Quand tout va mal, Dieu est accusé de silence et il est remplacé ; quand tout va bien, il est oublié car on n'en a plus besoin. Dans les deux cas, on renonce à la Parole, ne lui laissant pas le temps de prendre racine, quitte à reprocher à Dieu, plus tard, de garder le silence. En réalité, les hommes ne l'écoutent plus:
Ils m'abandonnent, moi, la source d'eau vive, pour se creuser des citernes, des citernes fissurées qui ne retiennent pas l'eau. [Jr 2, 13.]
La Bible et notre propre histoire nous apprennent où peut mener un tel oubli de Dieu. Ayant perdu l'écoute de la Parole de l'Autre qui révèle le sens de toutes choses - et ce sens se situe en dehors de l'humanité qui n'est pas sa propre source -, beaucoup se centrent sur eux-mêmes et entendent maîtriser la totalité de leur destinée. Ils lui vouent leur cœur, leur vie et leur pouvoir. Mettant tout au service du profit et de leur propre bonheur personnel, ils n'hésitent pas à asservir leurs frères à leurs propres desseins, comme Adam et Ève voulant se situer par eux-mêmes à l'origine du bien et du mal, comme Caïn jaloux d'Abel et l'éliminant, comme Abraham lui-même, reniant son épouse et la laissant partir comme sa sœur dans la maison de Pharaon, comme nous si souvent et ceux qui nous entourent.
Par la foi, celui qui entend et accepte l'appel de Dieu choisit de faire confiance à sa Parole sans autre garantie que l'engagement de celui qui la dit. Cette décision est à prendre et à reprendre : avec lucidité car le croyant a ses faiblesses, et avec une confiance radicale car celui auquel il s'en remet l'a façonné avec amour. La voie que Dieu propose est difficile, exigeante, nous l'avons vu, mais le croyant a l' assurance que celui qui l'a appelé ne lui manquera pas.
Bernard Rey - La discrétion de Dieu - Cerf 1997, pp.30-31