Un des pères a dit : « Si l’arbre n’est pas secoué par le vent, il ne grandit pas, ni n’enfonce loin ses racines. Ainsi en est-il du moine : s’il n’est pas tenté et ne supporte pas la tentation, il ne devient pas courage. » (Apophtegme)
Les Pères du désert n’étaient pas des lâches. Ils ne se sont pas détournés de la vie. Ils se sont exposés à ses tempêtes. De même que l’arbre ne fuit pas le vent, les moines n’ont pas fui la tentation. La tentation et l’épreuve font partie de la vie. Les moines nous enseignent que nous sommes toujours mis à l’épreuve, malgré notre tension vers le spirituel. Il n’y a pas que le désir de Dieu en nous, nous avons aussi des traits impies et agressifs qui voudraient acquérir le pouvoir sur nous. Nous devons lutter pour empêcher cela.
L’Église des origines considérait la vie spirituelle comme une lutte. Elle ne nous enseigne pas une spiritualité mièvre, qui attendrait tout de Dieu, mais au contraire un chemin spirituel au long duquel nous devons lutter contre tout ce qui nous fait obstacle. Lutter signifie en même temps entrer dans l’intimité de nos ennemis (intérieur et extérieur), apprendre à les connaître avec précision. Autrement, nous luttons en vain.
Il semble difficile à certains de concilier l’éloge que les moines font de la tentation, qui nous rend courageux, avec ce qui nous est demandé dans le Notre Père : « ne nous soumets pas à la tentation ». Mais ce que les moines entendent par tentation est différent de ce que l’on trouve dans la Bible. Le mot grec pour « tentation » - peirasmos - signifie « chute, désordre ». Dieu veut nous protéger de la confusion, il veut nous éviter de nous tromper de route, de suivre de faux prophètes.
Les tentations de la vie quotidienne, comme celles de manger plus que nous n’en avons besoin et d’offenser les autres, sont, elles, des épreuves de chaque jour qui nous révèlent que nous ne sommes pas toujours bons. Nous pouvons lutter contre elles. Et la lutte nous fortifiera.
La voix du désert – Anselm Grün – Parole et Silence, 2006