L’abbé Poemen demanda à l’abbé Joseph : « Dis-moi comment devenir moine ? » L’ancien lui répondit : « Si tu veux trouver le repos en ce monde et dans l’autre, en toute occasion pose-toi cette question : « Qui suis-je ? » Et ne juge personne. » (Apophtegme)
Nous avons ici un homme qui veut devenir moine, c’est-à-dire qui voudrait devenir une personne complète. En effet, le mot « moine », du grec « monachos », dérive de « monas » qui signifie : « unité, être un ». En ce sens chacun de nous peut se faire moine. Aujourd’hui, nous nous sentons souvent déchirés, ballottés entre des devoirs divers, entre la famille et le travail, entre l’Église et le monde, entre notre religiosité et la vie dans un milieu sécularisé.
Si nous voulons trouver le repos, si nous voulons nous accomplir, nous devons nous demander à chaque instant : « Moi, qui suis-je ? » Est-ce que je mets tout moi-même dans ce que je suis en train de faire ? Ou n’y a-t-il qu’une partie de moi qui est absorbée par son devoir ? Qui suis-je réellement ? Est-ce que je joue simplement un rôle ou bien est-ce que je vis selon ma véritable identité ? Par mon existence, est-ce que j’exécute simplement ce que les autres attendent de moi ou est-ce que je réalise l’image unique que le Seigneur s’est faite de moi ?
La question sur qui je suis réellement me conduira de plus en plus à ma vraie nature. Elle m’apprendra à m’engager complètement dans ce que je fais. Elle me mènera à ma véritable identité, à mon authenticité. Je ne fais pas de compromis et je ne me laisse pas détourner de ma vraie nature. Je suis moi. Je suis celui qui a été créé par Dieu comme un être unique. Le cheminement spirituel ne me mène pas seulement à Dieu, mais aussi à moi-même, à mon moi le plus caché, à l’image authentique que le Seigneur a de moi.
L’abbé Joseph indique aussi une seconde condition pour devenir des personnes complètes : je ne dois juger personne. Tant que je juge je suis auprès de l’autre personne. Mais cela m’empêche de reconnaître la vérité de moi-même. Je m’occupe de l’autre personne pour me distraire de la vérité sur moi. Par sa réponse, l’abbé Poemen veut nous inviter à rester en nous et à nous engager à devenir nous-mêmes. Et alors, même le rapport avec nos frères deviendra juste.
La voix du désert – Anselm Grün – Parole et Silence, 2006