Quand tu pries, la mémoire te présente ou des images de choses anciennes, ou de nouveaux soucis, ou le visage de qui t'a fait de la peine.
Evagre - Prière 46
La prière nous met en contact avec la vérité de notre moi. Nous verrons affleurer à nouveau tout ce qui nous agite intérieurement.
Reviendront les conflits du passé, les blessures et les plaies de notre enfance. Remonte à la surface ce qui nous préoccupe en ce moment : des préoccupations économiques pour l'avenir, notre anxiété pour nos enfants qui grandissent, la souffrance causée par nos propres phobies, notre insatisfaction profonde, notre inquiétude. Ou nous penserons à des personnes qu'à notre tour nous avons blessées.
La prière nous révèle en quelles occasions nous nous sommes rendus coupables. Nous ne devons pas alors être obsédés par notre faute, ni par les préoccupations et les problèmes. Nous devons au contraire les offrir à Dieu et tourner notre regard vers le Seigneur, qui apaisera notre cœur au milieu des tempêtes de notre existence, au milieu de notre impression de faute qui autrement nous démolirait.
Prier ce n'est pas fuir la réalité. Dans la prière, je ne peux pas me faire d'illusion, en cherchant à fuir une réalité peu satisfaisante. Dans la prière, la vérité de ma vie devient manifeste. Et elle n'est pas toujours agréable. Tandis que je prie je me remémore en effet tout ce que j'ai fait d'erroné, les occasions où j'ai offensé les autres, les moments où je me suis montré injuste envers eux. Les déceptions que je porte dans le cœur se feront sentir.
Pour cette raison, beaucoup refusent le silence de la prière. Ils préfèrent se jeter dans des activités frénétiques, pour fuir la vérité de leur propre cœur. Un autre type de fuite consiste à empêcher tout dialogue avec Dieu, durant la prière, au moyen de toutes les paroles que nous utilisons, ne laissant ainsi aucune possibilité au Seigneur de nous conduire à la vérité.
La prière au cours de laquelle se manifeste la vérité de notre moi est une prière du silence, une prière où nous nous abandonnons à Dieu sans défense, où nous présentons au Seigneur tout ce qui est en nous, afin qu'il le transfigure et le redresse.
Anselm Grün - La voix de désert - Ed Parole et Silence, 2006