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Prier avec le P. Guardini : 24e jour

Jetons un regard en arrière. Nous avons dit que la réalité de Dieu surgit dans l'espace créé par le recueillement, qu'elle manifeste ses différents aspects et ensuite les différentes formes de la prière. 

 

   Nous avons parlé d'abord de la sainteté de Dieu, à laquelle répond la conscience qu'à l'homme de n'être pas saint, l'aveu de la culpabilité, le repentir et la rénovation dans la bonne volonté. A cette même sainteté de Dieu répond aussi en nous la conscience que Dieu est celui qui donne le salut, le désir de Dieu et l'effort pour parvenir à sa communion... Il a ensuite été question de la majesté et de la grandeur de Dieu auxquelles répond l'hommage de l'adoration, qui ne s'incline pas seulement devant la puissance et la majesté divine, mais qui se pénètre aussi de sa signification éternelle. Mais lorsque s'éveille la joie au contact de l'immensité de Dieu, l'adoration  se transforme en louange... Enfin nous avons parlé de la puissance, de la richesse et de l'amour secourable et généreux de Dieu ; c'est à lui que s'adresse la demande et ses différents contenus, dont l'ultime est de demander à vivre de Dieu. Enfin du cœur de l'homme, qui reconnaît qu'il tient de Dieu ce qu'il est et ce qu'il possède, jaillit la reconnaissance. 

   Ainsi se révèlent différents modes suivant lesquels Dieu est. L'homme y répond par différents aspects de sa propre nature, et c'est précisément  ainsi qu'il devient lui-même. Car c'est seulement  de par Dieu que l'homme est homme au sens définitif du mot ; et ce n'est que dans la mesure exacte où il a de Dieu une connaissance vécue et  où il répond à Dieu qu'il prend possession  de sa nature d'homme. 

   Il n'a été question ici que des formes de la prière les plus faciles à discerner ; mais il en existe beaucoup d'autres, peut-être une infinité d'autres. Dieu est inépuisable, et, pour paraphraser un mot d'Anselme de Canterbury : " L'homme est l'être inépuisable immédiatement au-dessous de Dieu." Les sciences naturelles, elles aussi, admettent aujourd'hui que l'homme n'est pas un être particulier à côté d'autres êtres, mais qu'il est une récapitulation de tout ce qui est vivant. C'est en tant que tel qu'il est capable de répondre à Dieu, et toute réponse est prière. 

   Il y a la prière qui s'adresse au Dieu lointain, mystérieux, inconnu ; et il y a la prière qui s'adresse au Dieu proche, qui se révèle et se manifeste. Il y a la prière qui s'appuie sur le discernement des vérités de la foi, la connaissance priante ; mais il y a aussi celle de l'ignorance, de l'impuissance devant le mystère. Il y a la prière de la plénitude quand Dieu se manifeste ; mais aussi celle de la privation lorsqu'il est absent et que se creuse le grand vide que rien ne peut combler. Il y a la prière des heures où tout est ouvert et confiant, mais aussi celle de la persévérance muette, lorsque tout semble dénué de valeur et de sens, où il n'y a ni espoir, ni soutien. Et l'on pourrait continuer cette énumération.

Au reste, les diverses formes de la prière se rejoignent. Le sentiment de notre indignité mènerait au désespoir s'il n'était accompagné de celui d'une appartenance quelconque à Dieu. Désirer Dieu tout en ignorant le péché serait sacrilège. Nous avons déjà montré comment l'adoration se transformait en louange. Le sentiment de la grandeur de Dieu nous écraserait s'il n'était accompagné de la joie que procure la gloire divine. La louange de Dieu risquerait de devenir trop familière, si la conscience  que nous prenons, dans l'adoration, de la sainteté et de la majesté de Dieu ne nous faisait garder les distances. La demande et l'action de grâce sont deux aspects d'un seul et même mystère  : nous tenons notre vie de la liberté de Dieu. Il suffit de quelques réflexions pour voir l'interdépendance  entre l'adoration et le repentir, le désir et la louange, l'action de grâce et l'union, la demande  et la vénération. Au fond, il s'agit de formes différentes d'un tout unique : la relation vivante de l'homme avec Dieu, rendue possible parce que Dieu se révèle à l'homme et l'appelle.  

 

 

 

 

 

A suivre...

 

 

Romano Guardini - Initiation à la prière - Éditions du Seuil (1961)

Romano Guardini (1885-1968). Après avoir étudié la théologie à Freising et Tübingen, il rédige un travail de doctorat sur saint Bonaventure. Il enseigne à Berlin, à Tübingen, puis à Munich de 1948 jusqu'à sa mort. En 1965, il refuse par humilité le titre de cardinal que lui propose le pape Paul VI. Il est l'un des plus grands théologiens du XXe siècle.

  

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