Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • 1 er dimanche de l'Avent - Année liturgique B

    Homélie du Père M-J Le Guillou, O.P (Ordre des frères Prêcheurs)

    Réf  des textes : Is 63, 16 - 64,7    1 Co 1, 3-9       Mc 13, 33-37

    Si vous voulez commander le livre c'est ici

     

    "Le temps de l'Avent n'est pas un temps de tristesse"

     

    Aujourd'hui, je voudrais vous délivrer un message de joie. Saint Paul nous y invite ainsi: "Que la grâce et la paix soient avec vous, de la part de Dieu notre Père et de Jésus-Christ le Seigneur." Nous avons donc à rendre grâce. Le temps de l'Avent n'est pas un temps de tristesse. C'est un temps d'attente de toutes les richesses du Seigneur, celles de la Puissance de sa Parole et celles de sa connaissance. Tout nous est donné dans le Christ  et par le Christ : aucun don spirituel ne nous manque et tout se révèlera au dernier jour. Mais en attendant, à l'évidence, nous bénéficions de la fidélité du Seigneur : elle est totale, elle est absolue. Dieu ne nous abandonne jamais puisqu'il nous a appelés à vivre en communion avec son fils Jésus-Christ notre Seigneur. Le temps de l'Avent nous demande de mieux percevoir la joie dans la fidélité du Seigneur, la joie dans son amour qui nous enveloppe et nous précède de partout.

    Le Livre d'Isaïe met en relief la conscience  que nous devons avoir du péché : " Tu étais irrité par notre obstination dans le péché et pourtant  nous serons sauvés. Nous étions tous semblables à des hommes souillés, et toutes nos belles actions étaient comme des vêtements salis".

    Pour être joyeux, il faut avoir en soi la conscience de notre péché et en même temps la conscience de l'Amour du Seigneur qui, dans sa fidélité, nous enveloppe de son amour. Nous avons besoin de lui pour découvrir notre misère, notre faiblesse, sinon, comme le dit Pascal : "Si tu voyais ton péché tu perdrais cœur". Il a raison. Voilà pourquoi Isaïe fait une demande à Dieu qui jaillit du fond de son cœur : "Ah ! si tu déchirais les cieux, si tu descendais". Et bien, le Seigneur a déchiré les cieux et il est descendu parmi nous. Il nous prend dans son mystère d'amour et de joie dont nous allons découvrir la profondeur dans la mesure où nous nous découvrons, comme le dit l’Écriture avec une certaine brutalité, des hommes souillés. Le Seigneur a besoin de venir en nous. Il vient à notre rencontre car c'est lui qui nous transforme.

    Lorsque le Christ parle de sa venue, il insiste sur la veille : "Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra... Ce que je vous dis là, je le dis à tous : " Veillez". Nous pouvons nous appuyer sur les paroles du Seigneur pour découvrir à quel point nous avons à lui être présents, d'une présence d'amour, de joie et de paix. En ce temps d'Avent, je vous convie à découvrir la joie paradisiaque qui est dans le cœur du Seigneur. C'est celle du Christ allant à la Croix pour aller vers le Père. Il nous laisse avec ces paroles : "Je vous laisse la paix ; c'est ma paix que je vous donne" (Jn 14,27) et " Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète." (Jn 15,11) Il n'y a pas de plus beau témoignage que celui-là : le Seigneur nous  donne la joie de Dieu, la joie intérieure de la communion avec Dieu et il nous fait tenir solidement jusqu'au bout. Nous devons demander au Seigneur la grâce de lui faire don de notre liberté pour tenir solidement  puisqu'il nous donne sa grâce et sa paix, son amour et sa tendresse avec une prodigalité invraisemblable, dans un don toujours renouvelé. Le Seigneur n'est que don et amour : nous devons être là présents pour tous les hommes.

    En ce temps d'Avent je voudrais que nous ayons dans le cœur la présence du monde entier et particulièrement des hommes qui ne sont pas chrétiens. Ceux-ci n'ont pas la Parole que le Seigneur a prononcée dans le monde et il dépend, peut-être de nous qu'ils l'entendent. Pour cela, il faut que les chrétiens témoignent de la Parole du Seigneur.

    Demandons au Seigneur dans l'Eucharistie, une ouverture incessante à sa Parole, une découverte renouvelée de ce qu'il est. Veillez, réveillez-vous ! C'est le moment de découvrir ce qui fait la joie du Seigneur. Il est là, il est vivant, il aime chacun d'entre nous avec une tendresse incomparable puisque c'est celle de Dieu, donc de l'Amour. Chantons au Seigneur notre reconnaissance et demandons-lui la grâce  de communiquer le témoignage de sa paix, le témoignage de son don, le témoignage de son amour.

    Soyons des hommes libérés par la Parole de Dieu, des hommes transfigurés par sa Parole, des hommes marqués par la Parole de Dieu au plus profond de leur être.

    Dieu nous appelle et vient chercher chacun de nous à sa façon. Laissons-nous faire, intercédons les uns pour les autres.

    Nous pouvons tout demander pour nos frères et nous sommes assurés que le Seigneur nous exaucera, je vous le promets. Alors soyons dans la joie et dans la paix. Amen !

  • Thérèse de Lisieux et la Grande Guerre (7)

    Textes tirés du livre : " Thérèse de Lisieux ou La Grande Saga d'une Petite Sœur " Auteurs : Bernard GOULEY - Rémi MAUGER - Emmanuelle CHEVALIER - Éditions Fayard 1997

     

     suite du post 6

     

    88-92

    Second procès diocésain

    17 mars 1915 : l'offensive de Champagne lancée par l'armée française dans l'espoir de percer le front figé dans les tranchées depuis l'automne 1914 est en passe d'échouer. Les fantassins, lancés sans préparation d'artillerie suffisante contre les barbelés et les mitrailleuses, ont subi de lourdes pertes dont l'opinion ne connaît pas le chiffre...

    Ce même jour, un mercredi, Mgr Lemonnier ouvre dans la sacristie de la cathédrale de Bayeux le procès apostolique, nouvelle étape de la béatification de Thérèse.

    On se souvient que le premier procès, dit "procès informatif ordinaire", s'était tenu en 1910 et 1911. Ses conclusions avaient été adoptées par Pie X, le 10 juin 1914, peu de jours avant sa mort. Un télégramme du Vatican en avait informé mère Agnès, qui écrivait aussitôt à ses amis romains : " Nous avons maintenant reçu toutes les pièces nécessaires au procès. J'espère que notre évêque ne va pas aller moins vite que Rome. Notre chère petite servante continue à faire beaucoup de bruit, elle qui était si cachée, si modeste sur la terre !!!"

    Pourquoi un nouveau procès ? Celui de 1910 n'était qu'un préliminaire. Il s'agissait pour l'évêque du diocèse de présenter à Rome un dossier solide, établi dans les règles canoniques, prouvant qu'il y avait lieu, pour le Siège pontifical, d'entreprendre lui-même l'étude des mérites de sœur Thérèse. La signature de Pie X signifiait que la cause était ouverte à l'échelon suprême et que le Saint-Père prenait directement la direction de l'affaire. D'où le nom de "procès apostolique", le Pape étant le successeur de Pierre, "chef" des apôtres.

    Le 15 août, la Sacrée Congrégation des rites demande officiellement à Mgr Lemonnier d'ouvrir le procès, en commençant par interroger les témoins "vieux ou malades". Six mois plus tard, c'est chose faite et l'évêque de Bayeux peut dire, dans son discours inaugural : " C'est comme représentant de la Sainte Église , et pour lui fournir les éléments du jugement  qu'elle prononcera peut-être un jour, que je préside ce tribunal. Comment, en pensant à la sublimité de cette fonction qui m'est en ce moment donnée, ne serais-je pas ému par sa grandeur ?"  On procède ensuite solennellement à la confirmation des juges, à leur prestation de serment, à la nomination des greffiers, et l'on fixe le lieu des séances : la cathédrale de Bayeux et la chapelle du Carmel à Lisieux.

    Le procès durera trente mois - avec de longues interruptions - et quatre-vingt-onze séances, sans apporter beaucoup de surprises par rapport à celui de 1910-1911. La plupart des témoins entendus l'ont déjà été, certains comprenant mal qu'on leur fasse répéter ce qu'ils ont déjà dit. Le plus remarquable est l'accent mis, davantage que durant le premier procès, sur la doctrine de Thérèse.

    Mère Agnès : "Tout se ramène à ce qu'elle appelait sa "voie d'enfance spirituelle". C'est là un point si important que j'ai cru devoir en préparer un exposé par écrit et à tête reposée : je le présente au tribunal... cette petite voie est simplement une voie d'humilité, revêtant un caractère spécial d'abandon et de confiance en Dieu ; rappelant ce que l'on voit chez les tout-petits enfants qui sont eux-mêmes dépendants, pauvres et simples en tout... Elle appuyait sa "petite doctrine" [sur l’Évangile]... Instruite et fortifiée par ces divins enseignements, comment pourrait-on croire que sœur Thérèse avait une piété mièvre et puérile, une piété enfantine, comme on l'a dit quelque fois ?"

    Mère Agnès prend tout de même le soin de dire que Thérèse mettait sur le même plan l'amour et la justice de Dieu et qu'elle désirait la souffrance, "parce qu'elle est une occasion de prouver l'amour qu'on a pour Dieu..."

    Autre novation par rapport au premier procès, mère Agnès, décrivant le milieu "dans lequel s'est sanctifiée sœur Thérèse", critique très sévèrement le caractère et les agissements de mère Marie de Gonzague, prieure au moment de la mort de Thérèse : " Elle donnait de très bons conseils, mais avec de mauvais exemples. Pour obtenir d'être "en cours" auprès d'elle, il fallait la flatter ou agir en diplomate. Ce qui faisait dire à M. l'abbé Youf, notre aumônier pendant vingt-cinq ans : " N'est-ce pas bien triste que des âmes croyant trouver au Carmel la simplicité soient obligées d'y faire de la politique ? " (...) 

    D'autres abus moins graves...se produisaient. Par exemple, la pauvre mère avait un chat qu'elle nourrissait de foie de veau et de lait sucré. S'il prenait un oiseau, on le lui faisait rôtir avec une sauce exquise. Jusque là ce n'était que ridicule, bien qu'il y ait une faute contre la pauvreté. Mais quelquefois le chat était perdu et le soir, pendant l'heure de grand silence, la prieure partait à sa recherche avec les sœurs de voile blanc, l'appelant de tous côtés... Manquant ainsi à la régularité et mettant  toute la communauté en émoi..."

    Ces déclarations de mère Agnès ne manqueront pas de susciter des polémiques. Les adversaires de la "version officielle" de Thérèse - on verra qu'il n'en manquera pas tout au long du siècle [XXe] - s'appuieront sur ce témoignage pour décrire le carmel où la sainte a vécu comme un lieu où régnait l’hystérie. Le père Jean Vinatier, prêtre de la Mission de France et auteur d'une biographie complète (lien) de mère Agnès, pense que la prieure ne pensait pas que ses déclarations de 1915 seraient publiées. Elle ne se rendait pas compte que son réquisitoire, manquant de perspective historique - quarante de la vie d'un carmel ! -, pouvait donner à penser que les faiblesses  et les erreurs de quelques individus occulteraient le sérieux et la ferveur de l'ensemble d'une communauté. D'autant que les carmélites avaient élu et réélu mère Marie de Gonzague, en dépit de ses défauts de caractère, et  que les supérieurs du Carmel, qui ne pouvaient pas ignorer la situation, n'avaient pas réagi.

    "Mère Agnès de Jésus, écrit Jean Vinatier, et avec elle tout le carmel de Lisieux, devait beaucoup souffrir  de ce qu'il faut bien appeler un "faux pas". C'est le rôle des historiens rigoureux  de lire ces pages en les restituant dans leur contexte  et dans le climat précis d'une époque baignée dans les ombres du jansénisme et d'une certaine conception de l’obéissance. Sœur Geneviève [Céline], dans un témoignage très soigneusement préparé, revient sur la doctrine de sa sœur, qui, pour elle, se ramène à deux idées générales : l'abandon et l'humilité. " Je l'ai particulièrement étudiée sous ce dernier aspect qui m'a le plus frappée. Dans les instructions de sœur Thérèse à ses novices, elle disait : " Pour marcher dans la petite voie, il faut être humble, pauvre d'esprit et simple..." Le fond de son enseignement était de nous apprendre à ne pas s'affliger en se voyant la faiblesse même, mais plutôt à nous glorifier de nos infirmités...

    Interrogée sur la foi de sa sœur, Céline déclare : "Son union à Dieu était ininterrompue, rien ne pouvait l'en distraire... Cet esprit de foi qui éclairera toute la vie de la servante de Dieu fut cependant soumis à une longue suite d'épreuves. D'abord la majeure partie de sa vie religieuse se passa dans des sécheresses presque ininterrompues... Mais surtout elle fut éprouvée par une  effroyable tentation  qui l'assaillit deux ans avant sa mort et ne se termina qu'avec sa vie. Ces attaques visaient particulièrement l'existence du Ciel... Sa fidélité  et sa ferveur n'en étaient d'ailleurs aucunement diminuées." 

    Du témoignage de sœur Marie du Sacré-Coeur [novice de Ste Thérèse] on retiendra les précisions sur la publication des manuscrits : " Ni elle [Thérèse] ni nous ne pensions que ces souvenirs seraient jamais  publiés : c'était des notes de famille. Dans les derniers mois de la vie de sœur Thérèse seulement, mère Agnès de Jésus pensa que la publication  de ces souvenirs pourrait être utile à la gloire de Dieu. Elle le dit à sœur Thérèse qui accepta cette idée avec sa simplicité et sa droiture ordinaires. Elle désirait que le manuscrit fût publié parce qu'elle voyait un moyen de faire aimer le Bon Dieu, ce qu'elle considérait comme sa mission."

    Quant à Léonie [une des sœurs de Thérèse qui est, elle aussi, religieuse mais à la Visitation], la visitandine, elle insiste sur l'humilité et la discipline de Thérèse : " Quand je venais voir mes sœurs au parloir, je constatais que sœur Thérèse se montrait particulièrement humble et discrète, laissant volontiers la parole aux autres. Elle était aussi d'une régularité très exacte, se retirant la première lorsque le sablier indiquait que le temps concédé pour le parloir était dépassé."

    Ce second procès avait été l'occasion pour les quatre sœurs Martin [Marie (1860-1940), entre au carmel de Lisieux en 1886 et prend le nom de Marie du Sacré-Coeur ; Pauline (1861-1951), entre au carmel de Lisieux en 1882 et prend le nom d'Agnès ; Léonie (1863-1941), entre à la Visitation de Caen en 1899 et prend le nom de Françoise-Thérèse ; Céline (1869-1959), entre au Carmel de Lisieux en 1894 et prend le nom de sœur Geneviève de la Sainte-Face et Thérèse (1873-1897), entre au carmel de Lisieux le 9 avril 1888] de se retrouver et de vivre ensemble quelques jours. A la vérité, Léonie n'avait pas désiré quitter son couvent de la Visitation et elle avait demandé à Mgr Lemonnier l'autorisation de témoigner à Caen et de ne pas se déplacer à Lisieux. Le prélat avait refusé sèchement : on ne va pas déranger tout un tribunal pour vous ! Et il lui avait ordonné d'aller séjourner le temps nécessaire au carmel, avec ses trois sœurs. 

    On lui fait fête pendant sept jours (du 11 au 18 septembre 1915). Au réfectoire, elle siège à la place de la sous-prieure, elle peut s'entretenir longuement avec ses sœurs et évoquer les souvenirs de jeunesse [Marie a alors 55 ans, Pauline 54, Léonie 52 et Céline 46, leur sœur Thérèse est morte depuis 18 ans]. Sœur Marie du Sacré-Coeur (Marie) s'en fait l'écho dans une lettre : "Nous étions assises toutes les quatre sur le perron, près de l'infirmerie. Le ciel était bleu, sans aucun nuage. En un instant le temps a disparu pour moi : le temps de notre enfance, les Buissonnets, tout m'a semblé un seul instant. je voyais Léonie religieuse, auprès de nous, et le passé et le présent se confondaient en un moment unique. Le passé me paraissait un éclair : il me semblait déjà vivre dans un éternel présent et j'ai compris l'éternité qui est tout entière en un seul instant."

     

     

     

  • Dimanche du Christ Roi - année liturgique A

    Références scripturaires de la liturgie de ce dimanche :

    Ez  34, 11-17   /  1ère Corinthiens 15, 20-26.28

    Évangile selon st Matthieu chapitre 25 versets 31 à 46

    Texte tiré de (ci-dessous) : P. Marie-Joseph Le Guillou, o.p.  -  L'Amour du Père révélé dans sa Parole, homélies année A - Éditeur : Parole et Silence, 1998

     

    255-257

    Le texte de Matthieu que nous venons de proclamer nous met devant la venue du Fils de l'homme, pasteur, roi et juge de tout l' univers. Hier, je parcourais une enquête dans le journal Le Monde sur la croyance des chrétiens à la vie éternelle et au jugement. Dans ce sondage, vingt pour cent seulement des chrétiens catholiques croyaient au jugement. Il y a, en effet, une sorte d'allergie dans notre monde à l'idée du jugement, une sorte d'allergie qui nous empêche de comprendre le sens profond de ce que signifie le jugement.

    En Matthieu, le Seigneur nous présente le jugement comme une glorification des petits. Matthieu insiste constamment sur les petits des communautés, sur les petits du monde, sur tous les petits qu'il faut aider. Ici spécialement, le Christ se présente comme le roi des petits, non pas comme un roi grandiose, un roi loin de nous, mais un roi qui prend sur lui le péché du monde et qui appelle tous les hommes à la rencontrer. "Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume préparé pour vous depuis la création du monde." Le visage du Seigneur que nous présente cet évangile est une image merveilleuse. C'est l'image du Seigneur qui a eu faim, qui a eu soif, qui a été étranger, qui était nu, qui était malade, qui était en prison, c'est-à-dire le visage de tous les hommes qui souffrent, qui sont opprimés, qui sont bafoués dans leur dignité la plus profonde. Le Seigneur est là dans tous ces hommes.

    L’ Évangile nous découvre cet dignité invraisemblable de tout homme appelé à rencontrer le Seigneur dans la vérité. Le Seigneur insiste aussi sur le fait que les justes ne se rendent pas compte de ce qu'ils font. " Quand donc t'avons-nous vu avoir faim et nous t'avons nourri, avoir soif et nous t'avons donné à boire ? Quand sommes-nous venus jusqu'à toi ?" Et le Seigneur leur répond : " Vraiment, je vous le dis, chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait." C'est cela le mystère du christianisme, la rencontre avec la miséricorde de Dieu, avec la vérité de l'amour qui nous met à nu dans la vérité de nos vies. Ce que le Seigneur veut, c'est que nous soyons, à son image, des êtres constamment au service de leurs frères qui ont faim, qui ont soif, qui sont étrangers, qui sont nus, qui sont malades. C'est à leur service que nous sommes et c'est le Christ que nous servons en eux. 

    Il faut découvrir cette profondeur de l'amour de Dieu qui est venu prendre sur lui le jugement et nous en libérer car il est évident que le Seigneur nous libère du jugement. Si nous suivons la loi de liberté, nous nous rions du jugement. Le jugement disparaît parce qu'il n'y a plus que la joie de Dieu, que la miséricorde de Dieu. Vous allez me rétorquez : mais il y a ceux qui refusent. Oui, il y a une seconde partie du texte où le Seigneur dit : "Allez-vous en loin de moi, maudits, dans le feu éternel." C'est tout simplement parce que l'amour nous engage jusqu'au bout, tout entiers ; il nous engage jusqu'au tréfonds de nous-mêmes dans la miséricorde de Dieu.

    Nous avons à découvrir la miséricorde de Dieu qui nous sauve de tout péché. Elle est notre délivrance. Cette scène si déconcertante est au cœur de l’ évangile parce qu'il est un choix, il est une option. L' évangile nous oblige à prendre partie pour le Seigneur, pour tous les pauvres, pour tous les malades, pour tous ceux qui sont nus. Nous avons à faire connaître au monde la miséricorde infinie du Seigneur. Les chrétiens ont un rôle de révélateurs de la miséricorde de Dieu. Agir pour l'un de ces petits, c'est agir pour le Christ et le Christ nous donne tout ce qu'il est. Le Seigneur nous demande de devenir des petits, le Seigneur est le roi des petits, non pas le roi majestueux mais le roi qui s'identifie à tous les pauvres du monde, à tous ceux qui souffrent, à tous ceux qui sont dans la peine. Le Seigneur a connu cela, il s'est engagé jusqu'au bout pour nous apprendre l'amour. Il s'est humilié jusqu'au bout, il nous a lavé les pieds, il est monté sur la croix pour répondre, dans la joie de son cœur, à l'amour de son Père, et il nous demande de rentrer dans ce même mystère.

    Alors nous n'avons pas à craindre de ne pas être sauvés. Notre seule crainte est de ne pas obéir à la Parole de Dieu, mais si nous écoutons cette Parole, elle nous sauvera et pénétrera jusqu'au cœur de notre être. Notre liberté répondra à la liberté de l'amour. Nous avons besoin de cette liberté, nous avons besoin de cet amour. Au plus profond de notre être, il y a l'appel de Dieu à rencontrer son mystère dans sa joie, dans sa miséricorde, à rencontrer ce visage penché sur le monde pour nous sauver. Nous avons à le découvrir pour en vivre ; nous n'avons pas à nous interroger  sur notre salut, nous avons à nous livrer à la miséricorde de Dieu qui fera de nous des sauvés. Nous sommes des êtres sauvés en espérance et Paul, Jacques, Jean et tous les apôtres sont des témoins de ce sauvetage grâce à la miséricorde infinie de Dieu.

    Je ne voudrais pas que vous lisiez ce texte comme s'il vous brisait. C'est un texte qui ouvre le cœur, qui nous oblige à choisir, qui nous oblige à prendre position. Le Seigneur ne joue pas, l'amour ne joue pas, l'amour est vrai, l'amour est profondeur de la Trinité, l'amour est la vérité de toute notre vie.

    Nous avons à chanter du fond du cœur la venue du Seigneur jusqu'à nous et si nous ne l'avons pas encore reconnu, le Seigneur nous fera connaître son visage à travers tout ce que nous aurons fait, même sans le savoir. Tous les hommes seront pris dans les filets du Seigneur, tous les hommes sont engagés dans le salut de Dieu. Le Seigneur n'est pas pour nous un étranger. Nous le connaissons personnellement. Demandons-Lui de lui être fidèles, d'une fidélité qui aille jusqu'au bout. Il est le fidèle.

    Demandons au Seigneur d'être fidèles et de ne pas travestir la notion de jugement. Le Seigneur nous jugera, cela veut dire qu'il nous délivrera si nous écoutons sa Parole et si nous le laissons agir en nous et nous transfigurer. Il est capable de cela. Il est cette miséricorde infinie qui nous transfigure et nous avons à attendre dans la joie le royaume préparé pour nous  depuis la création du monde et que nous recevrons en héritage. Croyez-vous que vous êtes les bénis du Père, les bénis par l'amour infini de Dieu ? C'est cela que que je vous demande de croire et nous allons le demander ensemble. Découvrons cet héritage de bénédiction, d'amour qui est en Dieu, laissons nous faire par lui. L'amour triomphera de toutes nos misères, de toutes nos faiblesses. Il est l'amour et c'est pour cela qu'il juge. Il n'y a pas d'amour sans jugement, sans mise en question de tout notre être, dans une réponse positive de tout notre être. Que chacun d'entre nous réponde au plus profond de son cœur et que notre joie éclate dans l'amour au cœur de l'Eucharistie ! Le Christ a pris sur lui le jugement : c'est le moment de la révélation de l'amour. Amen !

     

  • Thérèse de Lisieux et la Grande Guerre (6)

    Textes tirés du livre : " Thérèse de Lisieux ou La Grande Saga d'une Petite Soeur " Auteurs : Bernard GOULEY - Rémi MAUGER - Emmanuelle CHEVALIER - Éditions Fayard 1997

     

     suite du post 5

     

     

    86-87

    Retour à l'image

    La guerre n'est cependant pas la seule préoccupation du carmel. On a vu que Céline s'était attachée à illustrer la présence de Thérèse dans les combats... Dès 1915, mère Agnès demande à sa sœur de représenter, sous  forme de tableaux et de dessins, les principaux épisodes de la vie "anthume" de la vénérable. Pour ce faire, Céline requiert la collaboration de plusieurs artistes, notamment Pascal Blanchard et Charles Jouvenot, qui travaillent d'après les souvenirs des sœurs Martin.

    Ce travail, qui se prolonge bien au-delà de la guerre, aboutit à une série de tableau et de lavis qui serviront à différents ouvrages. On y voit notamment Thérèse priant dans le jardin de l’Étoile tandis que Céline arrose les fleurs, Thérèse priant avec son père dans la chapelle du carmel, Thérèse enfant faisant oraison dans sa chambre, Thérèse avec ses novices jetant des fleurs au pied du crucifix ou Thérèse prenant l'habit de carmélite

    De partout on demande des médailles, ce qui pose des problèmes car il ne saurait être question, en 1915, d'un culte reconnu par l’Église, Thérèse n'étant pas encore béatifiée. Mgr de Teil aide les carmélites à résoudre cette question et Benoît XV, le 10 juin 1915, donne l'autorisation de faire frapper une médaille dont il a "déterminé la composition et l'inscription". Le Saint-Père spécifie que cette médaille ne pourra pas être bénite et il proscrit les modèles où l'image de Thérèse serait associée à celles du Christ, de la Vierge ou des saints.

    En 1917, le père Bernard Chevalier, abbé de la Trappe à Soligny, dans l'Orne, vient en pèlerinage à Lisieux et rend visite au carmel. Il est reçu par mère Agnès qui lui confie son souci de ne pas trouver de sculpteur pour étudier une statue de Thérèse. 

    "Aucun problème, lui répond le trappiste, un de mes moines est habile de ses mains, je vais lui confier cette mission." Ce moine, c'est le père Marie Bernard, qui sculptera plusieurs modèles de statues de Thérèse, dont l'une, Thérèse aux roses, sera tirée à des dizaines de milliers d'exemplaires et ornera les églises du monde entier. Le père Marie Bernard a découvert sœur Thérèse bien des années auparavant, exactement en mars 1904, lorsqu'il était en classe de philosophie au séminaire de Sommervieu. Il a 21 ans lorsqu'il lit l'Histoire d'une âme. C'est le début d'un attachement et d'une dévotion qui dureront toute sa vie. 

    Le trappiste se met donc au travail et façonne, entre 1917 et 1919, le premier buste de Thérèse et les premières médailles. Passionné d'inventions et de mécanique, il met au point dans les celliers de la Trappe d'étonnantes machines à graver et à reproduire. Elles tourneront nuit et jour pendant près de cinquante ans. Elles dorment aujourd'hui sous la poussière de l'abbaye, vaincues par le progrès.

     

  • Année A - 33e dimanche du temps ordinaire

    Références scripturaires de la liturgie de ce dimanche :

    Proverbes 31, 10-31  / 1 Thessaloniciens 5, 1-6

    Évangile selon st Matthieu chapitre 25 versets 14 à 30

    Texte tiré de (ci-dessous) : P. Marie-Joseph Le Guillou, o.p.  -  L'Amour du Père révélé dans sa Parole, homélies année A - Éditeur : Parole et Silence, 1998

     

    Cette parabole des talents scandalise certains d'entre nous car le serviteur qui n'a reçu qu'un talent est jeté dehors avec sévérité. Il semble qu'il y ait une immense injustice à son égard. Mais ce n'est pas du tout le sens de la parabole. Celle-ci indique une autre perspective, celle du don de Dieu qu'il faut faire fructifier. Le Seigneur veut nous faire comprendre que tout don de Dieu est une responsabilité, que tout don de Dieu nous engage à construire le Royaume de Dieu. Le don de Dieu n'est pas un absolu en lui-même : il faut nous tourner vers les autres. Il s'agit donc de construire dans l'amour le royaume.

    Aimer est ce à quoi nous engage cette parabole et c'est ce que le Seigneur fait comprendre lorsque les serviteurs qui ont eu cinq ou deux talents entendent le Seigneur leur dire : " Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en peu de choses, je t'en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître." Ils ont compris que le Seigneur leur demandait de faire fructifier les talents qu'il leur avait donnés, que leur responsabilité était immense et ils se sont engagés finalement à répondre à l'amour de Dieu. Mais nous constatons du dépit chez celui qui n'a pas fait fructifié le seul talent confié. Au lieu de faire fructifier le don merveilleux de la grâce et de la charité, il va l'enfouir : " J'ai eu peur et je suis allé enfouir ton talent dans la terre, le voici ; tu as ce qui t'appartient". J'ai eu peur. Nous le disons souvent dans notre vie. Nous avons peur du mystère de Dieu, nous avons peur de sa conduite dans notre vie, nous avons peur de ce qu'il est. Le serviteur infidèle, finalement, renvoie au Seigneur une image qu'il s'est faite lui-même : " Maître, je savais que tu es un homme dur; tu moissonnes là où tu n'as pas semé, tu ramasses là où tu n'as pas répandu le grain." C'est vraiment le visage de Dieu que s'est fait cet homme, un visage dur, cruel, un visage qui n'est pas celui de Dieu. Pour se faire comprendre, le Seigneur accepte de dire au serviteur : " Tu savais que je moissonne là où je n'ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l'ai pas répandu".  Le Seigneur veut redresser l'image que son serviteur se fait de lui. Il lui explique que nous avons à faire fructifier les dons reçus pour les mettre au service des uns des autres, que nous en ayons peu ou beaucoup, tout cela nous est commun  et tout est mis dans la miséricorde de Dieu. Quoiqu'il arrive, l'amour de Dieu est vainqueur. Cette parabole est une invitation à l'espérance. Dieu est bon, il n'est que bonté. Il faut découvrir le vrai visage de Dieu, ce merveilleux visage à travers celui de Jésus Christ à l'agonie ou sur la croix. C'est celui du Fils de Dieu donnant sa vie pour ses frères. Par cette parabole le Seigneur nous enseigne que que seul l'amour compte et l'argent lui-même est au service de cet amour. L'argent n'a de sens que pour être donné, distribué, l'argent ne sert qu'à aider nos frères à construire. Nous devons découvrir que l'argent n'a de sens que pour vivre avec des frères, les aider, les servir, leur permettre d'être eux-mêmes. Nous avons de lourdes responsabilités. 

    Nous avons à méditer les textes de la femme vaillante que nous livrent les Proverbes. Il faut entrer dans l'activité de cette femme, toute entière au service de la charité, au service de l'amour, à la disposition du Seigneur pour manifester sa lumière. Nous sommes des fils de lumière, c'est-à-dire que nous sommes pris dans le mystère de la vérité et de l'amour du Seigneur. " Je savais que tu étais un homme dur." Il n'y a pas de plus grave offense au mystère de Dieu. Dieu n'est pas dur, Dieu est amour et la peur est une fuite. Nous avons souvent peur mais n'enfouissons pas notre talent dans la terre, faisons-le fructifier pour que la lumière apparaisse dans toute sa splendeur. Dieu crée un monde nouveau, un monde renouvelé par l'amour de Dieu. Le Seigneur n'a qu'un but :  construire des hommes libres, renouvelés par la charité de Dieu, fidèles à leur vocation. " Tu as été fidèle en peu de choses, je t'en confierai beaucoup. Entre dans la joie de ton maître."

    Ce que nous attendons du Seigneur est une merveille, c'est un visage penché sur nous, un visage qui connaît notre vocation, qui nous connaît personnellement comme personne ne nous connaît, qui veut nous conduire  à cet amour désintéressé, à cet amour plein de pais et de joie, à cet amour de vérité et d'abondance. Dieu est prêt à tout donner et d'ailleurs, il nous donne tout.

    Demandons au Seigneur dans l'Eucharistie, de découvrir son visage qui nous demande de faire fructifier ses dons en attendant son retour. Il nous faut construire le Royaume mais celui-ci ne peut se construire qu'avec des hommes pauvres, des hommes humbles. Il faut que nous fassions qu'un avec le mystère du Christ et que nous nous ouvrions à la splendeur de l'amour de Dieu. Dieu est Dieu, réjouissons-nous de son dessein d'amour. Entrons dans sa miséricorde et devenons des fils de lumière, alors nous comprendrons que celui qui demeure dans le Seigneur porte beaucoup de fruits. Amen !

  • Thérèse de Lisieux et la Grande Guerre (5)

    Textes tirés du livre : " Thérèse de Lisieux ou La Grande Saga d'une Petite Soeur " Auteurs : Bernard GOULEY - Rémi MAUGER - Emmanuelle CHEVALIER - Éditions Fayard 1997 (lien ici)

     

     suite du post 4

     

     

    84 à 86

    Le carmel veille sur tous les "fronts"...

    Mère Agnès et ses filles poursuivent les missions qui sont les leurs. Mission spirituelle : célébrer Dieu dans les offices, méditer sa parole, prier... Mission plus matérielle : répondre au courrier, envoyer les images dont les demandes sont de plus en plus nombreuses, veiller sur les éditions de l'Histoire d'une âme et de sa version abrégé, suivre les progrès de la cause à Rome...

    Même séparées physiquement du monde, isolées dans leur clôture, les carmélites "vivent" cette guerre interminable. En témoignent ces extraits de lettres de mère Agnès (cités par Jean Vignatier dans son livre Mère Agnès de Jésus). Le 30 avril 1915, la prieure écrit à Mgr de Teil : " Quelle triste guerre et comme elle est longue ! J'ai reçu hier la lettre du colonel qui a consacré son régiment à sœur Thérèse. Il me dit : " Ici, dans un bois dont on parle beaucoup et tout imprégné de sang français, nous avons l'intention d'élever une petite chapelle au Sacré-Coeur ; mon intention est de faire figurer sur un vitrail l'image de notre admirable petite sainte. Cette chapelle sera élevée avec le sou de mes soldats et les offrandes de mes officiers." En attendant, j'envoie au colonel les trois mille reliques qu'il attend et j'y joins une petite brochure pour chaque soldat. Si cela continue, l'imprimerie Saint-Paul ne pourra pas suffire. "

    Six jours plus tard - la veille du torpillage du Lusitania par les sous-marins allemands qui causa la mort de 1198 personnes, dont de nombreux citoyens américains -, mère Agnès s'adresse au père Rodrigue de Saint-François-de-Paule, le postulateur : " Ici les pèlerinages des soldats et des pauvres blessés ne discontinuent pas. Un petit soldat de 18 ans m'écrivait hier : " Comme je suis heureux d'être à Lisieux ! Quel bonheur de pouvoir m'agenouiller sur la tombe de sœur Thérèse où je vois toujours un nombre considérable de soldats !..." Et beaucoup de jeunes gens, même les plus grossiers, désirent connaître sa vie."

    La prieure ne manque pas, dans ses entretiens individuels avec ses "filles" et dans les réunions de chapitre, d'évoquer la guerre. L'arme des carmélites, ne cesse t-elle de répéter, c'est la prière. " Ne cessez pas vos oraisons, qui sont notre grâce particulière." Il faut prier sans cesse, prier pour tous les soldats, pour tous ceux qui souffrent, pour le pape Benoît XV, qui a succédé à Pie X - mort le 28 juillet 1914 - et qui est déchiré entre les belligérants puisqu'il y a des catholiques dans les deux camps.

    De cette guerre si intensément vécue au carmel, mère Agnès tirera quelques leçons spirituelles au chapitre de la communauté le 20 décembre 1918, un peu plus d'un mois après l'armistice : " Les événements actuels pourraient nous tromper sur le sens véritable de la paix, apportée au monde par la naissance de Jésus. La paix, nous dit-on, sera signée dans quelques mois et nous sentons que notre paix, à nous, ne sera signée qu'au ciel...les anges n'ont pas menti en annonçant la paix sur le berceau de l'Enfant Jésus... La paix est pour nous dans l'accomplissement fidèle de nos obligations... Chacune de ces moindres pratiques nous fait faire comme un pas en avant, non pas vers ces entrées triomphales dans les villes reconquises, mais vers des âmes que notre victoire cachée et sans gloire...rend au Dieu de la paix."