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Artisanat de la Parole (6) : par l'oeil, l'oreille et la bouche

Notre lectio mobilise d'abord des organes récepteurs qui sont l'oeil et l'oreille. L'oeil fait office de " curseur " : il court après le Verbe, il suit Jésus du regard (la lectio est la première forme de la sequela Christi). L'objet ultime de notre vision, alors, ce n'est point le texte, mais la Voix. Prêtons bien attention à la manière dont l'auteur de l'Apocalypse rapporte son expérience : Je me retournerai pour voir la Voix qui me parlait (Ap. 1,12) Je me retournai : c'est l'épistrophè, le mouvement de conversion, le même que celui de Marie-Madeleine dans le jardin du matin de Pâques (Jn 20,16). Pour voir la Voix. Notre lectio demeure un exercice mondain et profane aussi longtemps que nous ne voyons qu'un livre ; c'est la Voix qu'il faut voir, dans une magnifique synesthésie qui suppose bien sûr l'incarnation du Verbe. Et puis, quand nous lisons, il y a l'oreille. Le tout premier mouvement du "cycle" va de notre oeil à notre oreille. Car nous devons entendre immédiatement ce que nous lisons, convertir le visuel en auditif. L'oreille du corps, dans la liturgie où la proclamation de la Parole nous la rend tout aussitôt assimilable par voix auditive (d'où l'importance considérable de la liturgie !). L'oreille du coeur surtout, cette oreille interne qu'amadoue le Psalmiste : Audi, filia (Ps 44,11.vulg.) et saint Benoît après lui : Inclina aurem cordis tui... (Reg. Ben., Prol.) Parmi les organes récepteurs, n'oublions pas non plus la bouche qui murmure la Parole et la rumine ; il y a toute une oralité de la lectio, trop souvent négligée (elle était pourtant familière aux anciens) et qui touche de fort près, au demeurant, à celle de l'Opus Dei. 

Par l'oeil, l'oreille et la bouche, la Parole gagne l'organe central qui est le coeur. Soyons plus exact : le texte écrit impressionne l'oeil et, passant de l'oeil à l'oreille puis de l'oreille au coeur, il devient Parole. Oui, la première phase du cycle, celle qui va de l'oeil au coeur, consiste en somme dans la transformation de l'écrit en Parole. Cette transformation-là est fondamentale ; c'est même l'industrie majeure qui se pratique dans notre atelier. Nous sommes des transformateurs de l'écrit en Parole. Le lieu propre de la Parole, c'est le coeur, selon ce que le psalmiste dit du juste : La torah de son Dieu est dans son coeur (Ps 37,31), et notre coeur, c'est l'Ecritoire de Dieu, comme il appert du prophète Jérémie : Je donnerai ma torah dans leur dedans et sur leur coeur Je l'écrirai (Jr 31,33 ; voir aussi 2 Co 3,3). En somme, pendant que nous transformons l'écrit en Parole, l'Esprit de Dieu transforme la Parole en Ecrit.     

 

François Cassingena, Lettre sur la Lectio divina  

F. Cassingena est moine à l'abbaye de Ligugé.

Ses livres (en particulier Etincelles I, II et III) peuvent être commandés en ligne : http://www.europart-diffusion.com/f/index.php?sp=coll&collection_id=4

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