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  • L'Islam - conférence de François Varillon (7) suite et fin

    Suite et fin de la retranscription.

     

    Louis Massignon a écrit sur ce martyr mystique (Al-Halladj) une thèse  d'une prodigieuse érudition. [On peut visionner "Hallaj par Louis Massignon sur YouTube : http://www.youtube.com/watch?v=NWT79_r1ybc]

    Halladj croit en un Dieu qui créé par amour, qui s'entretient avec lui-même. S'entretenir avec soi-même : nous ne sommes pas loin d'une pluralité de personnes. Hallaj parle d'une vie intime de Dieu en lui-même. Il s'approche du christianisme. Il pressent que Dieu est Amour mais il ne croit pas en un Dieu qui va jusqu'au bout de l'Amour  c'est-à-dire qui appelle les hommes à partager sa popre vie. Hallaj ne peut pas admettre la parole de st Pierre en sa première lettre : "nous devenons participants de la nature divine". Et pour ce mystique, c'est une abomination de croire que Dieu puisse donner à l'homme une vocation proprement divine. Alors que pour nous c'est le coeur de notre foi, ce qui fait que nous sommes chrétiens ! Car en dehors de ça il n'y aurait aucune raison d'être chrétien.

    Si Dieu s'est fait connaître par Jésus-Christ comme Père, Fils et Esprit ce n'est évidemment pas pour que nous croyons abstraitement, conceptuellement. Affirmer trois Personnes au lieu d'Une : pourquoi faire ? Si Dieu se révèle comme Trinité c'est afin que nous sachions que le Père nous adopte dans son Fils et par son Esprit. Ce qui suppose l'Incarnation. Nous ne pouvons être fils que dans le Fils unique que incarné. Dieu nous fait la confidence de son secret (sur sa vie trinitaire) pour éclairer et réaliser notre insertion dans la vie de Dieu. Pas question pour un musulman d'être inséré dans la vie de Dieu. Le musulman est devant Dieu ; le chrétien est en Dieu. Quelle différence ! Différence du tout au tout.

    Je termine. Dans la morale de l'Islam, la bienveillance, la bonté jouent un rôle très important. Seulement il ne s'agira jamais pour eux "d'aimer comme Dieu aime" Ce qui fait la transcendance du christianisme c'est la vocation du chrétien à aimer comme Dieu aime. Mais c'est impossible pour le chrétien d'aimer comme Dieu aime s'il n'est pas en Dieu. Il ne s'agit pas de copier la charité divine comme le disciple copie les actions du maître qu'il admire. Ce n'est que par le Christ que l'homme peut être en Dieu comme saint Paul le répète plus de 100 fois dans ses Lettres. Et voilà pourquoi c'est la Trinité qui commande tout, absolument tout.

    Voilà quelques réflexions très sommaires je le reconnais, qui vise l'essentiel de la différence entre le Dieu de l'islam et le Dieu de Jésus Christ, et, à partir de là,  comment pourrait se constituer un dialogue extrêmement fécond entre chrétiens et musulmans.

                                                                                       François Varillon

  • Lectio divina (2)

    La table est dressée pour toi : le Livre est écrit pour toi. (...) Voilà précisément la différence fondamentale entre ce Livre-là et tous les autres. Ce Livre-là est tout spécialement écrit pour moi, et tout entier ! Il m'est, il t'est adressé à toi en particulier.

    (...)

    Il faut absolument acquérir et entretenir en nous, pour parvenir à la véritable lectio divina, une mentalité de destinataire, c'est-à-dire être bien persuadé que l'Ecriture nous est personnellement adressée. Tant qu'une telle persuasion ne s'est pas développée en nous, il n'y a pas de vraie lectio divina, ou celle-ci ne se dégage pas encore vraiment d'une lecture profane. La lectio divina en effet, comme la réception des sacrements, comme l'oraison mentale, quoique d'une façon qui lui est spécifique, est le lieu d'une rencontre personnelle avec "Celui-qui-te-parle" (Jn 4, 26 ; 9,37). A la lecture livresque, superficielle, doit alors se substituer une lecture-contact, une lecture-rencontre.  (...)

    Le Seigneur nous ouvre chaque matin le jardin de ses Ecritures et une voix intérieure nous y crie, comme à Augustin dans le jardin de Cassiciacum : " Prends, lis ! Prends, lis !" Bien mieux encore que saint Benoît au Prologue de sa Règle, le Seigneur peut nous dire : " Ad te ergo nunc mihi sermo dirigitur..." Il quête de nous un regard d'attention : " C'est à toi que Je parle".

    "Ecrit pour moi", cela veut dire encore que je suis la matière du livre ; il me raconte ma propre histoire, depuis ma genèse jusqu'à mon apocalypse. Abraham, Moïse, David, les prophètes et les apôtres me sont, après tout, plus contemporains que les grands noms de l'actualité, car je ne fais qu'apercevoir ces noms dans les journaux, tandis que pour les premiers, je vis chaque jour avec eux et je lis dans leur histoire éternellement neuve et vraie, l'histoire de ma vocation, de mon péché, de mon repentir.

    "Ecrit pour moi", cela veut dire enfin que Dieu a pris la peine d'user d'un langage qui me fût accessible.

    Au début de son ministère public, Jésus entra dans la synagogue de Nazareth et on lui présenta, à lui aussi, le "rouleau du livre". Jésus nous a donné alors une magistrale leçon de lectio divina : tout d'abord par la gravité et la majesté de ses gestes sur lesquels le récit évangélique s'arrête avec une complaisance manifeste (Lc 4, 17 et 20). Pour chacun de nous comme pour Jésus, l'ouverture et la fermeture de la Megillah, du rouleau, doivent être des actes solennels. Mais remarquons surtout le commentaire que fait immédiatement Jésus du passage qu'il vient de lire :

    "Aujourd'hui s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Ecriture" (Lc 4,21)

    Jésus avait pleinement conscience de ce que la prophétie d'Isaïe trouvait aujourd'hui en lui son accomplissement pour ceux qui l'écoutaient ; et auparavant, en lisant lui-même le texte, il avait eu nettement conscience de ce qu'il s'accomplissait pour lui. Ainsi en va-t-il pour nous chaque fois que nous ouvrons l'Ecriture ; chaque matin, à l'heure festive de la lectio divina, nous devons avoir la certitude qu'aujourd'hui ce passage de l'Ecriture s'accomplit pour nous en Jésus Christ, qu'il n'est pas un seul mot de ce que nous lisons qui ne soit écrit pour nous. (...)

     

      François Cassingena-Tréverdy - Quand la Parole prend feu -

       Ed Abbaye de Bellefontaine 1999/2002

       ISBN 978-2-85589-086-9

     

  • Lectio divina (1)

    Le Livre des saintes Ecritures est là, ouvert sur ta table ; il devrait rester ainsi toute la journée, car, quelles que soient les autres études auxquelles tu pourras te livrer lorsque tu auras achevé ton heure régulière de lectio divina, ce livre-là restera toujours la source, la référence, la mesure. (...)

    Tu n'as pas le bonheur de posséder le Saint Sacrement dans ta cellule, mais tu as dans ta cellule les saintes Ecritures à ta libre disposition : c'est ton tabernacle à domicile. (...)

    C'est sur ce Livre-là que tes yeux devraient se poser dès ton réveil, avant les vigiles ; c'est encore le dernier livre sur lequel tu devrais t'endormir le soir. Livre antérieur au soleil et postérieur au soleil, matutinal et vespéral, diurne et nocturne, alpha et omega de chacune de tes journées. Livre toujours ouvert sur ta table...(...)

     

                                   François Cassingena-Tréverdy - Quand la Parole prend feu -

                                   pages 11 et 12

                                  Ed Abbaye de Bellefontaine 1999/2002

                                  ISBN 978-2-85589-086-9

     

     

  • L'Islam - conférence de François Varillon (6)

    Suite de la retranscription de la conférence du Père Varillon sur l'Islam (donnée dans les années 1970)

     

    [47] Qui est Jésus pour le Coran ? Une lecture superficielle pourrait laisser croire qu'il est comme pour les chrétiens Verbe de Dieu et Messie. [Pour le musulman] Il est venu au monde par ordre spécial de Dieu et il ressemble donc aux premières créatures, Adam et Ève, qui ont reçu l'existence par la parole divine. Vous voyez donc que Mahomet admet la conception virginale de Jésus. Mahomet admet aussi ses miracles et sa parfaite sainteté. Le Coran élève Jésus au-dessus des autres prophètes mais il ne reconnaît pas sa divinité, non plus que sa mission rédemptrice. [Pour le Coran] Jésus est celui qui possède l'esprit prophétique à un degré supérieur. Il paraît que Mahomet aurait dit un jour (ce n'est pas dans le Coran) : "Tout homme en naissant est saisi au côté par la griffe du diable excepté Jésus fils de Marie" et Mahomet se considère lui-même comme moins grand que Jésus. En effet sa naissance, à lui Mahomet, n'a pas été miraculeuse comme celle de Jésus. Jésus n'a pas subi l'esclavage du péché tandis que lui, Mahomet, dans le Coran même, avoue ses fautes et il en demande pardon à Dieu.

    Mahomet reconnaît donc la supériorité morale de Jésus,  mais comme prophète il se considère comme supérieur à Jésus. L'Islam ne croit pas que Jésus ait été crucifié. Il pense que c'est un homme qui ressemblait à Jésus qui a été mis en croix car dit-il il est impossible qu'un envoyé de Dieu ait été abandonné à la méchanceté des hommes. Si Jésus n'a pas été crucifié est-ce qu'il est mort de mort naturelle ? Eh bien, là-dessus le Coran ne dit rien de vraiment clair. Il se pourrait donc que l'Islam croit à une ascension de Jésus au Ciel, corps et âme. C'est du moins ce que pensent certains commentateurs, mais tous sont unanimes pour croire que le Christ reviendra sur terre et qu'il jouera un rôle le jour du Jugement.

    Et qu'est-ce qu'il fera pour commencer ?  eh bien, il commencera [d'après ces commentateurs musulmans] par exterminer tous les chrétiens ! En dehors des cas privilégiés d'Abraham et de Jésus, [pour l'Islam]  l'histoire de l'humanité s'inscrit dans un cadre stéréotypé. Il n'y a pas d' Histoire proprement dite, il n'y a que la juxtaposition d'une série de communautés qui se succèdent dans le temps.   Pas de progrès dans la révélation....  d'envoyé de Dieu (inaudible). En somme, la loi révélée à Moïse et l'Evangile révélé à Jésus  ce sont des corans avant la lettre de telle sorte que le musulman  peut trouver dans le Coran tout ce qui lui est nécessaire pour sa vie religieuse. A l'inverse du chrétien qui croit, lui, que le Nouveau Testament est la suite de l'Ancien ; que la Loi Nouvelle conduit l'ancienne à sa perfection ;  à l'inverse du chrétien qui par conséquent vit de toute la Bible (mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu si vous saviez ce que l'ignorance de l'Ancien testament par les chrétiens est considérable : c'est à pleurer mais c'est comme ça.)...le musulman lui n'a besoin de lire ni la Loi de Moise ni l'Evangile et comme la vision de l'histoire et du salut n'est pas la même dans le Coran et dans la Bible alors les Musulmans s'appuient sur certains versets du Coran pour dire que la Bible a été inspirée et c'est en comparant la Bible et le Coran qu'on peut juger de l'authenticité de la Bible : ce qui est authentique (pour les Musulmans)  c'est ce qui est dans le Coran.

    D'autre part, [pour les Musulmans] la maîtrise du monde a été remise à l' Islam comme  jadis la Terre promise  à Moise. Les musulmans ont donc le devoir de défendre l'Islam et de le faire triompher sur toute la terre, d'abord par la parole, par les moyens pacifiques et aussi, le cas échéant, les armes à la main. Un lien de fraternité unit tous les musulmans  qui doivent se sentir mobilisés côte à côte pour la cause de Dieu : d'où le prosélytisme discret mais constant que les fidèles exercent à l'égard des non-musulmans qui les entourent.

    Pour les musulmans, l'amour du prochain ne peut pas être mis sur le même plan que l'amour de Dieu. Cela ne veut pas dire que l'Islam ignore la charité fraternelle,[bien que le véritable frère ne soit pas l'homme mais le musulman] La charité [dans l'Islam] n'est pas constitutive de la foi,   simplement elle relève du commandement divin. Le musulman pratique la charité fraternelle parce qu'il y a un commandement de Dieu qui dit qu'il faut pratiquer la charité fraternelle.

    En d'autres termes, celui qui n'aimerait pas ses frères musulmans ne serait pas parfaitement obéissant à Dieu parce qu'il y aurait en lui un sentiment qui l'isolerait de ceux qui pratiquent cette obéissance. Un tel homme serait un menteur mais c'est le mensonge qui écarterait de lui la foi et non le fait pris en lui-même de ne pas aimer son prochain.  Ah j'aimerais que vous répondiez à la question : pourquoi est-ce que vous aimez votre prochain ? Est-elle différente de la raison pour laquelle le musulman aime son prochain et la raison pour laquelle VOUS chrétiens vous aimez ?  Est-ce que pour vous la charité fraternelle est un commandement de Dieu parmi d'autres commandements de Dieu ? Autrement dit est-ce que pour vous chrétien, la charité fraternelle est constitutive de la foi ? C'est là qu'il y a une différence assez considérable avec l'Islam.  Pour les musulmans la charité fraternelle est extérieure à la foi. Et les incroyants il faut les haïr pour Dieu (!). En d'autres termes, ce n'est pas l'homme simplement parce qu'il est homme que le musulman doit aimer mails le croyant en tant que croyant. En chrétienté, nous sommes dans un tel état de dégradation que nous aimons notre prochain parce que c'est un commandement de Dieu parmi les autres !

    Si un musulman perd la foi on le considérera comme membre de la communauté ; on le considérera comme politiquement musulman. Il n'y aura pas de rupture. On gardera une attitude extérieure de respect. En tout cas, la pression sociale ne permettra pas à l'apostat de traiter l'Islam comme par exemple Voltaire a traité le christianisme. C'est d'ailleurs là une situation qui évolue rapidement : ces dernières années, l'athéisme chez certains étudiants musulmans prend tout simplement la forme du communisme.

    Vous voyez donc que le dogme musulman représente un ensemble simple et extrêmement cohérent. C'est ici que se situe l'essentiel de notre propos. finalement, tout ce ramène à ceci : le Dieu de l'Islam n'est pas le Dieu du christianisme parce que le Dieu de l'Islam n'est pas Trinité. Si Dieu n'est pas Trinité, il est évident que Jésus ne peut pas être Dieu. Si Jésus n'est pas Dieu, la Révélation n'est pas pour l'Islam ce qu'elle est  pour les Eglises chrétiennes et du coup, la vision de l'Histoire n'est pas et ne peut pas être la même. Aucun compromis n'est possible. je dirais que le dialogue est nécessaire, bien sûr. Et autre chose le dialogue, autre chose le compromis. Aucun compromis n'est possible car la vision chrétienne de l'Histoire fondée sur la Révélation, elle-même fondée sur l'Incarnation, elle même fondée sur la Trinité, engage l'absolu de l'existence. J'en reviens toujours à la même chose : qu'est-ce que vous croyez ? Pourquoi êtes-vous chrétiens ? je crois que Dieu est Trinité ; je crois que Dieu s'est incarné ; je crois que la vocation de l'homme est de participer éternellement à la vie divine. Et ces trois choses se tiennent. Trois choses que l'Islam rejette purement et simplement. Le Coran rejette radicalement le dogme de la Trinité. C'est terrible mais l'Unité de Dieu est pour le Coran incompatible avec la Trinité des Personnes. ("Infidèle est celui qui dit que Dieu est Trinité" (sourate 5). En outre parler de "paternité divine" c'est un blasphème. Je crois qu'il y a chez Mahomet une impuissance métaphysique à concevoir la Trinité comme la perfection de l'Unique. Et je crois que tout est là. Pour nous chrétiens , la Trinité c'est la perfection de l'Unique car une Unité qui ne serait pas Trinité serait une plate Unité (a=a)

    Il y a des mystiques musulmans qui ont pressenti la Trinité. Si Dieu n'est pas Trinité nous ne pouvons pas dire que Dieu est Amour. Et si je devais choisir entre l'athéisme et un Dieu qui ne serait pas Trinité je choisirai l'athéisme ! Le plus grand des mystiques musulmans et le plus proche du christianisme est Al-Halladj qui fut flagellé, mutilé, accroché à un gibet puis décapité à Bagdad (en 922): c'était un mystique d'une prodigieuse érudition.  (A suivre...)

                                                               Père François Varillon