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L'Eucharistie (1)

Retranscription d'une conférence orale donnée par François Varillon (années 1970).

 

Ne vous attendez pas à ce que je vous fasse un exposé complet sur l'Eucharistie.  Il est impossible d'envisager en une heure tous les aspects de ce mystère qui est vraiment le mystère central de notre foi qui résume tout. Mais je suis obligé de choisir un certain nombre de points  les plus importants  me semble t-il à l'heure actuelle, étant donné les tendances qui peuvent se faire jour ici où là dans l'Eglise et qui risqueraient soit de minimiser, soit de fausser le sens de l'Eucharistie. Mon exposé sera très  classique mais je vais m'efforcer d'exprimer les choses  les plus traditionnelles en un langage qui soit accessible à tous.

La première chose qu'il faut dire c'est que l'Eucharistie est essentiellement une nourriture. C'est le Sacrement du Christ qui se donne lui-même en nourriture aux hommes pour les transformer en lui-même. Dans la nourriture ordinaire, c'est la nourriture qui se transforme en nous. C'est ce que nous mangeons qui devient notre chair et notre sang. Dans l'Eucharistie, et étant donné qu'il s'agit de Dieu lui-même, c'est l'inverse qui se produit : c'est le Christ qui nous transforme en lui-même pour que nous devenions ce qu'il est. L'Eucharistie est un sacrifice parce que le Christ fait don de lui-même en nourriture. Et c'est un sacrement parce que le Christ se rend présent sous le signe d'une nourriture. Il est très important de ne pas oublier que c'est véritablement là l'essentiel :  nourriture c'est le mot clé. Toute réflexion sur l'Eucharistie qui ne prendrait pas pour point de départ cette réalité du Christ qui se donne en nourriture risquerait d'être faux.  Je pense que la meilleure manière de comprendre les choses c'est de comparer l'Eucharistie au mariage. La comparaison entre l' Eucharistie et le mariage est quelque chose de traditionnel  dans l'Eglise. On n'imagine pas le nombre d'écrivains de l'Antiquité, du Moyen-âge qui ont écrit pour faire comprendre le rapprochement entre la mariage et l' Eucharistie. Pour bien comprendre ce qu'est le mariage il faut penser à l'Eucharistie. Et quand on parle de l'Eucharistie, pour bien comprendre ce qu'elle est, il faut penser au mariage. En effet, l'Eucharistie comme le mariage est un mystère d'union, d'union dans l'amour et par l'amour. Le dessein fondamental de Dieu quand il crée c'est de s'unir tous les hommes dans l'amour pour leur faire partager sa vie propre. Ce qu'on peut exprimer en disant que si Dieu crée c'est afin d'épouser l'humanité. Le dessein d'épouser l'humanité est déjà présent au cœur de l'Acte créateur. Et si Dieu s'incarne et s'il devient un homme dans la personne du Christ c'est afin de réaliser ce dessein. Dessein d'union. Or le vœu profond, le désir profond  de l'amour conjugal ne s'arrête pas à l'étreinte de deux corps qui restent extérieurs l'un à l'autre. Dans l'amour conjugale, on réalise bien sûr cette étreinte amoureuse de deux corps, mais les deux corps restent inévitablement extérieurs l'un à l'autre. Le vœu profond de l'amour ce n'est pas seulement cette étreinte qui laisse les corps l'un en dehors de l'autre. Le désir profond qui est au cœur de l'amour c'est la fusion. La fusion de deux en un. Une fusion sans confusion. Evidemment nous n'analysons pas toujours ce que nous éprouvons dans le désir amoureux. Le véritable désir qui est dans l'amour c'est cette fusion dans laquelle chacun ne veut exister que pour se laisser "consommer" par l'autre en devenant "sa nourriture" et - comme dit saint Paul - en devenant la chair de sa chair. En réalité, ce désir profond de l'amour ne peut jamais s'accomplir ici-bas pour ne faire qu'un en rigueur de terme avec celui ou avec celle que nous aimons. Entrer dans l'amour c'est toujours entrer dans la souffrance sans oublier que c'est toujours entrer dans la joie. La joie d'aimer est supérieure à toute autre joie. Il est inutile d'insister tellement c'est évident. Entrer dans l'amour c'est toujours enter dans la souffrance parce que l'amour ne peut pas être parfaitement achevé ici-bas. La mort naturelle n'accomplit pas l'amour, elle y met au contraire un obstacle puisqu'on disparaît, que l'autre -celui ou celle qu'on aime, n'est plus là. 

               A suivre...

               François Varillon s.j

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