Un frère demanda un vieillard : « Pourquoi la crainte s’empare-t-elle de moi quand il m’arrive de sortir seul la nuit ? » Le vieillard dit : « Parce que la vie de ce monde a encore du prix pour toi. » (Apophtegme)
Anxiété et crainte pèsent aujourd’hui sur de nombreuses personnes. Elles ont peur de se couvrir de ridicule, d’apparaître faibles aux yeux des autres. Elles ont peur de commettre des erreurs, de rater leur existence. D’autres sont remplies de peur lorsqu’elles pensent à leur propre mort. Ou bien elles sont craintivement attentives à ne pas tomber malades.
La peur dont parle le frère est la peur du noir, de la menace cachée de l’obscurité. Il peut s’agir de la menace constituée par l’ennemi, de la peur de la mort, de la crainte d’être volé, des dangers représentés par certains animaux. Mais il peut s’agir aussi de la peur d’une menace intérieure. L’obscurité extérieure nous rappelle la nuit qui règne à l’intérieur de nous. Dans son âme tout est noir. Il y est attaqué par des états dépressifs. Il n’y trouve plus de soutien.
La raison d’une telle peur tient dans le fait que, pour nous, la vie de ce monde compte encore. Nous sommes attachés à la vie, une vie faite de succès, de bonne réputation, nous tenons à notre santé, à notre sécurité. Mais dès que je fais l’expérience de la vie de l’au-delà, dès que je ressens la vie divine en moi, ma peur diminue. Savoir si je vivrai longtemps, si j’ai du succès extérieurement, si je jouis d’une bonne santé, si je suis aimé et estimé des autres, tout cela n’a plus d’importance pour moi.
Tout cela devient relatif, car je perçois au fond de moi une autre qualité de vie : la qualité de la vie divine, qui ne peut pas être affectée par la maladie et par la mort. L’expérience de Dieu me libère de la peur des autres et fait s’évanouir les peurs qui reviennent sans cesse m’assaillir.
La voix du désert – Anselm Grün – Parole et Silence, 2006