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  • L'Islam - conf de F. Varillon (2)

    Suite de la conférence.

    Mais ils n'affirment pas pour autant que l'histoire ait  un contenu. L'Islam proclame la transcendance de Dieu mais nie l'Incarnation. Dès lors, même au plan de la Création, le Dieu chrétien diffère profondément du Dieu musulman. Je dis bien : même au plan de la Création. On serait tenté de penser : le christianisme et l'Islam croient au même Dieu créateur mais ensuite ils sont différents parce que  le christianisme croit en l'Incarnation et l'Islam n'y croit pas. Autrement dit croire en l'Incarnation ou n'y pas croire ne changerait en rien la manière d'envisager le mystère de la Création. Je crois que penser ainsi serait une grave erreur. Pour  le christianisme, c'est le mystère de l'Incarnation qui éclaire le mystère de la Création. La foi chrétienne en l'Incarnation modifie l'idée qu'on peut se faire de la Création. Pour celui qui croit à l'Incarnation, le mystère de la Création nous dit quelque chose du mystère de Dieu, du mystère de l'intériorité divine c'est-à-dire de la Trinité. Nous dirons tout à l'heure que l'affirmation d'un Dieu Trinité est pour l'Islam le blasphème majeur. Le christianisme qui affirme que Dieu est Trinité, c'est-à-dire un éternel échange d'amour entre Trois Personnes, le christianisme croit que la gratuité de la Création procède de la gratuité de cet amour qui est intérieur à Dieu lui-même. Parler de la Création à partir d'un Dieu absorbé en soi, parler d'un Dieu créateur comme d'un Infini sans amour c'est aller devant des difficultés telles qu'il sera presque impossible de ne pas réintroduire dans l'idée de création cet émanantisme que précisément la Bible exclut radicalement. L'Islam se garde de réintroduire cet émanantisme qui est propre à toutes les religions asiatiques, mais il ne le fait qu'en se contentent d'affirmer purement et simplement l'absolu transcendance de Dieu, une transcendance qui n'est pas une transcendance d'amour. J'y reviendrai parce que c'est là la différence essentielle entre le Dieu de l'islam et le Dieu du christianisme. Et c'est là raison pour laquelle je vous parle de l'islam avant de vous parler du judaïsme. Il eut été plus logique de commencer par le judaïsme. Mais avec l'Islam on voit beaucoup plus clairement que le mystère de la Trinité est la clef de tout et que toutes les insuffisances des religions non chrétiennes se ramènent à la négation ou la méconnaissance de la Trinité. A cause de cette différence essentielle, parce que tout se tient, il n'est pas possible d'identifier le Dieu créateur de Mahomet et le Dieu créateur de Jésus-Christ. Pour le chrétien qui va au fond des choses, la gratuité de l'acte créateur n'est concevable que s'il on admet la gratuité des échanges d'amour qui constitue la vie éternelle de la Trinité. Pour l'islam, l'essence de la religion c'est la proclamation de la transcendance de Dieu. Et l'Histoire n'a pas de contenu. L'Histoire c'est plutôt le lieu d'une perpétuelle dégradation  du monothéisme que le rôle des prophètes est de ramener à sa pureté. Le judaïsme pense que l'Histoire représente un dessein d'amour de la part de Dieu, mais le judaïsme reste tourné vers la venue à venir du Messie qui est le signe de cet amour. La venue du Messie marquera la fin du temps. Pour les chrétiens, l'événement essentiel : l' Incarnation  est situé au centre du temps. Et le temps s'articule comme une histoire qui comporte des étapes successives et qui prend ainsi valeur et signification.

    Nous pouvons maintenant ouvrir le Coran.

                                                                                     A suivre...

     

  • L'Islam - conf de F. Varillon (1)

    Retranscription d'une conférence donnée par le père François Varillon dans les années 1970.

     

    Il y a un fond commun aux trois grandes religions qui sont issues d'Abraham : le judaïsme, l'islam et le christianisme. Ces trois religions issues d'Abraham sont monothéistes, c'est-à-dire qu'elles croient en un Dieu unique qui est le créateur du monde. Unicité de Dieu (Un seul Dieu), transcendance de Dieu, création du monde par Dieu : c'est par là que le monothéisme se distingue des spéculations les plus hautes de la Grèce et de l'Inde dans lesquelles les frontières de l'absolu et du relatif, de l'Un et du Multiple ne sont jamais tout à fait nettes, en sorte qu'on ne sait jamais bien si le monde ne se résorbe pas en Dieu ou si Dieu ne se dissout pas dans le monde. Nous oublions parfois à quel point l'affirmation biblique de la Création du monde par un Dieu unique et transcendant est original. Original par rapport aux conceptions philosophiques de la Grèce antique et aux conceptions religieuses de l'Orient. La déclaration initiale de la Bible : "Au commencement Dieu créa le ciel et la terre"  s'oppose de la manière la plus  nette à toute forme de panthéisme ou d'émanantisme (émanantisme, du mot latin signifiant s'écouler - comme si le monde s'écoulerait  de Dieu lui-même ). L'affirmation biblique c'est l'affirmation d'une distinction radicale entre le monde et Dieu. Si le monde se distingue radicalement de Dieu, il est l'oeuvre d'une volonté libre. Et si Dieu est une volonté libre il est une Personne. Le Dieu d'Abraham donc le Dieu du judaïsme, de l'islam et du christianisme n'est pas un principe impersonnel dont le monde serait une émanation nécessaire comme le ruisseau émane nécessairement de la source et comme le rayon ou la nappe de lumière émane nécessairement du foyer lumineux. Le philosophe grec Anaximandre, ouvrant les bras comme pour embrasser la totalité de l'univers, s'écriait :  "tout cela est Dieu". D'autres, bien sûr,  éviteront de déifier la nature comme telle mais ils ne pourront voir en elle qu'un reflet, un reflet de l'éternel principe...reflet manifesté de l'essence non manifestée.

    La Bible dit tout autre chose : elle dit : Dieu est, Dieu est personnel, Dieu veut que le monde soit. Le monde commence d'être, le monde est une réalité distincte de Dieu : voilà l'idée biblique qui est commune au christianisme, au judaïsme et à l'islam. Les conséquences de cette idée sont considérables.  La Bible affirme que Dieu contemplant son ouvrage vit qu'il était bon. En effet, la distinction entre le Créateur et la Création entraîne que l'univers n'est pas une sorte de dégradation du divin mais au contraire, une réalité en croissance ou, s'il on préfère, "en genèse". Pour beaucoup de philosophies et de religions, ce monde multiple, complexe, dans lequel nous sommes plongés est un éparpillement de Dieu, un éloignement par rapport à l'absolu, comme le fleuve qui, en s'éloignant de la source, finit par se perdre dans les sables. Donc finalement, pour ces philosophies, le monde, ce monde est un mal. Et c'est pourquoi disait Platon, il faut s'évader de ce monde d'ici-bas vers là-haut. Un pessimisme radical affecte ces philosophies et ces religions : le temps n'est qu'illusion et vieillissement. Le processus platonique est négatif. Le devenir n'est qu'écoulement, dispersion : nous allons vers la mort. A l'inverse, l'idée biblique de Création - dont je répète qu'elle est commune au christianisme, au judaïsme et à l'islam - implique que le temps a de la valeur. Il est non pas une dispersion et une dégradation, mais une maturation, une parturition, une invention. Non pas une chute de l'absolu au néant mais une montée du néant à l'absolu. Prenez les images évangéliques que vous connaissez bien : l'image de l'arbre qui croît, de la graine qui fructifie, du ferment qui fait lever la pâte etc. : toutes ces images expriment bien l'essentiel positivité du réel. Disons en termes modernes que la Bible révèle que le monde est essentiellement une Histoire. L'islam, comme le judaïsme et comme le christianisme, affirme ce Dieu unique et Créateur. (7:36)

                                                                     A suivre....

                                                                                                                       

  • L'Eucharistie (7 et fin)

    Suite de la retranscription d'une conférence donnée par le Père Varillon en 1975. (Je vous invite à lire les 6 posts précédents avant d'aborder ce dernier post).

    La Présence réelle (suite)

    Seulement à ce niveau là le langage devient extrêmement difficile. On pourrait dire que ce qui demeure c'est l'aspect "phénoménal" [au sens philosophique du terme] du pain et du vin. Mais je ne me vois pas parler, dans une homélie ou un catéchisme, de l'aspect "phénoménal" du pain et du vin. L'être est ce que Dieu veut qu'il soit. Je suis membre du Corps du Christ, ça ne m'empêche pas d'être français, homme et non pas femme, etc. Autrement dit, toute ma réalité humaine, naturelle.. tout cela subsiste mais cela n'empêche pas que mon identité la plus profonde c'est d'être le Corps du Christ.

    En résumé si vraiment  le pain c'est l'homme, il ne faut pas dire : le Christ remplace le pain car cela voudrait dire que le Christ remplace l'homme ; il faut dire : c'est le pain donc l'homme qui devient le Corps du Christ, c'est l'activité humaine humanisante de l'homme que dans et par l'Eucharistie le Christ divinise pour nous faire devenir....(inaudible)

    Réponse du Père Varillon à des questions de l’auditoire

    A propos de l'intercommunion entre catholiques et protestants.

    Le Mystère de l'Eucharistie est lié à un ensemble doctrinal. Il faut être lucide et bien voir que sur nombre de points essentiels, catholiques et protestants n'ont pas encore une pensée commune. Il y a deux théories. Les uns disent : commençons par l'intercommunion c'est à dire vivons ensemble et vivons d'abord le mystère eucharistique : c'est une première manière d'envisager les choses. Il y a une autre manière qui consiste à dire qu'il n'est pas très honnête  de partager le Christ entre personne qui n'ont pas la même idée du Christ. En effet il y aurait un véritable contre-sens et peut être même une vraie malhonnêteté. Moi, je pencherai plutôt pour la première position. (...)

     

     

  • L'Eucharistie (6)

    La Présence réelle (suite de la conférence donnée par le père Varillon en 1975)

    (...)

    Présence réelle qui fait difficulté pour beaucoup et il faut bien reconnaître qu'il y a là, au plan de l'explication, quelque chose qui est un peu difficile et extrêmement mystérieux.

    Pour exprimer les choses, il y a un langage théologique. Le langage théologique classique vient du Concile de Trente et le mot que nous employons c'est le mot : " transsubstantiation". Comme les mots "conversion", "espèces", "apparence", le mot "transsubstantiation" est devenu inintelligible à tout le monde. Vous comprenez bien qu'à chaque époque de l'histoire nous entendons la Parole de Dieu à travers des cadres de pensée, à travers des conditions d'existence que nous recevons de la civilisation et de la culture. La véritable théologie procède d'un effort qui doit être constamment repris pour annoncer la foi de toujours dans le langage d'une culture mouvante. Toute culture qui vient au jour interpelle la foi. Cette culture interpelle l'Eglise, interpelle la foi. Vous parlez de "transsubstantiation, expliquez-vous ! Qu'est-ce que vous voulez dire ? Et il arrive que l'Eglise réponde avec des mots humains qui n'ont pas l'éternelle jeunesse de l'Evangile.

    Et je m'en vais vous proposer un texte : je vous lis le texte du Concile de Trente concernant la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie. Posez-vous la question : est-ce que je comprends ? Posez-vous cette question très sincèrement. Voici ce texte  : " Le Concile enseigne et professe que dans le Sacrement de l'Eucharistie , après la consécration du pain et du vin, Notre Seigneur Jésus-Christ vrai Dieu et vrai Homme, est présent vraiment, réellement et substantiellement sous l'apparence de ces réalités sensibles que sont le pain et le vin." Un peu plus loin, le Concile précise : "le Christ n'est pas seulement présent en signe, en figure ou par sa vertu, mais toute la substance du pain et du vin se trouve changée vraiment et réellement en la substance du Corps et du Sang du Christ cependant que demeurent les espèces ou les apparences du pain et du vin. Ce changement est appelé de façon très approprié : "transsubstantiation". " voilà. Tout cela est vrai ! rigoureusement vrai ! Mais à l'époque du Concile de Trente cela ne faisait pas problème, car la science n'était pas en ce temps là ce qu'elle est maintenant. Il y a le pain tel qu'il est sur notre table avec une certaine forme : c'est une flûte, ou un petit pain, c'est une couronne, une baguette, il est frais ou il est rassis, il a un certain poids, il a une couleur ou il est bien doré... : tout cela ce sont les apparences du pain. Qu'est-ce que de nos jours nous appelons la "substance" du pain ? c'est le pain tel qu'on peut l'analyser dans un laboratoire pour voir quels sont les éléments qui le constituent. Je n'ai pas de compétence particulière mais tout ce que je sais c'est que dans le pain il y a du gluten. Il n'y a pas que ça. Dans un laboratoire on analyse les éléments qui constituent le pain pour voir en quoi consiste la substance du pain. Et vous n'allez pas quand même imaginer que dans une hostie consacrée qui serait analysée chimiquement dans un laboratoire vous y trouverez le Corps du Christ. Jamais ! Jamais l'Eglise n'a prétendu une absurdité pareille ! Donc quand le Concile de Trente parlait de "transsubstantiation" (changement de substance) il ne s'agissait pas de la substance telle que nous l'entendons aujourd'hui. Qu'il s'agisse du pain tel qu'il apparaît sur notre table ou qu'il s'agisse du pain quand il est analysé dans un laboratoire c'est exactement la même chose. Ce n'est pas à ce niveau là que se situe la conversion du pain dans le Corps du Christ. Alors vous allez me dire : à quel niveau cela se situe ? La question est très difficile parce qu'elle est philosophique et que là c'est un mystère extrêmement profond. je pense que là il faut être très modeste et dire simplement : un être est ce qu'il est pour Dieu, en profondeur. La réalité profonde d'un être n'est pas sa réalité physico-chimique. Le pain et le vin sont réellement le Corps et le Sang du Christ, en profondeur, mais à un niveau qui n'a rien à voir avec la réalité physico-chimique. Entre catholiques et protestants la question de la présence réelle ne fait pas difficulté parce que si on a vraiment compris que la réalité la plus profonde dire que le Christ est réellement présent dans l'Eucharistie ou dire que sa présence est signifiée, c'est exactement la même chose. Alors je sais qu'il y a eu des controverses depuis la Réforme entre catholiques et protestants, à mon sens elle sont totalement périmées. L'important c'est de ne pas se tromper sur la signification du mot substance. Jamais saint Thomas d'Aquin n'imaginait une seconde qu'en analysant chimiquement une hostie consacrée on y trouverait le Corps du Christ. Jamais. Mais dans les siècles qui ont suivi la grande époque de la philosophie de saint Thomas d'Aquin il y a eu de la dégradation intellectuelle et les conflits se sont situés dans une zone tout à fait médiocre. Je reconnais qu'au plan pastoral, au plan de l'éducation de la foi, on ne sait pas trop comment s'exprimer. Je pense qu'il faut dire d'abord ceci : après la consécration, ce qui demeure ce sont les apparences sensibles du pain tel qu'il est sur notre table ainsi que leurs propriétés physico-chimiques (la substance physico chimique). Le changement se situe en une zone beaucoup plus profonde au niveau de ce que j'appelle "l'être et le signe" 

                                                                      A suivre...prochain post

                                                                      François Varillon s.j