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  • Marie, femme courageuse

    Texte extrait du livre de Tonino Bello : " Marie, femme de nos jours " édité par Médiaspaul 1998 (ISBN 2-7122-0688-6). Mgr Tonino Bello (1935-1993), évêque de Molfetta, dans les Pouilles, fut président du Mouvement Pax Christi d'Italie. Livre traduit de l'italien par Maria Malinowski et ses amis.

     

    63 C'est peut-être une conséquence du Ne crains pas prononcé par l'ange de l'Annonciation. En tout cas, depuis ce moment-là, Marie a affronté la vie avec une force d'âme incroyable, et elle est devenue le symbole des " Mères Courage " de tous les temps.

    C'est clair : elle aussi a eu à compter avec la peur.

    Peur de ne pas être comprise. Peur de la méchanceté des hommes. Peur de ne pas y arriver. Peur pour la santé de Joseph. Peur pour le destin de Jésus. Peur de rester toute seule... Combien de peurs !

    S'il n'y avait pas encore de sanctuaire consacré à la "  Madone de la peur ", il faudrait le bâtir. Nous nous réfugierions dans ses nefs. Car nous tous, comme Marie, nous sommes traversés par ce sentiment très humain qui est le signe le plus clair de notre limite.

    Peur du lendemain. Peur qu'un amour cultivé depuis longtemps puisse prendre fin tout à coup. Peur pour un fils qui ne trouve pas de travail et qui a dépassé la trentaine. Peur pour l'avenir de la plus jeune de la maison qui rentre toujours après minuit, même en hiver, et à qui on ne peut rien dire, car elle répond mal. Peur pour la santé qui décline. Peur de la vieillesse. Peur de la nuit. Peur de la mort...

    Alors, dans le sanctuaire consacré à la " Madone de la peur " devenue " Madone de la confiance ", chacun de nous pourrait retrouver la force d'avancer, en redécouvrant les versets d'un psaume que Marie 64 aura prononcé à mi-voix qui sait combien de fois : Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi...tous les jours de ma vie (Ps 23,4)

    Madone de la peur, donc. Non pas de la résignation. Car elle n'a jamais baissé les bras en signe de résignation, et elle ne les a jamais levés pour dire qu'elle se rendait. Une seule fois elle s'est rendue : quand elle a prononcé son fiat et s'est constituée prisonnière de son Seigneur.

    A partir de ce moment-là, elle a toujours réagi avec une détermination incroyable, allant à contre-courant et dépassant les difficultés inouïes devant lesquelles tout le monde aurait capitulé. De la gêne de l'accouchement dans une étable jusqu'à l'expatriation forcée pour échapper à la persécution d'Hérode. Des jours amers de l'asile politique en Égypte, à la prise de conscience des prédictions menaçantes de la prophétie de Siméon.  Des sacrifices d'une vie peu aisée, pendant trente années de silence, au jour amer où la boutique du charpentier, parfumé de vernis et de souvenirs, fut fermé pour toujours. Des serrements de cœur provoqués  par certaines nouvelles qui circulaient sur son fils, au moment du calvaire quand, défiant la violence des soldats et le ricanement du peuple, elle se dressa courageusement au pied de la croix.

    Son épreuve à elle était difficile. Marquée, comme pour son fils mourant, par le silence de Dieu. Une épreuve sans mise en scène et sans aucune réduction sur le prix de la souffrance, qui fait comprendre le sens de cette antienne résonnant dans la liturgie du Vendredi Saint : " O vous tous qui passez, arrêtez-vous et voyez s'il existe une douleur semblable à la mienne. "

    65 Sainte Marie, femme courageuse, dans une célèbre homélie prononcée il y a quelques années à Zapopan, au Mexique, Jean-Paul II [le 30 janvier 1979] a dressé le plus beau monument que le magistère de l’Église ait jamais élevé à ta fierté humaine, en disant que tu te présentes comme un modèle pour " ceux qui n'acceptent pas passivement les circonstances adverses de leur vie personnelle et sociale, ni ne sont victimes de l'aliénation ". 

    Ainsi, tu ne t'es pas résignée à subir l'existence. Tu as combattu. Tu as affronté les obstacles à visage découvert. Tu as réagi face à tes difficultés personnelles et tu t'es rebellée contre les injustices sociales de ton temps. Tu n'as donc pas été cette femme entièrement consacrée à sa maison et à son église, comme certaines images pieuses voudraient nous le faire croire. (...)

    Ainsi, sainte Marie, femme courageuse, toi qui pendant les trois heures d'agonie au pied de la Croix as absorbé, comme une éponge, les afflictions de toutes les mères de la terre, donne-nous un peu de ta force d'âme. (...) Soulage les souffrances de toutes les victimes des injustices. apaise les larmes cachées de tant de femmes qui, dans l'intimité de leurs maisons, sont systématiquement et abusivement opprimées par les hommes. (...)

    66 Sainte Marie, femme courageuse, toi qui sur le Calvaire as gagné toi aussi la palme du martyre, encourage-nous par ton exemple à ne pas nous laisser abattre par l'adversité. Aide-nous à porter le fardeau des tribulations quotidiennes, non pas avec l'esprit des désespérés, mais avec la sérénité de celui qui se sait blotti dans le creux de la main de Dieu. Et, si la tentation d'en finir nous effleure parce que nous n'en pouvons plus, tiens-toi auprès de nous. Assieds-toi sur nos trottoirs désolés. Redis-nous des paroles d'espérance.

    Alors, réconfortés par ton souffle, nous t'invoquerons par la prière la plus ancienne qui ait jamais été écrite en ton honneur : " Nous nous réfugions sous ta protection, Sainte Mère de Dieu ; ne méprise pas les supplications que nous t'adressons dans l'épreuve ; mais délivre-nous sans cesse de tout péril, ô Vierge comblée de gloire et de bénédictions."

     

  • Marie, femme accueillante

    Texte extrait du livre de Tonino Bello : " Marie, femme de nos jours " édité par Médiaspaul 1998 (ISBN 2-7122-0688-6). Mgr Tonino Bello (1935-1993), évêque de Molfetta, dans les Pouilles, fut président du Mouvement Pax Christi d'Italie.

     

    35 Cette phrase, que l'on trouve dans un texte du concile, est magnifique par sa doctrine et sa concision. Elle dit qu'à l'annonce de l'ange, la Vierge Marie " accueillit dans son cœur et dans son corps le Verbe de Dieu ". 

    Dans son cœur et dans son corps.

    Elle fut donc disciple et mère du Verbe. Disciple, parce qu'elle se mit à l'écoute de la Parole et la conserva pour toujours dans son cœur. Mère, parce qu'elle offrit son sein à la Parole et qu'elle la garda pendant neuf mois dans l'écrin de son corps. Saint Augustin ose dire que Marie fut plus grande pour avoir accueilli la Parole dans son cœur que pour l'avoir accueilli dans son sein.

    Pour comprendre jusqu'au fond la beauté de cette vérité, les mots ne suffisent peut-être pas. Il faut recourir aux expressions visuelles. Le mieux est de remonter à une célèbre icône orientale représentant Marie, avec son divin Fils Jésus dessiné sur sa poitrine. Cette icône est appelée Vierge du signe, mais on pourrait l'appeler " Vierge de l'accueil " car, avec ses avant-bras levés vers le haut, dans l'attitude de celle qui s'offre ou qui se rend, elle apparaît comme le signe vivant de l'hospitalité la plus gratuite.

    Elle l'accueillit dans son cœur.

    C'est-à-dire qu'elle fit place, dans ses pensées, aux pensées de Dieu ; mais elle ne se sentit pas pour autant réduite au silence. Elle offrit volontiers le terrain vierge de son esprit à la germination du Verbe ; 36 mais elle ne s'estima expropriée en rien. Elle lui céda avec joie le sol le plus inviolable de sa vie intérieure ; mais sans avoir à réduire les espaces de sa liberté. Elle donna une demeure stable au Seigneur dans les lieux les plus secrets de son âme ; mais elle ne sentit pas sa présence comme une violation de domicile.

    Elle l'accueillit dans son corps.

    C'est-à-dire qu'elle sentit le poids physique d'un autre être qui prenait demeure dans son sein de mère. Elle adapta donc ses rythmes à ceux de son hôte. Elle changea ses habitudes en fonction d'une tâche qui ne lui facilitait certainement pas la vie. Elle consacra ses jours à la gestation d'une créature qui ne lui épargnerait ni préoccupations ni soucis. Et, puisque le fruit béni de ses entrailles était le Verbe de Dieu qui s'incarnait pour le salut de l'humanité, elle comprit qu'elle avait contracté "une dette d'accueil " envers tous les fils d'Eve, qu'elle aurait à payer de ses larmes. 

    Elle accueillit dans son cœur et dans son corps le Verbe de Dieu.

    Cette hospitalité fondamentale en dit long sur la façon d'être de Marie. Ses mille autres accueils, dont l’Évangile ne parle pas, nous pouvons les deviner facilement. Personne ne fut jamais repoussé par elle. Tous trouvèrent refuge sous son ombre. De ses voisines à ses anciennes compagnes de Nazareth. Des pauvres du quartier aux voyageurs de passage. De Pierre, en larmes après sa trahison à Judas, qui n'a peut-être pas réussi, cette nuit-là, à la trouver chez elle...

     

    37 Sainte Marie, femme accueillante, aide-nous à accueillir la Parole dans l'intimité de notre cœur. C'est-à-dire à comprendre, comme tu as su le faire, les irruptions de Dieu. Il ne frappe pas à notre porte pour nous sommer de déménager mais pour remplir de lumière notre solitude. Il n'entre pas dans notre maison pour nous passer les menottes, mais pour nous rendre le goût de la vraie liberté. 

    Nous le savons, c'est la peur du nouveau qui nous rend souvent inhospitaliers envers le Seigneur qui vient. Les changements nous dérangent. Et, comme il bouleverse toujours nos pensées, remet en question nos programmes et met en crise nos certitudes, chaque fois que nous entendons ses pas, nous évitons de le rencontrer, en nous cachant derrière une haie, comme Adam parmi les arbres de l’Éden. Fais-nous comprendre que, si Dieu dérange nos projets, il ne gâche pas notre fête. S'il trouble notre sommeil, il ne nous ôte pas la paix. Et, une fois que nous l'aurons accueilli dans notre cœur, notre corps aussi  brillera de sa lumière. 

    Sainte Marie femme accueillante, rends-nous capable de gestes d'hospitalité envers nos frères. (...) 38 Dissipe, nous t'en prions, nos défiances. Fais nous sortir de la tranchée de nos égoïsmes corporatifs. Romps les ceintures de nos coalitions. Relâche nos fermetures hermétiques envers qui est différent de nous. Abats nos frontières : les frontières culturelles avant les frontières géographiques. Ces dernières cèdent désormais sous le choc des " autres peuples ", mais les premières restent imperméables. Puisque nous sommes contraints à accueillir les étrangers à l'intérieur de notre terre, aide-nous à les accueillir aussi au cœur de notre civilisation.  (...)