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esclavage

  • On demande des pécheurs 17

    Série de textes tiré du livre de Bernard Bro, O.P : "On demande des pécheurs" Cerf, Ed 2007. Première édition 1969

    (...)

    [117]

    Une lumière qui fait mal (l'examen de conscience)

    A une dame qui, tout heureuse d'avoir réussi à approcher le Curé d'Ars, lui disait : " Oh, mon Père, comme c'est bon de vous voir enfin ! Je ne me connais si peu, j'ai tant besoin, tant envie de me connaître et l'on m'a tellement vanté votre clairvoyance ! " Le Curé d' Ars répondit : " Oh, madame, que vous êtes heureuse de peu vous connaître ! Si vous en connaissiez seulement la moitié, vous ne pourriez plus du tout vous supporter. "

    C'est vrai, il est pénible d'examiner sa conscience, de se découvrir faible, de mettre en lumière ses penchants intérieurs et ses tentations. Il est inévitable que notre examen de conscience soit pénible car nous le faisons presque toujours en partant de nous-même. En regardant seulement et toujours comment les choses partent de nous ; nous oublions l'autre grand point de départ, le plus important : cet appel positif de Dieu, cette image de Dieu en nous telle que l’Évangile nous la propose dans le regard du Christ. 118 Hélas ! ce n'est même pas cela : nous réduisons cet appel de Dieu à n'être qu'une règle, à n'être qu'un commandement, en oubliant que Dieu avait donné ses commandements à son peuple après lui avoir dit : " Souviens-toi toujours que je t'ai fait sortir de la terre de l'esclavage, que je suis venu pour te rendre libre." 

    C'était pour rendre le peuple libre, pour le sauver, que les commandements étaient donnés ; or, de ces commandements, nous avons fait non pas le moyen d'une libération, mais une clôture. Comme ce berger, avare à sa manière, qui, chaque jour, déplace le fil de la clôture électrique ; il en résulte que les bêtes broutent le long du fil, et en dessous. Elles ne font plus que courir le long de la clôture, le long des commandements.

    Il en va ainsi de notre " morale-limite ". On a oublié que l'important était que l'herbe soit bonne et que le temps soit beau. Nous, nous ne regardons que la clôture, et nous n'écoutons plus l'appel. Comment donc l'entendre ?

    Deux clefs pour cet examen de conscience

       1. L'appel du Christ. Quels sont, tout d'abord, les grands appels du Christ, quel est ce portrait, ce visage que le Christ nous propose dans l’Évangile ? Rappelons-nous ces phrases de l’Évangile décisives : " Soyez miséricordieux, comme mon Père est miséricordieux. - Pardonnez comme votre Père pardonne. - Que votre oui soit oui, que votre non soit non. - C'est dans la patience que vous sauverez votre âme. - Soyez doux et humbles de cœur. " Et les Béatitudes : " Bienheureux quand vous combattrez pour la justice. - Bienheureux quand vous aurez le courage de la douceur. - Bienheureux 119 quand vous ferez passer la souffrance de votre prochain, si elle est plus grande que la vôtre, avant la vôtre. - Bienheureux quand vous ferez la paix. - Bienheureux quand vous aurez un cœur pur."  Voilà notre examen de conscience, voilà le visage du Christ, l'image de Dieu en nous, son appel. Et dans cet appel, tout est positif.

       2. Responsabilité ou culpabilité. La deuxième clef de notre examen de conscience, elle aussi positive, porte sur nos responsabilités. Nous avons fait de la confession le sacrement de la culpabilité (il est vrai que nous avons à nous défaire d'un héritage janséniste lourd de plusieurs siècles). Nous en avons fait le sacrement de la négation, alors que c'est celui de la vie, de la responsabilité, de la liberté, de la restauration positive d'une amitié. Quand pourrons-nous savoir que nous sommes coupables ? C'est à peu près impossible à juger exactement ; Dieu seul le sait, et nous n'avons pas besoin de le savoir. Mais notre responsabilité est positive, nous pouvons la connaître, l'évaluer beaucoup plus réellement, beaucoup plus facilement : pensons à nos grandes responsabilités par rapport à notre travail, à notre famille, par rapport au prochain, à la vieillesse de nos parents qui vivent près de nous, par rapport à l'éducation des enfants et des êtres qui nous sont confiés et des orientations de leur vie ; nos responsabilités par rapport aux structures dans lesquelles nous vivons. Et que dire de la désaffection du chrétien à l'égard de tout ce qui est du domaine politique ? Une information, un vote sont graves ; comme toute participation à la vie des autres, à celle du prochain. Au nom de quel droit nous désintéresser  des déterminations qui sont prises dans nos communautés, quelles qu'elles soient ? 

    D'ailleurs, comme nous nous accusons peu du péché d'omission ! Pourtant, on pèche souvent plus, non 120 en agissant mal, mais en manquant de vie, en manquant de vitalité.

    Voilà donc les deux clefs de l'examen de conscience. Ces grands appels de l’Évangile qui sont notre feuille de route, le dessein de ce que Dieu attend de nous : d'une part notre vérité positive, et d'autre part toutes nos responsabilités d'homme.

    (...)

    Il y a une hiérarchie à établir dans nos fautes. On ne l'apprend que peu à peu, justement par la confession. Apprendre à donner de l'importance à ce qui en a, mettre des degrés dans nos absences, nos paresses, nos maladies. Il est vrai, par exemple, que le péché contre la chasteté 121 est grave, mais n'est-ce pas plus grave de pécher contre la justice ou de s'enfermer dans l'indifférence à l'égard de notre voisin ou de notre frère ? Il est grave de se mettre en colère contre son frère et de se laisser aller à son tempérament impulsif, mais n'est-ce pas plus grave de ne rien entreprendre, de se donner de bonnes raisons pour ne rien faire pour notre frère qui est dans le besoin ? Prendre quelque chose qui ne nous appartient pas est grave, mais n'est-ce pas plus grave de tolérer (finalement cela devient une habitude) une injustice généralisée et pesante, paralysante pour des pays ou des individus, et de l'admettre sous prétexte qu'il n'y a pas moyen de faire autrement ?

    S'accuser de ses péchés d'ailleurs, ne veut pas seulement dire décrire ses états d'âme , mais d'abord nommer les choses. Ce n'est pas en face de nous que nous devons nous agenouiller, mais c'est en face de Dieu, de quelqu'un qui nous attend, qui nous aime et qui nous aide à faire la lumière sur nous. (...)

    (...)

    184 ... nous dirions volontiers de la confession qu'elle est pour nous le test absolu de la foi, le point de non-retour en face de la confiance en Dieu, acquise par le partage du sang, sang de nos péchés et sang du Fils de Dieu. C'est ce que nous formulerions de façon banale en disant que l'un des signes décisifs de santé et de sérieux de la foi est d'accepter de se confesser à n'importe quel prêtre..., même à celui qui nous connaît.

    C'est en effet prendre Dieu au mot et nous prendre nous-même à l'espérance décisive du salut et de la vérité. Certes, chacun de nous sait combien cela peut être difficile. Mais doit-on en vouloir à ce cadeau-piège de Dieu, qui nous oblige nous-même et oblige le prêtre à se dépasser et à rejoindre l'image éternelle que Dieu à de nous ?

                                      P. Bernard Bro, o.p

     

     

  • Chemin vers Pâque (19)

    [17]

    Pâque veut dire passage, passage par la mort, par le seuil de la mort. Il y a trois pâques dans l'histoire : la pâque des Hébreux ; la pâque du Christ que nous méditons en ce moment et notre pâque à nous.

    La pâque des Hébreux

    Dans la catéchèse courante, on raconte aux enfants des tas de petites histoires, mais on les laisse ignorer le livre de l'Exode, cela est scandaleux. Or il est extrêmement facile, me semble t-il, d'en rendre accessible l'essentiel à de jeunes enfants.

    Voilà donc des Hébreux qui sont une minorité opprimée en Egypte. Ils travaillent sous le fouet, avec un maigre salaire, leur portion d'oignons - les fameux oignons que l'on voit encore pendre de nos jours dans les petites baraques, comme en France on vend des marrons en hiver. Les Arabes qui n'ont pas d'argent achètent quelques sous, quelques centimes d'oignons. Un jour, le pharaon décida d'augmenter les cadences. Dans le monde moderne, tout le monde sait ce qu'est l'augmentation des cadences. (...) Augmentation des cadences [18], c'est-à-dire plus de travail sans augmentation de salaire. Le pharaon décida que les Hébreux transporteraient non seulement les briques pour la construction des maisons, mais qu'il leur faudrait aussi trouver de la paille et la transporter. On fabriquait les maisons avec des agglomérés de brique, de paille et de terre sèche. Oppression, donc.

    Moïse interrogea Yahvé en lui disant : " C'est intolérable. Ton peuple est opprimé." Et Yahvé répondit : " Oui, tu as raison, c'est intolérable. Je ne veux pas que mon peuple soit un peuple d'esclaves. J'ai entendu la clameur qui monte de mon peuple, le cri des opprimés..." C'est  l'esclavage. Alors Yahvé dit : " Tu vas prendre la tête de la colonne et tu vas les faire passer - pâque, c'est-à-dire passage - dans la terre que j'ai promise à tes Pères, la terre de Canaan et qui est la terre de la liberté. Je veux que mon peuple soit un peuple libre. " L'Evangile ne peut pas  être entendu par un peuple qui n'est pas libre, ce n'est pas possible. 

    Poussons un peu plus loin si nous voulons pouvoir dialoguer avec nos contemporains. Qu'est-ce que c'est que la liberté d'un peuple ? C'est toujours deux choses : l'indépendance politique et la prospérité économique. Quand l'une des deux manque, le peuple n'est pas un peuple libre. Or la terre de Canaan sera une terre d'indépendance politique et Dieu interviendra toutes les fois que l'indépendance politique sera menacée par les Assyriens, les Babyloniens, les Egyptiens... Prospérité économique : c'est la terre où coulent le lait et le miel (Cf. Ex 3,8) dit la Bible.

    Oui, mais entre l'Egypte de l'esclavage et la Palestine de la liberté s'étend un désert, immense, le désert du Sinaï, et ce désert doit être franchi. Tel est le désert, impossible de le contourner (...) Pas de métro, pas d'avion. Il faut traverser le désert. Quarante ans. Un chiffre symbolique évidemment, c'est-à-dire un temps très long. Nous retrouvons ce chiffre symbolique avec les quarante jours du carême, les quarante jours de Jésus au désert au commencement de sa vie publique... C'est la reprise des quarante ans, c'est-à-dire du temps très long de la traversée du désert.

    [19] Plus les Hébreux avancent dans le désert, plus ils ont le sentiment d'aller vers la mort. Ils tombent d'ailleurs comme des mouches. Une véritable retraite de Russie où ils sont affrontés non pas à la neige, mais au soleil et à la calcination. Ils ont faim et il faut le miracle de la manne. Ils ont soif et il faut que Moïse fasse jaillir l'eau du rocher avec sa baguette. Il y a le miracle des cailles. Et leur tentation c'est de regretter leurs oignons, comme le grain de blé qu'on enfonce en terre regrette son petit bonheur de quatre sous dans son grenier, et comme la chenille commence par regretter sa vie de chenille et la petite fille sa vie d'enfant.

    Alors, c'est la révolte. Ils veulent revenir en arrière. Claudel a transposé cela dans son Livre de Christophe Colomb. Lorsqu'au milieu de l'océan il n'y a plus à manger, plus rien à boire, etc., les soldats de Christophe Colomb se révoltent  et veulent revenir en arrière et ne pas découvrir le Nouveau Monde, qui est le symbole de la vraie vie.

    On ne peut pas court-circuiter le désert. On ne peut pas échapper à la mort comme seuil de la vraie vie. C'est le thème du désert, qui est fondamental dans la vie. (...)

    C'est la première pâque de l'histoire, le premier passage de la vie présente à la vie divine.  

    Francois Varillon - La Pâque de Jésus - Bayard Editions 1999

  • Chemin vers Pâques (1)

    [14]

    L'homme est incapable de se sauver par ses propres forces : c'est peut-être la vérité la plus importante que nous enseigne sur l'homme la Révélation chrétienne. Rien de tel, certes, pour se convaincre de cette nécessité que de faire l'expérience douloureuse de sa propre faiblesse, faiblesse physique devant la maladie et aux approches de la mort, faiblesse psychique sous le poids de la dépression ou de l'obsession, faiblesse morale ou spirituelle en face de la violence de la tentation et du péché (cf Rm 7,18-19) ; sans parler de l'expérience non moins douloureuse du désarroi et de l'angoisse qui étreignent tant d'hommes autour de nous.

    Rien de tel : mais à condition que cette expérience soit éclairée par la foi ; elle ne ferait, autrement, que nous enfoncer dans les ténèbres du fatalisme et du désespoir.

    Or la lumière de la foi nous enseigne que l'incapacité de l'homme par rapport au salut est double ; mais elle révèlera aussi qu'aux deux aspects, aux deux dimensions de cette incapacité , répondront et remédieront les deux aspects, les deux dimensions du salut auquel Dieu l'appelle.

    L'incapacité de l'homme par rapport au salut tient en premier lieu à sa "nature" profonde, ou si l'on veut à sa [15] vocation : l'homme n'est qu'une créature, et pourtant, par nature et par vocation, il est fait pour être divinisé, il est appelé à devenir Dieu. S'il en est bien ainsi - et c'est ce qu'il faudra montrer d'abord - il est bien évident qu'il ne peut pas par lui-même atteindre ce pour quoi il est fait, ce à quoi il est appelé. Seul, assurément, Dieu peut diviniser un être qui n'est pas Dieu par nature. 

    L'incapacité de l'homme par rapport au salut vient en second lieu de la "condition" dans laquelle il se trouve en ce monde : l'homme est dans une condition consécutive au péché, une condition d'opacité voire de refus par rapport à Dieu, et qui l'entraîne irrésistiblement vers la mort et la perdition. De l'esclavage du péché - dont il nous faudra ensuite mesurer la violence - seul Dieu peut, gratuitement, libérer un être qui n'est enclin, de lui même, qu'à s'enfoncer toujours davantage dans sa propre déchéance. 

    Que l'on considère donc le salut selon sa face de divinisation ou selon sa face de sauvetage du péché et de la mort, il ne peut jamais être que l'oeuvre de Dieu, le don absolument gratuit de Dieu. 

    Et, d'un côté comme de l'autre, l'homme apparaît comme un être fait, certes pour le salut, c'est-à-dire pour la vie, la liberté, le bonheur, et finalement la divinisation, mais radicalement incapable d'y atteindre par lui-même. 

    Dieu l'a créé ainsi. Dieu, en le créant, par son acte créateur même, l'appelait au salut, le sachant pourtant absolument impuissant à "faire son salut" par lui-même. C'était faire de l'homme un "être à sauver" (Cf. Saint Irénée - Adv.haer.,III,22,3) ; c'était même d'avance - car Dieu ne peut renier sa sagesse ni son amour - s'engager à faire Lui-même les frais du salut de l'homme, et à le lui offrir gratuitement. 

    Claude Richard - Il est notre Pâque - Cerf , 1980  

    Claude Richard a été abbé de l'abbaye cistercienne Notre-Dame de Timadeuc, près de Rohan.