Qui était Nicodème ? C'était une des plus importantes personnalités du pays, très en vue, docteur de la Loi, l'un des principaux de la secte des pharisiens. La Loi d'Israël avait une autorité absolue, ayant été donnée à Moïse par Dieu lui-même. Au nom de la Loi, dont ils s'étaient institués les gardiens, les pharisiens assuraient dans tout le pays le rôle de censeurs de ce qui se pensait, de ce qui se disait, de ce qui se faisait. Accablante et redoutable tâche, redoutée de tous en effet.
Donc après mille précautions, ce Nicodème se ménage auprès de Jésus un rendez-vous de nuit. Cela commence bien. Dès le début de sa vie publique, Jésus est un personnage suspect. Un notable important ne peut pas le rencontrer seul à seul au grand jour sans encourir les plus grands risques pour sa réputation, pour son prestige, pour sa liberté, peut-être pour ses biens. Jésus est un homme qu'il n'est pas du tout convenable de rencontrer seul. Diable ! c'est déjà grave, une telle situation. Dans une nation essentiellement religieuse, Jésus rencontrera toujours contre lui la secte des pharisiens, gardien de la Loi, pour tenter de lui barrer la route : à la fin, ce sont eux qui auront sa peau (...)
Donc Nicodème, pharisien éminent, avec une surface sociale importante, rencontre Jésus de nuit, après s'être assuré qu'il n'était pas suivi. Ceux qui l'accuseraient de lâcheté n'ont pas connu les terreurs de la clandestinité et les précautions de la résistance intérieure.
A l'époque, Israël était un pays occupé par deux occupants, et des deux l'occupation étrangère était la moins pesante. Rome était puissance occupante. Mais la secte des pharisiens s'était attribué dans la nation le rôle d'une Inquisition féroce. Ces deux puissances tyranniques, Rome et les pharisiens, ne s'accorderont qu'un seul jour sur un seul point, le meurtre juridique de Jésus, et dans la circonstance, c'est plutôt Rome qui traînera les pieds.
Donc Nicodème vient voir Jésus de nuit. Sans révéler encore toute l'étendue de son enseignement, Jésus va tout de suite à l'essentiel. Cet essentiel est, il restera toujours, fondé sur la véracité inébranlable de son témoignage personnel : s'il parle, c'est parce qu'il a autorité pour parler. Et cette autorité découle du fait que lui, il sait. La foi, que tout au long de l'Evangile réclame de tous ceux qui l'approchent, est tout le contraire d'une crédulité, c'est le contraire de la "foi du charbonnier". Déjà, dans son Prologue, Jean avait dit :
Dieu, nul ne l'a jamais vu. Le Fils, l'Unique, qui est dans le sein du Père, nous en a fait la narration.
Pauvre Nicodème ! Qu'est-il venu faire dans cette maison ? Jésus le secoue, comme on secoue un prunier pour en faire tomber les fruits.
Vous refusez notre témoignage ! Si je vous raconte les choses terrestres et que vous restiez incrédules, comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses célestes ?
Jésus dit à peu près ceci : Moi, qui sais, je vous affirme que l'homme est plus que ce qu'il est dans son être terrestre, il est appelé à de futures et imminentes transfigurations. Croyez-m'en et prenez-en le risque. Mais quoi ! je ne peux rien contre votre volonté libre. Si déjà vous refusez de me croire quand je vous parle de votre vocation immédiate, comment ne resteriez-vous pas incrédule quand je vous parlerai de votre demain et de votre transfiguration céleste ? Le Christ nous sollicite de devenir qui nous sommes véritablement.
R.L Bruckberger - "La Révélation de Jésus-Christ" - Grasset 1983