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Le temps biblique

Les Grecs n'avaient pas la conception, si moderne et biologique, de la relativité du temps, de son accélération, de sa décélération, de sa grossesse, de sa venue à terme, de l'accouchement de l'événement et de sa délivrance. Tandis que, dès les premiers mots de la Genèse, par la notion neuve d'origine, de commencement absolu, de création qui implique un projet, l'idée d'un temps qui progresse, plus ou moins plein, plus ou moins rythmé, s'est imposée à l'homme hébreu : " Que la lumière soit ! Et la lumière fut ! Et il y eut un soir, et il y eut un matin. Jour premier ! " Et il y eut une succession de sept "jours" où le monde était fait, et à chaque jour c'était bien. Et tout fut achevé qu'au septième jour, le jour de l'accomplissement du cosmos et de sa première célébration dans le repos de Dieu.

  

Qu'importe que la science moderne nous révèle que ces "jours" peuvent avoir duré des milliards d'années ! Que fait à l'affaire la longueur du mètre ? L'essentiel est que le temps soit mesurable depuis l'origine jusqu'à l'accomplissement à venir, qu'il y ait eu un commencement et qu'il y aura une fin au temps; qu'entre ce commencement et cette fin, il puisse y avoir accroissement, accouchement, reproduction, peut-être dégénérescence et déclin.

Certes, les Grecs mesuraient les jours, les mois, les saisons, mais leur notion du temps était cyclique, leur univers temporel était fermé et rond : pour eux le cosmos tourne sur lui-même comme un écureuil dans sa cage. La physique moderne a éliminé comme erronée une telle conception, incompatible avec une datation du cosmos et de la matière, avec une conception expansionniste de l'univers, et aussi avec l'entropie qui frappe inexorablement l'univers physique. Le fait que Camus comme Nietzsche aient affecté de croire au "retour éternel" ne rend pas plausible pour autant une telle vue du déroulement cosmique : ce sont là des idées creuses en vue de certaines théories (...)

Tout de suite, et de par la Révélation qui leur était propre, les Hébreux ont eu la notion tout à fait différente d'un temps linéaire et qui avançait avec un début et une fin, et par conséquent la notion de l'irréversible et de l'irrattrapable, la notion du temps précisément perdu ou gagné.

Ils ont eu du même coup la notion explicite de l'accumulation, de la conservation, de la tradition, de la fécondité, et finalement de la mémoire et de la culture. Non que les autres peuples n'aient pas eu de mémoire, mais c'était une mémoire pour la mémoire, une mémoire désespérée. Les Juifs, eux, avaient une mémoire gonflée d'espérance, orientée vers l'avenir et pour l'avenir, une mémoire prophétique de ce qui allait venir : plus encore qu'un peuple soucieux de son passé, c'était un peuple tourné vers l'avenir et pour l'espérance. Pour ce peuple, l'espérance était cause et finalité du passé et de la mémoire. Ils vivaient pour une Promesse et sur une Promesse : ils étaient tournés vers la consommation du temps, ce qu'ils appelaient la "plénitude des temps", avec un sentiment obscur que peut-être cette plénitude du temps surpasserait le temps puisqu'elle était "Royaume de Dieu". 

R.L Bruckberger - "La Révélation de Jésus-Christ" - Grasset 1983  

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