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étrangers

  • Marie, femme accueillante

    Texte extrait du livre de Tonino Bello : " Marie, femme de nos jours " édité par Médiaspaul 1998 (ISBN 2-7122-0688-6). Mgr Tonino Bello (1935-1993), évêque de Molfetta, dans les Pouilles, fut président du Mouvement Pax Christi d'Italie.

     

    35 Cette phrase, que l'on trouve dans un texte du concile, est magnifique par sa doctrine et sa concision. Elle dit qu'à l'annonce de l'ange, la Vierge Marie " accueillit dans son cœur et dans son corps le Verbe de Dieu ". 

    Dans son cœur et dans son corps.

    Elle fut donc disciple et mère du Verbe. Disciple, parce qu'elle se mit à l'écoute de la Parole et la conserva pour toujours dans son cœur. Mère, parce qu'elle offrit son sein à la Parole et qu'elle la garda pendant neuf mois dans l'écrin de son corps. Saint Augustin ose dire que Marie fut plus grande pour avoir accueilli la Parole dans son cœur que pour l'avoir accueilli dans son sein.

    Pour comprendre jusqu'au fond la beauté de cette vérité, les mots ne suffisent peut-être pas. Il faut recourir aux expressions visuelles. Le mieux est de remonter à une célèbre icône orientale représentant Marie, avec son divin Fils Jésus dessiné sur sa poitrine. Cette icône est appelée Vierge du signe, mais on pourrait l'appeler " Vierge de l'accueil " car, avec ses avant-bras levés vers le haut, dans l'attitude de celle qui s'offre ou qui se rend, elle apparaît comme le signe vivant de l'hospitalité la plus gratuite.

    Elle l'accueillit dans son cœur.

    C'est-à-dire qu'elle fit place, dans ses pensées, aux pensées de Dieu ; mais elle ne se sentit pas pour autant réduite au silence. Elle offrit volontiers le terrain vierge de son esprit à la germination du Verbe ; 36 mais elle ne s'estima expropriée en rien. Elle lui céda avec joie le sol le plus inviolable de sa vie intérieure ; mais sans avoir à réduire les espaces de sa liberté. Elle donna une demeure stable au Seigneur dans les lieux les plus secrets de son âme ; mais elle ne sentit pas sa présence comme une violation de domicile.

    Elle l'accueillit dans son corps.

    C'est-à-dire qu'elle sentit le poids physique d'un autre être qui prenait demeure dans son sein de mère. Elle adapta donc ses rythmes à ceux de son hôte. Elle changea ses habitudes en fonction d'une tâche qui ne lui facilitait certainement pas la vie. Elle consacra ses jours à la gestation d'une créature qui ne lui épargnerait ni préoccupations ni soucis. Et, puisque le fruit béni de ses entrailles était le Verbe de Dieu qui s'incarnait pour le salut de l'humanité, elle comprit qu'elle avait contracté "une dette d'accueil " envers tous les fils d'Eve, qu'elle aurait à payer de ses larmes. 

    Elle accueillit dans son cœur et dans son corps le Verbe de Dieu.

    Cette hospitalité fondamentale en dit long sur la façon d'être de Marie. Ses mille autres accueils, dont l’Évangile ne parle pas, nous pouvons les deviner facilement. Personne ne fut jamais repoussé par elle. Tous trouvèrent refuge sous son ombre. De ses voisines à ses anciennes compagnes de Nazareth. Des pauvres du quartier aux voyageurs de passage. De Pierre, en larmes après sa trahison à Judas, qui n'a peut-être pas réussi, cette nuit-là, à la trouver chez elle...

     

    37 Sainte Marie, femme accueillante, aide-nous à accueillir la Parole dans l'intimité de notre cœur. C'est-à-dire à comprendre, comme tu as su le faire, les irruptions de Dieu. Il ne frappe pas à notre porte pour nous sommer de déménager mais pour remplir de lumière notre solitude. Il n'entre pas dans notre maison pour nous passer les menottes, mais pour nous rendre le goût de la vraie liberté. 

    Nous le savons, c'est la peur du nouveau qui nous rend souvent inhospitaliers envers le Seigneur qui vient. Les changements nous dérangent. Et, comme il bouleverse toujours nos pensées, remet en question nos programmes et met en crise nos certitudes, chaque fois que nous entendons ses pas, nous évitons de le rencontrer, en nous cachant derrière une haie, comme Adam parmi les arbres de l’Éden. Fais-nous comprendre que, si Dieu dérange nos projets, il ne gâche pas notre fête. S'il trouble notre sommeil, il ne nous ôte pas la paix. Et, une fois que nous l'aurons accueilli dans notre cœur, notre corps aussi  brillera de sa lumière. 

    Sainte Marie femme accueillante, rends-nous capable de gestes d'hospitalité envers nos frères. (...) 38 Dissipe, nous t'en prions, nos défiances. Fais nous sortir de la tranchée de nos égoïsmes corporatifs. Romps les ceintures de nos coalitions. Relâche nos fermetures hermétiques envers qui est différent de nous. Abats nos frontières : les frontières culturelles avant les frontières géographiques. Ces dernières cèdent désormais sous le choc des " autres peuples ", mais les premières restent imperméables. Puisque nous sommes contraints à accueillir les étrangers à l'intérieur de notre terre, aide-nous à les accueillir aussi au cœur de notre civilisation.  (...)

     

     

     

     

     

     

  • Le respect des étrangers n'est pas accessoire

    Quand nous avons voulu aider les communautés chrétiennes à réfléchir au  problème de l'étranger,  d'abord nous nous sommes rendu compte de l'ignorance phénoménale des chrétiens devant la révélation biblique. Je pense surtout à ce qui est écrit dans le Lévitique sur le respect des étrangers « parce que tu as été toi-même étranger en Égypte ». La formule revient à tout moment. La loi médiatrice entre Dieu et les siens s'appuie sur le fait que ce peuple a été esclave, dans un pays étranger, livré au bon vouloir des sbires de Pharaon. Et Dieu dit: « Non, non, je ne te traiterai pas comme cela, je ne suis pas un Pharaon céleste. Je te donne une loi et cette loi - traiter l'  étranger comme moi je te traite - rappelle-toi que si tu ne l'appliques pas, tu vas te trouver dans la situation égyptienne. » D'un côté, il y a la médiation d'une loi  objective et égale pour tous, et de l'autre le despotisme d'un tyran.

    Mais le peuple chrétien ignore ce point, quand même important dans l'histoire d'Israël et de la Bible. Il croit à la Trinité, mais n'a pas vu ce que cette foi implique. Au fond, beaucoup de chrétiens sont fondamentalement déistes et accessoirement trinitaires. Cela en dit long sur sa formation, vingt siècles après, vous vous rendez compte? On n'a pas fait bouger profondément l'idée de Dieu. Or, ces points fondamentaux colorent l'image que les gens ont de l'Église: une Église unanimiste, uniforme et pyramidale. Quand on a de telles images parler de l'altérité devient particulièrement compliqué.

    Albert Rouet - J'aimerais vous dire - Bayard 2009, pp.195-196