Quand nous avons voulu aider les communautés chrétiennes à réfléchir au problème de l'étranger, d'abord nous nous sommes rendu compte de l'ignorance phénoménale des chrétiens devant la révélation biblique. Je pense surtout à ce qui est écrit dans le Lévitique sur le respect des étrangers « parce que tu as été toi-même étranger en Égypte ». La formule revient à tout moment. La loi médiatrice entre Dieu et les siens s'appuie sur le fait que ce peuple a été esclave, dans un pays étranger, livré au bon vouloir des sbires de Pharaon. Et Dieu dit: « Non, non, je ne te traiterai pas comme cela, je ne suis pas un Pharaon céleste. Je te donne une loi et cette loi - traiter l' étranger comme moi je te traite - rappelle-toi que si tu ne l'appliques pas, tu vas te trouver dans la situation égyptienne. » D'un côté, il y a la médiation d'une loi objective et égale pour tous, et de l'autre le despotisme d'un tyran.
Mais le peuple chrétien ignore ce point, quand même important dans l'histoire d'Israël et de la Bible. Il croit à la Trinité, mais n'a pas vu ce que cette foi implique. Au fond, beaucoup de chrétiens sont fondamentalement déistes et accessoirement trinitaires. Cela en dit long sur sa formation, vingt siècles après, vous vous rendez compte? On n'a pas fait bouger profondément l'idée de Dieu. Or, ces points fondamentaux colorent l'image que les gens ont de l'Église: une Église unanimiste, uniforme et pyramidale. Quand on a de telles images parler de l'altérité devient particulièrement compliqué.
Albert Rouet - J'aimerais vous dire - Bayard 2009, pp.195-196