L’abbé Moïse a dit : « Celui qui porte le poids de ses propres péchés ne regarde pas ceux de son prochain. » (Apophtegme)
Les moines nous exhortent continuellement à ne pas juger nos frères et nos sœurs. Mais l’exhortation morale à ne pas juger, en soi, sert à peu de choses. Seul celui qui est conscient de sa propre culpabilité se libère de l’habitude intérieure de juger et de constamment condamner les autres. Si nous nous examinons sincèrement, nous verrons que les occasions où nous vivons sans faire attention à nous-mêmes ne manquent pas. Le sens du mot « pécher », repris du grec, signifie « se tromper, manquer l’objectif, vivre sans faire attention à nous-mêmes ». Nous nous éloignons continuellement de la réalité de notre moi et nous passons ainsi à côté de la vie qui nous a été attribuée par le Seigneur.
L’abbé Moïse explique ce conseil de porter le poids de nos propres péchés par un geste symbolique. Quelques frères se sont réunis pour juger l’un d’entre eux est l’expulsé de la communauté. Il a commis une faute. L’abbé Moïse ne défend pas le frère. Il ne participe même pas à la discussion. Mais il prend un sac troué, le remplit de sable et tourne autour de l’assemblée avec le sac sur les épaules. Les frères sont curieux de savoir quel est le sens de son geste. Il leur explique alors qu’ils ont placé leurs propres péchés sur leurs épaules, c’est pourquoi ils ne les voient pas. Mais leurs péchés laissent une traînée de sable derrière eux. Ils répandent du sable dans les engrenages. Tous les autres voir la trace laissée par leurs péchés. Seuls les pécheurs sont aveugles vis-à-vis d’elle.
Nous devons tourner notre regard vers nos péchés. De cette manière nous n’observerons pas sans cesse ceux des autres. Se considérer soi-même avec humilité nous libère de notre manie à juger les autres. Si nous ne nous reconnaissons pas tels que nous sommes, nous projetons nos erreurs sur les autres et nous les condamnons, au lieu de nous confier à notre tour à la miséricorde de Dieu.
La voix du désert - Anselm Grün - Parole et Silence, 2006