

    Pierre-Jourdain Houyvet - Jésus, que ma joie demeure - Cerf, 1994

  • La clef du royaume (2)

    Saint Paul affirme mystérieusement que notre souffrance sert à compléter ce qui manque à la Passion du Christ. Si saint Paul ne l'affirmait solennement, jamais je ne croirais qu'il puisse manquer quelque chose à la Passion du Christ. Mais apparemment Dieu qui nous a créés libres, ne veut pas opérer sans nous l'oeuvre de notre salut. Il veut que chacun apporte sa propre pierre à l'édification de cette immense cathédrale de la souffrance que constitue la Passion du Christ, qui, dans la chair et l'âme de ses amis, se poursuit à travers les siècles. Quand le monde finira, alors seulement la cathédrale sera achevée. La douleur et la mort sont donc un moyen de nous conformer au Christ, de prendre sa figure, de nous identifier mystérieusement à lui afin qu'au moment voulu nous participions aussi à sa Gloire, à la joie sans rivages qui est éternellement sienne. Dans le  christianisme authentique, la souffrance et la mort, surtout l'acceptation libre de la souffrance et de la mort, sont un moyen, mais ne sont qu'un moyen. Si elles deviennent but, elles sont chrétiennement suspectes. La joie seule est notre destinantion finale.  

     

    R.L Bruckberger - La Révélation de Jésus-Christ - Grasset, 1983 

  • La clef du Royaume (1)

    Le véritable patron de notre monde moderne, celui qui lui tend le miroir prophétique de sa conversion possible, c'est le bon larron, si près de la piété russe traditionnelle.

    - Seigneur, souvenez-vous de moi, quand vous serez dans votre paradis !

    - En vérité, en vérité, je te le dis, aujourd'hui même, tu seras avec moi au paradis ! 

    Il me semble que Jésus ne pouvait dire plus clairement que du moment qu'on est sur la croix, la clef est déjà introduite dans la serrure du paradis, à la condition bien entendu que cette croix soit acceptée et même aimée. Car enfin le mauvais larron est dans la même situation que le bon larron, et il blasphème jusque sur la croix. N'oublions jamais que le seul saint canonisé par Jésus-Christ est un bandit de grands chemins, justement puni pour ses crimes. Mais il accepte de plein coeur - et c'est là qu'il est antimoderne - et son châtiment, et sa souffrance, et sa mort, parce qu'il a deviné que la croix sur laquelle il est cloué est la clef même du paradis dont son voisin de supplice est le Seigneur.

    Non ! Mille fois non ! le christianisme n'est pas un dolorisme, ni un sadisme, ni un masochisme, ceux qui le disent mentent. C'est littéralement la religion de la joie et de la Gloire, puisqu'il est la religion de la Vie et de son épanouissement, il est vrai, sur-naturel. Il place très haut cette joie, il situe très haut cette Gloire, sur des sommets naturellement inaccessibles, dont le seul Christ nous a ouvert le sentier escarpé. Entre d'une part cette joie et cette Gloire et d'autre part nous, nous autres hommes, il y a des obstacles à franchir : notre nature même, paradoxale, animale et spirituelle, enfant de la terre et du ciel, de plain-pied avec ce que ce monde a d'éphémère, et en même temps ouverte sur un infini de désir. Et cette nature humaine elle-même n'est pas intacte, elle est blessée, affaiblie, claudicante, atteinte dans ses forces vives par le péché dont le fruit est la mort. Je sais bien que cette conception de l'homme ne correspond à aucune des données actuelles de la science : la science ne connaît pas le péché et ne peut pas le connaître, et elle hait la mort qu'elle est pourtant bien obligée d'admettre.  

     

    R.L Bruckberger - La Révélation de Jésus-Christ - Grasset 1983 

  • Il s'est approché de nous

    A mon sens, l'incarnation de Dieu est une révolution de la vision humaine sur Dieu. Il n'est pas seulement un personnage lointain ; il s'est manifesté en Jésus. Il est devenu visible ; on peut le connaître ; il s'est lié à l'homme ; il me rencontre "les yeux dans les yeux". Il m'est possible de le connaître dans le visage d'un homme. Dieu est descendu sur cette terre pour sauver la totalité de la terre. (...)

    En Jésus, Dieu est entré dans l'histoire humaine - ainsi que bien sûr dans l'histoire du mal. Il a connu la souffrance humaine dans son corps. Il a appris ce qu'était la souffrance.

    Telle est la vision révolutionnaire sur Dieu qui nous distingue des images divines des autres religions. Dieu n'est pas le personnage lointain inaccessible qui - selon la description qu'en font les Grecs - est insensible à la souffrance. Au contraire, il s'est fait homme et il a assumé lui-même toute souffrance humaine.

    Précisément, ce fut pour Dietrich Bonhoeffer l'essence du christianisme : " Les chrétiens sont avec Dieu dans sa passion." Voilà ce qui distingue les chrétiens des païens : "Ne pouvez-vous pas veiller une heure avec moi ?" demande Jésus à Gethsémani. C'est l'inversion de tout ce que l'homme religieux attend de Dieu. L'être humain est appelé à souffrir la souffrance de Dieu pour le monde sans Dieu."

    Depuis son incarnation, Dieu nous rencontre dans chaque visage humain. Il nous rencontre précisément dans les démunis et les pauvres. Cela est aussi une révolution de l'image de Dieu ; il ne s'est pas retranché quelque part dans le ciel : il s'est approché de nous. Et Dieu n'est pas insensible, mais c'est quelqu'un qui est entré dans notre humanité et qui a éprouvé dans son propre corps tous les sentiments humains.

    (...)

    L'expérience chrétienne de Dieu a toujours un aspect sensible et corporel. Cela nous différencie, nous les chrétiens, des autres religions (...)

     

    Anselm Grün - La foi des chrétiens - Desclée de Brouwer 2008

  • Le christianisme c'est le Christ

    Durand son séjour à Berlin, Romano Guardini avait été en contact avec la Maison de Bouddha. C'est pourquoi il a travaillé sur l'essence du christianisme justement pour montrer sa différence avec le bouddhisme. Bouddha est l'éveillé qui a trouvé la voie qui conduit à l'illumination et à la délivrance de la souffrance de ce monde. Mais dès que ses disciples sont à leur tour éveillés, ils n'ont plus besoin de leur maître.

    Dans le cas du Christ, il en va autrement. L'essence du christianisme consiste dans la relation permanente à Jésus-Christ. Guardini  cite les nombreux passages bibliques où Jésus fait dépendre les hommes de sa relation à lui-même. C'est avant tout dans l'évangile de saint Jean que la relation de Jésus et la foi qui voit en lui le Père est la dimension déterminante du christianisme : « Je suis la Lumière du monde. Qui me suit, ne marchera plus dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie ». (Jn 8,12)

    Jésus se compare à la vigne et il nous compare aux sarments. C'est seulement si nous demeurons en lui que nous portons du fruit. Certes, il le dit davantage encore : « Qui demeure en moi et celui en qui je demeure, celui-là porte du fruit ; car sans moi vous ne pouvez rien faire »  (Jn 15,15)

    Jésus est le fondement intime qui nous fait vivre. Il nous conduit dans toutes les virtualités de notre âme. Et c'est seulement si nous vivons de sa source interne que l'amour féconde notre vie. Dans la première Lettre de Jean, cette relation à Jésus est vue comme la condition du salut : « Tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu dans la chair est de Dieu. Et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n'est pas de Dieu »(1 Jn  4,2 s.) Et peu après, Jean déclare de façon encore plus explicite : « Celui qui confesse que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui et lui en Dieu » (1 Jn 4,15)

    Après avoir cité tous ces passages bibliques, Guardini  tire la conclusion suivante : « Il n'y a pas de doctrine ni de système de valeurs morales, ni d'attitude religieuse ni de programme de vie qui pourrait être détaché de la personne du Christ et dont on pourrait dire : voilà le christianisme. Le christianisme c'est Lui-même ; ce qui par lui parvient à l'homme et la relation que par lui l'homme peut avoir avec Dieu[1]. »

     

    Anselm Grün- La foi des chrétiens - Desclée de Brouwer 2008

     


    [1] Romano Guardini, L'Essence du christianisme, Alsatia, 1950, trad. Pierre Lorson, p. 87

  • La légalité du côté du crime

    Ils avaient devant les yeux, en chair et en os, Celui dont toutes leurs Ecritures, où ils s'usaient les yeux, parlaient, et elles ne parlaient que de lui. Ils avaient devant les yeux Celui qui était la finalité et l'accomplissement de la Loi, cette Loi dont ils étaient les docteurs et les gardiens. Ils avaient devant les yeux le Dieu d'Israël lui-même, pour lequel ils avaient construit le Temple, à qui ils immolaient des victimes prophétiques, mais sa Divinité était voilée par une humanité comme jadis la face éblouissante de Moïse leur apparaissait cachée par un voile.

    Ils ne le reconnurent pas. Ils l'ont tué.

    Le moins qu'on puisse dire - et cela est de la plus haute importance pour définir exactement les ennemis de Jésus-Christ dans n'importe quelle société - est que le meurtre de Jésus n'est absolument pas un crime crapuleux, un meurtre de chenapans. Il ne fut pas davantage un crime révolutionnaire, commis par une foule en délire. Il ne fut pas un crime du peuple comme les exécutions de la Commune. Il fut un crime de ce que les Anglais appellent l ' establishment. Comme le meurtre de Jeanne d'Arc, qui lui ressemble à tant d'égards, ce fut un meurtre prémédité, hautement motivé, crime de notables et de juristes, crime de prêtres et d'intellectuels, avec tous les raffinements d'une mise en scène éléborée, infiniment respectueuse des formes et des formalités. A part la canaille qu'on retrouve autour de toutes les exécutions, qui n'a rien à voir avec le peuple, et qui n'est là que pour hurler avec les loups, le peuple d'Israël que Jésus avait aimé, qui l'avait acclamé, n'était pas là : il fut mis par ses élites devant le fait accompli. Il en fut consterné.

    Une fois de plus dans l'histoire - mais cette fois-là fut de conséquence infinie - les élites ont trahi à la fois leur vocation propre et le peuple dont elles avaient officiellement charge et responsabilité. Une fois de plus dans l'histoire la légalité était d'un côté, la légitimité de l'autre. Et la légalité fut du côté du crime. Une fois de plus.

     

    R.L Bruckberger - La Révélation de Jésus-Christ - Grasset 1983

  • Les fondements

    Pourquoi est-ce que nous croyons ?

    Parce qu'on nous a élevé comme cela ?

    Parce que cela aide à supporter la vie, la souffrance ?

    Et si moi je n'ai pas été élevé comme cela ?

    Et si moi je n'ai pas besoin de cela pour supporter la vie, pourquoi est-ce que je crois ?

    Je crois parce qu' il y a eu, dans l'histoire de l'humanité, ce matin de Pâques où une femme, des femmes, des hommes, ont reconnu, ont constaté vivant ce Maître que, la veille, ils avaient vu mort.

    Je crois parce qu'il y a eu le cri de ces premiers témoins. Parce que Marie a crié cela. Parce que Thomas a crié cela. Parce que Pierre et Paul, et Jean et tous les autres, chacun à leur manière, au Cénacle, sur les routes, au bord  du lac, parce que tous ont crié cela : «C'est le Seigneur ! C'est le Seigneur ! » (Jn 21, 7).

    La réalité de ma foi, elle est là d'abord, dans le témoignage irrécusable de ces premiers témoins.

    À eux Dieu s'est montré.

    A eux Dieu a parlé : « Ce que nous avons  entendu, vu, touché du Verbe de Vie. »

    À eux a été confiée cette mission de dire aux autres hommes cette parole qu'ils avaient entendue, ces choses qu'ils avaient vues, touchées, contemplées.

    Lorsque nous souffrons, dans notre foi ;

    lorsque nous nous demandons si nous croyons encore et pourquoi nous croyons, c'est à la réalité de ces premiers témoignages apostoliques que nous devons revenir.


    P.J Houyvet - « Jésus, que ma joie demeure » Ed. du Cerf, 1994