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  • L'Eucharistie (5)

     Suite du post précédent.

    Note : Retranscription d'une conférence de François Varillon (+ 1977). Les carmélites de Saint Sever ont un atelier de cassettes/CD : une grande partie des conférences du P. François Varillon peut être commandée chez elles. Le Père Varillon - spécialiste de Paul Claudel - c'est une voix. J'ai fait le choix de retranscrire quelques unes de ses conférences pour vous donner l'envie de poursuivre votre lecture avec les différents ouvrages qu'il a écrit ou votre écoute d'autres conférences enregistrées par les carmélites de St Sever (Calvados).

    ... qui s'est poursuivi par le travail du semeur, ensuite du moissonneur sans oublier tous ceux qui ont fabriqué les charrues, la moissonneuse-lieuse...travail qui s'est poursuivi avec le meunier, le boulanger, toux ceux qui ont fabriqué le pétrin : quelle histoire ! Quelle histoire contenue dans ce morceau de pain ! Voilà une feuille de papier : c'est pas une chose, c'est toute une histoire : c'était d'abord un arbre dans la forêt, et par une série de transformations successives le bois est devenu ce papier qui va servir à un usage humain ; ce papier sur lequel un grand écrivain écrira un chef d'oeuvre. Transformation de la nature par le travail et, du même coup, transformation des relations humaines car le travail n'est pas solitaire, le travail est lié à la communauté : les hommes travaillent ensemble. Eh bien, c'est cela que je porte sur l'autel et que le Christ va transformer en son propre corps. Autrement dit, le Christ transforme divinement ce que j'ai transformé humainement. Si vous ne transformez rien humainement, si vous ne travaillez pas, si vous ne vous efforcez pas de transformer les relations des hommes (soit les relations inter-personnelles, soit par le truchement des institutions politiques, économiques lesquelles conditionnent les relations des hommes entre eux, tout se tient), si vous ne transformez pas la nature par le travail ; si vous ne transformez pas les institutions sociales ou politiques par l'engagement institutionnel qu'est-ce que signifie l'eucharistie ? Car l'Eucharistie ce n'est pas le Christ tombé dans un morceau de pain !

    Mon père qui était dans l'industrie du papier me racontait à quel point il avait été impressionné à l'Exposition de Paris en 1897, l'année où l'on avait inauguré la Tour Eiffel. Et, il y avait sur le Champs de Mars la galerie des machines  et l'on assistait à tous les stades de la fabrication du papier. A un bout de la galerie, il y avait un tronc d'arbre qui arrivait de la forêt et à l'autre bout le papier. Et mon père - qui était un professionnel - me disait à quel point cela l'avait intéressé d'assister à la transformation de la nature : le bois en papier. Je lui répondais : remplace le papier par le pain et tu comprendras ce qu'est l'Eucharistie. Et je lui disais : imagine au bout de la galerie les sacs de blé arrivés de la campagne : ils sont déjà le fruit du travail et, à l'autre bout de la galerie le pain sortant du four du boulanger. Alors le pain sorti du four du boulanger on le mangera dans des repas humains qui excluront encore plus qu'ils ne rassembleront. Et le pain sur l'autel le Christ le transformera en son propre corps. Ce que nous avons transformé en pain par notre vie, le Christ le transforme divinement.

    Pour aider à faire comprendre j'aime bien rappeler cette anecdote.

    Il s'agissait de religieuses d'un style assez "antique" qui étaient toutes heureuses de me montrer une petite brochure composée pour faire comprendre le mystère de l'Eucharistie à des enfants. Elles étaient très fières : "regardez mon père comment on fait des choses merveilleuses...." Sur la première page il y avait une hostie dessinée puis, entre la première et la seconde page, il y avait une tirette ; et on disait aux enfants de tirer ! L'enfant tirait et l'hostie s'en allait. Et à la place de l'hostie on voyait apparaître le Christ ! 

    Je les ai regardés et je leur ai dit :

    - " Mais avez vous passé un contrat avec le parti communiste ? Le parti communiste se sert de vous mes soeurs pour favoriser le marxisme !"

    - "Mais comment mon père, qu'est-ce que vous voulez dire ? " 

    - " Qu'est-ce que vous racontez aux enfants ?! Le Christ qui vient remplacer le pain !? Le pain c'est l'homme, c'est le travail de l'homme. Et vous dites que le Christ vient remplacer l'homme, autrement dit Dieu s'est fait homme pour remplacer l'homme !? Alors il y a de quoi être marxiste pour le coup."

    - " Mais comment mon père, je ne comprends pas "

    - " Mais vous êtes purement et simplement hérétique, ma sœur."

    - "Mais enfin, vous exagérez ! "

    - " Pardon ma sœur !    Le concile de Trente a refusé le mot de "substitution : il n'est pas vrai que le Christ se substitue au pain. L'usage du mot "substitution" est hérétique. Le mot que le concile de Trente a adopté c'est le mot conversio : c'est le pain qui est converti en le Corps du Christ. C'est le pain, c'est-à-dire l'homme, qui devient le corps du Christ. J'ai un peu l'impression que beaucoup de chrétiens s'imaginent que les choses se passent ainsi. Ne dites jamais que le Christ vient remplacer l'homme. Jamais ! Le Christ vient diviniser l'homme. Nous sommes sur terre pour être divinisés, pour devenir ce qu' Il est. Mais nous ne pouvons devenir ce qu' Il est que si nous accomplissons notre tache humaine. Et la tache humaine ce sera toujours le travail qui transforme la nature et puis l'action institutionnelle qui transforme les relations des hommes entre eux par le biais des institutions."

    Alors  les pauvres sœurs - je ne sais plus bien comment ça s'est terminé - mais elles étaient bien embêtées. Elles étaient un peu moins fières.  C'est en étant pleinement humain qu'on devient divin, par la grâce de Dieu bien sûr. Ce n'est pas nous qui devenons Dieu : c'est Dieu qui se donne pour nous transformer en Lui. Vous comprenez alors que le signe de la nourriture est fondamental.

    Il reste quelques mots à dire sur la Présence réelle.  

     

                                       A suivre...

                             P. François Varillon