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parole de dieu

  • Jean-Paul II et les jeunes : 01 - au Parc des Princes - juin 1980

    A l'occasion des canonisations de Jean XXIII et Jean-Paul II, je vous propose un retour sur un événement important qui a marqué la jeunesse catholique française : la rencontre du Pape et des Jeunes au Parc des Princes. Après un mot d'accueil du chaleureux François Marty, alors archevêque de Paris, c'est au tour de Jean-Paul II.  Ce pape venu de l'Est donnait une impression de force. Un athlète de la foi dans un stade français...

    Écoutez plutôt :

     

    Chers Jeunes de France,

    1. Je vous remercie de cette rencontre que vous avez voulu organiser comme une sorte de dialogue. Vous avez voulu parler avec le Pape. Et ceci est très important pour deux raisons.

    La première raison est que cette manière de faire nous renvoie directement au Christ : en lui se déroule continuellement un dialogue : l'entretien de Dieu avec l'homme et de l'homme avec Dieu.

    Le Christ - vous l'avez entendu - est le Verbe, la Parole de Dieu. Il est le Verbe éternel. Ce Verbe de Dieu, comme l'Homme, n'est pas la parole d'un " grand monologue ", mais il est la Parole du " dialogue incessant " qui se déroule dans l'Esprit-Saint. Je sais que cette phrase est difficile à comprendre, mais je la dis quand même, et je vous la laisse pour que vous la méditiez.

    N'avons-nous pas célébré ce matin le mystère de la Sainte Trinité ?

    La deuxième raison est celle-ci : le dialogue répond à ma conviction personnelle que, être le serviteur du Verbe, de la Parole, veut dire " annoncer " au sens de " répondre ". Pour répondre, il  faut connaître les questions. C'est pour cela qu'il est bon que vous les ayez posées; autrement, j'aurais dû les deviner pour pouvoir vous parler, pour vous répondre ! C'est votre question numéro 21.

    Je suis arrivé à cette conviction, non seulement à cause de mon expérience d'autrefois comme professeur, à travers les cours ou les groupes de travail, mais surtout à travers mon expérience de prédicateur ; en faisant l'homélie, et surtout en prêchant des retraites. Et la plupart du temps, c'est à des jeunes que je m'adressais ; ce sont des jeunes que j'aidais à rencontrer le Seigneur, à l'écouter, et aussi à lui répondre.

    2. En m'adressant à vous maintenant, je voudrais le faire de manière à pouvoir répondre, au moins indirectement, à toutes vos questions.

    C'est pour cela que je ne peux pas le faire en les prenant l'une après l'autre. Forcément, mes réponses ne pourraient alors être que schématiques !

    Permettez-moi donc de choisir la question qui me semble la plus importante, la plus centrale, et de partir de celle-là. De cette manière, j'espère que vos autres questions apparaîtront peu à peu.

    Votre question centrale concerne Jésus-Christ. Vous voulez m'entendre parler de Jésus-Christ, et vous me demandez qui est pour moi, Jésus-Christ. C'est votre 13ème question.

    Permettez que je vous retourne aussi la question et que je dise : pour vous, qui est Jésus-Christ ? De cette manière, et sans esquiver la question, je vous donnerai aussi ma réponse en vous disant ce qu'Il est pour moi.

    3. L’Évangile tout entier est le dialogue avec l'homme, avec les diverses générations, avec les nations, avec les diverses traditions...mais il est toujours continuellement un dialogue avec l'homme, avec chaque homme, un, unique, absolument singulier.

    En même temps, on trouve beaucoup de dialogues dans l’Évangile. Parmi ceux-ci, je retiens comme particulièrement éloquent le dialogue du Christ avec le jeune homme.

    Je vais vous lire le texte, parce que vous ne vous le rappelez peut-être pas tous très bien. C'est au chapitre dix-neuvième de l'évangile de Matthieu.

    " Voici qu'un homme s'approcha de Jésus et lui dit :

    - Maître, que dois-je faire de bon pour obtenir la vie éternelle ?

    Il lui dit :

    - qu'as-tu à m'interroger sur ce qui est bon ? Nul n'est bon que Dieu seul. Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements.

    - Lesquels ? lui dit-il.

    Jésus reprit :

    - Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas d'adultère, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage, honore ton père et ta mère, et tu aimeras ton père et ta mère, et tu aimeras ton prochain comme toi-même ".

    - Tout cela, lui dit le jeune homme, je l'ai observé depuis ma jeunesse ; que me manque t-il encore ?

    Jésus lui déclara :

    - Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens, et suis-moi.

    Entendant cette parole, le jeune homme s'en alla tout triste, car il avait de grands biens."

     

    Pourquoi le Christ dialogue t-il avec ce jeune homme ? La réponse se trouve dans le récit évangélique. Et vous, vous me demandez pourquoi, partout où je vais, je veux rencontrer les jeunes. C'est même votre première question.

    Et je vous réponds : parce que " le jeune " indique l'homme qui, d'une manière particulière, d'une manière décisive, est en train de se former. Cela ne veut pas dire que l'homme ne se forma pas durant toute sa vie : on dit que l'éducation commence déjà avant la naissance et dure jusqu'au dernier jour. Cependant la jeunesse, du point de vue de la formation, est une période particulièrement importante, riche et décisive. Et si vous réfléchissez au dialogue du Christ avec le jeune homme, vous trouverez la confirmation de ce que je viens de dire. 

    Les questions du jeune homme sont essentielles. Les réponses le sont aussi.

    4. Ces questions et ces réponses ne sont pas seulement essentielles pour le jeune homme en question, importantes pour sa situation d'alors ; elles sont également de première importance et essentielles pour aujourd'hui, c'est votre neuvième question. Je réponds : non seulement "il en est capable ", mais il faut aller bien plus loin : Lui seul donne une réponse totale qui va jusqu'au fond des choses et complètement.

    J'ai dit en commençant que le Christ est le Verbe, la Parole d'un dialogue incessant. Il est le dialogue, le dialogue avec tout homme, bien que certains ne le fassent pas, que tous ne sachent pas comment le conduire - et il y en a aussi qui refusent explicitement ce dialogue. Ils s'éloignent... Et pourtant... peut-être ce dialogue est-il en cours avec eux aussi. Je suis convaincu qu'il en est ainsi.

    Plus d'une fois ce dialogue " se dévoile " d'une manière inattendue et surprenante.

    5. Je retiens aussi votre question de savoir pourquoi, dans les divers pays où je vais, et aussi à Rome, je parle avec les divers chefs d’État, c'est votre question numéro deux.

    Simplement parce que le Christ parle avec tous les hommes, avec tout homme. En outre je pense, n'en doutez-pas,qu'il n'a pas moins de choses à dire aux hommes qui ont de si grandes responsabilités sociales qu'au jeune homme de l’Évangile, et qu'à chacun d'entre vous.

     

    A suivre...

     

  • Prier les psaumes (5) : un chant nouveau

    85

    (...)

    Le chapitre précédent décrit le circuit de la Parole tel qu'il s'accomplit entre Dieu et le coeur de l'homme à l'écoute. La place de choix du psaume, dans cette " course glorieuse", est immédiatement évidente. Le psaume en effet surgit au moment même où le coeur du croyant à l'écoute, ayant capté la Parole de Dieu, l'exprime de nouveau sous forme de prière. Ce processus ne se déroule pas au niveau de l'intelligence, mais au niveau beaucoup plus profond du coeur, là où le centre de notre personnalité 86 écoute et s'approche de Dieu.

    "Dans le coeur" la Parole est écoutée, reçue et assimilée. Là aussi elle renaîtra en psaume et en prière. De la parole, priée dans le coeur de l'homme, le psaume procède. La parole du psaume est une Parole de Dieu, à l'origine elle est déjà chargée de l'Esprit de Dieu et comme telle envoyée à l'homme. Elle est écoutée et accueillie par l'esprit de l'homme pour s'accomplir et s'enrichir en dialogue, de l'esprit à l'Esprit, dans une nouvelle expérience de foi. Ainsi peut-elle, à travers le coeur de l'homme, se réexprimer et finalement revenir à  Dieu en chant de louange et d'action de grâce. Le psaume est donc plus qu'ailleurs dans la Bible, à la fois Parole de Dieu et parole de l'homme, surabondance de la Parole et surabondance du coeur : une demeure d'amour où l'Esprit de Dieu et l'esprit de l'homme sont très proches l'un de l'autre. Le point de contact entre les deux est la prière intérieure, dialogue réciproque entre Dieu et l'homme, liturgie silencieuse qui se célèbre sans cesse en tout coeur humain. Les formules principales de cette liturgie se trouvent dans les psaumes.

    Dans l'Ancien Testament ce processus a produit le psautier. Il a trouvé son achèvement en Jésus-Christ, Parole de Dieu faite homme, pierre angulaire des deux testaments et de la Bible. Des psaumes, Jésus a fait sa propre prière. Dans sa mort et dans sa résurrection, bientôt dans son retour, les psaumes atteignent leur signification la plus profonde. Jusqu'à Jésus, ils n'étaient qu'un résumé de l'Ancien Testament. En Jésus, ils sont changés d'eau en vin, ils passent de la lettre à l'esprit. Depuis Jésus, eux aussi chantent la bonne nouvelle, de l'évangile à l'apocalypse. Le Seigneur ressuscité est pour toujours l'unique psalmiste, sans cesse vivant et intercédant, 87 là-haut devant la face de son Père, ici-bas en toute liturgie que célèbre son Eglise. 

    Dans le Seigneur Jésus, la parole de l'homme est toujours Parole de Dieu. Ce que Jésus prêche coïncide avec ce qu'Il chante ; ce qu'il accomplit, avec ce qu'Il prie. Il est lui-même, par excellence, la Parole vivante, et, pour la même raison, Il est le psaume qu'on a jamais fini de réciter et de prier. Tous les sentiments humains qui affleurent dans le psaume ont donc déjà trouvé en Jésus leur achèvement. La tristesse ne va plus jamais sans la joie, le péché et le repentir ont déjà obtenu le pardon, le désespoir est le premier pas vers la confiance , la haine est l'envers d'un grand amour, éros désigne la force irrésistible d'agapè, la mort annonce déjà la vie. Ce qui ne veut pas dire que le côté  profondément humain de ces sentiments soit refoulé ou nié. Au contraire. Ils vont s'approfondissant et se font plus authentiques. L'esprit les dégage du chaos de la lettre et de la chair. En Jésus ils ont retrouvé le ressort le plus puissant de leur dynamisme. Ils y coïncident avec la Parole de Dieu, leur propre parole créatrice. Désormais ils ne parlent plus que de la venue du royaume de Dieu, de la puissance admirable et des signes qui l'accompagnent. L'Esprit dans lequel Jésus a prié les psaumes et les a recréés est répandu sur chaque baptisé. Celui-ci peut maintenant, dans le même Esprit et comme Jésus, s'approprier le psaume  et le chanter à nouveau. Pour lui aussi, les mots anciens se font vivants et s'accomplissent. La Parole se déploie en de nouvelles dimensions. De toutes parts, dans l'Esprit, elle s'approfondit et s'élargit. Elle se met à vibrer  de toutes ses harmoniques. Aussi  est-elle nécessairement parole poétique bien qu'elle dépasse toute poésie créée. Car elle n'est pas mesurée seulement 88 au pneuma, au souffle de vie d'un homme limité, mais au Pneuma de Dieu lui-même qui suscite et soulève toute vie et qui conduit partout l'histoire du salut à son achèvement.

    Aussi n'est-il plus possible de lire et encore moins de prier le psaume selon la lettre. Le prier selon la lettre serait, au sens le plus strict du mot, une contradiction dans les termes. Un psaume ne peut être psaume - et non un document qui relève de l'archéologie - que dans la mesure où il vit, c'est-à-dire dans la mesure où l'Esprit dans notre coeur le prie de nouveau.

                                                         A suivre...

     

    André Louf - Seigneur apprends-nous à prier - Ed. Lumen Vitae - ISBN 2-87324-000-8

  • Prier les Psaumes (4) : toute la Sainte Ecriture

    83.

    (suite)

    Dans leur humaine et nue littéralité, les psaumes sont à la fois poésie et prière : prière sans doute, mais sous forme de poème. Leur force vitale cependant ne vient pas que de l'homme. Dieu lui-même se sert de la parole du psaume et la profère. Elle est inspirée non seulement par le souffle de vie d'un homme, fût-il un poète de génie, mais par le souffle de Dieu qui est Esprit créateur. L'expérience qu'il traduit et communique est finalement l'expérience que Dieu lui-même crée dans les coeurs qui l'écoutent et qui s'ouvrent devant Lui.

    Aussi, plus que toute parole, toute poésie humaines, la Parole de Dieu est-elle insondable et inépuisable. Celui qui tente de la saisir ne peut que la réduire à ce qu'il est capable d'en percevoir. Car la Parole de Dieu s'élève au-dessus de tout ce que l'homme peut en saisir dans l'aujourd'hui. Elle a sa vie propre et son histoire. Toute Parole de Dieu ne pourra être mesurée qu'à la plénitude des temps. Elle ne cesse jamais d'accompagner l'Amour de Dieu pour le monde et de L'accomplir toujours à nouveau. C'est pourquoi la signification de la Parole de Dieu ne peut être établie une fois pour toutes. Cette parole est pleine de vie et elle engendre la vie en celui qui l'écoute. Dans sa Parole, Dieu est constamment en train de créer. En chaque liturgie, Il construit son Eglise convoquée autour de la Parole. En chaque croyant qui Lui ouvre son coeur et son esprit, Il creuse un abîme insoupçonné de connaissance et d'amour.

    Dans ce processus les psaumes occupent une place à part. Dans les Écritures inspirées, Dieu adresse Sa Parole à l'homme. Dans les Psaumes, au contraire, Dieu met dans la bouche de l'homme la Parole que celui-ci Lui donnera en réponse. Mais ce ne sont jamais des paroles neuves ni étrangères. A y regarder de plus près, ce sont les paroles mêmes de la Bible, mais haussées au niveau de la poésie et de la prière. La Bible, par exemple, contient des livres historiques ; il y a de même des psaumes historiques ; 85 des livres de sagesse et des psaumes de sagesse ; des livres prophétiques et des psaumes prophétiques. On peut retrouver toute la Bible dans les psaumes, mais comme poésie et prière. Dans la parole des psaumes la Bible atteint un sommet de vivante actualité et de force créatrice. A l'abbé Philémon dont la Philocalie a conservé le Logos askètikos (1, 241-252), on demandait pourquoi il trouvait tant de saveur au livre des psaumes, plus qu'en tout autre texte de l'Ecriture. Il répondit : "Je peux vous assurer que Dieu a imprimé dans mon pauvre coeur la force des psaumes, comme il est arrivé au prophète David. Sans la douceur des psaumes je ne pourrais plus vivre, ni sans la contemplation sans limites que les psaumes renferment. Les psaumes en effet contiennent toute la Sainte Ecriture".

    Oui, les psaumes contiennent toute la Sainte Ecriture. Ils n'en sont pas seulement un résumé : ils sont une réponse vivante de l'homme à la Parole de Dieu. Une réponse qui ne vient pas de l'homme seulement, mais qui est suscitée dans son coeur par la Parole même de Dieu.

                                                                  A suivre...

     

     

     

    André Louf - Seigneur apprends-nous à prier - Ed. Lumen Vitae - ISBN 2-87324-000-8

  • Confiance dans la Parole

    Quand tout va mal, Dieu est accusé de silence et il est remplacé ;  quand tout va bien, il est oublié car on n'en a plus besoin. Dans les deux cas, on renonce à la Parole, ne lui laissant pas le temps de prendre racine, quitte à reprocher à Dieu, plus tard, de garder le silence. En réalité, les hommes ne l'écoutent plus:

    Ils m'abandonnent, moi, la source d'eau vive, pour se creuser des citernes, des citernes fissurées qui ne retiennent pas l'eau. [Jr 2, 13.]

    La Bible et notre propre histoire nous apprennent où peut mener un tel oubli de Dieu. Ayant perdu l'écoute de la Parole de l'Autre qui révèle le sens de toutes choses - et ce sens se situe en dehors de l'humanité qui n'est pas sa propre source -, beaucoup se centrent sur eux-mêmes  et entendent maîtriser la totalité de leur destinée. Ils lui vouent leur cœur, leur vie et leur pouvoir. Mettant tout au  service du profit et de leur propre bonheur personnel, ils n'hésitent pas à asservir leurs frères à leurs propres desseins, comme Adam et Ève voulant se situer par eux-mêmes à l'origine du bien et du mal, comme Caïn jaloux d'Abel et l'éliminant, comme Abraham lui-même, reniant son épouse et la laissant partir comme sa sœur dans la maison de Pharaon, comme nous si souvent et ceux qui nous entourent.

    Par la foi, celui qui entend et accepte l'appel de Dieu choisit de faire confiance à sa Parole sans autre garantie que l'engagement de celui qui la dit. Cette décision  est à prendre et à reprendre : avec lucidité car le croyant a ses faiblesses, et avec une confiance radicale car celui auquel il s'en remet l'a façonné avec amour. La voie que Dieu propose est difficile, exigeante, nous l'avons vu, mais le croyant a l' assurance que celui qui l'a appelé ne lui manquera pas. 

    Bernard Rey - La discrétion de Dieu - Cerf 1997, pp.30-31   

  • Creuser profond la Parole

    L'incarnation du Verbe engage toute la vie de Jésus et s'achève sur la Croix, Dieu glorifiant sa Parole par sa résurrection d'entre les morts. D'une certaine manière, il en va de même pour tout auditeur de la Parole. Celle-ci prend chair dans sa propre vie dans la mesure où elle lui donne sens et l'oriente vers sa fin ultime. Elle le fait tout à la fois en confirmant l'humain dans sa dignité de créature et en l'appelant à une relation filiale avec Dieu. Ainsi la condition humaine prend-elle sens comme Parole de Dieu dans le Christ. La Bonne Nouvelle est un appel à entendre cette Parole d'élection que Dieu adresse à chacun(e) comme à un enfant unique et bien-aimé.

    Mais accueillir une telle parole, c'est entrer dans une relation de foi singulière face à laquelle l'être humain ne peut que ressentir plus profondément sa misère : " Eloigne-toi de moi Seigneur, car je suis un homme pécheur " (Lc 5, 8b). Si certains en reçoivent la grâce, ce ne peut être en vertu de mérites particuliers, mais en vue d'une mission. Le chrétien est apôtre s'il a fait  l'expérience de sa propre impuissance au regard de l'Amour. Il peut alors témoigner de la gratuité divine et aider les autres à découvrir leur liberté filiale dans le Christ. Plus le croyant sera descendu profondément dans ses propres ténèbres intérieures, plus il aura conscience du caractère absolument gratuit de son élection.

    L'écoute de la Parole à ce niveau de  profondeur suppose tôt ou tard l'expérience d'un jugement, la mise en lumière du péché, pour devenir en vérité source de salut et recréation dans le Christ. Jean de la Croix, docteur mystique de la nuit, a situé au coeur de l'expérience spirituelle la traversée du négatif. Nous le rejoignons ici sur l'autre rive, là où la Parole a transformé en lumière le mal de la vie. Dans le commentaire de son poème, "la Vive Flamme d'Amour", il décrit cette Parole devenue feu d'amour filial. Comme dans l'évangile johannique, cette expérience est l'oeuvre conjointe du Christ et de l'Esprit.

    Olivier Rousseau - L'inconnu en chemin - DDB 2008, pp. 273-274