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Prier avec le P. Guardini : 21e jour

C'est à ce Dieu que s'adresse la prière de demande. Elle répond tellement bien à la nature de Dieu et à la vérité de l'homme, qu'elle jaillit spontanément dès l'abord. Quand un enfant est dans le besoin, il se tourne vers sa mère ; quand un homme se débat dans la difficulté, il cherche...

un ami ; de même le cœur de l'homme se tourne spontanément vers l'être tout-puissant qu'il croit être bienveillant envers lui. Jésus nous apprend que nous devons aller au Père pour lui demander "le pain quotidien", c'est-à-dire, tout ce dont nous avons besoin pour vivre ; et il insiste pour que nous le fassions sans manière, simplement et en pleine confiance, parce que " le Père qui est dans le ciel, sait ce dont vous avez besoin, avant même que vous ne lui ayez demandé " (Jn 6,8). L'événement que nous rapporte saint Luc au chapitre 11, nous montre combien cette demande est naturelle. Les disciples s'approchent de leur Maître et lui demandent de leur apprendre à prier, à prier sans autre précision. Or, il leur apprend le Notre Père, qui est tout entier une demande. Il embrasse toute l'existence, conçue comme dépendant de Dieu et reçue de sa main. 

Nous devons tout demander ; ce qui est nécessaire à notre vie ; mais aussi la force pour notre travail, le secours dans la détresse spirituelle, le courage dans le combat moral, la connaissance de la vérité, la croissance dans l'amour et dans le bien. L'homme renouvelle constamment l'expérience de son impuissance et de sa dépendance ; il doit donc sans cesse s'adresser au Dieu  fort et riche qui est non seulement disposé à l'aider et à le combler de ses bienfaits, mais qui y trouve sa plus grande joie. 

Mais la demande ne signifie pas seulement que nous nous adressons à Dieu lorsque nous sommes à bout de souffle. Son aide ne supplée pas aux déficiences de nos propres moyens. Pour parler plus précisément : ce que nous demandons au fond, ce n'est pas un "secours", qui est toujours quelque chose qui vient s'ajouter, un complément ; en réalité toute notre vie est construite en fonction de Dieu. Tout ce que nous faisons vient de Dieu et doit aller à Dieu. Il n'y a pas de nature humaine qui soit achevée, fermée sur elle-même, pas d'homme qui se suffise à lui-même ; être homme signifie subsister par Dieu et pour lui. L'Ecriture y revient sans cesse ; il nous suffit de parcourir les psaumes pour nous rendre compte comment ce fait devient une attitude de vie.

La prière de demande est donc plus qu'un appel au secours ; elle est avant tout l'expression d'une réalité : l'homme n'existe que par Dieu ; c'est de la puissance créatrice de Dieu qu'il tient l'essence et l'être, sa vie et son destin, sa force et sa liberté. Si tout cela, nous pouvons déjà l'appeler grâce, au sens large, puisque cela nous vient de sa bienveillance libre, sans que nous puissions l'exiger ni le contraindre à nous le donner, cela est d'autant plus vrai, et au sens le plus propre, lorsqu'il s'agit de ce que l'amour rédempteur de Dieu nous donne pour nous élever et nous sanctifier, pour nous éclairer et nous fortifier, pour nous conduire et nous libérer. C'est parce que Dieu "fait tout en toute chose" que l'homme devient lui-même. C'est parce que tout  est don de Dieu que l'homme peut se l'approprier intérieurement.

La prière de demande la plus profonde dépasse donc telle ou telle circonstance particulière ; elle concerne la grâce au sens propre et au sens large du mot. Cette prière doit être ininterrompue, parce que nous vivons et agissons constamment par l'action de Dieu. Elle est aussi essentielle que la respiration. 

La prière de demande ne doit pas oublier le prochain. Le croyant doit se souvenir devant Dieu de ceux qu'il aime et de ceux qui lui sont confiés. Dieu les connaît plus profondément et les aime d'une manière plus pure et plus forte que n'importe quel homme, fût-il le plus aimant, ne pourrait les aimer, et il a le pouvoir de les protéger, de les secourir et de les bénir. 

Il est beau de se souvenir dans la prière de ceux que l'on aime, d'exposer à Dieu leurs difficultés particulières, leurs besoins et leurs désirs. Il est beau de savoir que dans le souci pour un être aimé, on est uni avec le Dieu qui prend soin de lui et de se dire qu'il est à l'abri dans cet accord. C'est une source de calme et de confiance. Les soucis perdent leur caractère d'obsession et  de tourment ; et même lorsque ce soulagement est de courte durée, il y aura eu quand même ce court moment de la prière qui aura été un instant de répit pour le cœur.  

 

A suivre...

 

 

Romano Guardini - Initiation à la prière - Éditions du Seuil (1961)

Romano Guardini (1885-1968). Après avoir étudié la théologie à Freising et Tübingen, il rédige un travail de doctorat sur saint Bonaventure. Il enseigne à Berlin, à Tübingen, puis à Munich de 1948 jusqu'à sa mort. En 1965, il refuse par humilité le titre de cardinal que lui propose le pape Paul VI. Il est l'un des plus grands théologiens du XXe siècle.

                                                                      

 

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