Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

souillure, culpabilité et péché

La capacité à se réconcilier avec autrui dépend de la réconciliation avec soi-même. Pour situer la nature de celle-ci, il est utile de rappeler la distinction faite par Ricoeur entre souillure, péché et culpabilité dans l'expérience du mal (cf. Paul Ricoeur - Le conflit des interprétations - Seuil, 1969. p. 486). Le sentiment de la souillure est le plus archaïque. Il est lié à la crainte d'avoir enfreint un interdit et d' être justiciable de la vengeance d'une puissance sacrée. Il s'exprime dans la symbolique du pur et de l'impur et requiert donc une purification afin que l'être amoindri soit restauré dans sa dignité. Celle-ci a été atteinte par l'irruption d'un mal extérieur reconnu présent au-dedans de soi. La gestion de la souillure est donc, avant tout, d'ordre rituel afin que l'extériorité du mal ne vienne plus submerger l'intérieur de l'homme. Dépassant l'identification faite par les religions anciennes entre le mal et la souillure, la Bible a introduit pour sa part la notion de péché,  définissant l'action mauvaise comme étant un acte accompli devant Dieu. Ce mal n'est plus d'abord une réalité extérieure devenue intérieure, mais un écart entre le comportement effectif et les exigences de l'alliance avec Dieu. Le péché est un acte objectif qui entraîne la rupture de la relation avec le Créateur. Il provoque la colère divine et constitue à ce titre une menace d' anéantissement. Enfin, la naissance du sentiment de culpabilité constitue une nouvelle étape dans l'interprétation du mal. Elle est liée initialement au développement de la conscience subjective du péché. Cet affinement du jugement personnel dans la responsabilité à l'égard du mal peut finalement se détacher de la notion de péché elle-même. La perception d'une action accomplie "devant Dieu" cède la place au sentiment d'être, à ses propres yeux,  coupable de cet acte. À l'image de l'écart propre à la notion de péché se substitue alors celle d'un poids pesant sur la conscience, une conscience qui se juge elle-même selon les critères de la raison.  Aujourd'hui, chacun de ces aspects de l'expérience du mal peuvent se compénétrer à des degrés divers.

Le sentiment d'être pécheur relève de l'expérience religieuse, tandis que le sentiment de culpabilité peut s'interpréter du seul point de vue psychologique. Se reconnaître pécheur et se sentir coupable ne sont pas des actes équivalents, même s'ils peuvent être vécus dans le cadre d'une même situation. Le sentiment de culpabilité est une réalité universelle, que connaît tout être humain et dont les ressorts profonds sont inconscients. Il s'éprouve cependant consciemment en relation plus ou moins explicite avec des fautes objectives, mais ni la faute, ni le sentiment éprouvé subjectivement ne sont suffisants pour parler de péché. Ce terme est en effet une réalité  de foi qui suppose la conscience d' avoir blessé l'amour de Dieu. Concrètement, cela signifie que la confession des péchés n'est pas une auto accusation, mais un aveu fait à Dieu. Dans le premier cas, le sujet reste en présence de lui-même et de sa déception au regard de ce qu'il souhaiterait être. Dans le second, il prend conscience de son égarement en accueillant  l'amour de Dieu. La culpabilité est source de crainte lorsqu'il y a violation d'un interdit, ou de honte s'il s'agit d'une perte de l'estime de soi au regard d'un idéal.

Olivier Rousseau - L'inconnu en chemin - DDB 2008, PP. 289-290

Les commentaires sont fermés.