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L'Eucharistie (2)

Suite du post précédent. Retranscription d'une conférence enregistrée dans les années 1970.

 

 Le Christ, Lui, parce qu'Il est Dieu et parce qu'Il est sans péché peut renoncer à son existence naturelle et historique. Il peut mourir au monde des hommes sans cesser d'être pour l'humanité l'Epoux qui se donne. Et tout est là. Le Christ est donc le seul à pouvoir accomplir le vœu suprême de l'Amour c'est-à-dire se faire la véritable nourriture de l'humanité, réaliser la fusion, sans confusion, et devenir vraiment, en rigueur de termes, la chair de notre chair. Cela revient à dire que les épousailles ne peuvent se réaliser en plénitude  que dans l'union que le Christ réalise avec nous dans l'Eucharistie. Et le mariage devra essayer, autant qu'il est possible ici-bas, de se modeler (c'est ça le mariage chrétien) sur les épousailles que le Christ réalise avec l'humanité lorsqu'il se fait sa nourriture et qu'il devient vraiment la chair de sa chair. Si j'insiste là-dessus très fortement c'est que il y a une tendance, à l'heure actuelle, à se contenter, quand il s'agit de l' Eucharistie, du symbolisme du repas, c'est-à-dire le fait que l'on est ensemble et que l'on partage un repas fraternel. Remarquons qu'il est très important qu'il y ait un repas fraternel et l'Eucharistie c'est bien un repas fraternel. Seulement ce n'est pas n'importe quel repas.  Ce n'est pas seulement l'union des hommes entre eux à l'occasion d'un repas, c'est l'union de chacun avec le Christ qui a pour conséquence nécessaire l'union des hommes entre eux. Or, une certaine tendance à l'heure actuelle, très dangereuse, consiste à mettre tellement l'accent sur l'union des hommes entre eux qu'on finit par oublier que cette union des hommes entre eux ne peut être quelque chose de solide et d'efficace que si c'est l'union de chacun avec le Christ. On risque d'abolir le "vertical" au profit de "l'horizontal". Ce qu'on appelle le "vertical" c'est l'union au Christ ; ce qu'on appelle l' "horizontal" c'est l'union des hommes entre eux. La réalité c'est que le vertical et l'horizontal ne peuvent pas être séparés. Et vous comprenez pourquoi l'Eucharistie c'est le sacrement du mystère de la Mort et de la Résurrection du Seigneur ; car si le Seigneur Jésus n'était pas mort  Il ne pourrait pas être nourriture. Le fond du mystère eucharistique c'est que le Christ mort et ressuscité se fait notre nourriture pour devenir (beaucoup plus radicalement qu'une étreinte qui rapproche un instant  deux corps) la chair de la chair de l'humanité. Et l'humanité qui reçoit le Corps du Christ est entraînée dans ce mystère de Mort et de Résurrection de telle sorte qu'en recevant l'Eucharistie nous nous engageons à mourir à tout ce qui est égoïsme et limitations humaines et à travailler du même coup  à la réconciliation des hommes entre eux. Voilà le fond des choses qu'il ne faut pas oublier et que certains risquent de mettre en sourdine. L'Eucharistie est un repas, bien sûr, mais un repas dans un contexte pascal : Pâques c'est la Mort et la Résurrection du Seigneur. D'ailleurs la nouvelle liturgie nous permet de bien comprendre les choses puisque nous disons, explicitement, aussitôt après la consécration : "Nous proclamons ta mort Seigneur Jésus ; nous célébrons ta Résurrection et nous attendons ta venue dans la Gloire." Le pain et le vin sont consacrés c'est-à-dire qu'ils deviennent le Corps et le Sang du Christ en liaison avec la Passion : "au moment d'être livré et d'entrer librement dans sa Passion Jésus prit du pain, le bénit, le rompit et le donna en disant : ceci est mon corps". Car si le Christ n'était pas allé jusqu'au bout de l'amour c'est-à-dire la mort, Il ne pourrait pas se donner à nous en nourriture et réaliser du même coup ce qu'aucun mariage humain  ne peut réaliser c'est-à-dire la véritable fusion sans confusion de deux en un. Dans le mystère de l'Eucharistie il y a donc deux dominantes : c'est une manducation et une manducation ensemble.  Manducation c'est-à-dire intimité "conjugale" avec le Christ ; "manducation ensemble" c'est-à-dire communion avec autrui en vue de la réconciliation des hommes dans l'amour. Au lieu de dire "nous allons communier" car le mot risque d'être un peu abstrait disons donc : nous allons manger le Christ "ensemble". Alors c'est sur "ensemble" qu'il s'agit de ne pas se tromper. On mange "ensemble" c'est vrai mais ce n'est pas l'ensemble qui se réalise dans un repas ordinaire. Autrement dit le lien qui unit les convives n'est pas leur volonté commune d'être ensemble. Il n'y a pas d'eucharistie authentique sans un engagement profond à mourir à son égoïsme pour travailler à l'union des hommes entre eux.

Le lien qui unit les convives n'est pas le lien qui unit les convives dans un repas ordinaire (la volonté d'être ensemble et de manger ensemble).  Quand il s'agit de l'Eucharistie c'est le Christ lui-même qui unit les chrétiens. La célébration eucharistique n'est pas un acte individuel. C'est un acte communautaire, c'est un acte social, c'est très vrai, c'est incontestable. Mais n'allons pas pour autant mettre en doute la transcendance de l'origine et de la signification  de l'Eucharistie : c'est le Christ qui convoque au repas fraternel.  

C'est un fait que beaucoup de nos contemporains ne comprennent plus grand chose à l'Eucharistie. Le geste tout simple du repas que l'on prend ensemble est devenu - sous la pression de l'impératif du nombre - une cérémonie, pour un peu un spectacle.

                     A suivre...prochain post

                     François Varillon s.j

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