L’abbé Poemen a dit : « Si un homme pèche et reconnaît sa faute en disant : « j’ai péché », ne lui adresse aucun reproche, car tu détruirais sa bonne résolution. Mais si tu lui dis : « N’en sois pas attristé, mon frère, mais dorénavant fais attention », eh bien, tu l’aideras à faire pénitence. » (Apophtegme)
Cet exemple nous montre de manière visible la miséricorde avec laquelle les moines traitent des autres. Nous pourrions aujourd’hui apprendre beaucoup de choses de leur art de l’accompagnement spirituel.
Au lieu d’obliger l’autre à admettre la vérité sur son propre moi, Poemen l’encourage et le relève. Il ne sert à rien de trop reprendre les autres, en leur jetant la réalité à la figure, car ils s’en iraient pleins de tristesse, or la tristesse paralyse et empêche de changer quoi que ce soit. Ils s'estimeraient perdus et se mettraient donc à s'enfoncer davantage dans le péché.
Poemen se rend clairement compte que la personne à qui il s’adresse ne réussit pas encore à se placer devant la vérité de son propre moi. Il considère la situation intérieure de l’autre et se met en accord avec elle. En l’encourageant et en lui insufflant des forces, il le rend capable de se confronter aux propres côtés obscurs de sa personne et avec ses propres erreurs. Celui qui a été relevé a la force de prendre du recul par rapport à ses propres erreurs. Celui qui est accusé et condamné, au contraire, glissent facilement dans le désespoir et se laisse aller.
Cette sentence de l’abbé Poemen nous montre que les Pères du désert ne font pas de morale. La chose la plus importante pour eux n’est pas que les personnes soient parfaites. Il est plutôt fondamental qu’elles se confient à la miséricorde de Dieu et qu’elles se sachent aimées inconditionnellement par lui. Celui qui se sait aimé sans conditions par le Seigneur trouve aussi le courage d’affronter les côtés désagréables de sa propre existence. Face à l’amour miséricordieux de Dieu il se convertira et finira par mener sa propre vie selon la volonté divine.
Malheureusement, tous les pères spirituels n’ont pas toujours suivi ce conseil miséricordieux de l’abbé Poemen. Au confessionnal, ils ont quelquefois découragé les gens, les amenant à s’éloigner de Dieu et de l’Église.
Nous avons besoin aujourd’hui dans l’Église de la sagesse des Pères du désert, afin que les personnes se sentent attirées par l’amour généreux de Dieu et aillent volontiers à la rencontre du Seigneur.
La voix du désert – Anselm Grün – Parole et Silence, 2006