La Bible est un univers à plusieurs dimensions: le lecteur peut y voir simplement un monument de la culture universelle. Il peut ensuite y découvrir un extraordinaire éventail de l'expérience humaine capable d'éclairer sa propre quête de sens. Il peut enfin être touché par la Parole et discerner une Présence. Selon les attentes et les convictions de chacun, c'est une fenêtre sur l'univers insondable de Dieu, mais aussi sur celui de l'humain, de sa culture, de son histoire individuelle et sociale. Chaque approche est légitime, la Bible ayant cessé d'être le monopole de l'Église. Du point de vue culturel, c'est un objet susceptible de multiples modes d'investigations littéraires, philosophiques et scientifiques. Du point de vue personnel, c'est un champ symbolique grâce auquel le lecteur peut relire sa propre existence. Expériences, personnages ou récits permettent à chacun de dialoguer avec lui-même par la médiation du texte et d'y percevoir comme en un miroir une révélation de son être inconnu. Le croyant, quant à lui, aborde l'Écriture comme une lettre que Dieu lui adresse, comme une invitation à entrer en communion avec lui. Lorsque cela advient, le temps fait comme un arrêt sur image, l' être intérieur surgit dans la lumière du pardon, la vie s'illumine dans la liberté du oui. École d'humanité, de réconciliation, de vie, la Parole agit différemment selon les lectures que nous en faisons.
Pour le lecteur qui aborde le texte sacré comme une médiation de sa relation au Christ, un cheminement est nécessaire. L'accès au mystère proprement dit ne saurait être immédiat. Le passage de l'intelligence au cœur nécessite une progressivité. La raison d'être d'une méthode de lecture fondée sur les quatre sens de l'Écriture est donc avant tout d'ordre pédagogique. [...]
La lectio divina correspond à ce travail d' appropriation de la Parole capable de transformer l'être tout à la fois charnel et spirituel et de l'unir à Dieu. La spiritualité de la "lecture divine" est ainsi une sorte de propédeutique favorisant l'apprentissage de l'écoute jusqu'à ce que la Parole fasse jaillir en nous la prière. Elle nous achemine du plus extérieur au plus intérieur, de la simple compréhension à l'expérience de la relation à Dieu. Chaque sens de l'Écriture, ainsi abordé dans la foi, comporte cette dimension de rencontre que représente tout acte de parole. De ce point de vue, le sens littéral est puissance d'énonciation: « C'est moi, le Seigneur qui te le dis ! »; le sens allégorique renvoie à la - communication d' un message: « Écoute ce que je te dis! »; le sens moral correspond à un interpellation concernant la réalité que la Parole de Dieu nous fait découvrir: « Fais-le et tu vivras ! »; enfin le sens anagogique est cet confirmation de la promesse capable d'ouvrir le chemin de l'inconnu : "Je suis avec toi "
Olivier Rousseau - L'inconnu en chemin - DDB 2008, pp. 295-296